cat-right

dailler ‘tacler’

dailler ‘tacler’, voir  l’article  dalio, dalià

dalio, dalià ‘faux, faucher’

Dalio, dalia (S), dalh, dalha (Alibert) « faux; faucher ». Étymologie : vient d’un bas latin *daculu, dacula « faux », mais cette origine reste discutée. Peut-être ligure parce qye  le mot existe en piémontais daj « faux », ou gaulois *daglis « faux », qui n’est pas non plus attesté.  Le première attestation en occitan date du XIIIe siècle, ce qui ne facilité pas la recherche.  Il existe  aussi en catalan dalla « faux »  et en basque tailhu.

En gallo-roman  on le trouve dans le domaine occitan (cf. le Thesoc, faucher),  en franco-provençal et dans le sud-ouest du domaine d’oïl (Atlas linguistique de la France carte 546) .

L’abbé de Sauvages (S1) mentionne que les faux de fabrication allemande sont de la meilleure qualité. Cette réputation ne date donc pas d’hier. Henri Bel , Le patois de Valleraugue, précise que doja « faucher avec la faux » et sega « faucher l’herbe avec la faucille »(du latin secare)

Il nous fournit aussi un dicton : Aco’s lou pica dë la dâlio  » c’est là où gît le lièvre; c’est là le nœud de la difficulté ».

FEW III, 2-3

faucille   faux-ancienne

 Dans La Gazette n° 894 du 21/7/2016,  Joanda écrit qu’en français régional le verbe dailler  est  utilisé avec le sens « tacler »     » Il s’est fait dailler  » pour signifier qu’un joueur s’est fait tacler de façon pas très réglementaire.

 

Dame

Dame « chouette » ou autres oiseaux , voir na-damna

Damojano

Damojano « dame-jeanne ». Pour l’élément  dame  voir l’article na.

Français dame-jeanne est probablement forgé par les marins du sud de la France, cf. catalan damajana (TLF qui cite Mistral). Lazare Sainéan a montré dans la Zeitschrift 30(1906) p.308 que l’image qui est à l’origine de ce mot est en effet Dame Jehanne. Il a trouvé que beaucoup de grosses bouteilles avec des anses ont des noms de femmes, parce qu’elles donnent l’image d’une femme qui pose ses bras sur les hanches. Une des premières définitions de dame-jeanne est  » très grosse bouteille munie d’anses,  servant au transport des liquides ».  Thomas Corneille écrit que c’est un mot des matelots. (Dictionnaire des sciences…, par Thomas Corneille, 1694.)

               
amphore                         dame-jeanne
                              Sculpture d’Amy Fischer

Le TLF écrit : Formé de dame et de jane  » bouteille, récipient pour les liquides  » attesté en 1586 et par Cotgrave (1611) , emploi humoristique du prénom féminin Jeanne par allusion à la forme rebondie de cette bouteille (cf. Christine  » grande bouteille de grès pour l’eau-de-vie « , provençal manoli, marseillais papo-manoli « grosse bouteille carrée, de verre noir » < Emanuel). Mistral a proposé une autre étymologie, un dérivé de dimidius « demi » : *demidianus.

Le mot dame-jeanne a eu beaucoup de succès et a été emprunté par l’italien damigiano, l’espagnol damajuana et même le basque damasa, l’anglais demijohn ( cliquez pour la prononciation) et l’arabe damagana.

Darbon

Darbon  » taupe « .

Pendant la soirée « Les parlers du Gard  » (juillet 2005) à Manduel,  une sympathisante  racontait une histoire amusante sur un darbon difficile à attraper. Surtout au début, j’ai vu plusieurs visages exprimant  » c’est quoi un darbon ? « .

En effet, le mot darbon « taupe » est limité au franc-comtois, le franco-provençal et le provençal jusqu’au Rhône approximativement, même si par ci-par là il l’a traversé comme à Villeneuve-lès-Avignon.  Il y a un petit doute : il y a beaucoup de Darbon‘s (nom de famille) en Lozère.

Dans le commentaire des cartes 26 et 163 (basées sur la carte 1286 de l’ALF), des Lectures de l’ALF les auteurs écrivent que l’expansion de l’aire darbon serait due à l’influence des métropoles comme Lyon.  Je me demande quand même, pourquoi seulement Lyon? Pourquoi pas à Avignon, Arles, Marseille? Les données du Thesoc montrent que la situation n’a pas changé depuis les enquêtes d’Edmont (ALF) au début du XXe s., à part le fait que le type taupe < talpa, a gagné beaucoup de terrain.

