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coussou ‘vermoulure’

Coussou ‘artison, calandre; vermoulure’ (Sauvages), cosson, cusson (Alibert) vient d’un dérivé en –one du latin cossus « ver, larve » qui mange le bois, attesté chez Pline. Le mot est aussi français d’après  le CNRTL , mais est surtout vivant dans les parlers locaux.

L’étymologie est peu intéressante, mais l’utilisation de la vermoulure décrite par l’abbé de Sauvages me semble digne d’intérêt:

« …on les met aux écorchures qui viennent aux plis des membres des jeunes enfans dodus, et qu’on desséche par ce moyen. »

La voici:

CoussouSauvagesL’auteur du blog Saint Yrieix la Perche  un village du Limousin, a publié un  article intitulé Les cussous (cussons)  dans lequel il écrit que de nos jours

Les hôpitaux utilisent les asticots pour nettoyer les plaies très graves. C’est l‘asticothérapie: le soin apporté à une plaie des tissus mous par les asticots ..

Allez-y, cliquez!

Il mentionne un dictionnaire de l’occitan limousin, que je ne connais pas:

Dictionnaire d’usage occitan-français (Limousin, Marche, Périgord)

Yves Lavalade

Un vaste dictionnaire de quelques 50 000 entrées, pour le locuteur, en herbe ou confirmé, qui veut comprendre les termes et tournures découverts à l’occasion d’une conversation ou d’une lecture.
Avec une introduction riche et fournie : graphie et « orthographe », prononciation et écriture, formation des mots. On y trouvera également du vocabulaire actuel : subreventa (over-booking), malhum (réseau internet)…

Troisième édition revue et augmentée.

Édition Institut d’Études occitanes du Limousin.

FEW II, 1244 cossus

Tòra, toro ‘aconit; chenille’

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Toro « cormier des oiseleurs » (sorbus aucuparia) dans la première édition du Dictionnaire de Sauvages.(1756, S1). Dans la deuxième édition il ajoute 3 autres significations de toro: « aconit à fleur jaune ou le Napel », « la chrysomelle de l’osier-franc; scarabée rouge tachetée de rouge qui répand au loin une odeur forte et puante »; toro ou canilio « chenille » voir Erugo.  Il ajoute la remarque suivante:

Toro_S2

 aconitfleurjaune

   sorbier_oiseleurs

 

 

L’étymologie de toro ou tora est le mot latin tŭra « aconit’ qui l’a emprunté au grec φθορα (phthora). Ce nom a été adopté par les médecins au IVe siècle.  Marcellus Empiricus , un aristocrate et haut fonctionnaire impérial en retraite,  a composé un traité médical pour ses fils vers 360  et il mentionne la tora  : turam et anturam herbas virentes (tora et antora des herbes verdoyantes). Dans un glossaire appelé Alphita du XIIIe siècle, les deux plantes sont également mentionnées:

anthora_alphitaD’après le FEW XIII/2,p.419  tora et anthora sont deux espèces d’aconit et le nom anthora a été interprété comme anti-thora , contre-poison.  Si vous voulez en savoir plus1 suivez les indications dans la note12 de l’Alphita

Tora, tora « aconit » est attesté en ancien occitan (XIVe siècle) en en moyen français tore depuis1544. Dans les parlers provençaux nous trouvons la forme touero, touara « aconit (napel) ».
Dans la langue des mozarabes2 l’aconit s’appelle touera, en catalan tora, comme en piémontais et en portugais herba toura].

Il reste  à expliquer la seconde signification de tora à savoir « chrysomèle » et « chenille ».  Or, après les 4 définitions, l’abbé de Sauvages a ajouté une remarque très intéressante:

« Il parait qu’on a donné en général le nom de toro aux plantes et aux insectes en qui on a soupçonné une qualité malfaisante dont il fallait se défier. C’est probablement ensuite de cette idée défavorable que pour exprimer l’amertume de quelque chose, on dit, ama coumo la toro , amer comme  le fiel.

