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Magnin

Magnin « ferblantier, chaudronnier ambulant » (Camargue).  Magnin  est la forme typique de l’occitan à l’est du Rhône et du francoprovençal. La forme magnin  a été introduite par les chaudronniers ambulants provenant des vallées alpines du Piémont italien où magnin a été formé à partir de la forme magnan par changement de suffixe. Il est devenu assez tôt un nom de famille, attesté dès le XIVe s. à Grenoble. D’après un site il y a actuellement plus de 6500 Magnin‘s en France.

Magnan est la forme de l’ancien français et des patois de la langue d’oïl.

L’étymologie de magnin n’est pas tout à fait clair. Je résume l’article *manianus > ancien français magnan dans le FEW qui discute les différentes propositions parce qu’il montre que l’étymologie moderne doit tenir compte des facteurs historiques, géographiques, phonétiques et sémantiques. Les attestations  jouent également un rôle important.

  • Diez « Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen » 1887, a proposé machina Une étymologie impossible pour des raisons d’ordre phonétique : Quelles règles pourraient décrire la transformation machina >magnin ?
  • Horning Z 9, p.510 propose comme origine le nom de la région auvergnate la Limagne, avec déglutination de li- compris comme l’article, mais il n’y a pas d’indications historiques que les Auvergnats parcouraient comme marchands ambulants ou ferblantiers non seulement toute la France mais aussi l’Italie (italien magnano).
  • Wiener pense à *maskinanus ou un dérivé de mango qui posent également des problèmes phonétiques.
  • Sainéan pense qu’il s’agit du participe présent magnant du verbe moyen français maignier « manier », dérivé de manus « main », mais un manianus est déjà attesté en 1250 à Bologna. Italien moderne magnano « serrurier ».
  • L’hypothèse la plus probable à mon avis est celle de  H.-E. Keller dans le FEW qui suppose qu’il s’agit d’un dérivé de *mania une forme secondaire de *manua « anse ». En occitan existe en effet le mot manha « propriété, qualité propre de qch. », et en catalan manya f. « Destresa, habilitat. | Pressa. | donar-se manya « Enginyar-se » (DIEC), espagnol maña, portugais manha avec le sens « habilité » qui viennent d’une forme mania, comme catalan manyà « serrurier », manyana « serrurière ». Le problème qui reste est qu’en occitan *manianus n’est pas attesté et qu’en italien *mania non plus.
  • On pourrait encore supposer que *manianus a été formé en occitan par changement de suffixe à partir de manuarius, mais il n’y a pas d’attestations anciennes d’une telle forme.

Nai, nais

Nai(s) « abreuvoir » (Thesoc). Mistral définit nais comme « routoir » pour rouir le chanvre, sens attesté depuis le XIVe siècle. Han Schook a recueilli a Die nais ou  naisas  s.m. « routoir de chanvre, bassin pour rouir le chanvre »,   et le verbe naisar, naisir  « rouir le chanvre ». Le sens « auge » se trouve dans un autre texte de la même époque. Le mot s’est maintenu dans les Alpes Maritimes et à Forcalquier avec le sens « abreuvoir » (Thesoc).  Dans les dictionnaires on le trouve dans les parlers provençaux et franco-provençaux ainsi que  en Poitou et les deux Sèvres, mais il y est rare. A Barcelonnette nais signifie « routoir » et « prairie marécageuse », à La Ciotat c’est un « lavoir ».  Cette évolution sémantique s’explique par la disparition de la culture du chanvre.

L’étymologie n’est pas claire. Meyer-Lübke a supposé un germanique natjan « mouiller », W.Gerig propose dans sa thèse de 1913 un gaulois n(e)ax, mais ni l’un ni l’autre étymon  ne rend compte des formes provençales. Le FEW (VII,24a-25b) suit la proposition d’Antoine Thomas : *nasiare « mettre à rouir le chanvre », mais il n’est pas clair si le verbe a été formé à partir du substantif ou l’inverse, et l’origine de ce verbe reste obscure.

