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Mourguettes

Les mourguettes  est un autre nom des estivenques « des  petits escargots blancs  que l’on trouve sur le fenouil, ou autres plantes de garrigues » qui s’appellent aussi missounaïre ou missounenque.

En occitan comme dans toutes les langues romanes les significations « moine » et « nonne » ont donné lieu à de nombreux emplois au figuré,  à cause de la forme de leurs silhouettes, la couleur de leurs habits, le crâne rasé du moine, la couleur du voile de la nonne : des toupies, des fromages, toutes sortes de plantes et d’oiseaux et spécialement dans  le Midi  des haricots blancs, haricots verts, haricots secs. Emprunté par le français :  la mongette « espèce de haricot qu’on cultive dans le midi de la France » attesté depuis 1835.

Les mourguettes sont donc des « petites religieuses », un dérivé  du latin monacha avec le suffixe diminutif –ittu. Pour les Gardois des  sont les « petits  escargots blancs » ressemblent à des «* nonnettes ».

Dans le Gard est attestée  une autre forme : mounjéto « espèce de limaçon blanc » mais qui signifie aussi « variété de haricots blancs à ombilic noir, qui se mangent secs ». Les deux formes monja et morga,  survivent donc dans les parlers modernes. Comment expliquer cela?

Dans le pays d’oc aucune des variantes dialectales  était devenue la langue littéraire officielle comme c’est arrivé dans le nord de la France avec le dialecte de la région parisienne ou le dialecte de Florence en Italie. Les scribes essayaient d’écrire les mots tels qu’ils les entendaient ou prononçaient avec les lettres du latin dont ils disposaient. Ces prononciations variaient d’une région à l’autre.  Ces essais de rendre la prononciation avec les lettres du latin est à l’origine des différentes graphies que nous trouvons dans les manuscrits du Moyen Age.   La graphie des mots est donc le résultat d’une tradition millénaire. Je pense que l’orthographe devrait renouer avec cette tradition et écrire mwa  ou moua   au lieu de moi,   la prononciation du haut Moyen Age.

Donc quand on cherche dans des dictionnaires de l’ancien occitan, et on trouve le mot  morga avec le sens de  « religieuse » dans un texte du Rouergue daté de 1198, il faut s’attendre à trouver d’autres graphies  En effet elles varient beaucoup selon la région dont proviennent les textes : monja, monega, monga, morga, moina. La même chose pour le masculin : monge, morgue, etc. « moine ».

Le département du Gard est particulièrement intéressant parce qu’il se trouve dans une zone transitoire entre le provençal et le languedocien.  A Alès, par exemple, on a distingué les deux variantes : mourgo et mounjo. La première désignant « une religieuse vêtue de noir » , la seconde « une religieuse vêtue de blanc ». Mais c’est, à notre connaissance, le seul endroit où cette distinction était faite .

 

mounjo

Petite digression.

Est-ce que quelqu’un dont le français est la langue maternelle établit un lien entre les mots mono (opposé à stéréo) moine, moineau, monarque et Monaco ? Je ne pense pas et pourtant  leur étymologie est identique grec  monos « seul », moine « quelqu’un qui vit seul », moineau « oiseau qui a le plumage de la couleur d’un habit de moine »  viennent tous les trois du grec monos, dont  au début du christianisme on dérive le mot monachus, et plus tard on crée le féminin Imonacha.  C’est l’étymologie qui rétablit ces liens et qui rend le vocabulaire plus transparent, plus « motivé » en termes linguistiques.

           

     mono               moine                   moineau                  monarque           monarque       Mourgues = Monaco

 Une  mounéga  de Nice

Novembre 11, 2023 à 9:54   (Modifier)Un collaborateur  Alain LLORIA occitan  complète mon article:

En occitan dans le texte : Las cagarauletas son de pichòtas cagaraulas 🐌 cacalausas en Provenca, que s’amassan (se rassemblent) sus las èrbas nautas, sus lo fenolh, la lachuga Sant-Josèp (laitue Saint-Joseph) montada, un tronc de falabreguier (micocoulier), … aquò sentís bon l’estiu, qu’a las primièras plèjas van se n’anar … En provença se dison de cacalausons, missonencas, estivencas o limaçons. Los canards, rits 🦆 se’n congostan (les canards s’en régalent) … Se pòdon mangar a l’apéro …Nom scientifique : escargot des dunes ou de Pise – Theba pisana.

