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Ganchou

Ganchou. Dans les parlers occitans on trouve un autre mot qui vient du grec gampsos « courbé, recourbé,torsadé » FEW IV,50 à savoir ganchou attesté à Palavas et au Grau du Roi avec le sens « gaffe »  (pas au fig.!)   et à Marseille « croc », et un composé agancha « gagner, avancer » à Puisserguier.  L’étymon est le même que du mot  ganso  « noeud »,  mais son histoire est différente. Ganchou  est un mot maritime qui a été emprunté à l’italien gancio,  qui l’a < du turc kanga < du grec gampsos

Jérôme un visiteur de la région,  me signale: Ganchou,  peut également signifier la « prison », enfin par chez moi à Béziers. Je pense que ce sens s’est développé à partir du sens « crochet ». Voir le FEW IV,40 collne b

Voir aussi mon ‘article gansa, ganso  dont l’étymon est le même, mais pas l’histoire.

Un lecteur me signale : gánchou : à Capestang c’est la longue perche composée d’un long manche terminé par un crochet qui permet de propulser les nego-fols sur l’étang.

(Un nego-fol, nègafòl  est un « batelet, nacelle » ou une « renoncule aquatique » dans le Centre ou une « grenouillette » à Toulouse.

A ma demande, M.Philippe Ibars me fournit les précisions suivantes :

« La partègueque je connais est une perche de bois simple qui sert à pousser les négachins du côté de Gallician, dans les étangs du Charnier ou du Scamandre. Mon beau-père, grand chasseur devant l’éternel, en commandait de temps en temps à un de ses amis forestier dans les Cévennes, elles étaient faites en bois de châtaignier.
J’ai souvent utilisé la partègue pour pousser les négachins dans les marais, pour le plaisir, simplement. On glisse sur l’eau sans bruit, il faut simplement faire attention à ne pas trop la planter dans la vase car elle risque de s’y coller et de nous faire perdre l’équilibre.
Les pêcheurs ou les chasseurs l’appelaient indifféremment partègue (du latin pertica ‘perche’) ou barre. Ils disaient aussi bien partéguer que pousser car il est vrai qu’on « pousse » sur la partègue pour faire avancer le bateau.
Par contre je n’ai jamais vu de partègues terminées par un crochet. Certaines étaient terminées par une petite fourche bifide métallique. Elles étaient utiles dans les marais très herbeux, la partègue se plantait dans les herbes et s’envasait moins, l’appui était ainsi plus assuré et l’on allait un peu plus vite. Mais elles étaient un peu plus lourdes, à cause de ce manchon de fer, c’est peut-être pour cela qu’elles étaient moins utilisée »

Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

 

Galafata

Galafatà v.tr. « boucher avec de l’étoupe un vaisseau, un tonneau qui fuit » (S), calfater en français devenu calfeutrer par altération de calfater avec développement d’un -r- épenthétique par croisement sémantique avec feutre, le feutre ayant servi de bourre.

Etymologie: calafata est attesté en ancien occitan depuis le XIIIe siècle, avec le sens « boucher les fentes et les joints d’une embarcation avec de l’étoupe goudronnée ». Le calfat (1455), galafat (Marseille) est l’ouvrier qui fait ce boulot, galafataire en ancien occitan, et le galefat « le coin pour calfater ». On a longtemps cru que le mot venait du grec kalaphateiv, mais l’éminent linguiste espagnol Juan Corominas a découvert que le mot arabe galfat, qalfat ou qalafa « calfater » est attesté depuis le VIIe siècle. Il est donc probable que le grec l’a emprunté à l’arabe. Il semble d’après le TLF que le mot arabe a été emprunté au bas latin *calefare ou *calefectare (lat. class. calefacere,  » chauffer »  ce qui s’explique par le fait qu’on chauffe du goudron pour calfater un bateau.

galafataires
et galefat

Il est probable que le mot s’est répandu en langue d’oïl à partir des ports méditerranéens. Galafataire est passé en français  en devenant galefretier « coquin, vaurien » grâce à Rabelais, plus tard « va-nu-pieds ». Dans le TLF galfâtre « goinfre; propre à rien ». Le FEW pense que le sens péjoratief qu’a pris le mot avec un g- initial est dû à l’influence de la famille de galafre « goinfre », mais cela n’explique pas pourquoi néerlandais kalefateren, et allemand kalfatern sont également plus ou moins péjoratifs. Je pense qu’il s’agit du même phénomène qu’on constate dans le mot bricolage qui peut prendre le sens péjoratif de « travail d’amateur’. Un  galafataire bouche des trous.

