cat-right

Carrel, quéron

Carrèl, cairèl « carreau, compartiment carré; case de damier; carreau de cartes; outil de tailleur; pavé plat (voir plan ) ;etc. …..voir Alibert.  Dans les Cévennes : carré de papier fort à bords relevés sur lequel on place les vers à soie nouveau-nés. L’étymologie de la forme est la même que celle du français carreau latin vulgaire *quadrellus (dérivé de quadrus « carré ») représenté par le latin médiéval quadrellus « mesure agraire de superficie ». Les sens varient suivant le milieu dans lequel il est utilisé : un carrèl n’est pas la même chose pour un joueur de cartes que pour un éléveur de vers à soie. Le plus utilisé est le sens parpaing (appelé aussi bloc béton, moellon ou queron, caironselon les régions).

                                                                En bas à droite un carrèl (Wikipedia

Caput

Caput « têtu » (Lhubac) français régional.

Caput, un dérivé du latin caput,capitem, qui n’est attesté qu’à St.Pons et dans l’Aveyron,  est peut-être un réfection de la forme donnée par Alibert caparrut ,-uda « têtu, entêté » sur le paradigme occitan bana> banu ou français tête > têtu , donc cap > caput.

Attention! L’allemand kaput (prononcez « kapout »), le néerlandais kapot et l’anglais kaput veulent dire « cassé, inutilisable ». Ils n’ont pas la même origine. D’après le Bloch-Wartburg, l’allemand kaput vient du français capot un dérivé du latin cappa « sorte de couvre-chef ». Au XVIe siècle le français emprunte le mot capot avec le sens « manteau à capuchon » au normand, à l’occitan ou à l’italien, c’est difficile à dire. Depuis 1642 sont attestées les expressions être capot, faire quelqu’un capot dans le jeu de piquet où capot signifie « qui n’a pas fait une levée ». (Vous trouverez une description de ce jeu créé au XVe siècle dans ce site ).

Littré explique la création de cette expression par une comparaison du joueur qui est capot à quelqu’un qui est définitivement hors jeu comme si on lui avait jeté un capot « manteau avec capuchon » sur la tête. Pendant la guerre de Trente ans l’expression est passée de l’armée française à l’armée allemande et de là dans la langue allemande en général.
Problème! Le TLF fait venir l’argot capout de l’allemand : » capout […] tué ou tuer, mot employé en parlant des Allemands). Terme empr., prob. pendant la Guerre de Trente Ans, aux soldats de lang. germ.[…..]. termes de l’arg. milit. au sens de « assommer, tuer », adaptations, d’abord comme termes de jeu, du fr. (faire) capot*  »
La première attestation en allemand est orthographié capot! Le kapot néerlandais a peut-être emprunté directement au français.

Nous tournons un peu en rond.

Capitelle

Capitelle « cabane de vigne en pierre sèche ».

Le latin tardif  capitellum, un diminutif de caput  « tête »,  signifie  « chapiteau d’une colonne » et « téton ». Mais on  est resté

 conscient que c’était un diminutif de caput  qui signifiait aussi « chef, maître ». Ainsi nous trouvons en ancien occitan capdel  avec le sens «  chef, commandant, seigneur, maître, etc », cf. espagnol caudillo.

Au XIIe siècle capitellum a été de nouveau emprunté au latin avec le sens « chapiteau »,  en ancien occitan  capitel   et à partir de ce sens, d’autres significations  comme  « toiture d’un auvent, porche d’une église, petit hangar » et même « couvercle d’un pot », se sont développés. Ce que ces significations ont en commun c’est la forme arrondi du haut, du toit etc. Et nous voilà arrivés aux CAPITELLES  nîmoises mot attesté depuis 1620 d’après Lassure.( Lassure, un site magnifique, qui vaut le détour.) Au XXe siècle le mot capitelles  a eu un grand succès dans tout le Languedoc Roussillon grâce aux érudits gardois et ardéchois, tout en supplantant les mots locaux. Pour plus de renseignements sur les différents noms et leur histoires des constructions en pierre sèche,

CoupoleCapitelleP

 A droite une coupole de capitelle vue de l’intérieur, prise dans la « Combe des Bourguignons » à Marguerittes (Gard)

 

Quelques excursions à l’estranger

Au XVe siècle , il y  avait dans l’armée du roi beaucoup d’officiers  d’origine gasconne, notamment les fils qui étaient nés après l’aîné dans les familles nobles. A la cour ils étaient désignés comme  des cadets « jeune chef » avec la prononciation gasconne où capdè  était devenu cadè . Néerlandais cadet est une jeune officier à l’école militaire e.a. la Koninklijke Militaire Academie à Breda. Ce n’est pas un souvenir de l’occupation française sous Napoléon. La première attestation date de 1723, et antérieurement avec le sens de « jeune fils » . +ici

Très courant et avec une orthographe adaptée est le mot kadetje, diminutif de kadet, pour désigner un petit pain avec une fente au milieu. Ensuite par analogie « le postérieur », sens attesté également en français, TLF : « Rem. Le mot cadet est également employé pour désigner (p. anal. de rang, de place : 1) le postérieur (cf. ZOLA, L’Assommoir, 1877, p. 437); ». Un cadet est aussi un type de bateau à voile( mot international), et un modèle de la marque Opel.
Français cadet a été prononcé [kawdi]  en Ecosse, pour nommer le jeune valet qui s’occupait des golfsticks et les transportait dans un genre de chariot. Le mot a retraversé la Manche, dans la forme anglaise caddy ou caddie.

