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Pibol, pibou

Pibol, pibou « peuplier ». Latin populus « peuplier » a abouti à peuple en ancien français, concurrencé par le dérivé peuplier dès le XIIe siècle.  En italien et en roumain a eu lieu un déplacement du -l– : ploppus devenu pioppo (italien), plop (roumain).

Dans le sud de la France nous trouvons la forme pibol tantôt accentué píbol, tantôt piból. Ronjat suppose que populus a été croisé avec un celtique *bigulu pour expliquer le -i- mais ce mot n’existe dans aucune langue celtique. La forme pibol reste donc inexpliquée.

La forme féminine pibola désigne en général certaines espèces de peupliers. Hugo Solerius (1544) écrit:

( en dauphinois pluou,  chez nous (en provençal) piboulo.

En Ardèche à St-Apollinaire de Rias a lieu La fête du Pibou: « la tradition se perpétue avec la plantation d’un peuplier (pibou) à l’occasion de l’installation de nouveaux élus. Une fête populaire où toute la population est invitée!

Puech

Puech, pueg, puog  « puy, colline, mont, montagne ». Le Mont Duplan à Nîmes, s’appelait encore au XIXe s. le puech des juifs. Pour l’histoire de cette colline voir le site de Georges Mathon :   podium judaïcum en 1030.

Et le mot latin podium est en effet l’étymon, qui au cours des siècles a subi des transformations phonétiques et sémantiques. Les Romains l’avaient emprunté au grec podion un diminutif de pous « pied ». Le latin podium désigne d’abord « un piédestal d’une statue » ou « l’avant scène de l’orchestre », ensuite « un support pour des tonneaux ou des ruches » et enfin chez Pline « un balcon ou une terrasse ou la loge impériale au cirque ». Ce dernier sens a abouti à « balcon, avant-corps sur une façade » > « hauteur » > « colline », sens qui a été conservé dans plusieurs régions de l’Italie, en corse pogliu, en catalan puig etc. Il a existé dans toute la Gallo-romania, mais il a disparu dans le domaine d’oïl probablement à cause de l’homophonie avec le mot puits < puteus. Puech est très répandu comme nom de lieu et également comme nom de personne dans le domaine de l’occitan. Voir le site de l’IGN, rubique toponymie : 1899 fois le nom puech , 3022 fois puy.

 

Le sens « balcon, avant-corps sur une façade » a abouti en néerlandais à « facade d’un batiment » , avec ou sans balcon : pui prononcez peuy

La réparation d’un pui à Amsterdam

Peyremale, peire

Peyremale. Un visiteur m’écrit: Je me pose des questions sur l’origine du mot PEYREMALE (nom de l’une des falaises qui dominent Anduze), je suis allé voir chez vous, mais sans succès. Il semble évident que ce vocable signifie « mauvaise pierre », mais je me méfie des faux amis.

Dans le dictionnaire topographique du Gard, je trouve une Peyremale à Genolhac, dont la première attestation date de 1050: Castrum Petra Mala, ce qui veut dire « mauvaise pierre ». Une autre Petra Mala se trouve dans la commune de Bagnard. Je ne crois pas que ce sont des faux amis. Mais vous avez raison d’être méfiant. La forme peyre n’est pas régulière. Le -è- bref du latin aboutit régulièrement à la diphtongue -yè- comme dans fyeiro « foire ».  Pètra  aurait dû aboutir à *pyeira. Il s’agit d’une exception, peut-être due à l’emploi frequent du mot petra, Petrus dans le latin de l’Eglise.


L’église de Peyremale (Gard)

Surprise! Il y a beaucoup de toponymes avec Peyre- dans le Gard et aussi quelques-uns avec Pierre-: Pierre-Bladière (Valleraugue), Pierrefeu (Peyrolles), Pierrelong (Mialet). Les premières attestations de plusieurs de ces « Pierre » ont la forme languedocienne Peyre : Pierremorte (Courry) est encore  La Peiremorte en 1768,   Pierrefeu (La Calmette) est A Peyrafuc en 1288 !.
Plus intéressants sont deux toponymes « faux amis » : Piéredon (montagne à Chusclan) qui s’appelle Podium Rotundum dans une charte (date?),  Piégaren < Podio- Garenco dans un cartulaire de 1233, et Puech Garen en 1789. Dans le dép. de l’Aude il y a plusieurs Puechredon qui dans les chartes s’appellent également Podium Rotundum.