La forme avec g- reste mystérieuse. Je me demande pourquoi personne n’a pensé que Marseille ou un autre port méridional pourrait avoir emprunté la technique et le mot directement à l’arabe galfat ? et que les galafataires au début étaient des techniciens immigrés ? Il semble que les calfats étaient très estimés; voir le site archeoprovence  :

« Il est dit, dans les statuts des calfats de Marseille et de Nice, statuts qui s’appliquaient à tout le littoral méditerranéen, que lorsque des patrons voudront « brusquer pour radouber », ils devront recourir aux seuls maîtres calfats et à leurs « fadarins » (apprentis) qui seront conduits par un « cap d’obre » (contremaître). En lisant les statuts de 1489, on constate que leur corps de métier est doté d’un monopole et qu’il constitue une sorte de service public [20] . Trois prud’hommes étaient nommés et élus « cap d’obre » pour un an. Ils devaient protéger les calfats et servir d’arbitres lors des différents survenus entre les capitaines ou patrons de bateaux et les calfats et fadarins« .

Ensuite le mot galafataire a pris en occitan un sens péjoratif. La forme occitane a gardé ce caractère péjoratif quand Rabelais l’a mis dans ses bagages en rentrant de Montpellier. Il faut encore noter que les formes avec g- se trouvent surtout à l’ouest du Rhône; est-ce un hasard?

Engarrafata   a le sens : « s’emmitoufler avec beaucoup de choses » d’après mon témoin de Manduel. Sens  confirmé par un dictionnaire du patois d’Ales.

Italien calafatare , portugais calafetar, espagnol calafatear, catalan calafatar

Gafa, gafar

Gafa « davier de tonnelier »c’est-à- dire une sorte de tenaille pour faire entrer les cerceaux du tonneau, appelée aussi « tirtoir »ou « chien ».

Gaf- « crochet », gafar signifie « gaffer ; mordre, harper; accrocher, suspendre; attraper; coller ». Alibert donne plusieurs dérivés avec des sens qui s’y rattachent, comme par exemple gafarot  « grateron, glouteron ;  les graferots   « fruits de la bardane » sont  nommés ainsi parce qu’ils s’accrochent aux vêtements ou aux poils des bêtes. D’autres formes: galafot (Puisserguier), galafoch (S). Gafarot  signifie d’après Alibert aussi « passeur de rivière » , mais ce gafarot  fait partie d’une autre famille de mots; cf. gafa « gué »

  gafa « crochet » gafarot   crochets

La famille de mots gaf- avec le sens « saisir » et ses dérivés est indigène dans le sud de la France jusqu’à la Loire.  Nous retrouvons cette famille de mots en catalan et espagnol gafa « crochet », esp. et portugais gafar « saisir ». La zone de répartition correspond à celle où la langue des Goths a influencé la langue romane indigène. Nous pouvons donc supposer un lien avec les mots germaniques Gaffel « fourche », anglais gaffle,  néerlandais gaffel .  Il faudra supposer un verbe   germanique *gaffon « saisir avec un crochet » créé à partir d’une racine *gaff-.

En allemand moderne le mot pour « fourchette » ou « fourche » est Gabel, mais aussi Gaffel dans certaines régions, qui a la même origine, comme Gaffelseil un type de voile de bateau et un Gaffelschoner un type de voilier. Cf. aussi anglais gable roof  « toit à pignon ». Dans le grand dictionnaire de l’allemand fait par les frères Grimm au XIXe siècle  est écrit que dans l’histoire du mot gab-, gaf-  nous trouvons un élément important de la préhistoire européenne! En effet on retrouve cette famille dans le celtique et dans le finlandais et les objets à base du crochet qu’ils désignent  sont essentiels dans beaucoup de métiers. .

gaffelaar       gaffel
Un gaffelaar du Brabant ou de Zeeland (NL).             Le gaffelzeil « voile gaffel » tient au mât par une fourche.