                                           Cadet                                       à droite: Kadetje                                     Opel Cadet                              caddie

Capitellum « petite tête » est également à l’origine du mot cadeau mais c’est une autre histoire. Au début du 15e siècle, un cadeau est d’abord une « lettre capitale ornée de traits de plume » souvent  c’est l’initiale d’une rubrique (= « en rouge »). Ensuite au milieu du 17e siècle cadeau prend aussi le sens de « fête galante offerte à une dame; régal », probablement un raccoourci de « invitation écrite avec des belles lettres capitales à une telle fête ». De là à partir de la fin du 18e siècle « présent destiné à fêter quelqu’un ». Emprunté par le néerlandais tel quel cadeau orthographié aussi kado.

Capitar

Capitar, capiter « réussir »(Lhubac); en français régional également « profiter » dans un contexte comme par exemple « on a capité du week-end avec les copains » (entendu personnellement à Genolhac, Gard, le 11.12.04). Dans le jeu de la pétanque capiter = « réussir »; Voir René Domergue.
L’étymologie est le verbe latin capitare > italien capitare « arriver quelque part; réussir ».  Capitare  est peut-être dérivé de caput  « tête », avec une évolution sémantique comme français achever.  Une autre possibilité est qu’il s’agit d’un dérivé  de capere qui existe entre autres en roumain capata  avec le sens « acquérir ».

D’après les données du FEW capita(r) est propre au franco-provençal et l’est du domaine occitan, jusqu’à Pézenas environ, avec les sens « rencontrer quelqu’un; réussir; arriver; trouver à point quelque chose ».

C’est un emprunt aux dialectes italiens voisins.    Capito?

Capelan

Capelan « prêtre, curé d’une paroisse ». Bien sûr l’étymologie est la même que celle du fr. chapelain, mais j’en parle quand-même parce que

  • 1) L’histoire de cappella + -anus est intéressante.
  • 2) Le sens du languedocien capelan « curé » n’est pas identique à celui du mot français « chapelain » prêtre chargé de dire la messe dans une chapelle particulière ».
  • 3) Dans ma langue maternelle, le néerlandais il y a le kapelaan « prêtre qui assiste le pastoor« ; le pastoor n’est pas le « pasteur », mais le « curé », le responsable de la paroisse! Une série TV intitulé « Le chien berger » montrait la vie d’un kapelaan dont voici la photo:

    Le sens du mot français, mais avec la forme occitane ou latine se retrouve en allemand Kaplan, italien cappellano, espagnol cappelan, catalan capellà (qui signifie aussi « salive » dans l’expression quan parla de pressa tira capellans (quand il parle à toute allure il envoie des postillons) , etc.

  • 4) Dans la région de Narbonne et d’Albi le capelan s’appelle rector Pourquoi? A  Montagnac (34) il y a un proverbe :Michanta afaire quand los capelans lauran. « Mauvaise affaire quand les curés labourent. »
  • 5) A la fin du 19e siècle, la personne interrogée à Sumène (Gard) par Edmont pour l’Atlas Linguistique de la France a donné la forme capelan avec le sens « coquelicot » (parce qu’il est noir quand les pétales sont tombées?). Si vous connaissez ce sens contactez-moi.
  • D’après  le Statistique du département du Gard par Hector Rivoire, 1842 p. 220  c’est la  Centaurée laineuse Carthamus lanatus L., 1753,  qui s’appelle lous capelansCette  liste des plantes pour le Gard a été dressée par Pouzols1.
  • La bourse-à-pasteur ou tabouret s’appelle d’après la liste de Pouzols herba de l’evangile  ou bonnet dé capélan  en languedocien. En surfant sur le net, je trouve en plus un toponyme Bonnet du Capelan « Au nord du circuit pédestre de Valescure se dresse le bonnet du Capelan. Imposant, sur sa colline mise à nue par les incendies. « 
  •       
  • Un lecteur très attentif m’écrit que pour Max Rouquette c’est une autre fleur:  » Une fleur splendide poussait entre les épis de blé, grasse et violette, toute chargée de clochettes. Nous l’appelions « capélan  » pour sa couleur de semaine sainte  » in « Vert Paradis » ( Éditions le Chemin Vert, 1980, page 108, avant dernier paragraphe, dans le texte : « Le secret de l’herbe »). Je n’ai pas pu l’identifier. Si vous avez une idée, contactez-moi
  • Un visiteur originaire de Montagnac (34) l’a fait; il m’écrit : . lou capelan ou compagnon bleu : plante de la famille des liliacées appelé « Muscari neglectum » (ou muscari négligé) de couleur violette, qui, pour nous était le signe de l’arrivée du printemps. Il existe un autre Muscari, plus grand que le précédent, qui pousse plus tard, appelé « Muscari comosum ». Max Rouquette était originaire d’ Argilliers, un village à 40 km de Montagnac. Voir Wikipedia pour plus de renseignements sur le muscari neglectum.
    Différents insectes: « bruche, ver blanc à tête noires, grande sauterelle verte, grande araignée, libellule et traquet s’appellent capelan en occitan. Et puis à Tréminis dans l’Isère est attesté chapelan « tussilage ». Mais le tussilage est une fleur jaune.
.
        