    

Rodo, roudou, redoul

Rodo, rodor

  • 1. Coriaria myrtifolia (cf. Wikipedia) utilisé pour le tannage comme le sumac.. L’espèce contient de la coriamyrtine, alcaloïde qui frappe les moutons d‘intoxication alcoolique lorsqu’ils les consomment.Voir ebriago.
  • 2. Sumac.   Cf fustet  pour les caractéristiques et l’utilisation de cette arbrisseau.
  • (regardez le commentaire de H;Boyer avec des précisions botaniques)

Etymologie : latin rhus, rhoris; rore; ros. Un emprunt au grec. Les Grecs l’utilisaient déjà pour le tannage. Les formes de l’ancien occitan ros, rou reposent directement sur le nominatif rhus >ros.

 

Mistral, Trésor.                                                                                                  emborracha cabras   « coriaria »

Le grand étymologue Corominas suppose pour expliquer certaines formes occitanes et catalanes (ancien languedocien rodor, Aveyron roudoù , languedocien roudourié « lieu planté en roudoul ») un nom composé rhustyrius = rhus de Tyrus turius remplace syriacus (de Syrie) parce que Tyrus, Tyr est le port le plus important de la Syrie. Dans l’Antiquité la Syrie était le producteur le plus important de sumac pour le tannage. Rhus-tyrius > rorem tyrium à l’accusatif , > *roreturium et par dissimilitaion des deux -r– > *rodeturiu, qui par l’évolution phonétique régulière a abouti à rodor, ancien catalan roudor, raudor, etc.
Les formes occitanes rodor etc. ont abouti à rodo et par changement de suffixe > rodoul,  et ensuite par dissimilation des deux voyelles > redoul. Voir aussi le TLF s.v.roudou.

Voir aussi Nerta « myrte »

Un vrai connaisseur de la botanique, Henri Boyer m’écrit  un commentaire:

OK pour l’étymologie, mais le référent ( le signifié) pose problème. Il y a confusion dans le texte ( y compris Mistral mais non Corominas) entre le sumac, fauvi,ou fustet = Rhus coriaria et le nertàs, ebriago = Coriaria myrtifolia, toxique.
Rhus coriaria n’est pas présent en Rouergue, mais Coriaria m. oui.
Mistral écrit « rodo » au lieu de « rôdou » paroxyton, car il n’admet jamais de finale en « ou » atone, même attestée.

Je lui ai répondu: « Merci beaucoup. Mes connaissances en  botaniques sont très limitées; en plus dans les parlers  régionaux il y a beaucoup de variantes sémantiques et phonétiques., » Sur quoi il me répond:

merci pour votre réponse Monsieur Geuljans.

Il existe dans le cas de « redoul » un noeud de confusion peut-être inextricable.

2 espèces locales ayant le même usage en tannerie, une comestible Rhus coriaria l’autre extrêmement toxique Coriaria myrtifolia, portant donc presque le même nom linnéen…

La confusion s’observe dans nombre de publications anciennes et modernes,  et particulièrement dans les dictionnaires de langue d’oc anciens ( dès Boissier de Sauvages XVIIIème siècle ) et modernes.

Peut-être les deux espèces sont-elles homonymes dans la langue vernaculaire… c’est tout à fait courant en effet, mais j’ai un doute.

L’étymologie de Coromines concerne uniquement le lexème latin « rhus, rhus tyrius » donnant rôdou, rôdoul, avec un référent initial botanique Rhus coriaria L.

Je me demande si la confusion n’est pas d’origine littéraire par effet de compilation de lexiques en lexiques peu rigoureux.

Le « rodo » de Mistral est possiblement inexistant, pour des raisons pas claires il rejette toute forme avec /u/ atone final y compris en niçard et gascon ou elle sont typiquement idiomatiques.

Moi: >https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/lire/100/383

Dans l’article du FEW  (suivez  le lien), l’auteur écrit dans la note 1 qu’il  suit surtout Rolland Flore.
Je vais mettre le lien dans l’article ainsi que votre complément qui n’apparait que quand on clique sur lle titre de l’article.
Cordialement,

Pour finir:Bonjour,

se lancer dans la Flore de Rolland, c’est plonger dans un autre océan…

D’après se que je comprends de la note, Rolland a perçu qu’il s’agit de plusieurs espèces au sens botanique, mais Coriaria myrtifolia n’est pas du tout une  « espèce » du genre Rhus… C’est l’usage en tannerie qui est commun d’où homonymie en langue vernaculaire ( probablement).