Esclafidou

Esclafidou  « seringue d’enfant en sureau »(Puisserguier); Place des Esclafidous » « une placette à Nîmes », L’Esclafidou « gazette de Colognac ».

Michel Massol, auteur de « L’esclafidou et autres bélicoques » (Nîmes, Lacour), m’écrit:

« Il est évident que pour nous, habitants de Vauvert et de la région bas gardoise, l’esclafidou était une arme d’enfant à laquelle nous jouions encore dans les années 60. mais plus tard, terminus…Ce n’était pas une sarbacane, mais une espèce de pompe à vélo en sureau creusé et lorsqu’on emmanchait une branche dans ce cylindre préalablement garni de 2 petites boules provenant d’un micocoulier ( les bélicoques), sous l’effet de la compression, l’une des 2 partait, projetée par l’air ainsi comprimé dans un « pop » de bon aloi. L’arme avait une portée d’une quinzaine de mètres et, à bout portant, dans le lobe de l’oreille par exemple, ça faisait pas du bien !!! Arme saisonnière par excellence (il fallait attendre que le micocoulier veuille bien sortir ses fruits de la taille d’un petit pois), elle a été abandonnée rapidement, de sorte que la génération de mon petit frère (6 ans de moins que moi ne l’a pas utilisé ). »

Ci dessous un chasseur qui lance des projectiles d’argile sur les oiseaux avec un esclafidou. Dans un texte d’Avignon de 1646 est attestée la forme esclafadou avec le sens « mousquet ».

sarbacane

L’abbé de Sauvages connaît plusieurs expressions: « esclafi la parâoulo « articuler distinctement »,  lou lià tout esclafi « il lui a tout découvert » (S) et un esclafidou est « une bonde d’un bassin d’une pièce d’eau », la bonde étant un bouchon de bois.   Sous la forme esclafidor Alibert donne aussi le sens « canonnière de sureau ». Le premier sens donné ci-dessus doit être oublié puisque les enfants ne jouent plus à cela.  L e nom de la placette à Nîmes doit faire référence à une vanne.

esclafidou à Plantiers(Gard)

et le nom de la gazette de Colognac témoigne d’un esprit d’ouvert.

L’étymologie est une histoire ancienne et compliquée parce qu’il s’agit de mots qui viennent

  • 1) d’une onomatopée qu’on trouve dans les langues romanes et ouest-germaniques : klapp qui signifie « coup, claque ».De cette onomatopée viennent des mots comme ancien occitan clap « clapet’, et clapar « frapper »; par métonymie ancien languedocien clapa « tache »; français éclabousser. Voir aussi le mot clapo « sonnaille » et le lien vers néerlandais klappen « frapper, applaudir »/ le flamand klappen « parler, bavarder ». En allemand existe un groupe de mots avec des sens proche de « coup, claque; bavarder etc. » dont la base est une forme klaff, voir Grimm . Il n’est pas impossible que cette forme allemande klaff   soit à l’origine des mots franco-provençaux et occitans comme esclafar « écraser, giffler qn » et esclafir « éclater » et notre esclafidou.
  • 2) L’autre possibilité est qu’esclafidou  vient  de la racine préromane klappa « pierre plate ».  L’esclafidou des Plantiers ci-dessus est en fer, mais j’en ai vu beaucoup dans la Vallée d’Aoste qui étaient des simples pierres plates. Il me semble qu’une évolution sémantique « bonde, vanne » > « sarbacane » qui fonctionne avec un bouchon est  convaincante. L’étymon serait  plutôt la racine préromane klappa « pierre plate » , qui a donné aussi   esclapo « éclat de bois »; esclapa « fendre du bois » ancien languedocien esclapaire « bûcheron ».

