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Galafata

Galafatà v.tr. « boucher avec de l’étoupe un vaisseau, un tonneau qui fuit » (S), calfater en français devenu calfeutrer par altération de calfater avec développement d’un -r- épenthétique par croisement sémantique avec feutre, le feutre ayant servi de bourre.

Etymologie: calafata est attesté en ancien occitan depuis le XIIIe siècle, avec le sens « boucher les fentes et les joints d’une embarcation avec de l’étoupe goudronnée ». Le calfat (1455), galafat (Marseille) est l’ouvrier qui fait ce boulot, galafataire en ancien occitan, et le galefat « le coin pour calfater ». On a longtemps cru que le mot venait du grec kalaphateiv, mais l’éminent linguiste espagnol Juan Corominas a découvert que le mot arabe galfat, qalfat ou qalafa « calfater » est attesté depuis le VIIe siècle. Il est donc probable que le grec l’a emprunté à l’arabe. Il semble d’après le TLF que le mot arabe a été emprunté au bas latin *calefare ou *calefectare (lat. class. calefacere,  » chauffer »  ce qui s’explique par le fait qu’on chauffe du goudron pour calfater un bateau.

galafataires
et galefat

Il est probable que le mot s’est répandu en langue d’oïl à partir des ports méditerranéens. Galafataire est passé en français  en devenant galefretier « coquin, vaurien » grâce à Rabelais, plus tard « va-nu-pieds ». Dans le TLF galfâtre « goinfre; propre à rien ». Le FEW pense que le sens péjoratief qu’a pris le mot avec un g- initial est dû à l’influence de la famille de galafre « goinfre », mais cela n’explique pas pourquoi néerlandais kalefateren, et allemand kalfatern sont également plus ou moins péjoratifs. Je pense qu’il s’agit du même phénomène qu’on constate dans le mot bricolage qui peut prendre le sens péjoratif de « travail d’amateur’. Un  galafataire bouche des trous.

La forme avec g- reste mystérieuse. Je me demande pourquoi personne n’a pensé que Marseille ou un autre port méridional pourrait avoir emprunté la technique et le mot directement à l’arabe galfat ? et que les galafataires au début étaient des techniciens immigrés ? Il semble que les calfats étaient très estimés; voir le site archeoprovence  :

« Il est dit, dans les statuts des calfats de Marseille et de Nice, statuts qui s’appliquaient à tout le littoral méditerranéen, que lorsque des patrons voudront « brusquer pour radouber », ils devront recourir aux seuls maîtres calfats et à leurs « fadarins » (apprentis) qui seront conduits par un « cap d’obre » (contremaître). En lisant les statuts de 1489, on constate que leur corps de métier est doté d’un monopole et qu’il constitue une sorte de service public [20] . Trois prud’hommes étaient nommés et élus « cap d’obre » pour un an. Ils devaient protéger les calfats et servir d’arbitres lors des différents survenus entre les capitaines ou patrons de bateaux et les calfats et fadarins« .

Ensuite le mot galafataire a pris en occitan un sens péjoratif. La forme occitane a gardé ce caractère péjoratif quand Rabelais l’a mis dans ses bagages en rentrant de Montpellier. Il faut encore noter que les formes avec g- se trouvent surtout à l’ouest du Rhône; est-ce un hasard?

Engarrafata   a le sens : « s’emmitoufler avec beaucoup de choses » d’après mon témoin de Manduel. Sens  confirmé par un dictionnaire du patois d’Ales.

Italien calafatare , portugais calafetar, espagnol calafatear, catalan calafatar

Gafa

Gafa « gué »

……..gafar dans une gafa

En occitan, principalement en provençal, et en franco-provençal existe le verbe gafar « patauger », un dérivé du mot gafo « gué ».  L’origine serait le gaulois *wasto « gué » devenu régulièrement *wafo dans la bouche des habitants de nos régions et plus tard gafo comme tous les mots dont la première lettre est un w-.