La première attestation se trouve dans le Laterculus de Polemius Silvius (Ve siècle) dédié à l’evêque de Lyon Eucherius : mus mustela. mus montanis. mus eraneus. talpa. darpus. Le -p- au lieu d’un -b- est probablement une faute de graphie par association avec le mot talpa. L’origine du mot darbo est inconnue, peut-être gaulois ou ligure ?

En plusieurs parlers, darbon a pris un sens secondaire: à  Draguignan : darbou  » rat « , en savoyard darbon  » mulot  » , en Haute Savoie darbon  » charrue « , et à Macon  » talus de terre qu’on élève entre deux rangées de ceps lorsqu’on donne la 1re façon à la vigne « .
En provençal et languedocien, le dérivé darbousieiro désigne le « datura stramonium  » (en latin médieval talpiriola , en français  » herbe à la taupe  » parce que son odeur chasserait les taupes) ; en languedocien darbousièiro est aussi  » la houx  » qui chasserait également les souris.

……

herbe à la taupe                                                          houx

Darnagàs

Darnagàs, darnégas, « pie grièche » ; animal mythique qui sert à faire peur aux enfants. » (Camargue),tarnagas  » pie grièche; nigaud » (abbé de Sauvages, qui décrit plusieurs oiseaux de cette famille), tarnagas « imbécile » (Mathon).

et il ajoute s.v. tarnagas :

de très belles photos ici

En fr.rég.tarnagas « imbécile » est attesté par And et Joblot.  Darnagas  « imbécile » est aussi piémontais.  Pour Lhubac c’est un « enfant turbulant » (peu usité), et je le retrouve dans une site consacré à Marseille : « Darnagas : oiseau passereau peu méfiant. Par extension : nigaud, qui fait des bétises (utilisé surtout pour qualifier un enfant) » .

La forme avec un t- initial est limité aux départements Gard / Lozère et les régions voisines, mais un visteur de la région Vias – Agde vient me signaler que chez lui on dit également tarnagas pour désigner « une femme dans le sens de femme pas fréquentable ».

En franco-provençal et en provençal on trouve plutôt des formes avec d- comme en Camargue.  Frédéric Mistral écrit dans LI DARBOUN ENGENIAIRE :

Sabès que se travaio à-n-un camin de fèrri que, partènt d’Avignoun e remountant Durènço, dèu ana finqu’à Turin en travessant lou Mount Cenis. Mai aquéu Mount Cenis fau que se trauque, e, lou pertus aura delong mai de tres lègo. Tres lègo souto terro, dins la roco ! fai trambla. Certo, li engeniaire soun pas de tarnagas e an pre sis amiro e si mesuro.

Un Anglais  a étudié la pie grièche qui utilise pour son nid une certaine herbe. Il écrit :

« This is the Filago spathulata of the botanists; and the bird also makes use, though less frequently, of the Filago germanica, or common cotton-rose. Both are known in Provencal by the name herbo dou tarnagas, or Shrike-herb. This popular designation tells us plainly how faithful the bird is to its plant. »

herbo dou tarnagas

A Montfavet (84) il y a le chemin du Tarnagas. D’après ces citations il semble que la forme avec t- est également connue en provençal.

Le tarnagas a une mauvaise renommée. En français : Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio). En allemand elle s’appelle Würger littéralement « étrangleur », en néerlandais worger « étrangleur »; dans certaines régions de l’Angleterre butcher bird  « oiseau boucher » parce la pie-grièche embroche sa nourriture, des souris, de gros insectes etc, sur de grandes épines ou sur du fil barbelé, comme le boucher fait avec la viande. Le sens « animal mythique qui sert à faire peur aux enfants » de darnagas, tarnagas  y est probablement lié. Une autre attestation du même sens se trouve dans ce site : « Darnagas : Animal mythique comme le loup-garou « .

Un bourdon embroché par un darnagas.  Source Photos Merci !

 Dans le monde des oiseaux par contre,  elle a une bonne renommée d’après le Dictionnaire Languedocien- Français de l’abbé de Sauvages. La pie grièche est connue comme un farouche défenseur de son nid, en faisant beaucoup de bruit et de mouvements, à tel point que d’autres oiseaux aiment faire leurs nids près d’elle pour être protégés.

L’étymologie du premier élément darn- ou tarn- n’est pas très clair. Le FEW le rattache à un élément germanique très ancien *darn- « ébloui, étourdi », mais les attestations de cette racine en occitan, en dehors de darnagas etc. sont très rares.
Le deuxième élément vient d’un ancien haut allemand agaza « pie » dont nous parlons à propos des mots languedociens agasso, agassin etc.