Le fait que les dérivés de l’onomatopée klaff et ceux de la racine préromane klappa ont souvent des sens très proches rend le solution difficile.

Toutes les formes avec un  –f– comme esclaffar se trouvent dans le FEW dans l’article klapp onomatopée FEW II,734;

L’article  suivant klappa « pierre plate » est l’étymon d’une grande famille de mots commune aux langues ouest-germaniques et romanes. L’esclafidou des Plantiers pose donc un problème. La place des Esclafidous à Nîmes aussi?

Escais "sobriquet"

Escais  « sobriquet; moquerie », escaissar « donner un sobriquet; se moquer, railler ».

Escais « morceau ou reste d’une marchandise, coupon, échantillon »  et escaissar« déchirer, rompre une branche d’un arbre, écuisser  » ont  une autre histoire.  Suivez le lien.

Un lecteur habitant la « Rue des Escaïs » à Agde m’a demandé l’étymologie de ce nom. Le sens le plus ancien semble être « moquerie » déjà attesté par l’abbé de Sauvages : escainoun composé de escai  « moquerie » et noun « nom »  > ‘sobriquet’  ou ‘surnom ou nom de guerre’ (S; M, Autran).  Mais je crois que la  Rue des Escais  fait plutôt allusion à  escais  « morceau ».

L’étymologie est le latin *capseum « cavité buccale » une forme secondaire de capsus « caisse; intérieur d’une voiture; cage pour les animaux sauvages ». Ce sens est conservé en ancien occitan cas « caisson, ballot » et à Castres cals « sorte de volière ». Latin capsus avait aussi le sens « vessie destinée à recevoir une farce » qui est à l’origine du sens du mot ancien provençal cas « trou d’une aiguille par lequel passe le fil » (Arles 1400), conservé tel quel à Castres.
La forme *capseum désigne la « cavité buccale » ou les « parois intérieures de la bouche », ce qui donné en ancien occitan cais « machoire », conservé à Puisserguier et dans l’Aveyron cais. Un dérivé caissal signifie « dent molaire » (St.Andre de Valborgne).  A partir du sens « machoire » s’est développé en ancien occitan le sens « joue’ , conservé dans l’Ariège kèch.L’expression far col e cais « faire la moue, minauder » est à l’origine du  verbe escaisar « se moquer de quelqu’un »  ce qui a abouti à  Puisserguier à escaissà « donner des surnoms ». Ensuite  a été dérivé le substantif escai(s) « moquerie, surnom, sobriquet ».

Catalan queix « mâchoire » et espagnol quijada « joue » appartiennent à la même famille de mots.

Ensarria(da)

Ensarria(da) s.f. « sacoche », ensarriada « contenu d’une sacoche ». (Panoccitan). Alibert donne des définitions plus précises : ensarrias f.pl. « grands cabas de sparterie qui se placent de chaque côté du bât des bêtes de somme ».

Mais  une ensarriada est aussi une « ravine », et le verbe ensarriar « creuser des ravines », comme verbe réfléchi il signifie « s »égarer; battre la campagne ». Etonné de trouver ensemble une ravine et une sacoche j’ai cherché une explication dans leur histoire.

Le lien entre ensarriar et ensarriada étymologie n’est pas évidente. Tous les mots que l’on trouve dans les langues romanes supposent une origine *sahrjo avec le sens « panier, corbeille ». Dans le sud de l’Allemagne existe le mot sahar « jonc ». Or, le matériel utilisé pour ces paniers est du jonc ou de l’esparto et cela permet d’après le FEW de supposer une origine germanique. Pour les parlers occitans, il faudrait supposer une forme gotique *sahrrja.

