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Acoular

Acoulà « réunir, louer des journaliers pour les faire travailler ensemble ».voir  colo

Colo

Colo, còla « troupe, compagnie de travailleurs ruraux; couple de chevaux ».  A Manduel il y avait les colos de vendemiaires (l’associaton du patrimoine de Manduel possède des photos des colo) et en Rouergue les còlas de segaires (les moissonneurs). Dans sa grammaire Louis Piat donne comme exemple: uno colo de droulas « un groupe de bambins ». De personnes qui ne pouvaient pas travailler ensemble, on disait : « tiron pas de colo« .

Etymologie. En ancien occitan le verbe acoular signifiait « atteler des animaux de front » ce qui en occitan moderne est devenu acoulà « réunir, louer des journaliers pour les faire travailler ensemble ». Le mot est composé de ad + collum + le suffixe -are de l’infinitif. Latin collum « cou ». adcollare veut donc dire « mettre un joug sur les cous de deux animaux ».

A partir de ce verbe a été formé le substantif cola qui dans le Cantal désigne « un couple de chevaux attelés ensemble ». Suivant les cultures locales la cola , colo est un groupe de vendangeurs, de moissonneurs , de ouvriers, de faucheurs. » En ville cela donne « une bande » tout court (Alès) ou « une compagnie de fête » (Toulouse).


Une colo qui rentre

PS. Je remarque une évolution analogue dans le néerlandais : ploeg « charrue ». La charrue était tirée par des boeufs ou des chevaux.. Maintenant le mot signifie aussi « équipe », p.ex. dans le travail, le foot etc.


ploeg et ploeg

Cocagne

Cocagne Cocaigne,« boulette de pastel » voir pastel.

Pastel

Pastel « guède isatis tinctoria; pastel ». Etymologie d’un mot languedocien devenu international, p.ex. anglais pastel. Un dérivé du latin pasta « pâte de farine « . C’est le TLF en faisant deux articles pastel qui m’a mis la puce à l’oreille : 1) guède ou isatis tinctoria et 2) poudre de couleur agglomérée en pâte servant à préparer des crayons de couleur. Dans le paragraphe étymologie, le TLF suit von Wartburg pastellus « guède » et suppose une origine languedocienne, parce que cette plante était surtout cultivée dans le Haut Languedoc, en particulier le Lauragais. Dans : Hofmann, Johann Jacob (1635-1706): Lexicon Universale, on trouve:

et

Les premières attestations viennent en effet de cette région. Je cite un des nombreux sites consacrés à son histoire qui nous fournit en même temps l’étymologie (incertaine) du mot cocagne:
« Le pastel a donné au Lauragais du 15ème au 16ème siècle une richesse jamais retrouvée, un siècle d’or (de 1462 à 1562) qui a vu le pays se couvrir de châteaux, d’églises et de pigeonniers. Les coques également appelées cocaignes ou cocagnes, sont des boules séchées et dures de feuilles de pastel écrasées. C’est la plante mythique du pays de Laurac, on l’appelle  » l’herbe du Lauragais », c’est dire combien la région et la plante sont étroitement liées. Plusieurs pays cultivaient pourtant le pastel mais comme le disait Olivier de Serres : « le pastel ne vient bien qu’en Lauragais ».

A l’époque le pastel valait de l’or! Dans un document notarial de 1405 sur la création d’une société de commerce du pastel entre un épicier et un boucher de Toulouse, j’ai trouvé:

Johannis posuit et misit in dicta societate xxxv sarsinatas pastelli aggravati
et boni et sufficientis sub precio quinque scutorum auri pro sarsinata….

reste à savoir ce que vaut scutum auri et combien pèse une sarsinata pastelli… D’après mon dictionnaire latin un scutum est un « bouclier » devenu plus tard notre écu, qui en France pesait environ 4 grammes d’or, et une sarcina « un paquet », ce qui nous n’ avance guère. Dans un vocabulaire est mentionné qu’un sarcinata = « un quart d’un muid ». Le muid semble être une mesure de liquide à Toulouse de 12 fois 288 litres mais aussi de blé ….? .