Dauphinois, arpitan ou franco-provençal ?

Arpitan_francoprovencal_carte_patois

L‘arpitan ou franco-provençal est le nom de l’ensemble des parlers qui se distinguent de la langue d’oc et de la langue d’oïl par une évolution phonétique  spéciale, en particulier celle du a accentué en latin parlé qui s’est maintenu comme par exemple dans l’infinitif des verbes en –are, cantare > chantar, excepté après une  palatale (c, g, y, etc.) par exemple manducare > mangé, mangi. plicare > pleyi (plier).

C’est en 1873 que le linguiste italien Graziadio-Isaïa Ascoli (1829 –1907) a identifié cette langue ou groupe de parlers  et rédigé l’acte de naissance du franco-provençal, en se fondant sur cette double parenté chantar/mange(r)  comparé au provençal cantar/mangar, et au français chanter/manger.

Avant Ascoli les linguistes considéraient les parlers franco-provençaux  comme des parlers de transition entre le domaine d’oc et le domaine d’oïl.

Mes recherches étymologiques m’ont permis de constater que la spécificité de ces parlers avait été bien identifiée déjà au XVIe siècle, non pas par un linguiste mais par un botaniste provençal  Solerius .1 qui est un des premiers à donner les noms des plantes en langues vulgaires. Pour la France et regions limitrophes il distingue la langue des Gaulois (la langue d’oïl), le Dauphinois (le franco-provençal) et notre langue (le provençal).  Voici quelques extraits:

Vitex-agnuscastus-Solerius(Vitex le poivre des moines ou gatillier) appelé pébrier par les Dauphinois, les nôtres et les Aquitains.

Il faut noter qu’il ne distingue pas les Provençaux des Languedociens, mais le gascon est bien différend. Dans un autre paragraphe il distingue aussi le provençal du  niçois., ce qui veut dire qu’il était un bon connaisseur des variantes des parlers galloromans et italiens d’ailleurs.

Solerius_Tribulus » la chauchetrappe des Gaulois,    notre caucotreppo , ou auruolo

menta_Solerius« la menthe sylvestre qui s’appelle mentastrum chez les Latins, chez nous mentastre,  chez les Italiens menta salvatica.

portulacaSoleriusIci Solerius distingue les Grecs, les Latins, les Gaulois, les Dauphinois, les Provençaux, les Tusques (=Toscans) le les autres peuples italiens.

Amaranthe_Solerius_p29que le peuple Gaulois, Dauphinois & le notre  appelle passe veloux

L’alkekengi ou amour en cage:

alkekengi_SoleriusReduitDans les officines on l’appelle alkekengi2 : chez les Gaulois baguenauldes  et cocrette: chez les Dauphinois bonne bue et chez nous bons hommes

Le nom Dauphinois signifie aussi « franco-provençal » pour Cotgrave dans son dictionnaire de  1611. En tout cas il cite le mot franco-provençal larmuse « lézard »  comme tel.

larmuse-Cotgrave

Pour plus d’informations sur le franco-provençal visitez la page francoprovençal avec des  articles de P. Gardette chez Lexilogos et la page de l’université canadienne rédigée par Manuel Meune

  1. Solerius (Hugo), sanionensis, Scholiae… à la suite de Aetii medici tetrabiblos... édité par Cornarius, Lugduni, 1549, in-fol. D’après Ludovic Legré, La botanique en Provence au XVIe siècle. Pierre Pena et Mattias de Lobel. Marseille, 1899, p.72 n.2, Solerius vient du village de Saignon dans le Lubéron. Solerius cite dans son livre les monticules appelées « Les trois frères » près de Pertuis, ce qui prouve qu’il connaissait bien la région. Le titre complet avec un lien : Solerius (Hugo), sanionensis, Scholiae = Aetii medici graeci contractae ex veteribus medicinae tetrabiblos… per Ianum Cornarium Medicum Physicum Latinè conscripti. Lugduni 1549. Hugonis Solerii medici in II Priores aetii libros. Scholia en ligne sur Hathi Trust.
  2.   De l’arabe  » al kākanğ » coqueret. Attesté en ancien français depuis 2e moitié XIVe s. (R. Arveiller, Z. rom. Philol. 97, 1981, 279). CNRTL , FEW XIX,80a 

Debanar

Debanar, dabanar « dévider le fil; mettre en peloton; bavarder; dégringoler (cabana Hérault, d’après M); bâcler, dépêcher, mourir (Alibert). Provençal et languedocien.

