cat-right

récate ‘repas de midi’

récate « repas que le travailleur dans les champs ou les vignes emporte pour midi (de nos jours) ou pour la journée (autrefois).

recate en 2019

Les camionnettes réapparaissent dans les vignes et vers midi les travailleurs récatent .

L’étymologie est d’après le FEW un verbe non-attesté *coacticare « cacher », qui a connu un riche développement notamment dans le domaine occitan. Voir les nombreuses significations locales dans le FEW vol. 2 p.814 colonne de gauche.

Le sens « pique-nique »  s’explique par le fait que les aliments sont bien empaquetés pour les emporter aux champs.

Voir aussi l’article acatar

Recate, recatà

Recatá « ramasser qch qui traîne »  et Recate « économie, soin » cf. acata


Redable "tire-braise"

Redable « tire-braise » vient du latin rutabulum « fourgon 1 , râble de boulanger, spatule » surtout avec le sens « tire-braise ».

Dans un site marchand, je trouve la description suivante:

Les outils du boulanger : Râcle, écouvillon, pelles. Vous les connaissez peut-être déjà sous des noms différents de ceux que je donne ici. Pas d’affollement !! Ils ont un nom par village… ou peu s’en faut. Le râcle (râble, etc.). Une plaque de 25 x 6 cm taillée dans les chutes de la tôle qui a servi à fabriquer la porte, 40cm de fer à béton de 8, quelques points de soudure et 2m de bambou. Le râcle sert à étaler les braises pendant la chauffe et à les retirer dur four après la chauffe.

 

La voyelle de la première syllabe varie dans les parlers locaux : ridable, radable, roudable et le -b- devient souvent -p-.

Le FEW suivi par le TLF rattachent le mots râble (surtout en parlant du lièvre et du lapin) à rutabulum.  Le Bloch-Wartburg suivi par A.Rey,  écrit que

le mot  râble (du lièvre) est probablement une extension de rable « fourgon spatule » par analogie d’aspect; certains instruments appelés râbles étant munis de fourchons fixés dans la barre comme l’échine est munie de ses côtes « .

Dans le FEW von Wartburg est beaucoup plus nuancé. Il y suggère la même comparaison, mais les formes occitanes avec -e- au lieu de -a- posent un problème d’ordre phonétique. La forme rièble se trouve déjà dans le Miroir de Phébus (1390) de Gaston comte de Foix.

Von Wartburg pense que râble  en parlant du lièvre est un mot de chasseurs, qui est passé  dans la langue générale au cours du XVIe  siècle. La première attestation en français de râble (1532) vient de l’auteur de Pantagruel et Gargantua! Le mot s’est répandu ensuite dans les dialectes. Il y a donc deux histoires.   Rutabulum > redable en occitan, ou  rouable, roable en ancien français avec le sens « tire-braise » qui a eu une évolution à partir du latin.  D’autre part  râble (de lièvre) qui s’est répandu à partir du XVIe siècle dans tout le domaine galloroman.  Les formes occitanes avec –e- s’expliquent peut-être par une influence du mot rèble(s) « de la blocaille: petites pierres pour remplir entre les parements d’un mur »(S1), du verbe reblar « remplir, garnir de blocaille » (S1) du latin replēre « remplir ». Cette explication ne me convainc pas à 100%. Une autre explication de C. Nigra dans l’Archivio Glottologico 14, p.374.

Pour le moment aucune étymologie est vraiment satisfaisante. Si vous avez une idée…

A Die et à Trièves les formes sont identiques: riable s.m. « dos » et « rivet du boulanger ». (Schook)

  1. Fourgon « Longue barre métallique ou longue perche garnie de métal utilisée pour remuer la braise ou la charge d’un four, d’une forge, d’un fourneau, ou pour attiser un feu. » (TLF). Le fourgon « automobile » doit probablement son nom à cette barre;  même mot que fourgon 1, ce mot ayant dû désigner successivement le « bâton de la ridelle » puis la « ridelle » et enfin la « voiture à ridelle » (ces deux derniers sens étant attestés en prov. mod. : MISTRAL, s.v. fourgoun) TLF

Redessan. Les noms de lieu et l'étymologie.

Redessan 

Des visiteurs me demandent régulièrement l’origine d’un nom de lieu. La Toponymie est une discipline très difficile! Je ne m’y risque que rarement.