Le verbe gafar « patauger » est  attesté en provençal depuis le XVe siècle (Avignon, 1484). En  languedocien il y a quelques attestations comme  gaf m. « gué » (S) et le Gaffe-de-Goyran dans le Gard (où?),  La Grange de la Gaffe à Villeneuve d’Avignon et le Pont de la Gaffe à Barbentane. En dehors de ces quelques attestations gafar et les dérivés ne se trouvent qu’à l’est du Rhône.   En français régional provençal : gafe « gué »: On va devoir passer la rivière à la gafe ; faire la gafe, c’est tracer le chemin, donner l’exemple. Et un dérivé: gafouia « guéer patauger » On va encore gafouiller ! Le nistoun adore gafouiller dans l’eau ! (Lexilogos).

Pont La Gaffe

L’origine serait un mot gaulois *wasto « gué » devenu régulièrement *wafo dans la bouche des habitants de nos régions et plus tard gafo comme tous les mots dont la première lettre est un w-.

A l’ouest du Rhône c’est le type gasar « « passer à gué« ,  gasa  qui domine.  Je me demande s’il faut supposer une origine celtique pour le provençal et le franco-provençal et une origine germanique pour le langue docien.  Voir mon article  Marche Nîmoise à propos de cette  limite linguistique, politique, ecclésiastique et géographique.

Dans l’article gafar « accrocher, etc. » d’Alibert nous trouvons le dérivé gafarot « passeur de rivière » qui fait partie de ce groupe, comme peut-être gafa « rat de cave » puisqu’il patauge dans la boue.  Il mentionne aussi le verbe gafolhar et ses dérives avec le sens « patauger » qui sont nés d’une combinaison de la racine gafa avec  verbe fouilla « mêler, remuer » provenant d’une racine *fodiculare (TLF s.v. fouiller)  Mais il ne fournit aucune indication de localisation.

Voir aussi l’article gasar .

Gabela

Gabela, gabala (Alibert), a la même étymologie que le mot  français gabelle,  l’arabe  qabala « impôt, fermage ». (cf. TLF) . Je pense que l’occitan l’a directement emprunté à la région italienne voisine.  Gabela est attesté en ancien occitan depuis le XIIe siècle  avec le sens  « impôt sur certaines denrées, par exemple drap, vin, sel », mais  le français gabelle  un siècle plus tard en 1267 « impôt sur le sel qu’on qu’on payait jusqu’à la Révolution ».

On trouve les formes gabella, cabella et parfois caballa dans des textes en latin du XIIIe siècle. A cette époque à Gênes gabella désigne le « monopole du sel » Les formes correspondantes se trouvent en italien gabella « impôt sur la marchandise » , sicilien gabella « fermage », piemontais gabèla « querelle, chamaillerie ». L’espagnol et le portugais gabela, ainsi que le catalan gabella et le français gabelle ont été empruntés à l’italien. Catalan et espagnol alcabala « impôt sur la vente » ont été empruntés directement à l’arabe.

Plusieurs dérivés ont été créés : ancien occitan gabelar « payer la gabelle pour quelque chose » (Castres 1355), gabelador « officier de la gabelle », et moyen français gabeloux « terme de mépris pour les employés de l’octroi ».

Le mot français à été prêté au suisse-allemand et au « schwäbisch »(= l’allemand parlé en Souabe (Schwaben, province de la Bavière) gabelle comme au néerlandais gabel.

Le Languedoc faisait partie des PAYS DE PETITE GABELLE. Les pays de petite gabelle étaient le Lyonnais, le Beaujolais, le Mâconnais, la Bresse, le Languedoc, la Provence, le Roussillon, le Velay, le Forez, les élections de Rodez et de Millau dans la généralité de Montauban, partie de la généralité de Riom. Le sel s’y vendait 40 à 42 livres le quintal dans le Lyonnais, 24 à 27 en Provence, en moyenne 6 à 8 sous la livre, et la consommation par tête, fort supérieure à celle des pays de grande gabelle à cause de la moindre cherté, atteignait sous Necker 11 livres trois quarts. Là aussi existaient des localités privilégiées: Gex, qui s’était racheté, le diocèse de Rieux, les villes de Cette, Aigues-Mortes, Arles, etc.