En ancien languedocien du XIIe siècle (Nîmes, Montpellier, Narbonne) est attesté le pluriel sarrias  » manne à double compartiment mise à cheval sur le bât des mules ». Un verbe *ensarriar avec le sens « mettre dans les sarrias » a dû exister (Il y a encore beaucoup de manuscrits en occitan à dépouiller !). A partir de ce verbe a été formé le substantif ensarri « manne à bât en treillis », ensarios « les cabas qu’on met sur la barde d’un cheval »  (S1).

jonc     ensarias    esparto

jonc                                             ensarios                                                    esparto

L’évolution sémantique de ensarriado « contenu des panier » > « ravine; torrent qui descend avec impétuosité des montagnes » n’est pas évidente. Le FEW l’explique par une image : des ensarriados pleines de terre et de cailloux se vident en descendant de la montagne lors des grands orages et créent les ravines. Les formes avec ei- < ex- ( sortir ) au lieu de en- < in- (mettre dans) s’expliqueraient aussi par cette image.
Je dois dire que je ne suis pas convaincu, mais je n’ai pas une autre étymologie à vous proposer. Si vous avez une idée, n’hésitez pas à me contacter. !

Pelha

Peio (M) pelha (A) « haillons; feu volage; croûte de lait; gribouillette (en cévénol jeu d’enfants consistant à jeter un objet au milieu d’enfants qui cherchent à s’en saisir : Jeter des noix à la gribouillette.); rougeole (en rouergat) ». Ce dernier sens peut-être par allusion à l’aspect de la peau quand on a la rougeole. Alibert donne beaucoup de dérivés qui se rattachent au sens « haillons ».

Un visiteur m’écrit: « Quand j’étais enfant, à Capestang, (fin des années 50 et début des années 60) la peila(chiffons) était le « ballon de rugby » avec lequel nous jouions, ce qui semble indiquer qu’avant l’arrivée des ballons en cuir ils étaient fait de chiffons.

Le mot semble très vivant en français régional, écrit peille, peilhe, pelhe etc. avec le sens de « serpillière ». Et Christan Camps dans son livre « Expressions familières du Languedoc et des Cévennes », donne une expression amusante: avoir une langue de peille « avoir la langue bien pendue ». (Midi Libre Juillet 2005).
Pelha vient du latin pilleum en latin classique pileus « un bonnet de feutre ou de laine qu’on donnait à l’esclave le jour de son affranchissement ».

Le pileus devient ainsi le symbole de la liberté, affranchissement, indépendance ».

     

pileus symbole de la liberté , et la pelha de nos jours?

L’image « pileus » fait comprendre l’évolution sémantique » bonnet » > » bogue de la châtaigne »; d’ailleurs le latin pileus désignait déjà l’enveloppe de l’embryon.

peillotte

Le mot pelha est maintenant limité au sud de la France, mais il a dû exister dans le nord, parce qu’on y trouve des dérivés comme le verbe pillier, espeillier etc. et le dérivé lyonnais : peillotte s. f., français rég. « enveloppe épineuse de la châtaigne ou bogue ». Pour aller chercher des châtaignes, il faut mettre des gants à cause des peillottes. Patois peillotta, latin Pilleum « feutre ».

Il est peut-être intéressant de noter que la prononciation a à peine changé depuis l’époque de l’occupation de la Gaule par Jules César: en latin parlé le -i- court accentué était déjà passé à -é-, et le -a final vient du pluriel pilea. La prononciation était donc pélha, ce qui en français régional donne peille.

Jour de peille à Cournonterral Phot Gazette de Nîmes, fevrier 2007
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Pour tout savoir sur cette tradition voir le site: http://georges.borg.free.fr/cadrenouv000.htm

Un visiteur m’écrit :

l’article « pehla » me suggère le dérivé « pelharòt » qui me rappelle ma jeunesse. Un pelharòt, c’est, initialement, un chiffonnier, mais dans la langue courante c’est quelqu’un de mal habillé, de négligé « il est habillé comme un pelharòt » « c’est un pelharòt« ; mot qu’on utilisait souvent, il faut bien le reconnaître, pour désigner les « caraques ».