D’après l’abbé de Sauvages capelan est aussi un « ver à soie mort d’une espèce de maladie qui le fait devenir noir.
  • 6) Le mot capelan a été prêté au français avec le sens : « Espèce de petite morue qui vit dans nos mers et dont la chair est estimée : Les pêcheurs de morue se servent de CAPELANS pour appât. (Acad.). Les pêcheurs donnent aussi ce nom à plusieurs poissons qui ressemblent plus ou moins au véritable capelan Le capelan a l’intérieur de l’abdomen noir. On appelle également capelan un petit gade de la Méditerranée, mais on n’est pas certain qu’il soit de la même espèce que celui de l’Océan. »(Pierre Larousse). La première attestation en ancien occitan dont le sens donné par le FEW est « gadus minutus » date de 1433. Il existe toujours en français régional (Lhubac). La raison de cette évolution sémantique n’est pas claire. Il faudrait voir le « gadus minutus » et demander à un pêcheur. Le même poisson s »appelle aussi praire « prêtre »!

         
capelan
Et maintenant il y a le « Mas des capelans » à Nîmes, transformé en salle de fête. Un visiteur m’informe que son vieux mas à Montfaucon a le même nom.

L’origine de capelan est latin cappella « petit manteau » un dérivé tardif du VIIe siècle de cappa « sorte de couvre-chef », mot également attesté tardivement. Capella désigne « le manteau de St Martin » qui, en 338, en avait donné la moitié à un pauvre.

et un vitrail moderne avec le même sujet :

Au VIIe siècle ce manteau ou ce qui en restait, est rentré dans les reliques du roi des Francs. La cappella était conservée dans un petit bâtiment à Tours près de l’église qui à l’époque s’appelait oratorium. Pendant un siècle capella signifie aussi bien ce manteau que ce bâtiment. Dans un texte on trouve in oratorio nostro, super capella domni Martine. (où capella signifie « manteau »).A partir du VIIIe siècle le mot cappella désigne « l’oratorium du roi ». D’autres cappellae sont construites entre autres à Dijon et à Aix-la-Chapelle par Charlemagne.

Entrée de la chapelle à Aix-la-Chapelle (Maintenant une cathédrale)

A partir de la Gaule le mot capella « lieu de prière du roi » remplace oratorium dans les autres pays: italien cappella, allemand Kapelle, néerlandais kapel, anglais chapel etc.
Un prêtre était chargé de la conservation de ces reliques qui appartenaient au roi. A partir du VIIIe siècle le capellanus est « celui qui doit garder et entretenir les reliques » et comme il avait probablement du temps libre, le capellanus devait à partir du Xe siècle s’occuper aussi de la correspondance du roi » et enfin au XIIe siècle nous trouvons le sens actuel : « le prêtre chargé de dire la messe dans un chapelle », et dans le Languedoc « prêtre » > « curé ».
Il faudra la collaboration d’un historien de l’église catholique pour savoir pourquoi le capelan est devenu le « curé » dans le Midi de la France. En principe un capellan est un subalterne et le curé est « responsable de la paroisse ».

J’aurai besoin du même spécialiste pour expliquer pourquoi dans le Midi, et plus spécialement dans le ouest-Languedoc et en Gascogne, mais aussi dans le nord-ouest de la France, le curé est appelé recteur », en languedocien ritou du latin rector « celui qui gouverne, maître, chef, guide ». Dans l’église ce mot désignait un « supérieur ecclésiastique, un prelat; un directeur de certaines maisons religieuses ». Je crois savoir que dans le droit canonique, une recteur n’est pas à la tête d’un paroisse, mais qu’il gère une église qui fait partie d’une paroisse. D’après des Coutumes, le même sens se retrouve en Bretagne , TLF: 1575 en Bretagne « curé d’une paroisse »


Un prelat

En ancien occitan déjà retor signifie « curé », mais les attestations des parlers modernes proviennent surtout du Languedoc et de la Gascogne d’où viennent également les dérivés reitouret « petit recteur », retouras « gros ou vilain curé » et ritouraille « prêtraille ». (Mistral).Y a-t-il un lien avec les Alibigeois ou le protestantisme dans la région??

  1. Pouzols est aussi une des sources d’E.Rolland:  POUZOLZ P.M.C. de, 1856-1862 – Flore du département du Gard ou description des plantes qui croissent naturellement dans ce département. Tessier, De Poulolz, Garve, Waton, Nîmes, 2 vol.: 660 p.