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Blavet

Blavet « bleuet » est un dérivé du ancien franc *blao « bleu », cf. allemand blau, néerlandais blauw, ancien anglais blaw.

Dans le Thesoc s.v. bleuet huit informateurs de l’Ariège ont donné comme mot local le type rossignol. Comment expliquer cela? La solution se trouve dans le FEW.  L’enquêteur a dû demander « Comment appeler vous le  bleuet ? » Ces informateurs ont compris qu’on leur demandait le nom d’un oiseau.  En effet, dans quelques dictionnaires du XIXe siècle est mentionné: bleuet « martin-pêcheur » (Bescherelle 1845; voir aussi TLF).

Cette dénomination est typique pour certains parlers occitans : Nice bluiet, Aveyron, Tarn bluet. D’après les dictionnaires cités dans le FEW le bluè est dans le Gard la « mésange bleue », appelée blauet dans l’Hérault (M); dans les Bouches du Rhône le blavet est le « tarier, saxicola rubretra ».

           

martin-pêcheur                                    mésange bleue                                       tarier                     rossignol

D’autres noms du bleuet fleur : flor pèrsa (Charente); tartarièja° (Ardèche; Hte-Loire) le nom de la « rhimanthe crête de coq » (Alibert); escanapols  (Saurat en Ariège; repris par Alibert). Il faudra demander à un paysan, s’il comprend le lien sémantique. Voir le verbe escanar.
Nous ne pouvons pas savoir si les types bluet, bleuet, blaveta dans le Thesoc correspondent à la fleur ou à l’oiseau.

Pour avoir une idée plus précise, j’ai consulté le RollandFaune. Pour le domaine occitan il nous donne les noms suivants: pêche-martin (Charente); bernard pescayre (Landes); aouzel de saint Martin; bluyet (Toulouse); martin pescaire (provençal); marti pescaire (languedocien); blabet (P.O); bluet (Tarn); blavié (Nice; languedocien); bluré (BduRh); bluret (provençal, languedocien); merle picheret (Limousin).

Le corps desséché de cet oiseau passe pour éloigner les mites et les teignes ; on s’en sert dans ce but dans un grand nombre d’endroits, de là les noms suivants qu’on lui donne : drapier s.m. (Isère); arnié s.m. (Languedoc ; Hérault, Provençal); arniè (Béziers); argné (Gard); Arné (PO); Darneire (Hte-Loire); Derna (Auvergne).

Remarque: Arnié, argné arné signifie proprement celui qui préserve des arnes = mites. Les mites s’appellent: Arna, arno prov.. Darno (Tarn ); Derna Auvergne, Arda (anc.occitan). Voir article Tinea dans le vol. III. de Rolland Faune.
Autre noms : Vable dé vilo (Gard); Alcyoun Languedocien.; Alussi Languedocien seulement dans la phrase cridà coumo un alussi  » crier à tue tête.

Le « bleuet » (la fleur ou l’oiseau ??) est appelé escanapols à Saurat en Ariège; confirmé sans localisation par Alibert.

ATTENTION! Dans beaucoup de régions et notamment au Québec le bleuet est le nom de la myrtille! Le québecois est né des parlers des régions atlantiques, de la Normandie jusqu’à la Saintonge (BDP; FEW) et non pas du  français parisien.

Bleuets quebecois

Brau "taureau"

En Camargue  le brau est le « taureau étalon d’origine domestique » 1, mot qui a remplacé tau dans beaucoup de parlers locaux. Le sens varie suivant les localités entre « taureau entier » et « jeune taureau ».

Brau vient du latin barbarus au sens « sauvage, non domestiqué ». En ancien occitan l’adjectif  brau, brava a pris le sens  « farouche, rude, mauvais », qui d’après Mistral s’est conservé en languedocien et gascon, mais il est considéré comme « vieux ».

Le brau  est le taureau entier qui vit en liberté, dans le pré avec les vaches.  Le biòu de la Camargue est une race bovine et désigne plus spécialement un taureau castré à l’âge de un an (suivez  le lien).

Lou Brau, Reï de l’Aubrac,
se repauso i mitan de sas vachos

La dormeuse a trouvé dans le compoix de Mirepoix de 1766, le toponyme planel de Brau un terrain plat qui d’après les vieux Mirapiciens  s’appelait encore le « planel des vaches” en 1950.  Elle signale aussi un autre sens du mot brau  « une terre de limon, fertile, mais de travail difficile », soit encore un “site boueux ».  Le FEW ne nous fournit que des attestations en gascon pour le sens « marais, bourbier » et l’étymologie de ce brau  est inconnue.

Barbarus devenu bravo en espagnol, y prend à partir du XVe siècle le sens « courageux, fier ».  Bravo!  a été introduit en occitan, comme ailleurs, à partir du XVIe siècle.

Plus récent est le développement du sens de brave qui est  devenu synonyme de  « honnête, probe, sage ». De nos jours le mot devient presque péjoratif: « gentil mais un peu bête ».

L’anglais brave  signifie »courageux », mais le néerlandais braaf et l’allemand brave « sage » surtout  en parlant des enfants; le  suédois et le norvégien bra « obéissant ».

      

braaf  et brau

Voir auss les articlesi tau(r)  et biou.

  1. Voir Thesoc s.v. taureau pour la répartition géographique des types lexicographiques

Bartas

Bartàs, s.f. « touffe d’herbe, terrain vague ». En fr.rég. « buisson; épineux » (Lhubac). Ancien occitan barta “buisson, broussaille” et les dérivés se trouvent surtout en provençal et languedocien, mais aussi en gascon.