Le sens « maladresse » dans l’expression faire une gaffe , attestée depuis Larousse 1872, a été emprunté au langage des matelots pour qui la gaffe est « une perche garnie d’un crochet latéral pour pousser une barque, tirer quelque chose à bord etc. » et fait donc partie du même groupe. Peut-être qu’un matelot peut nous renseigner sur cette évolution sémantique?? Une gaffe utilisée maladroitement , c’est comme un croche-pied! Et si une gaffe peut servir à « pousser » comme à « tirer à bord », faire une gaffe peut bien devenir le contraire de ce qu’on veut faire  « une maladresse ». Dans le site du ‘TLF je trouve la suggestion suivante: « peut-être par allusion aux brimades auxquelles sont soumis les débutants ou les mousses. »

Le sens du mot anglais gaffe  « a silly mistake » (XIXe s., comme l’expression française ) correspond exactement au sens du mot français faire une gaffe « maladresse ». Il est difficile à admettre que l’étymologie proposée par les dictionnaires anglais gab « bavarder » soit juste, d’autant plus qu’il s’agit d’une expression marine!   Douglas Harper   écrit : « gaffe – « blunder, » 1909, from Fr. gaffe « clumsy remark, » originally « boat hook, » from O.Fr. gaffe, from O.Prov. gaf, probably from W.Goth. *gafa « hook, » from P.Gmc. *gafa. Sense connection is obscure. The gaff was also used to land big fish.  »

En restant dans le domaine maritime, le PDG de BP, Tony Hayward, est un gaffe-proner d’après le NewYork Times du 4 juin 2010 . Proner est probablement un emprunt au moyen français prone « porté vers, enclin » attesté depuis l’ancien français vers1173, du latin pronus  » penché en avant; enclin à ».

gaffe_proner
gaffe-proner

Faire gaffe  Le mot français gaffe dans l’expression faire gaffe par contre est d’origine argotique. La première attestation date de 1455, gaffre « gardien, sergent » , mais il ne réapparaît dans les textes et les dictionnaires qu’au XIXe siècle : le gaffe  » le guet », être en gaffe « aux aguets » et  le verbe argotique gaffer « guetter »,  en français moderne faire gaffe.

L’origine est probablement le mot allemand Gaffer « quelqu’un qui regarde la bouche et les yeux grand ouverts », du verbe gaffen « regarder fixement la bouche ouverte ». L’expression faire gaffe veut bien dire « bien regarder, les yeux grand ouverts ».  Il n’est pas improbable que le mot a été emprunté une deuxième fois au XIXe siècle au lieu de continuer l’ancien gaffre.

Le mot anglais gaffer « supervisor » gaffer – 1589, « elderly rustic, » apparently a contraction of godfather; originally « old man, » it was applied from 1841 to foremen and supervisors, which sense carried over 20c. to « electrician in charge of lighting on a film set. »  pourrait bien avoir la même origine.  Je ne vois pas très bien comment godfather  peut être prononcé  gaffer  en anglais comme le propose  Douglas Harper et autres.

Le sens moderne s’est spécifié dans le monde du cinéma : « le chef de l’éclairage dans un film ou studio TV ».  Vous le verrez dans les génériques. Un faux ami pour les Français.

Manado, manielha

Manado s.f. « troupeau de taureaux et de chevaux » , manade  en français régional, est dérivé de latin manus  « main ». Man signifie déjà en  ancien occitan « travail, main d’oeuvre » et manada « poignée, ce que peut contenir la main » comme l’ancien français manée . L’évolution sémantique de « poignée » vers « troupeau » se retrouve dans des expressions comme « une poignée de gens, de taureaux ».  Une autre possibilité est que  le sens « troupeau » a été emprunté à l’espagnol manada .

Pourl’abbé de Sauvagesune manado est un troupeau en général : uno manado dë pors « un troupeau de cochons » et pour lui ce mot vient de l’espagnol, mais dans le sens « poignée; une botte »: uno manado de cêbos  une poignée d’oignons » c’est un mot languedocien.

Manado signifie aussi « poignée d’un récipient » ou « manivelle » et est un synonyme d’ arapofere « une manique des repasseuses » c’est-à-dire une sorte de gant de protection. Il avertit les Languedociens qu’il faut dire en français  manique et non manicle, du latin manicula quoique les deux formes sont admises dans le dictionnaire de l’Académie 1694.

manade et manicle

En ancien français  la manicle est « la partie de l’armure quui couvrait l’avant-bras et la main » . Un mot avec un sens très spécifique. Il s’agit d’un emprunt au latin. Au cours des siècles le mot a dégringolé socialement : menicles « menottes » déjà au XIVe siècle, frère de la menicle « coupe-bourse ». Sur une planche de l’Encyclopédie, fig. 44 « la manicle du cordonnier »:

manicle de cordonnier.

