cat-right

Na

Na « dame », ou damna.  L’étymologie est le latin domina devenu très tôt domna  en ancien occitan. D’après Alibert actuellement seulement dans la langue littéraire. Je viens de recevoir une publicité pour:

« Na Balfet »,lo primièr roman de Sèrgi Viaule.Las edicions Princi Negue.

Une visiteuse du Tarn me donne les compléments d’information suivantes:

On trouve quelques noms de lieu avec cette appellation : Na Delmas par exemple qui indique que le propriétaire était une femme. (veuve le + souvent ) Vous avez répertorié cela: Na de Dama ou Damna. Quand le propriétaire était un homme dans la plupart des cas on nomme le lieu : « en » {én} Ex: En Guilhèm, En Teste etc… je n’ai pas trouvé « en »
ds le site .
Dans plusieurs villages quand on parle de  » la Dòna  » il s’agit de la Rivière
Le Pégorier mentionne dona  comme toponyme dans l’Aveyron pour le XIIe siècle, et sous une forme francisée  done en occitan et dans les Alpes. Sous la forme na  en Gascogne en partculier.  Dona  « narcisse » dans le Dauphiné.
D’après le FEW dama  « narcisse des poètes » est aussi attesté en Savoie et dans la Drôme.  Sous la forme daou(a)neto  à Bagnères (Hte Garonne) et madona  à Barcelonnette. Beaucoup d’autres plantes ont des noms commençant par dama-
Certains animaux  sont aussi appelés dame, notamment la belette  en Gascogne: daounabere, daoune bere. 

A Marsillargues (34) dama est la « chouette » . A Castries (34) et Lafitte-sur-Lot (47) c’est la dama blanka. A Galargues (34) la damassa. (Thesoc). Une explication de cet emploi de dame se trouve probablement dans la symbolique des oiseaux. Voir les Bestiares du Moyen Age. Sur le symbolisme de la chouette, cliquez ici.

Voir aussi l’article damojano.

Nadelo

Nadelo « petit poisson genre athérina », anadelo « apron, aspro vulgaris ». Nadelle, le nom languedocien francisé de ces petits poissons est donné pour la première fois par Guillaume Rondelet, médecin originaire de Montpellier en 1554 :

Nadelle est restée dans les dictionnaires français jusqu’au Larousse de 1903. L’étymologie,  latin annus « an »,  est donnée par Barbier dans le Revue des Langues Romanes, tome 63(1926) p.2:

Maintenant vous voulez les voir ces nadelas « sardines fraîches » (Alibert):

De nos jours la nadelle s’appelle apron en français, dérivé de âpre ou rugueux comme ses écailles; espèce devenue très rare et strictement protégée en France et en Suisse.

Nai, nais

Nai(s) « abreuvoir » (Thesoc). Mistral définit nais comme « routoir » pour rouir le chanvre, sens attesté depuis le XIVe siècle. Han Schook a recueilli a Die nais ou  naisas  s.m. « routoir de chanvre, bassin pour rouir le chanvre »,   et le verbe naisar, naisir  « rouir le chanvre ». Le sens « auge » se trouve dans un autre texte de la même époque. Le mot s’est maintenu dans les Alpes Maritimes et à Forcalquier avec le sens « abreuvoir » (Thesoc).  Dans les dictionnaires on le trouve dans les parlers provençaux et franco-provençaux ainsi que  en Poitou et les deux Sèvres, mais il y est rare. A Barcelonnette nais signifie « routoir » et « prairie marécageuse », à La Ciotat c’est un « lavoir ».  Cette évolution sémantique s’explique par la disparition de la culture du chanvre.

L’étymologie n’est pas claire. Meyer-Lübke a supposé un germanique natjan « mouiller », W.Gerig propose dans sa thèse de 1913 un gaulois n(e)ax, mais ni l’un ni l’autre étymon  ne rend compte des formes provençales. Le FEW (VII,24a-25b) suit la proposition d’Antoine Thomas : *nasiare « mettre à rouir le chanvre », mais il n’est pas clair si le verbe a été formé à partir du substantif ou l’inverse, et l’origine de ce verbe reste obscure.