Voici un exemple. Dans le livre Statistique du département du Gard, je trouve: « A l’est de la ville de Nîmes, …, on aperçoit un village appelé Redessan, dont l’étymologie, donnée par Deiron (Antiquités de Nîmes, chap.X, p.60) paraîtrait renfermer quelque apparence de véité, quoique mise en doute par Ménard. Un sanglante bataille donnée non loin de ce village (note: Cette bataille termina en 410 l’envahissement de cette partie des Gaules, que Constance, général d’Honorius, purgea de tous ses ennemis) aurait amené, d’après Deiron, cette phrase incidente dans le récit de cet évènement, en langage vulgaire de cette époque : Id est rech de sang; les trois derniers mots signifient : Ruisseau de sang.

De telles histoires sont amusantes, à raconter devant la cheminée, mais cela n’a rien à voir avec l’étymologie. Un coup d’oeil dans le Dictionnaire toponymique du Gard suffit: Rediciano en 909. C’est une Villa Rediciano ce qui veut dire  » qui appartient à », ou « est situé près de », ou « un lieu de plantation de ….. Redix » . Je m’arrête là.

Rega

Rega « sillon » vient d’un gaulois *rica « sillon » et spécialement le « sillon produit par le soc de la charrue ». C’est un des nombreux mots celtiques qui ont un rapport à l’agriculture. Il est conservé dans toute la Galloromania.

Dans la Charente redzo a pris le sens « bande de terre cultivée » d’après le Thesoc. Pour son développement en français voir le TLF raie.
L’abbé de Sauvages cite un  rego avec le sens « raie, trait de la plume », mais dans d’autres dictionnaires occitans c’est une raio, la forme françisée.  La reganèlo désigne d’après lui « les rayons, ardeur du soleil ».

 

Renebre ‘patience’ plante

Renebre « patience, espèce avec des racines jaunes » (R.Jourdan, Montagnac), rouzerbe « patience » (Sauvages1756 et 2e éd.)

rouzerbeS2L’Atlas linguistique de la France, ALF, donne la forme  ruzerge pour 2 villages du Gard.

D’après Wikipedia la patience sauvage est  la Rumex obtusifolius

Rumex_obtusifolius_Sturm48Pierre Larousse a repris des formes occitanes dans son  dictionnaire encyclopédique en 1875, mais elles ont disparu des éditions postérieures. J’ai l’impression qu’il connaissait Mistral qui mentionne le renèbre.

Le FEW X, 540 les range  dans l’article rudember, un mot latin qui n’est attesté qu’au XIe  siècle et qui signifie « glouteron ». L’auteur remarque d’ailleurs que cette famille  se trouve uniquement dans le domaine gallo-roman et qu’il est peut-être d’origine celtique, mais que pour le moment on n’a pas encore trouvé des relations.

Alibert a rassemblé des formes occitanes dans l’article rosembre, m. Patience (Rumex patientia) ; moutarde des champs, Don(= Donnezan)., Toul.  Var. rosèrgue, rosomet, rosonabre, roergue, roserbe, renebre, rosenabre, renible,rosomec, rosomet, Toul., roergàs. étym. B. L. rudember, du Gaul. reudo, rouge.

Je ne sais sur quoi est basé son étymologie gauloise. ??

 

Repétasser

Repétasser  « raccomoder »  fr.rég. cf. Petas

repounchou ?

Repounchou est un nom de plante, mais laquelle?  J’ai reçu le message suivant:

Comme tu le sais, c’est un important point de désaccord entre Languedociens (pour qui c’est la raiponce) et Toulousains (pour qui c’est le tamier).

Wikipedia: Le Tamier commun ou Herbe aux femmes battues (Dioscorea communis), est une espèce de plantes grimpantes monocotylédones de la famille des ignames (Dioscoreaceae).

Elle est parfois appelée haut liseron, racine-vierge, raisin du Diable, sceau de Notre-Dame ou vigne noire. Dans le sud de la France, elle est couramment désignée par son nom occitan « reponchon »2 (qui se prononce répountsou) ou « ré(s)pountchou ».( Attention, ne pas faire de confusion avec la Bryone dioïque d’aspect approchant mais entièrement toxique.)

repounchon1dioscorea

Raiponce  par contre  n’est pas une espèce mais un genre Phyteuma (Linné 1753) avec de nombreuses espèces, dont la raiponce en épi ou raiponce salade ou raiponce des bois.  (Phyteuma spicatum):

raiponce en épi

Par Csame — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4731535

Le CNRTL s.v. raiponce  définit  » plante de la famille des Campanulacées … »  dont 3 genres Campanula, Phyteuma et Legousia vivent en France.