La forme fait supposer un ancien *barrat- , du gaulois *barros, comme breton barr « tige de bois ».

Le sens passe de  « broussaille, ronce » à « terrain vague », par métonymie. A Valleraugue bortassés « broussaille » : Commencèrou per foutré fioc os bortassés, djinésses e rounssassés.. « Ils commencèrent à mettre le feu aux broussailles, genêts et ronces » Atger,p.59b.

A Arles le bartas désigne un « séchoir » car dans le Midi on séchait souvent le linge sur une bartas  « haie ».

bartas séchoirCette photo a été prise en 1890 au mas de Taxil, mainenant à l’entrée des Stes-Maries de la Mer.

La répartition géographique du type *barros est caractéristique pour le galloroman : nous ne le trouvons que dans le Midi et en wallon, c’est-à-dire dans les régions qui sont le plus éloignées de Paris. Comparez l’histoire de fandaou « tablier ».

L’abbé de Sauvages connaît un emploi au figuré: » ës toujhour per lous bartasses, « il est souvent mêlé dans de mauvaises affaires. » ainsi que les dérivés bartassado et bartassejha « quêter, chercher un lièvre », bartasseina « épagneul qui quête bien ». Ménage (1650) mentionne bartas « buisson » comme languedocien dans son dictionnaire.

Bartasser « aller dans les bartas« . français régional. Andolfi explique les différentes raisons pour lesquelles les jeunes font cela. Dérivé de bartas. D’après R.Domergue la forme en français régional est bartasséger: « Dans la garrigue, il arrive souvent que les chasseurs ( et les jeunes couples!) bartassègent. Voir aussi le site de René Domergue, qui explique comment et pourquoi on bartassège dans le Midi.

Près de Lac de Salagou j’ai photographié :

Bartassade

Carchofa

Carchofa « artichaut » plutôt que « grande joubarbe ». En plusieurs endroits cachofa. Les deux plantes se ressemblent, la confusion est compréhensible, mais elles n’appartiennent même pas à la même famille. Voir l’article barbajaou  « joubarbe ».

L’origine de la forme occitane et de la forme française est l’arabe haršûfa « artichaut »(TLF), mais l’histoire du cheminement des deux formes n’est pas la même.

La forme française, dont la première attestation d’artichault « la plante » date de 1538, a été empruntée au piémontais ou au lombard où il est appelé articiocco,articiocch, probablement un emprunt à l’ espagnol alcachofa. Les formes germaniques allemand Artischocke, néerlandais artisjok (1545), anglais artichocke reposent également sur la forme italienne. Ces dates i correspondent à l’histoire de l’importation et diffusion de la plante dans le Nord de la  France. Voir à ce propos, notamment l’influence de la gourmandise de Catherine de Medicis, l’article artichaut de Wikipedia. L’Italie est d’ailleurs resté le plus grand producteur d’artichauts.

Le mot occitan carchofa est venu de l’arabe par le catalan carxofa, escarxofa , espagnol alcarchofo, portugais alcachofra. La première attestation connue en occitan date de 1544, mais  en catalan carxofa  est déjà attesté en 14901. L’artichaut était donc connu dans la cuisine méridionale  bien avant que Catherine de Medicis devienne reine de France.

 

La planche de l’Encyclopédie Artichaut

  1. L’occitan et le catalan étaient considérés comme une seule langue à l’époque

Barbajàou,barbajòl

Barbajàou,barbajòl s.m. »joubarbe ». L’origine du mot occitan et du mot français est identique : latin barba + Jovis le génitif de Jupiter. La différence du genre s’explique par l’inversion des deux composants.  D’autres noms  de la joubarbe des toits : Artichaut bâtard, Artichaut de murailles, Artichaut des toits, Grande Joubarbe, Herbe du tonnerre ».

D’après les données du FEW le type barbajàou est limité à l’est-languedocien, au Velay et au Périgord. Il se retrouve en wallon. Il faudra attendre la publcation du Dictionnaire de l’Occitan Médieval, pour savoir si ce type était plus répandu autrefois et qu’il couvrait la même zone géographique que le type dies + jovis > dijòus « jeudi ».

      

Pedanius Dioscoride né vers 40 après J.-C. à Anazarbe dans la Cilicie (Turquie) écrit dans sa De materia medica que la Jovis barba protège contre la foudre et que pour cette raison on la cultivait dans dans des bacs et sur les toits.

Le Capitulare de villis vel curtis imperialibus, l’ordonnance de Charlemagne concernant la gestion de l’agriculture et l’horticulture des domaines impériaux, rédigé vers 812, prescrit la plantatation de la joubarbe pour la même raison.

D’après le Thesoc barbajaou est le nom de l’hirondelle dans le Gard, l’Hérault et l’Ardèche (??). Ailleurs l’hirondelle s’appelle cul blanc. Il doit s’agir du barbajàou le « martinet à ventre blanc »; le barbeirou-pies blanc le « grand martinet à ventre blanc » (Mistral), qui est le plus grand martinet d’Europe.  Je crois que c’est le même oiseau; je n’ai pas trouvé deux espèces de martinets à ventre blanc différents. Ce sens s’explique à partir de la notion « barbe blanche ».

Un visiteur m’informe : barbajou serait aussi le sobriquet collectif des habitants de Bezouce ou St-Gervasy, dans le Gard.