    

Nauc, nauca, nauquet "auge"

Nauc,nauca, nauquet, nauqueta « auge des porcs » dans l’ouest de l’occitan (Ariège, Tarn-et-Garonne, Gers, Haute-Garonne) voir Thesoc. Nauc  signifie  « abreuvoir » dans la Gironde, Hte-Garonne, Lot-et-Garonne; nauca dans l’Ariège, Gers, Hte-Garonne. Voir aussi les articles naut, et nais

>

Mistraldonne des formes pour tout le domaine occitan, mais il semble que le mot a disparu du vocabulaire courant dans beaucoup d’endroits. Pour des raisons d’évolution phonétique, le FEW suppose que les formes provençales de la région à l’est du Rhône,  type nau sans -c final viennent du latin navis, navem « bateau » et les formes à l’ouest du Rhône de *navica, ou *navicum « petit bateau ». La forme anau est le résultat de l’agglutination de l’article : la nau > l’anau; la forme avec un -c final n’apparaît pas à l’est du Rhône.

*Navica a donné en français noue  « angle rentrant par lequel deux combles se coupent » . Dans les dialectes le sens s’est souvent spécifié et est passé à « gouttière entre deux toits ». Voir le DMF pour le moyen français noc « gouttière, gargouille, conduit ». Dans le Centre et le Midi c’est le sens « auge » qui domine: nauko (Aude, Ariège, Hte Garonne et Tarn). Le maintien du –c final dans beaucoup d’endroits reste inexpliqué, mais il n’y a aucune attestation de nauc à l’est du Rhône et la forme anau au singulier, vient certainement de navis

Je pense que l’anglais nook « coin » a la même étymologie. (Mais cf.Harper: nook c.1300, noke, of unknown origin.)  Néerlandais nok « (poutre de la) faîte du toit; angle supérieur du voile d’un bateau » pourrait également y appartenir.

      
  français noue                                         néerl. nok

Voir aussi l’article  naut « auge, creux dans terrain ».


Naut

Naut « auge » est attesté dans la Hte Garonne en 1535.

Dans l’article *nau-to « auge, trou creux dans le terrain », un mot gaulois, le FEW a rassemblé un petit nombre de dérivés, comme náwto « récipient pour les graines; petite vallée » (Lanne-Soubiran), nautolo s.f. « grande auge portative », dispersés en occitan et en franco-provençal.

Le féminin de la racine *nau- : nava existe encore en espagnol nava « cuvette dans un terrain » et dans de nombreux toponymes en Espagne, France et le Nord de l’Italie. Français : Nave « combe, vallée » (Pégorier).

Le cirque de Navacelles

Peut-être y a-t-il un lien avec nau  ou nauc.

Nèci, nèssi

Nèci, nèssi, nècia adj. et subst. « nigaud, imbécile, niais ». Pour l’abbé de Sauvages nèci est  synonyme de baou. Dans le Gard le mot a été traduit à plusieurs endroits par « fou » (Mathon), ailleurs aussi par « paresseux, lent ». Nîmes nessi « fou ». A Alès est attesté le dérivé bien occitan neciardas « homme inepte« .

Nèci vient du latin nescius « qui ne sait pas ». La forme prouve qu’il ne s’agit pas d’un mot indigène, mais d’un emprunt au latin d’église. dans des paraphrases de  Matteüs 19:14, « Sinite parvulos venire ad me  Marcus 10:14  ou Lucas 18:16  « Sinite pueros venire ad me, et nolite vetare eos. talium est enim regnum Dei. » Parvulos  et pueros  ont été traduits dans les sermons par « innocents » ou « qui ne savent pas » . Voir le sens du mot niais « qui sort du nid » dans le TLF.

Ancien français nice « faible, innocent » a vécu jusqu’au XVIIe siècle. Qualifié de vieux ou régional dans le TLF. Anatole France l’a encore utilisé avec une connotation positive: « C’était une jeune paysanne assez jolie, l’air simple, nice et doux « (A. FRANCE, Vol dom., 1904, p.316).