C’est le spécialiste des parlers gascons Gerhardt Rohlfs qui y consacre un article dans la Zeitschrift 56, p.386-387 (ToraRohlfs0015906_PDF_409_411DM)  Il ne mentionne pas notre cher abbé, mais je crois qu’il est bien l’inspirateur.  J’ai traduit la partie la plus importante de cette explication.

Dans les parlers montagnards des Pyrénées centrales, qui appellent l’aconit toro, la chenille s’appelle bré (à Gavarnie, Gèdre, Barèges). Le même mot sert à désigner le « venin ». Bré est une contraction d’un ancien beré (c’est ainsi qu’il se prononce dans les Basses-Pyrénées) qui vient d’une dissimilation du latin venenum ( cf. l’ancien occitan veré, verén « venin »). La chenille est donc considérée comme un animal vénéneux, de sorte que « chenille » et « venin » sont devenus des concepts identiques. Ainsi tout devient clair. L’aconit est une des plantes les plus vénéneuses connues des botanistes,, ce qui explique également son nom en moyen haut allemand eitergift (gift « venin »). La signification d’origine (comme tertio comparationis) des deux noms a dû être « venin ».

Avec cela nous entrons dans le domaine de la médicine et de la pharmacologie. L’ensemble des faits suggère de penser à l’ arabe comme source étymologique, ce qui est encore renforcé par la répartition géographique du mot (le Sud de la France et l’Espagne). Le professeur Paret de Heidelberg me confirme sur ma demande qu’un mot arabe

thora arabe  existe, attesté dans le dictionnaire de Dozy avec le sens « aconit ». Ce mot arabe est comme l’a vu déjà Dozy est un emprunt au grec φθορα (phthora) « anéantissement; corruption » qui dans la forme thora avec le sens « venin » est passé dans des documents en latin tardif. Par exemple dans le Ducange VIII, 102  un texte du XIVe siècle : Dixit publice quod ipse vellet thoram vel aliud mortiferum comedisse ad finem ut breviter expiraret. (Il a dit publiquement qu’il voulait manger de la tore ou un autre venin mortel de sorte qu’il expirerait dans le plus bref délai.)

 

Alibert  donne encore plus de signifucations à tòra :

  1. cormier des oiseleurs (sorbus aucuparia). Crus, ses fruits ne sont pas comestibles pour les humains, puisqu’ils contiennent de l’acide parasorbique (acide du sorbier) au goût âpre et amer, pouvant provoquer des vomissements éventuellement.
  2. aconit (Aconitum)
  3. chlora perfoliée (chlora perfoliata L.)
  4. scrofulaire (Scrofularia canina L.)
  5. Chenille; chrysomèle du peuplier
  6. Gerçures circulaires à la queue du porc et d’autres animaux
  7. Chancre des arbres
  8. paresse, fainéantise

Rémy Viredaz m’écrit le commentaire suivant février 2020 :

Merci pour votre excellent article en ligne sur tòra, bien documenté, qui m\'a empêché d\'écrire des bêtises sur ce mot…
Une remarque cependant: la voyelle ou la diphtongue des résultats occitans, catalan et espagnols (dialectaux) ne permet pas de les tirer d\'un bas latin *tŭra (malgré la graphie de Marcellus Empiricus et malgré l\'avis de Rohlfs), ni, en général, du mot mozarabe. Il faut partir d\'un bas latin *tŏra emprunté directement au grec phthorā.
Vous connaissez dans doute le Diccionari etimológic i complementari de la llengua catalana de J. Corominas, qui cite une partie des formes (au mot tòra).
Cordialement,

Je l’ai remercié et je l’ui ai répondu, après avoir relu l’article du FEW XIII/2, 419 bien sûr:

Bonjour, Merci beaucoup de votre intérêt  et remarque. Je ne travaille plus beaucoup à mon site à cause de problèmes de santé.. Je vais ajouter votre observation à l’article. J’ai regardé brièvement le FEW  et j’ai vu que von Wartburg ne prend pas position pour les formes de la opéninsule ibéro-romane. Il ne s’exprime que sur les formes galloromanes et italiennes. Je ne connais pas assez bien le phonétique historiue des parlers catalane et espagnoles. Il serait bien si vous pouvez donner des preuves concrètes. Cordialement,

Et Rémy Viredaz explique:

En catalan, le mot a o ouvert et non o fermé. Dans les formes espagnoles citées par Corominas, le mot présente des diphtongues oa, ua, ue et non un simple o. Dans les deux cas, cela suppose en latin un o bref et non un u (ou un o long).
Il n’est pas très important de donner plus de preuves puisque, d’une part, comme vous le notez (en citant le FEW), la graphie tora est également attestée en latin, et que, d’autre part, la phonétique des voyelles en Catalogne et en Espagne est bien connue des romanistes, au moins dans ses grandes lignes.
Cordialement.