Un visiteur a eu la gentillesse de poursuivre la recherche sur la valeur de la sarsinata, et il a trouvé un article de Michel Bochaca, Bordeaux plaque tournante des exportations de pastel languedocien vers l’Angleterre et la Flandre : le rôle des Castillans dans la mise en place de circuits économiques nouveaux à la fin du XVe siècle. Divers exemples dans cet article établissent que 1 sarcinée = 125 kg; par exemple en page 3:

À Toulouse, où il se rend en personne, Diego de Castro figure parmi les principaux clients de Jean Boisson et de son gendre, Étienne Ulmier. Associé à un autre marchand de Burgos, Gratien de Mazuelo (García de Masoello), il achète de grosses quantités de pastel en 1499 et en 1500 (1080 sarcinées, soit 135 tonnes). Et plus bas dans la même page la balle en cale est de 90 kg: Le pastel réapparaît dans les sources une fois embarqué sur des navires prêts à prendre la mer … pour un total de 205 balles, soit près de 18,5 tonnes en comptant la balle à 90 kg. Pour lire tous les indications trouvées par ce visiteur sur la valeur des sarcinata, attesté au IVe siècle chez le medecin Plinus Valerianus.

.   

un champ de guède                                     ..Isatis tinctoria .                                         ….cocagne…..


……………………………..…………………………………………….le guède

Si l’histoire des couleurs vous intéresse, vous pouvez approfondir le sujet avec le livre de  Michel_Pastoureau, Bleu. Histoire d’une couleur, Le Seuil, 2002. version poche (ISBN 2020869918), version grand format (ISBN 2020204754). (Wikipedia)

Voir aussi  l’article  Le pastel, une plante qui retrouve ses  couleurs dans Telebotanica.

Nouvel article dans Télébotanica, dont je copie la partie concernant le mât de cocagne :

Voilà pour l’histoire. Mais comment obtenait on le « pastel » ?

Les feuilles étaient récoltées en plusieurs fois, à maturité optimale, de juin à octobre, séchées puis broyées à la meule jusqu’à obtenir une pâte. Femmes et enfants faisaient alors des « conques », sortes de boule d’environ 5 cm de diamètre. Celles-ci étaient stockées dans des locaux ad hoc, pour ceux qui en avaient. Les petits paysans, eux, les montaient dans des paniers en haut d’un mât qu’ils enduisaient de graisse pour rendre difficile qu’on ne leur vole . Eh, oui, l’expression mât de cocagne était née*.

Cocagne-Mât2

Un an après ce stockage, les conques étaient à leur tour broyées pour obtenir « l’agranat » sorte de granulat noir-fonçé. Mélangé dans des cuves à de l’eau, des hommes dits « les pisseurs » à qui on apportait force boisson et alcool, y urinaient, histoire d’alcaliniser le milieu… C’est ainsi que, après macération odorante et oxydation durant plus d’un an, la célèbre teinte était obtenue.

Sous Napoléon, un natif de Lectoure qui y débuta apprenti-teinturier, le maréchal Lannes convainc l’empereur à faire teindre certains uniformes de la grande armée. Gageons qu’alors, l’ammoniaque s’était substituée à l’urine.

Aujourd’hui, la teinturerie de Lectoure produit du pastel et différents cosmétiques fabriqués à partir de l’huile issue des graines.

.P

Cobrifuòc

Le Cobrifuòc « couvre-feu » est très actuel dans le Magreb; spécialement en Egypte. L’étymologie est bien sûr le même que celui du français couvre-feu latin cooperire + focus. J’en parle parce que pour tenir mon anglais à niveau, je reçois régulièrement le New York Times (gratuit) qui signalait le curfew à Caïro. J’ai cliqué sur le mot et le NYT dictionnaire m’explique que curfew est notre « couvre-feu » et me donne en plus la prononciation anglaise! Dans ce dictionnaire il y a aussi l’extrait d’une encyclopédie qui note que curfew vient de l’ancien français. ou mieux de l’ancien anglo-normand.  En effet corfu y est attesté au XIIIe siècle .

Le sens du couvre-feu a bien changé depuis le Moyen Age. La plupart des maisons étant en bois, on ne craignait rien autant que le feu. A la tombée de la nuit le son d’une cloche de l’église indiquait qu’il était temps de recouvrir les feux d’un couvercle de fonte pour éviter tout risque d’incendie. Cette tradition subsiste dans quelques rares villes en France, notamment à Strasbourg et Pont-Audemer, où il est devenu le signe de la fermeture des magasins.

Le couvre-feu comme le connaissent actuellement les Egyptiens, a été inventé par l’armée allemande pendant le deuxième guerre mondiale.