Le mot a été emprunté très tôt par l’anglais où nice a eu une évolution sémantique étonnante : de « timide, peureux » (avant 1300); >  » fastidieux  » (vers 1380) > « delicate » (vers .1405) > « précis, soigneux » (vers 1500, conservé dans des expressions comme « nice distinction« ) > « agreable, delicieux » (1769) > « gentil, bien  » (1830).
Cela me fait penser au mot brave qui en français et dans les autres langues qui l’ont emprunté, a eu une évolution comparable :  de « courageux, sauvage  » > « bon, gentil » > « gentil, dit avec condescendance à qn.> « un peu niais »; ce dernier surtout dans le Midi.

neci et  » It’s nice to see you again. »

Negochin, negafol, neguati

Negochin « petit bateau de pêcheur »  est  un mot plutôt provençal,  même s’il est attesté aussi dans leGard. L’étymologie est le latin necare + cane « chien ».  Le verbe necare   signifie « tuer qn avec violence » en latin classique, mais son sens s’est restreint à « noyer » dans presque toutes les langues romanes.

Ce nom est même passé en français. Dans le Grand Larousse de 1874  est écrit: 

NÈGUE-CHIEN s. m. (nè-ghe-chiain – du provenç. négar, noyer, et de chiain, à cause du danger de se noyer que l’on court en montant un de ces bateaux. Le mot périssoire a une origine toute semblable). Très-petit bateau dont on se sert pour chasser le gibier d’eau. On dit aussi NÈGUE-FOL.  NOIE-CHIEN  synonyme de nègue-chien

Negofol qui vient de necare + follis 1 est le mot courant de la rive droite du Rhône jusqu’à  Toulouse, le Tarn et Agen, mais dans cette dernière ville nègo-fol désigne la « renoncule aquatique ».

nègofol agenois

Mistral connaît beaucoup d’autres composés avec négo-:

        

Dans le Midi Libre du 25 juillet 2011, il y avait un article sur les activités de l’association Siloe. « Le neguati a été sorti de l’eau il y a quelques jours; les travaux de restauration supervisés par Siloe commenceront à la fin du mois. »

neguati article ML

J’ai l’impression que la forme neguati « barque traditionnelle des étangs de  Camargue »  donné par le Midi Libre est une adaptation régressive au français de la prononciation locale négatchi > negati  mais je n’en suis pas sûr.

 Voir aussi l’article ganchou

_________________________

 

  1. en latin classique « soufflet pour le feu; outre gonflée; ballon; bourse de cuir » qui a pris à basse époque en emploi adj. le sens de « idiot, sot » TLF

Neou, neu; nevar

Neou « neige », neu Neu continue le latin nivem l’accusatif de nix. Le mot a également existé en ancien français : neif, noif, mais par l’évolution phonétique, dans ce cas la chute de la consonne finale -f, noi pouvait signifier « neige » ou « noix » et noi est remplacé par neige dérivé du verbe neiger du latin *nivicare à partir du XIVe siècle

Le même mot nivem se retrouve dans toutes les autres langues romanes: italien neve, catalan néu, espagnol nieve, etc.


dunes de neige

Nevar  « neiger ».  La répartition géographique des deux types verbales neva « neiger » qui représente un latin *nivare et le type neiger qui représente le type *nivicare  nous rappelle l’histoire des mots pour désigner le tablier. Le verbe neva se trouve non seulement en occitan et ibéroroman, mais également dans le domaine de la lange oïl dans un demi-cercle autour de l’Ile de France, l’ouest, le nord et l’est. L’influence du parler de Paris a été tellement forte que le type neiger a pu supplanter le type neva dans une partie de l’occitan par exemple à Limoges nejá.

Il y a bien sûr un lien avec les autres langues indo-européennes, par exemple l’anglais snow. Voir entre autres le site etymonline qui donne : O.E. snaw « snow, » from P.Gmc. *snaiwaz (cf. O.S., O.H.G. sneo, O.Fris., M.L.G. sne, M.Du. snee, Du. sneeuw, Ger. Schnee, O.N. snjor, Goth. snaiws « snow »), from PIE *sniegwh-/*snoigwho- (cf. Gk. nipha, L. nix (gen. nivis), O.Ir. snechta, Welsh nyf, Lith. sniegas, O.Prus. snaygis, O.C.S. snegu, Rus. snieg‘, Slovak sneh « snow »). The cognate in Sanscrit, snihyati, came to mean « he gets wet. »

Nerta

Nerta « myrte » est provençal (1331 Maguelonne FEWVI/3,316b). D’après le commentaire du  FEW VI/3, 317b,  cette forme provençale repose sur une forme grecque mürta, latinisée localement en mœrta devenue merta par une évolution régulière et nerta par assimilation du m- initial au -t- de la deuxième syllabe.