 

 

  1. Anthora_AlphitNote
  2. Le nom donné aux chrétiens vivant sur le territoire espagnol conquis à partir de l’an 711 par les armées musulmanes , l’Andalousie actuelle. Les mozarabes avaient dans la société arabe le statut de dhimmi, statut d’infériorité inscrit dans la loi. Ils partageaient ce statut avec les juifs, en tant que non-croyants à l’Islam. C’est seulement dans la pratique, et non dans la loi, que leur culture, leur organisation politique et leur pratique religieuse étaient tolérées.

Rese ‘tique’

Rese « tique, ixode (chien et boeuf) d’après Alibert,  synonymes pat, fedon, legast. » L’étymologie est le latin rĭcĭnus « une grosse tique » d’après mon dictionnaire latin. En occitan les attestations sont rares et viennent principalement des départements du Gard, de l’Aveyron et de la Lozère.  Voir le Thesoc : tique rese [reze] AVEYRON, GARD, HERAULT, LOZERE, TARN.

Pourtant en dehors du galloroman le nom a survécu en Sardaigne, en catalan de Mallorca, en espagnol et même en albanais.

L’abbé de Sauvages le connaît bien. Il écrit:

 » Rêzë, le Riccin, la tique, & selon l’Académie la tic insecte du genre des acarus qui s’attache aux chiens & à d’autres quadrupèdes, il est de la grosseur d’un pois, on distingue peu la tête & les pattes de du reste du corps qui a la forme d’une boulette. Il s »attache si bien à la peau des animaux qu’on ne le tire qu’avec peine: de là le Proverbe ; — ten coum’un rêsë; il tient comme la teigne.

Ixodes_ricinus_08   ou celui-ci?  Rhipicephalus_sanguineus

Images Wikipedia

Et il ajoute:

Le Ricin ou le Pignon d’Inde est la semence d’une plante de même nom qui ressemble un peu à la tique des chiens & qui est fort joliment bariolée.

Ricinus_communis_-_Köhler–s_Medizinal-Pflanzen-257  http://fr.wikipedia.org/wiki/Ricin_commun  Ricinus_communis Seeds

Images de la plante Wikipedia

Latin rĭcĭnus est aussi le nom de la plante  ricin,  attestée chez Pline, qui a d’ailleurs donné le même nom à « une sorte de mûre qui n’est pas encore arrivée à toute sa croissance ».  En français la première attestation de ricin « Grande plante originaire de l’Afrique tropicale (famille des Euphorbiacées) » (CNRTL) date de 1548 et vient des médecins/botanistes de l’époque.  

L’abbé de Sauvages ou son frère François, se trompe donc en appelant le ricin le Pignon d’Inde, mais il sait que ces graines, dont on fait  l’huile de ricin, viennent de loin. C’est une autre plante de la même famille.

 

Tique En ce qui concerne le mot tique le CNRTL mentionne que la  première attestation dans le dictionnaire de l’Académie date de 1798. Or, le dictionnaire de l’abbé de Sauvages date de 1756.  Il a donc utilisé la 3e édition de 1740 ou antérieure.   Le FEW XVII, 329 ne mentionne pas non plus la graphie tic. A trouver. 

Le FEW mentionne que le mot tique a eu aussi le sens de « fruit du ricin »,  dans des dictionnaires du français de 1635 à 1675.  Curieux. Probablement un sens fantôme.

 

 

 

 

Gourgoul ‘charançon’

Gourgoul ‘charançon’ voir l’article courcoussoun.