Ce changement de sens a eu comme conséquence que dans l’armée moderne le couvre-feu est devenue l’extinction-feu.  Dans un site BRUITAGES ET SONS  DE MILITAIRE il y a  la musique du clairon « extinction feu », que vous pouvez écouter en cliquant ici! (MP3). Il y en a d’autres, comme « charge », « réveil » et « braillement sergent » et « clairon mort » , mais le bruitage « dictateur mort » n’existe pas.(lien)

 

Cluga(r), cluca(r)

Cluga(r), cluca(r) « fermer les yeux » vient d’une forme du latin parlé *cludicare dérivé du verbe claudere « fermer ». Nous le trouvons uniquement en occitan et en catalan clucar et cluc « les yeux fermés ». Voir aussi plegar.

Ma conseillère pour le catalan ajoute : clucar [son OU] : « clignoter, ciller; s’ assoupir en clignant des yeux et…dans ma jeunesse quand on disait a clucat  de quelqu’un,   cela signifiait que la personne s’ était éteinte, était morte ! »

Plegar, plier

Plega(r) « plier » mais aussi « emballer » vient du latin plicare « plier ».

Plier a gardé en français régional le sens « emballer » (Lhubac), qui était encore admis par l’Académie en 1835. Le TLF donne l’exemple suivant :

« il (= Napoléon) est entré à Vilna, chassant devant lui l’Empereur, qui à peine eut le temps de plier sa vaisselle. J. DE MAISTRE, Corresp., 1812, p.169. »

En occitan nous trouvons des expressions qui n’ont jamais eu cours dans la langue d’oïl. Se plega la testo « se coiffer » (S), plüga « fermer les yeux; dormir; jouer au colin-maillard », plegá las espaulos « hausser les épaules, plier les épaules ». L’abbé fait une distinction entre hausser les épaules : « on les hausse pour marque de mépris, de pitié, d’improbation; on les plie pour marque de soumission de résignation » Le sens actuel de hausser est d’après le TLF : « Manifester son indifférence, sa résignation ou son agacement par un léger soulèvement d’épaules ».
De plugous est « à tâtons » (S), en béarnais plegá est « plier les gerbes » d’ou la pléga « récolte ». L’abbé de Sauvages cite aussi le mot plégos « les antoques (=?) ou lunettes des chevaux qui tournent en rond pour fouler le grain ».
Le -ü- dans certaines formes comme plugous  est dû à l’influence du verbe *cludicare « fermer », (dérivé de claudere « fermer ») qui a abouti en occitan clucar, clugar « fermer (les yeux) ».

 

Clueg

Clueg « glui, chaume, botte de paille », dérivés clujada « toit en chaume », clujar « couvrir de chaume ». Dans le Compoix de Valleraugue (1625) clugin est toujours attaché au mot maison : . Dans le Compoix de Saint-Just (Aveyron), 1536 : l’ostal de Anthoni Calmes, clujat una partida de palha

L’origine doit être un*clodiu- « paille de seigle ». Le mot se trouve uniquement en galloroman et sous deux formes : dans le nord c’est glodiu- et dans le Midi clodiu-. En ancien français glui, en ancien occitan cloch, clueg. L’abbé de Sauvages donne deux formes : clé  « une botte de glui » et glijhou « chaume pour le toit ».
Comme le mot ne se retrouve dans aucune langue celtique, il faut supposer qu’il est hérité d’un peuple qui habitait en Gaule avant les Celtes. 1
Le verbe se trouve dans deux formes : clujar « couvrir de chaume » mais plus rarement avec une terminaison en -ir. La forme du Compoix de Valleraugue clugin est intéressante parce que le scribe a ajouté un –n final. Or les patois autour du Mont Aigoual se caractérisent entre autres par la chute de tous les -n à la fin des mots, matin > mati. Cette graphie serait donc hypercorrecte: -i au lieu de -at et en plus un -n au lieu de rien. Ce genre de « fautes » permet souvent de dater les évolutions phonétiques.

clujada

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  1. Un visiteur breton me signale pourtant : En Basse-Bretagne, dans les actes notariaux du 18e siècle (en français), le chaume servant à couvrir les toits est souvant appelé « gled; gledz« . Ce mot semble apparenté aux mots de la série clueg/clujat;clodiu. Il faudra faire des recherches approfondies pour savoir s’il s’agit d’un emprunt aux parlers galloromans ou d’un mot celtique.