Etymologie : *depanare composé de de + panus  « fil de trame enroulé sur le dévidoir ». Dérivé : debanaire « dévidoir »; débanaduro « fil, soie dévidé ». Ce groupe de mots se retrouve en italien dipanare, catalan et espagnol devanar. La forme donnée par Mistal pour l’Hérault s’explique par un changement du préfixe. FEW III,44b.

deco, fr. dèche

Deco, deca « défaut , vice, tare détérioration; brèche à un instrument tranchant » (d’après Alibert, qui donne aussi la forme dec s.m. et le verbe decar « ébrecher »). L’étymologie est le latin médiéval decadere un réfection1 du latin classique decidere « tomber de »par exemple d’un cheval, d’un arbre; déchoir ».

Les attestations du FEW viennent des parlers occitans et franco-provençaux, et aussi de l’Anjou.  En limousin decho signifie « blessure » et  dech « défaut ».  Le mot dialectal a été adopté par le milieu, en argot deche est attesté avec le sens « déficit » depuis 1837 et ensuite depuis 1849 avec le sens restreint « misère, pauvreté, gêne ».  Le mot a dû plaire aux Parisiens, puisque rapidement il entre dans les dictionnaires et se répand dans toute la France tomber en dèche « n’avoir plus d’argent ». Pierre Larousse signale en 1870 l’adjectif décheux « qui est dans la misère.

FEW II, 29 cadere

decat

decat

Photo du blog troncat-créations.

  1. En lat.cl. existait déjà decadivus à côté de decidivus « qui doit tomber. Gafiot

Degra

Degrà « échelon; degré » (Alibert), mais dans le Compoix de Valleraugue, degré signifie « escalier droit » en opposition à lavisette ou vizette qui est un escalier tournant. Dans le site Panoccitan « escalier » est traduit en occitan par escalièr; on dirait un emprunt au français. Eh bien, c’est le contraire! Français escalier qui remplace l’ancien français degré, est attesté depuis 1531 seulement; mais en occitan depuis 1188 (scalerium dans une charte latine de Montpellier) et vient d’un du latin tardif scalarium« escalier », attesté dans des inscriptions.

Ducange

Revenons à notre mouton, degré, degrà en occitan qui est un dérivé du latin gradus qui signifie en latin classique « pas; marche », dérivé du verbe gradior « marcher ». Dans son sens le plus concret gradus a été remplacé par passus dans les langues romanes. Par contre le sens « dégrés d’un temple; d’une église, devant un édifice public » a été conservé en ancien occitan: gra(s) et en occitan moderne graso « degré en pierre, large dalle » (Mistral). Les Romains utilisaient le mot scala pour désigner un « escalier ». Quand à la suite de l’évolution de la construction on sentait le besoin de distinguer le grand escalier en pierre ou en bois de la simple échelle (< scala ), les Français du Centre et de l’Ouest ont choisi le mot degré « marche d’escalier, escalier », tandis que dans l’Est, de la Wallonie jusqu’en franco-provençal nous trouvons gre(s) ou, à partir du pluriel les grés, la forme l’esgré. Le double sens de ces mots prêtait pourtant à confusion. Pour cela on a préféré distinguer la marche de la montée.

Ceci devrait intéresser les architectes parmi mes lecteurs! Le mot escalier a été introduit pendant la première moitié du XVIe siècle. L’architecte Sebastiano Serlio, qui est largement inspiré par Vitruve, un architecte romain qui vécut au Ier siècle av. J.-C, publie I Sette libri dell’architettura de 1537 à 1551; Il est appelé à la cour de France par François Ier, pour la construction du chateau de Fontainebleau. La traduction du Ier livre d’Architecture de Serlio par Jehan Martin apparaît en 1545. (Vous pouvez le consulter sur le web grâce à l’université de Tours, voir aussi Wikipedia).


Je n’ai pas retrouvé le passage mais il semble qu’il utilise le mot escalier pour désigner une grande montée.
D’après le TLF le mot escalier, emprunté à l’occitan où il est toujours bien vivant, apparaît déja en 1531 dans les Comptes des bâtiments du roy pour désigner les escaliers en pierre caractéristiques de la Renaissance et il remplace les mots degré et montée.

Degré dans le Compoix de Valleraugue est donc un gallicisme. Depuis l’introduction de l’escalier, degré prend le sens de « petit escalier derrière la maison », ou comme à Valleraugue « escalier extérieur droit ».  Un degré est moins prestigieux qu’une vis, comme une femme de ménage est moins prestigieuse qu’une technicienne de surface.