En occitan manicula devient régulièrement manielha en ancien provençal et en languedocien manilho « anse » (S). Il  ne se trouve qu’en occitan et en franco-provençal.

Magnan, magnanerie

Magnan (forme adopté par le français TLF), magna, magnaou « ver à soie »;  magnaghié ou magnassié « ouvrier chargé de l’éducation des vers à soie » (S). L’abbé de Sauvages ajoute qu’il préfère pour le français le mot magnaguier à nourrissier « parce qu’il est plus expressif et déjà reçu à Alais, un des centres où l’on entend le mieux cette éducation ».

Magnanerie (TLF), magnaghieiro (S) n’est pas seulement le bâtiment ou le local mais aussi « la construction des pieds droits & des tables sur lesquelles on place ces insectes ». (Ce dernier sens n’est pas mentionné dans le TLF qui ajoute pour le sg. le sens « sériciculture »). Pour l’abbé de Sauvages le mot magnagerie est le mot languedocien pour ‘l’art d’élever les vers à soie » et il mentionne comme mot français, inventé un siècle plutôt, la serodocimasie qui n’a pas pu s’imposer depuis.

   et 

Déjà en 1756 l’abbé de Sauvages a écrit que le mot magna, magnaou vient de l’italien mignato. En 1898, C.Nigra suivi par Sainéan et d’autres, a repris cette étymologie, probablement sans connaître le dictionnaire de notre cher abbé. D’après eux l’origine serait magnatto « ver à soie » des dialectes du nord de l’Italie ou du mot italien mignatta « sangsue ».  Les deux  mots remontent à une racine miñ- qui est à l’origine des noms du chat. A l’appui de cette hypothèse il cite les dénominations de la chenille issues de mots désignant le chat, telles que en Italie du Nord gat(t)a, gattina, gattola, ancien français chatte-peleuse, anglais caterpillar, et français chenille.

Je pense que les images suivantes montrent clairement que l’association ver à soie /chat, chaton est directe et n’a rien à voir avec la chenille.

            

                chatons                                                                    cocons de vers à soie                                                  chenille

Une autre proposition vient de Gamillscheg qui rattache magnan directement à l’italien magnatto « ver à soie » (que je n’ai pas pu retrouver avec ce sens précis) d’où le français maignat, magniaux du XVIe siècle, transformé en magna par étymologie populaire, association à magnar « manger », parce que le ver à soie mange énormément de feuilles de mûrier. En tout cas j’ai trouvé dans un lexique du patois de Venise un magnat(t)o participe passé de magnare « manger »: « Anke io ho magnatto la carbonara ieri sera!! » Il semble que le verbe magnare signifie justement ‘manger beaucoup’! : Magnare a ufo est Mangiare ingordamente ; Magnare anca le broze de San Roco est Mangiare in modo insaziabile, consumare tutto ; Magnare fora tuto est Dilapidare ogni sostanza, consumare.

Une excursion dans le monde de la sériciculture.

Dans la première édition de son dictionnaire de 1756, l’abbé de Sauvages donne une liste de mots languedociens qui se rapportent à la sériciculture. Si cela vous intéresse, vous pouvez les voir en cliquant p.Sauvages 286, p.Sauvages 287, pSauvages 288 (avec Adobe Reader . Si non téléchargez-le!).

L’abbé était un fin connaisseur de la sériciculture. Il a fait beaucoup de recherches à ce sujet pour aider les Cévenols. Voir à ce propos ma page Sources, liens s.v.Sauvages.  Il avait entendu parler du magnifique ouvrage de Anna Maria Sibylla Merian, 1647-1717  sur les insectes de Suriname, (Voir Wikipedia), dont il y a deux exemplaires à la bibliothèque nationale et dont vous pouvez voir les illustrations grâce à la bibliothèque d’Amsterdam, qui a fait un très beau travail de numérisations. Magnez-vous!! C’est magnifique. En très haute résolution.  Une petite aide pour comprendre le néerlandais : beeld « image », beschrijving « description », terug  « retour », vorige  « précédent »,  volgende « suivant ».

            

Tous les dessins de Merian sont coloriés à la main ! Un dessin superbe intitulé metamorphosis   sur votre écran, en cliqant ici.

Une page intéressante sur la magnanerie dans le Roussillon, spécialement à Cattlà.

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