Latin podium a donné puech, pueg en languedocien ( Voir l’article  puech), mais notamment à Alès (Gard) est attestée la forme piè « éminence, colline ». Dans la commune de St.Martin-de-Corconac, il y a(vait?) une ferme avec le nom francisé La Pierre Redonne. Je pense qu’il s’agit là d’une fausse traduction de Pié-redon « colline ronde », et qu’il faudrait revoir l’étymologie de plusieurs toponymes de la région qui commencent avec pie-.

Mon visiteur avait donc raison de se méfier des « faux amis ».

Pétoule

Pétoule « crottes de chèvres, mouton, etc « , un joli petit mot connu dans les patois avec ce sens dans toute la Suisse romande, en vallée d’Aoste ainsi que dans le sud-est de la France: en Provence et en Languedoc jusqu’aux environs de Montpellier d’après nos sources.

Petoulo ou petouro comme on dit à Marseille est un mot dérivé du latin péditum « pet  » prononcé avec l’accent sur le e, le participe passé du verbe pedere, un verbe actif pour ainsi dire, qui n’a pas laissé de traces en français moderne. Peditum par contre est bien vivant dans presque toutes les langues romanes : italien peto, portugais peido, catalan et piémontais pet etc. Une forme qui ressemble beaucoup à notre mot occitan existe dans les patois wallons en Belgique: pétale avec la même signification  » crottes de mouton etc. « .
(Il serait intéressant de connaître les autres types lexicaux et leur répartition dans le domaine galloroman.)

Dans notre région avec un parler vivant d’autres mots ont été crée à partir de petoule, par exemple en provençal petouloun  » chose de peu d’importance  » et petoulié « olivier sauvage » parce que le fruit, très petit, ressemble à un crottin. Et ce dernier a même réussi à pénétrer dans le grand Larousse du XIXe siècle où nous trouvons le pétoulier, mais il a aussi vite disparu qu’il y est entré, c’était du vent.

Je retrouve cette notion  » quelque chose de peu d’importance ou de peu de valeur  » dans le même Larousse, qui cite Mme de Sévigné :
PÉTOFFE
s. f. (pé-to-fe). Fam. Affaire ridicule, querelle à propos de rien -.Votre santé, votre famille, vos moindres actions, vos sentiments, vos PETOFFES de Lambesc, c’est là ce qui me touche. (Mme de Sév.), et plus récent dans «  Le parler des métiers  » de Pierre Perret, Paris 2002 : pétard  » veau maigre et de qualité inférieure  » qui fait partie du vocabulaire des bouchers.

Les expressions et les mots à base de peditum sont très nombreux en langue d’oc comme en langue d’oïl. Je me restreins à quelques exemples provenant de nos parlers.
Dans le Larzac un petelóu  » un petit morceau de ce qu’on mange  » ( au MacDo?),  en provençal un petouliè est un » endroit où les lapins viennent fienter « , mais attention, à Aix en Provence un petouié est un  » gîte « !
A la Grande Combe un pètouillon est  » un homme qui perd son temps à des choses futiles « .
A Valleraugue le  pétadou est  » la mèche de fouet « .
Un visiteur m’écrit : Dans la conversation, elle [sa mère] m’a dit à propos de certains médicaments :   « Ca fait pétoule en trois actes !! » Pour dire qu’ils n’avaient aucun effet.

Parmi les nombreux dérivés et composés nous trouvons quatre grands groupes de significations, en dehors des sens directement liés au sens  » pet « , même si parfois il n’est pas facile de comprendre ce lien, comme par exemple le mot français rouspéter. (Eh oui!). Par exemple, je ne sais à quel sens se rapporte le petoulet suivant (il s’agit de Maurice Traintignant) :


Le « petoulet » pour les amis

Un visiteur le fait parvenir l’explication de ce surnom

J’ai trouvé cette explication (donnée sous réserves…) de « pétoulet ».
L’histoire semble plausible…
Pour participer à la première course de l’après la guerre (le 9 septembre au Bois de Boulogne), il ressort sa Bugatti, qu’il avait caché dans une grange. Malheureusement pour lui, sa voiture à des problèmes d’alimentation. C’est en cherchant la cause de ses tracas que Trintignant découvre des « pétoules » (crottes de rat) dans le réservoir. Il reçoit alors ce surnom de « Pétoulet ».