Courcoussoun ‘charançon’

Le courcousson c’est simplement un charançon, la prononciation est peut-être plus proche de courcoussou ou plutôt courcoussoun . C’est un genre d’insecte caractérisé par une sorte de trompe, plus ou moins longue ; le rostre. D’ailleurs pas besoin de grandes explications quand on sait que cette bestiole est dans la famille des CURCULIONIDÉES (d’ailleurs c’est plutôt, en biologie, une superfamille, juste au-dessus de la famille), le nom français est peut être simplement une erreur de casting1.

Vous avez certainement deviné que l’étymologie est le latin cŭrcŭlio « charançon », (gourgouillon en moyen français)  dont la deuxième partie a été remplacée par cŏssus « ver » dans une partie de l’occitan. Voir le FEW II, 1563  pour la répartition géographique. Le latin avait déjà une variante gŭrgŭlio que nous retrouvons notamment en languedocien gourgoul.

Le charançon de la noisette ou Balanin des noisettes s’appelle Curculio nucum, sa larve peut vider complètement la coquille sans plus rien laisser à l’intérieur, d’où l’expression « avoir le courcousson » pour dire que l’on a un trou de mémoire. Heureusement ; il n’y a pas encore de courcousson du cerveau.

Courcoussoun

Balanin des noisettes – Curculio nucum

Les vieux meubles, attaqués par des insectes xylophages sont couvert de séries de trous ; on dit alors qu’ils sont courcoussonnés, bien que ces poinçonneurs ; vrillettes, Lyctus ou autre capricornes …n’appartiennent pas du tout à la famille des charançons.

courcoussouna

courcoussounat

Un nouveau Courcousson qui détruit de gros Palmiers en très peu de temps. Arrivé depuis peu chez nous le Charançon Rouge du Palmier (Rhynchophorus ferrugineus), un gros coléoptère de 3 à 4 cm de long, colonise petit à petit le pourtour méditerranéen au grès des importations de végétaux ! En faisant disparaître toutes les espèces de palmier qu’il colonise … avant de s’attaquer a d’autre plantes, peut-être moins « ornementales » . Il laisse derrière lui des palmiers totalement vermoulus ; et particulièrement courcoussonnés.

Rhynchophorus ferrugineus R

Photo de Georges Simon

Très belle photo faite en utilisant le « stacking » c’est-à-dire en empilant 11 photos. Suivez le lien pour en savoir plus.

Article rédigé par Rudy Benezet que je remercie cordialement pour sa contribution.

Gérard Jourdan (Montagnac) , fidèle visiteur du site m’écrit:

Bonsoir Robert,
je lisais votre article sur le charançon et son appellation occitane de courcoussoun.
Ce brave insecte doit avoir des « cousins » amoureux des vieux meubles et des outils en bois car chez moi, dans l’Hérault, à Montagnac, on disait, en mêlant le français et l’occitan (un peu le francitan de Lhubac) :
« ce meuble est tout cussonné »,
« il a chopé le quissous« .
Etat qui se manifeste par des trous bien circulaires d’où sortait quelquefois un peu de sciure signe de la présence de vrillettes.

Et comme insectes nuisibles du bois on peut indqiuer :
1. la petite vrillette  (Anobium punctatum)
2. la grosse vrillette  (Xestobium rufovillosum)
3. le charançon  (Euophryum confinent)
4. le capricorne des maisons  (Hylotrupes bajulus).

Je vous joins un article présentant la fabrication d’un râteau en bois du côté des Rousses en Lozère, article où l’auteur cite les quissous.
Cordialement à vous,

Le mot est donc vivant en français régional.  L’article sur le fabrication du râteau en bois à l’ancienne, par Aimé Martin à Carnac, commune de Rouuses,  le montre aussi. Vous pouvez le lire en suivant ce lien. rateau_quissous.

Aimé Martin est un connaisseur. Il dit:

AiméMartinRousses

 

La roudergue est le vent de l’Ouest appelé aussi la traverse.

Roudergue est le vent qui vient de la Rouergue. La traverse est d’après Alibert le  vent du Nord-Est.

 

 

 

  1. Français charançon a une étymologie discutée pour ne pas dire inconnue; voir CNRTL