Ailleurs c’est la forme latine murta avec un -u- long qui est à l’origine de l’occitan : murta (1300 Béziers) prêtée au français au XVIe siècle, murtro (Sauvages). Au XVe siècle est attesté un murta « sumac des corroyeurs » à Montpellier. D’après Rolland Flore, le nom nerto a traversé le Rhône dans le Gard où il a pris le sens de « sumac », à côté de murtro, multre « myrte » (Nîmes XVIe s.). A partir du XIVe siècle on trouve mirte re-emprunté au latin myrtus, dans des textes botaniques et cette forme française remplace par-ci-par-là la forme occitane.

le fruit du myrte fabrication de la mortadella

En ancien français mirtille est le « fruit du myrte », mais assez rapidement transférée sur l’airelle noire.
En Italie on fabrique certaines saucisses épicées avec des baies de morta mortella, de là la mortadella.
Mistral donne nertas avec le sens « coriaria myrtifolia » appelé  rodo, redoul, et ebriago .

Nieira ‘noir;e; puce’

Nie(i)ra « puce » vient de l’adjectif latin nigra « noire » feminin de niger.

La plus ancienne attestation vient d’un manuscrit conservé à la bibliothèque de Trinity College (GB), dans lequel le grand philologue Paul Meyer a trouvé un recueil de Recettes Médicales en Provençal, qu’il a partiellement publié dans le revue Romania, 32. Le texte date du XIIIe siècle et l’auteur vient probablement de la région des Saintes-Maries-de-la-Mer (13). Voici la recette en question:

(Pour tuer des puces, faites cuire de la semence de concombre sauvauge dans de l’eau et jetez l’eau dans la maison.)

Nous trouvons en occitan  deux formes : nie(i)ra et negra. La première se trouve en provençal et languedocien, la seconde dans les dép. de la Corrèze et du Lot ainsi que dans quelques villages des départements voisins. Voir le Thesoc les cartes puce. ( Injoignable à cause de ?)Voir le FEW  VII,129 ss toujours disponible. Nous constatons une grande différence de la répartition géographique du type negra quand nous le comparons avec les cartes du mot noir, dans lesquelles le type negro est presque omniprésent. Le FEWVII,129 explique que la forme nie(i)ro est celle qui est issue régulièrement du latin negra, et que le –g- dans la forme negra  « noire » est dû à l’influence du latin; mais je ne trouve cette explication pas très convaincante. Qu’est-ce que le mot noir a de spécial qui le lie au latin ?  Il suppose que les méridionaux entendaient plus souvent les mot latin que les franciliens.  Peut-être.

C’est l’occasion de parler eu  nUn peu de littérature occitane. J’ai rencontré le mot niero en parcourant les Nouvé  « Noëls » en provençal de Nicolas Saboly (1614-1675).   Saboly était un grand musicien et un excellent poète. Je le comparerais volontiers à Georges Brassens. Un des Nouvés les plus appréciés était le n°35 : Sant Jóusè m’a di.. chanté sur l’air de Noste paure cat …. (texte et musique) qui  comprenait 7 couplets.

Saboly Nouvé 35 mélodie populmaire

Saboly Nouvé 35 mélodie populmaire     Ce lien vous donne le texte complet et la musique. Soboly était un grand musicien et un vrai poète; Le Brassens de l’époque.

 L’éditeur du texte,  Fr.Seguin ajoute l’explication de texte suivante :

cliquez pour la suite en PDF

Vous constaterez qu’avec l’orthographe étymologisante  de « de » mais det « doigt » (Panoccitan) le jeu de mots se perd.

La Coupo Santo. Un peu plus loin dans le même livre je trouve la mélodie du Nouvé 64, que Mistral a repris pour la Coupo Santo. Melodie + texte Nouvé 64 Saboly
Mélodie + texte Coupo Santo