1. Des mots qui désignent des vessies d’animaux comme aveyronnais petorèlo et de là aveyronnais  » se dit de l’eau quand  des bulles se forment  à la surface sous la pluie « .

Peut-être faut-il ajouter le petadou ‘un tambour à friction’, avec l’accent sur le -ou. D’après les Niçois l’accent sur le -a- ferait trop italien…..Voir le site ZICTRAD

2. Des noms de plantes ou de fruits: à Tarascon petaréou  » bigarreau  » et d’après le dictionnaire de Mistral en languedocien petiè  » micocoulier « . Dans l’Ardèche et dans le Gard pétofron « digitale », parce que les enfants font éclater les fleurs sur leurs fronts. Dans le Gard on dit aussi petarélo. Enfin il y a le petavin  » mûre de la ronce  » attesté dans un texte avignonnais de 1646.


1.petaréou 2.petiè 3.pétofron

3.Le clifoire d’enfant. Les gosses ne jouent plus à cela, mais autrefois, avant la télé, ils s’amusaient avec des tiges de sureau dans lesquelles ils montaient un petit piston et avec lesquelles ils lançaient de l’eau comme avec une seringue. En français au XVIIIe siècle, cela s’appelait une canne-pétoire. Dans un dictionnaire du patois d’Alès cela s’appelle un petarino; une autre forme utilisée dans le Gard petaroutié.

4. Le roitelet, languedocien petouso.

C’est un mot qui  a été propagé à partir de la Provence. Dans la région lyonnaise c’est la forme rei peteret qui est dominante. Pourquoi le roitelet? C’est un tout petit oiseau et il y a une très vieille légende que les frères Grimm nous racontent ainsi :

En format PDF. Lou petoulo roi des oiseaux

Penche

Penche s.f. « peigne » du latin pecten, pectinis comme en français  peigne, vit et jouit d’une belle santé dans toutes les langues romanes.

Le latin pecten comprenait dans son champ de signification diverses figures du peigne, librement déclinées au regard de l’analogie de forme :

  • 1. carde; râteau; plectre de lyre (conservé en italien pettine).
  • 2. peigne de mer (mollusque bivalve comme la coquille St-Jacques).
  • 3. poils du pubis, l’os du pubis ;
  • 4.veines du bois;
  • 5. peigne de Vénus (plante);
  • 6. disposition en forme de peigne , les doigts entrecroisés,   danse où les danseurs s’entrecroisent. (Gaffiot).

Vers  l’an 700  apparaît un mot nouveau, dérivé de pecten : pectinalis « os du pubis », ou « mons Veneris » qui est conservé dans les parlers du sud de l’Italie, par exemple à Naples pettenale.
Plus tard apparaît un autre diminutif  dérivé de  pecten :   pectiniculum, qui a donné en ancien français pénil, poinil, pignil, espanil : « éminence située au-devant du pubis et se couvrant de poils à la puberté »(TLF s.v. pénil), en ancien occitan penchenil, conservé en marseillais moderne penieou (FEW).
De pectinulum sont issues deux lignées, l’une populaire et l’autre savante. Dans la lignée populaire on trouve l’espagnol pendejo ( avec influence de pender), qui signifie 1. m. Pelo que nace en el pubis y en las ingles. 2. m. coloq. Hombre cobarde y pusilánime.3. m. coloq. Hombre tonto, estúpido »  et autres joyeusetés plus ou moins péjoratives. Voir le Dictionnaire de la Real Academia Espanola . Le penchenilh, « pauvre hère » attesté à Béziers (FEW), témoigne de la même évolution indépendante en languedocien, mais les attestations sont rares.  Il n’est pas impossible, comme me suggère un visiteur, que le sens péjoratif de penchenilh  est né directement de l’expression mau penchina « mal coiffé, ou plus généralement de mauvaise allure ».