Campanule raiponce (Campanula rapunculus) encore appelée Raiponce cultivée est une plante herbacée bisannuelle de la famille des Campanulacées. La « Campanule raiponce » est aussi appelée en France bâton de Saint Jacques, Rave sauvage et Rampouchou dans le Sud-Est (mais ce mot, reponchon en occitan, désigne le Tamier commun en Aveyron), en Angleterre Rampion et Rampion Bellflower d’après l’auteur de cet article de Wikipedia.

repounchon-Campanula_rapunculus_L_ag1Alibert définit  reponchon  avec  « raiponce; houblon; pissenlit; chondrille ».

repounchou = houblon houblon;reoiunchou = chondrilla ?chondrilla

Français pissenlit est un nom vernaculaire ambigu. La chondrilla est un autre genre de plantes de la famille des Asteracées.

Pour y comprendre quelque chose, j’ai eu recours au FEW X, 72-73 qui a classé raiponce dans l’article rapum « racine » . Le nom raponce apparait au XIVe siècle en Italie raperonzolo, raponzo .  Si j’ai bien compris ces noms désignent deux plantes à savoir la Raiponce en épi (Phyteuma  spicatum) et la Campanula rapunculus   campanule , dont les racines (rapum  en latin) sont consommées en salade au printemps.  Beaucoup plus tard, au XIXe siècle la mâche (Valerianella locusta) est également appelée raiponce, parce qu’elle est aussi consommée, mais cette fois on consomme les feuilles. C’est ça l’explication ! . Voir mon article Botanique et occitan ou l’intérêt des noms vernaculaires.

L’allemand Rapunzel désigne 1.  la mache (Gewöhnlicher Feldsalat ) et 2.  la campanule (Rapunzel-Glockenblume).

Suite à l’ article repounchou Gérard Jourdan qui me suit fidèlement, me raconte ses souvenirs  de jeunesse:

Je lisais avec intérêt ton article sur rapounchou. Un peu de nostalgie aussi car quand j’étais gosse, mes parents, ouvriers agricoles, ramenaient souvent de leurs travaux de la salade sauvage. Je me souviens de quelques noms donnés par mon père : ampouleta, douceta, penché et la star des salades  le respountchou. Cette petite racine avec une rosette de feuilles était un vrai régal pour nous. J’ai découvert plus tard qu’il s’agissait de la campanule raiponce reconnaissable à ses clochettes bleues. Les autres salades étaient donc la valériane (ampouleta), la mâche sauvage (douceta) et le pissenlit (penché) au goût très prononcé !!
Pour ce qui est du tamier, je pense qu’il ne pousse pas chez nous dans les basses-plaines de l’Hérault, mais je me souviens d’avoir consommé les jeunes pousses de cette plante (comme des asperges sauvages) lors d’un stage au-dessus de Lodève, au col du Perthus (voisin du causse du Larzac).

 

 

 

 

Rese ‘tique’

Rese « tique, ixode (chien et boeuf) d’après Alibert,  synonymes pat, fedon, legast. » L’étymologie est le latin rĭcĭnus « une grosse tique » d’après mon dictionnaire latin. En occitan les attestations sont rares et viennent principalement des départements du Gard, de l’Aveyron et de la Lozère.  Voir le Thesoc : tique rese [reze] AVEYRON, GARD, HERAULT, LOZERE, TARN.

Pourtant en dehors du galloroman le nom a survécu en Sardaigne, en catalan de Mallorca, en espagnol et même en albanais.

L’abbé de Sauvages le connaît bien. Il écrit:

 » Rêzë, le Riccin, la tique, & selon l’Académie la tic insecte du genre des acarus qui s’attache aux chiens & à d’autres quadrupèdes, il est de la grosseur d’un pois, on distingue peu la tête & les pattes de du reste du corps qui a la forme d’une boulette. Il s »attache si bien à la peau des animaux qu’on ne le tire qu’avec peine: de là le Proverbe ; — ten coum’un rêsë; il tient comme la teigne.