En cherchant une attestation pour  arabic « espèce de moustique », j’ai suivi une indication d’ E. Rolland concernant la Camargue et j’ai pu consulter  l’article suivant :

 Considérations sur les poissonsNos gouvernements n’ont rien inventé. L’exonération de la taxe existe depuis longtemps. Celle sur le sel s’appelait le franc-salé.  Le baron de Rivière a fait un petit calcul sur le prix d’un certain plat, quand il y a une exonération. Cela nous donne une idée précise sur le poids énorme de la gabelle et nous comprenons mieux le rôle que l’opposition à cette taxe a joué dans l’histoire de la France. Voici ce qu le Baron a écrit:

Cela ressemble à  la TIPP : taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Il y a un article très intéressant sur le rôle de la gabelle dans l’histoire de France dans Wikipedia.

Je pense que le mot   gabian avec le  sens « employé de fermier général » à Marseille; « douanier » à Nice et  « gabelou » à Puisserguier appartient a la même famille.  En tout cas je ne vois pas ce qu’ils ont en commun avec une « mouette » gavia  comme le prétend le FEW. (cf. gabian).

Gafa, gafar

Gafa « davier de tonnelier »c’est-à- dire une sorte de tenaille pour faire entrer les cerceaux du tonneau, appelée aussi « tirtoir »ou « chien ».

Gaf- « crochet », gafar signifie « gaffer ; mordre, harper; accrocher, suspendre; attraper; coller ». Alibert donne plusieurs dérivés avec des sens qui s’y rattachent, comme par exemple gafarot  « grateron, glouteron ;  les graferots   « fruits de la bardane » sont  nommés ainsi parce qu’ils s’accrochent aux vêtements ou aux poils des bêtes. D’autres formes: galafot (Puisserguier), galafoch (S). Gafarot  signifie d’après Alibert aussi « passeur de rivière » , mais ce gafarot  fait partie d’une autre famille de mots; cf. gafa « gué »

  gafa « crochet » gafarot   crochets

La famille de mots gaf- avec le sens « saisir » et ses dérivés est indigène dans le sud de la France jusqu’à la Loire.  Nous retrouvons cette famille de mots en catalan et espagnol gafa « crochet », esp. et portugais gafar « saisir ». La zone de répartition correspond à celle où la langue des Goths a influencé la langue romane indigène. Nous pouvons donc supposer un lien avec les mots germaniques Gaffel « fourche », anglais gaffle,  néerlandais gaffel .  Il faudra supposer un verbe   germanique *gaffon « saisir avec un crochet » créé à partir d’une racine *gaff-.

En allemand moderne le mot pour « fourchette » ou « fourche » est Gabel, mais aussi Gaffel dans certaines régions, qui a la même origine, comme Gaffelseil un type de voile de bateau et un Gaffelschoner un type de voilier. Cf. aussi anglais gable roof  « toit à pignon ». Dans le grand dictionnaire de l’allemand fait par les frères Grimm au XIXe siècle  est écrit que dans l’histoire du mot gab-, gaf-  nous trouvons un élément important de la préhistoire européenne! En effet on retrouve cette famille dans le celtique et dans le finlandais et les objets à base du crochet qu’ils désignent  sont essentiels dans beaucoup de métiers. .

gaffelaar       gaffel
Un gaffelaar du Brabant ou de Zeeland (NL).             Le gaffelzeil « voile gaffel » tient au mât par une fourche.

Le sens « maladresse » dans l’expression faire une gaffe , attestée depuis Larousse 1872, a été emprunté au langage des matelots pour qui la gaffe est « une perche garnie d’un crochet latéral pour pousser une barque, tirer quelque chose à bord etc. » et fait donc partie du même groupe. Peut-être qu’un matelot peut nous renseigner sur cette évolution sémantique?? Une gaffe utilisée maladroitement , c’est comme un croche-pied! Et si une gaffe peut servir à « pousser » comme à « tirer à bord », faire une gaffe peut bien devenir le contraire de ce qu’on veut faire  « une maladresse ». Dans le site du ‘TLF je trouve la suggestion suivante: « peut-être par allusion aux brimades auxquelles sont soumis les débutants ou les mousses. »