C’est dans l’histoire de l’art que le pecten latin a connu son évolution savante. Les hommes cultivés de la Renaissance connaissent très bien leur latin, langue internationale et idiome de la culture ; ils ont lu Ovide et Pline. Quand un Sandro Botticelli veut peindre la naissance d’Aphrodite/Vénus avec la pudeur requise, il est obligé de cacher son pecten, mais, même si la nature aime à se cacher, le naturel, ici comme ailleurs, saute aux yeux :

Suis-je visionnaire quand je trouve des pecten dans la Primavera de Botticelli ?

Il n’y a pas de coquille Saint-Jacques. Mais…En regardant de plus près les trois Grâces, on voit un pecten… figuré par les doigts entrecroisés en forme de peigne (Gaffiot 6) .

   

Comme j’aime beaucoup RE-découvrir le symbolisme qui se cache dans l’art ancien, j’ai plaisir de  noter aussi la présence des perles dans la chevelure de l’une des trois Grâces. Née dans une coquille un pecten, la perle représente le principe Yin : elle est le symbole essentiel de la féminité créatrice. En grec, en latin et  en occitan, on la nommait jadis margarita, c’est pourquoi, conformément à ce qui se dit aujourd’hui encore, on se gardera de « jeter des marguerites aux pourceaux ».(Cf. margot).  Blason de la féminité oblige, il n’est pas étonnant de trouver des marguerites dans la chevelure de la Primavera :

Penchenilh « pauvre hère » du latin *pectiniculum « petit peigne ».

Pecaire, peuchère

Pecaire, pécaïre(Lhubac), peuchère vient du latin  peccator ‘pécheur’, mot formé à l’époque de Tertullian (155-230) à partir du verbe latin classique peccare ‘faillir’.

Déjà l’ancien français  avait emprunté le mot pechaire ‘malheureux’ (Marcabru, 1110-1150) à l’ancien occitan: : pechiere ‘interjection marquant la compassion’ (XIIIe s.)

Marcabru, V/30

Tel pense bien être le gardien de sa femme,
et le larron de celle d’autrui;
mais elle agit de même
à l’égard de celui qui la convoite.
Si l’un muse, l’autre baille,
et moi, j’en suis malheureux en le disant.

Ensuite, au cours des siècles, on trouve la forme occitane de cette interjection dans la langue d’oïl, et inversément! Notre femme de ménage dit régulièrement peichère, peuchère! quand elle a cassé quelque chose. Et Beaumarchais, dans le Mariage de Figaro, acte II, scène 20, utilise la forme occitane:

FIGARO, bas à Suzanne. – Je l’avertis de son danger; c’est tout ce qu’un honnête homme peut faire.
SUZANNE, bas. – As-tu vu le petit page?
FIGARO, bas. – Encore tout froissé.
SUZANNE, bas. – Ah, pécaïre!

Nous le retrouvons même dans le TLF: PEUCHÈRE, PECHÈRE, PÉCHÈRE, interj. Pécaïre, pécaïré
Région. (Provence). [Exclam. traduisant la surprise, l’attendrissement, l’admiration ou la pitié.] Il semble que la forme occitane a eu beaucoup de succès au XIXe siècle grâce à la popularité d’Alphonse Daudet, mais qu’actuellement c’est surtout un mot du Midi.

La  notion « péché »  a pris le sens de « dommage » aussi dans d’autres langues européennes et sont devenus des interjections : italien : peccato, un dictionnairedonne l’exemple : 3 (fig.) fatto, situazione inopportuni, incresciosi, deplorevoli: è un peccato che non sia potuto venire; che peccato perdere una simile occasione! | anche ellit.: peccato (che) non si riesca a fare in tempo!; « Non verrà » « Peccato! ». En  allemand dans la formule : sünde und schade ‘dommage’;en  néerlandais: zonde! ‘dommage !

an pèbre

 qui date de l’an pèbre  « très vieux » voir pebre

Pastenaga

Pastenaga « carotte ».  En ancien occitan comme en occitan moderne pastenaga signifie «carotte»; le mot a été emprunté au latin pastinaca « panais, carotte ». Cf. Wikipedia panais  « pastinaca sativa ». (FEW t.7, p.756a)

Le mot gallo-roman s’est répandu dans toute l’Europe sous des formes plus ou moins savantes, p.ex. néerlandais pastinaak, pastenaak, allemand Pastenach.