A lire le FEW ( hélas j’ai du mal avec l’allemand) j’observe que la confusion peut s’étendre à « roure, rouve, roube » c.à.d à diverses espèce de Quercus, plutôt à Quercus coccifera L. très utilisé pour le tanin aussi…

Pas sortis de l’auberge donc…

Henri Boyer

Dommage qu’il n’y a eu pas davantage d’échanges comme celui-ci,; cela aurait enrichi beaucoup le site.

 

Fustet

Fustet « sumac ». Etymologie : arabe fustùk « pistachier ». En ancien occitan est attesté  festuc « pistache », mot repris par  Rabelais qui le nommait festique, peut-être sous l’influence de l’occitan faouviq ?

Pour  l’étymologie, je cite le TLF : Empr. à l’a. prov. fustet « id. » (XIVe s., Evang. de l’Enfance ds RAYN.; cf. aussi LEVY (E.) Prov.; cf. prov. mod. fustel cité ds FEW t. 19, p. 49a), lui-même empr. au cat. fustet (dep. 1249 ds ALC.-MOLL), empr. à l’ar. fústuq, fústaq « pistachier ».

Pour une description voir  l’Encyclopédie des Arts et des Métiers.

Une des premières attestations vient des livres de comptes des frères Bonis : marchands montalbanais du XIVe siècle. 1e partie / [par Barthélemy et Géraud Bonis] ; publiés et annotés pour la Société historique de Gascogne, par Edouard Forestié,..  Je n’ai pas consulté ce livre qui doit être très intéressant pour ceux qui veulent en savoir plus, parce que le fustet est le  sumac qui fournit une matière tincturale jaune et qui est encore utilisé de nos jours pour ses excellentes qualités. La différence est  que l’extract  s’appelle maintenant  RETAN-BLK-M ou TSK , c’est plus moderne…
Voir aussi Falbe ci-dessus, et rodo ou redoul .

Le transfert de sens de pistachier > sumac s’explique par leur ressemblance. Ils appartiennent tous les deux à la même famille des Anacardiaceae

 

pistachier                                                                         fustet

Fabre

Fabre, faure s.m. »forgeron »  Site : nom de famille : « En France : 39 592 personnes portent le nom de famille Fabre selon nos estimations. Le Fabre est le 66ème nom le plus porté en France » . Pour les toponymes, voir A.Longnon,Les nom de lieux de la France,p.552 ss. Noms de famille très répandu : par exemple le jeudi 29 mars; 1597 dans un jugement : « C’est présenté le sire Pierre Fabre, fils à autre Pierre. A esté sensuré pour avoir conduict une putain, ou aportée en croupe sur une mule, nommée ladicte putain « La Muscadele ». Pour la suite de cette histoire cliquez!

Etymologie : latin faber « forgeron ». Le mot fabre, favre a aussi existé dans le Nord, mais depuis le XIIIe siècle il y est concurrencé par un dérivé de fabricare > forger. Il a pourtant pu se maintenir dans la langue juridique jusqu’à la Révolution, par exemple dans des statuts des fèvres couteliers, des fèvres mareschal, et jusqu’à nos jours dans orfèvre.

Fabre s’est maintenu en occitan et en franco-provençal. Dans quelques endroits le sens s’est spécifié, comme en Ardèche faure « serrurier ». A Toulouse et dans le Tarn-et-Garonne, les faures est la « vipérine commune » (Echium vulgare L. ) parce que posée sur une plaie elle calme la douleur brûlante; autres noms qui confirment : herbe à feu, brûlotte. La plante contient de l’échiine, un poison paralysant le système nerveux comme le curare!

  faures

Déjà en latin faber était concurrencé par ferrarius. Ce dernier a donné catalan ferrer, espagnol herrero, portugais ferreiro. Faber vit en italien fabbro.