Le sens du mot anglais gaffe  « a silly mistake » (XIXe s., comme l’expression française ) correspond exactement au sens du mot français faire une gaffe « maladresse ». Il est difficile à admettre que l’étymologie proposée par les dictionnaires anglais gab « bavarder » soit juste, d’autant plus qu’il s’agit d’une expression marine!   Douglas Harper   écrit : « gaffe – « blunder, » 1909, from Fr. gaffe « clumsy remark, » originally « boat hook, » from O.Fr. gaffe, from O.Prov. gaf, probably from W.Goth. *gafa « hook, » from P.Gmc. *gafa. Sense connection is obscure. The gaff was also used to land big fish.  »

En restant dans le domaine maritime, le PDG de BP, Tony Hayward, est un gaffe-proner d’après le NewYork Times du 4 juin 2010 . Proner est probablement un emprunt au moyen français prone « porté vers, enclin » attesté depuis l’ancien français vers1173, du latin pronus  » penché en avant; enclin à ».

gaffe_proner
gaffe-proner

Faire gaffe  Le mot français gaffe dans l’expression faire gaffe par contre est d’origine argotique. La première attestation date de 1455, gaffre « gardien, sergent » , mais il ne réapparaît dans les textes et les dictionnaires qu’au XIXe siècle : le gaffe  » le guet », être en gaffe « aux aguets » et  le verbe argotique gaffer « guetter »,  en français moderne faire gaffe.

L’origine est probablement le mot allemand Gaffer « quelqu’un qui regarde la bouche et les yeux grand ouverts », du verbe gaffen « regarder fixement la bouche ouverte ». L’expression faire gaffe veut bien dire « bien regarder, les yeux grand ouverts ».  Il n’est pas improbable que le mot a été emprunté une deuxième fois au XIXe siècle au lieu de continuer l’ancien gaffre.

Le mot anglais gaffer « supervisor » gaffer – 1589, « elderly rustic, » apparently a contraction of godfather; originally « old man, » it was applied from 1841 to foremen and supervisors, which sense carried over 20c. to « electrician in charge of lighting on a film set. »  pourrait bien avoir la même origine.  Je ne vois pas très bien comment godfather  peut être prononcé  gaffer  en anglais comme le propose  Douglas Harper et autres.

Le sens moderne s’est spécifié dans le monde du cinéma : « le chef de l’éclairage dans un film ou studio TV ».  Vous le verrez dans les génériques. Un faux ami pour les Français.

Gasa, gasar, gasaire

Gasar « passer à gué, agiter le linge dans l’eau, guéer, promener un cheval dans l’eau »; v.intr. « se baigner »; ga « gué »; gasaire « qui passe à gué » (Alibert). Etymologie : germanique *wad  « un endroit peu profond ». FEW XVII,438a.

Le Midi Libre du 14 oct.2009 consacre un article à la gasa à Aigues Mortes. Dans le Thesoc gasier (Corrèze) et gassotier (Creuse) « flaque d’eau ».

Je pense qu’il faudra ré-étudier l’histoire des mots gasar et gafar « guéer », parce que je ne peux pas croire qu’ils aient une origine différente.

Waddenzee, Pays Bas

Le  Waddenzee  est la mer entre les îles et le continent.  Une réserve naturelle importante pour les oiseaux.

 

Masti

Masti « gros chien », voir mousti

Marran, marròt

Marran, marro,marol « bélier » (M). Mot d’origine ibérique ou basque qu’on trouve surtout en gascon et dans le bas Languedoc jusqu’à Béziers. Il a dû gagner Toulouse et se répandre à partir de là. Inconnu en provençal, mais il continue la  zone  catalane où marra  est le mot courant pour « bélier ». Pour Alibert un marran est aussi un « homme fort et vigoureux ».

Voir aussi les articles marela, marron.

Un visiteur de Pézénas (Hérault), me renseigne : marròt « bélier ». Cf. le proverbe feda jove e marrot vièlh auran lèu levat tropèl, « jeune brebis et vieux bélier auront vite produit un troupeau » , qui s’emploie pour un mariage entre une femme jeune et un mari beaucoup plus âgé.