Ixodes_ricinus_08   ou celui-ci?  Rhipicephalus_sanguineus

Images Wikipedia

Et il ajoute:

Le Ricin ou le Pignon d’Inde est la semence d’une plante de même nom qui ressemble un peu à la tique des chiens & qui est fort joliment bariolée.

Ricinus_communis_-_Köhler–s_Medizinal-Pflanzen-257  http://fr.wikipedia.org/wiki/Ricin_commun  Ricinus_communis Seeds

Images de la plante Wikipedia

Latin rĭcĭnus est aussi le nom de la plante  ricin,  attestée chez Pline, qui a d’ailleurs donné le même nom à « une sorte de mûre qui n’est pas encore arrivée à toute sa croissance ».  En français la première attestation de ricin « Grande plante originaire de l’Afrique tropicale (famille des Euphorbiacées) » (CNRTL) date de 1548 et vient des médecins/botanistes de l’époque.  

L’abbé de Sauvages ou son frère François, se trompe donc en appelant le ricin le Pignon d’Inde, mais il sait que ces graines, dont on fait  l’huile de ricin, viennent de loin. C’est une autre plante de la même famille.

 

Tique En ce qui concerne le mot tique le CNRTL mentionne que la  première attestation dans le dictionnaire de l’Académie date de 1798. Or, le dictionnaire de l’abbé de Sauvages date de 1756.  Il a donc utilisé la 3e édition de 1740 ou antérieure.   Le FEW XVII, 329 ne mentionne pas non plus la graphie tic. A trouver. 

Le FEW mentionne que le mot tique a eu aussi le sens de « fruit du ricin »,  dans des dictionnaires du français de 1635 à 1675.  Curieux. Probablement un sens fantôme.

 

 

 

 

Rèssar, serrar, resegar, setar

Rèssar « scier » et  rèssa « scie » viennent d’un latin rĕ + sĕcare « couper ».

Scier dans la Gaule romane du sud et de l’est par J. Gilliéron et J.Mongin, Paris, 1905 est une étude importante de géographie linguistique1. Voici la carte tirée de cette étude (c’est moi qui ai inséré les verbes à l’infinitif):

Cette carte peut être actualisée avec les données du Thésoc sous scier, scie, scieur, scierie et sciure, qui confirment et complètes celles de l’ALF, par exemple les villages Lembeye, Pontacq et Sedzere dans les Pyrénées Atlantiques ont le type serrar

D’après cette étude le type serrar, du latin serrare « scier » avait occupé  autrefois tout le territoire du sud. Au cours des siècles le type ressegar ou segar  issu du composé re + secÁ re  « couper » et le type ressar issu du composé rÉ + secare  ont supplanté serrar dans une grande partie du sud, mais il en reste des îlots dans les Pyrénées orientales (domaine catalan; serra  est aussi le verbe courant en Catalogne), dans les Hautes -Pyrénées,  un seul point dans le département des Landes et trois zones du domaine  franco-provençal.

La cause de cette fragmentation est d’après Gilliéron l’homonymie de serrar « scier » et serrar « fermer ».  Mais von Wartburg n’est pas du tout d’accord avec cette explication.   Serra et resecare ont très bien pu exister dans la même période; les Romains disaient déjà serra secare.  Il conteste également l’hypothèse de deux accentuations re + secÁ re  et   rÉ + secare pour expliquer les formes ressar  et resegar.  D’après von Wartburg il s’agit de même phénomène que nous trouvons dans le verbe disjejunare   qui a donné  déjeuner  et  dîner.   Si vous voulez en savoir plus consulter=z le TLF.

Le type setar  du latin sectare « couper » l’a supplanté dans le nord de l’occitan.

En ancien occitan, vers 1540, est attesté le sens « supprimer, défalquer » pour le verbe resecar.

Plus intéressant est l’ancien occitan rezegue  « risque que courent les marchandises en haute mer » attesté à Marseille et à Montpellier  vers 1300 et en latin médiéval resegum en 1200 à Marseille. Cette zone fait partie d’un domaine plus étendu qui va du Nord de l’Italie à la Catalogne. L’origine serait un  sĕcum « récif » dérivé du verbe rĕsĕcare, qui a donné riesgo « lutte » > « risque »  et risco  « récif » en espagnol (Corominas).  L’évolution sémantique « récif » > « risque » se trouve aussi en allemand Klippe , néerlandais  klippen « récif » >  « danger, risque ».

un  cargo échoué depuis octobre dernier sur un récif

le risque

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