Une visiteuse basque m’écrit : Le terme marro « bélier » existe aussi en basque. C’est évidemment un terme pré-roman.


Catalan marra ripoles

Margot

Margot signifie « pie » dans des parlers de l’Allier, des Bouches-du-Rhône; la Drôme et de l(Hérault.

On peut se demander quel rapport peut-il y avoir entre une pie et les nombreuses autres sens comme  un ersatz pour le beurre, une jeune fille, une pâquerette, la Reine Margot, une coccinelle, une mitrailleuse, une perle et un cordage maritime? V

                                     

L’histoire du mot latin margarita telle qu’elle est racontée par Walther von Wartburg  dan s le FEW montre clairement à quel point sa conception de l’étymologie est riche d’enseignements. En partant de l’étymon, l’histoire de chaque mot est racontée et expliquée  dans son contexte géo-linguistique et social.

Dans un dictionnaire étymologique ordinaire vous trouverez quelque chose comme margot « pie, du nom de jeune fille Margot forme abrégée de Marguerite du latin margarita « perle »  empruntée au grec. Éventuellement l’auteur rattache le mot grec à une racine indo-européenne et au Sanskrit parce que les Grecs ont importé les perles de l’Inde.

Dans le FEW par contre vous trouverez dans l’article margarita « perle » tous les mots, toutes les formes et toutes les significations qui se sont développées en galloroman et très souvent dans les autres langues romanes et germaniques. Pour avoir une idée de la richesse du FEW regardez la page que j’y consacre.

Le mot latin margarita « perle » est emprunté au grec. Il  est venu de l’Inde avec la chose au temps de Cicéron, premier siècle  av. J.-C. Les Romains adoraient les métaphores et ils ont dû faire comme nous en faisant un compliment à leur femme « margarita  es ! » Macrobe dit que pour l’empereur Auguste margarita était un terme de tendresse. Plus tard ils ont donné le nom Margarita à leurs filles. Sainte Marguerite d’Antioche (IIIe s.) par exemple est devenue très populaire.

                                                Sainte Marguerite d’Antioche

Tellement populaire que de nom propre Margarita est devenu nom commun *margarita « jeune fille ». Margot devient margot « femme » ou « jeune fille ». Par la suite nous constatons une évolution sémantique « femme » > « femme de petite vertu ».  Cette évolution est récurrente. En français le mot  fille par exemple a pris ce sens  depuis François Villon dans l’expression  « aller voir les filles ».   A partir du XVIe siècle nous avons des attestations sûres de margot ‘ femme ou fille de petite vertu’, transformé plus tard en margoton, puis goton.

J’ai l’impression en parcourant les définitions données pour margot  « fille peu modeste, drôlesse, d’humeur galante; petite personne sans conséquence,  de moeurs relâchées » etc. que le mot margot a une nuance affective. En néerlandais également Margriet abrégé en Griet est devenu nom commun griet ‘femme, fille’, comme  en allemand Gretchen  peut signifier « jeune femme ».

Déjà au XIVe siècle est attesté margot avec le sens « pie », bien avant que Jean de La Fontaine publie sa fable de Margot la pie (1694) et ce sens est bien vivant dans les patois.  Emprunté par le breton margot ‘pie’ et par l’anglais magpie. Alibert donne la forme margassa ‘pie-grièche’ qu’il fait venir de darnagas  « pie grièche », mais je pense qu’il s’agit plutôt d’un dérivé de margot avec changement de suffixe. La pie grièche est un oiseau soi-disant ‘cruel’.

margot ‘femme bavarde’ n’est attesté que depuis 1803, mais a dû exister bien avant cette date. L’argot anglais mag est associé au bavardage des femmes depuis 1410 au moins dans l’expression : Magge tales ‘nonsens’; magpie ‘pie’ depuis 1605.

Margarita ‘perle’. Il faut faire un pas en arrière. Le français et l’occitan sont les seules langues romanes où margarita a gardé le sens ‘perle’ : ancien français margerie et ancien occitan margarida. Il est passé en ancien anglais margeri perle, et toujours utilisé comme prénom Margery. Un sens figuré existe dans l’ Aveyron : morgoridos ‘appendices charnus de la chèvre’. Et Mistral donne comme languedocien l’adjectif margaridat pour une chèvre ‘qui a le cou mamelonné’.

morgoridos   Margery  bourgeon

Au XIIIe siècle margarite avec le sens ‘perle’ est de nouveau été empruntée au latin, mais le mot est fortement  concurrencé par perle. Nous ne la retrouvons que dans la vieille expression « Jeter des marguerites aux/devant les pourceaux », une référence à la Bible et en particulier à l’Evangile de Matthieu où l’on peut lire : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est saint et ne jetez pas vos perles [dans la traduction moderne]devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds et se tournant contre vous, ne vous déchirent ».  Pour connaître les expressions correspondantes dans d’autres langues, cliquez sur ce lien.

Détail du fameux tableau Proverbes flamands de Pieter Brueghel l’Ancien

Le mot perle a remplacé marguerite  parce que marguerite signifie aussi »‘pâquerette » depuis le XIIIe siècle et plus tard « la grande marguerite » probablement par comparaison des bourgeons des pâquerettes ou des marguerites qui ont un aspect nacré, à des perles.  Voir la première image ci-dessus. Au XVe -XVIe siècle on distinguait la petite marguerite, occitan pitchouno margarido (Toulouse) de la marguerite / margarido tout court (leucanthemum vulgare). Ensuite la pâquerette devient la margarideto.

Avec différents adjectifs le même nom a été donné à bien d’autres fleurs. Le transfert sémantique de margarita « perle » > « fleur » s’est répandu dans toutes les langues romanes et même au delà : italien margheritina, espagnol et portugais margarita, catalan margarida, anglais marguerite (maintenant daisy), néerlandais margriet.

Reste la margarine. Je copie ce que j’ai trouvé dans un site sur le chimiste français Chevreul qui l’a inventée:

  margarine.

Il débuta par l’examen d’une substance obtenue en délayant le savon de la graisse de porc dans une grande masse d’eau. Une partie se dissout, une autre se précipite en petites paillettes brillantes, sorte de matière nacrée. Cette matière nacrée, attaquée alors par l’acide muriatique, se sépara en chlorure de potassium, et en un autre corps composé fusible vers 56°, qu’il proposa d’abord de nommer margarine, du grec margaritha perle’. La matière nacrée constituait sa combinaison avec la potasse. L’existence de ces composés soulevait un problème non moins général et inattendu, celui des acides organiques insolubles dans l’eau. Or l’existence d’un acide de ce genre parut si extraordinaire, si contraire à tous les faits alors connus, que Chevreul hésita d’abord et n’osa se prononcer. Ce ne fut que plus tard, après avoir préparé et étudié les sels de composition définie que ce corps formait avec les alcalis terreux et les oxydes métalliques, que Chevreul se décida à changer le nom de margarine en celui d’acide margarique. Ce nom aurait dû rester dans la science ; mais par suite de cette manie, trop fréquente dans les sciences naturelles, de démarquer le linge de ses prédécesseurs, on a remplacé le nom d’acide margarique par celui d’acide palmitique » .http://hdelboy.club.fr/Chevreul.html

  Le cocktail Margarita doit être servie dans un verre à margarita givré au sel fin.  ce qui donne un aspect nacré au sel.

Dans le roman historique Les Roses de la vie  Robert Merle.  utilise régulièrement l’expression à la franche marguerite « franchement, sans détours » qui est attestée depuis le XVIe siècle. En occitan a la franco margarido. L’expression semble encore être vivante en Suisse romande. L’origine est inconnue. Peut-être est-elle liée à la vieille tradition d’effeuiller une marguerite. :  A chaque pétale arraché correspond un sentiment d’un homme ou d’une femme : « Il/elle m’aime un peu – beaucoup – à la folie – passionnément – pas du tout ». Au dernier pétale arraché correspond la réponse à la question « m’aime-t-il ? ». La réponse est a la franco margarido.

effeuiller une marguerite

Margaridelhas. Un dernier exemple du riche développement de  margarita : ‘je trouve le dérivé suivant: margaridelhas les « 4 rondelles de l’enclumette » . (Alibert)

margaridelhas