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Coufle ‘ressassié’

Coufle « (trop) rassassié ». A la sortie des bons restaurants de Nîmes on entend régulièrement  » Ah, je suis coufle ! ». D’après un blog coufle est aussi courant en stéphanois. L’abbé de Sauvages donne l’expression Soui couflë coum’un pëzoul littéralement « Je suis plein comme un pou ». A son époque on faisait aussi des couflajhë  « repas où l’on se pique de manger avec excès », et il ajoute « style bas, très bas ».

Le mot ne se trouve pas dans le TLF, mais il est connu de Diderot et d’Alembert qui donnent la définition suivante du substantif : « COUFLE, s. f. (Comm.) c’est ainsi qu’on appelle les balles de séné qui viennent du Levant. » Le séné  est une plante médicinale utilisée comme laxatif (irritant), en cas de constipation occasionnelle chez les adultes.

Etymologie: latin conflare « souffler en amas; fondre des métaux », sens conservé en franco-provençal konfla « amas de neige, entassé par le vent ». Le verbe confler, gonfler ne s’est maintenu qu’en italien gonfiare, en rhétoroman et dans le sud-est et le sud du gallo-roman. (Français gonfler date du XVIe siècle et est emprunté au bourguignon.)
Du point de vue sémantique conflar est devenu concurrent des représentants du verbe inflare « enfler »; ce qui explique que les deux verbes se sont croisés dans plusieurs endroits, comme par exemple en gascon ounflà (Mistral, s.v. enfla).

Du point de vue de la forme, il y a des variantes avec c- ou g-, mais il n’y a aucune cohésion géographique, comme pour les formes avec la nasale, confla, ou sans cofle, coufle; parfois on trouve les deux dans le même endroit.

Le substantif coufle s’applique d’abord aux animaux « météorisation, ballonnement ». D’après Mistral on appelle en languedocien un mets grossier un couflo-bentre et le sainfoin du couflo-palhe parce qu’il remplit vite la paillère.

coufle-palhe

Plegar, plier

Plega(r) « plier » mais aussi « emballer » vient du latin plicare « plier ».

Plier a gardé en français régional le sens « emballer » (Lhubac), qui était encore admis par l’Académie en 1835. Le TLF donne l’exemple suivant :

« il (= Napoléon) est entré à Vilna, chassant devant lui l’Empereur, qui à peine eut le temps de plier sa vaisselle. J. DE MAISTRE, Corresp., 1812, p.169. »

En occitan nous trouvons des expressions qui n’ont jamais eu cours dans la langue d’oïl. Se plega la testo « se coiffer » (S), plüga « fermer les yeux; dormir; jouer au colin-maillard », plegá las espaulos « hausser les épaules, plier les épaules ». L’abbé fait une distinction entre hausser les épaules : « on les hausse pour marque de mépris, de pitié, d’improbation; on les plie pour marque de soumission de résignation » Le sens actuel de hausser est d’après le TLF : « Manifester son indifférence, sa résignation ou son agacement par un léger soulèvement d’épaules ».
De plugous est « à tâtons » (S), en béarnais plegá est « plier les gerbes » d’ou la pléga « récolte ». L’abbé de Sauvages cite aussi le mot plégos « les antoques (=?) ou lunettes des chevaux qui tournent en rond pour fouler le grain ».
Le -ü- dans certaines formes comme plugous  est dû à l’influence du verbe *cludicare « fermer », (dérivé de claudere « fermer ») qui a abouti en occitan clucar, clugar « fermer (les yeux) ».

 

Cleda

Cleda, cledo « bâtiment pour sécher les châtaignes; claie pour battre la laine; ratelier pour le bétail; herse » du latin cleta .

       Une cledo transformé en gîte

une claie dans la Meuse, c’est pas pareil!

Il n’y a pas d’attestations très anciennes en latin du mot *cleta  la forme qu’on suppose être à l’origine du languedocien cledo et du français claie*cleta  est très probablement d’origine gauloise, la langue des Celtes sur le continent.  Nous trouvons des représentants de *cleta dans tous les patois français,  en catalan, portugais, basque et piémontais. A voir la nouvelle notice dans le TLF-Etym.

La notion « claie » se spécifie selon les besoins des utilisateurs :  près de Namur en Belgique  cloïe  signifie « appareil suspendu au plafond pour faire sécher les sabots », dans la Meuse c’est un « filet »,   un peu partout c’est « une barrière ou une clôture dans les champs  en treillage», dans l’Aveyron clédo  « claie à battre la laine » et dans le département du Lot et Garonne clède  « plusieurs morceaux de bois ajustés qu’on met de chaque côté de la charrette pour transporter de la paille ou du foin ».  A Béziers où il n’y a  pas de châtaignes,  cledo est le « râtelier  pour le bétail » en provençal cledo  désigne aussi la « herse », dans la Creuse et la Corrèze la « cage à fromage » (Thesoc).
Comme dérivés de cledo nous trouvons entre autres en  languedocien cledado « récolte de châtaignes » et à Aix-en-Provence cledá « fermeture ».

Important! Aucune des significations que je viens de donner n’est présente dans le TLF! Notamment le sens « une barrière ou une clôture dans les champs  en treillage». L’expression « prendre la clé des champs » devient compréhensible quand on l’écrit « prendre la claie des champs ». Je vous rappelle qu’un peu partout c’est « une barrière ou une clôture dans les champs  en treillage»!  La francisation des noms a donné de curieux résultats.

Esclapaire

Esclapaire « celui qui fabrique des sonnettes » ou , »fendeur de bois; crabier vert, ardea virida » (Alibert), en ancien languedocien « bûcheron »et en français régional « personne de malhabile qui casse tout » (And), qui donne aussi le verbe s’esclaper « se blesser aux membres ».

Dans la course camargaise un barricadier est un biou qui se déchaîne et esclape tout dans l’arène. Cf. clapo et esclapeta ci-dessous.

ardea pupurea

Ceci est « ardea purpurea » et non pas le « virida »

Je n’ai pas (encore)  d »explication de ce nom du « crabier vert » et de « l’ardea virida » .  Un crabier est une  : « Espèce de héron d’Amérique qui se nourrit de crabes. « ,  cela nous n’avance pas.

Chucar

Chucar  « sucer, savourer, humer » est dérivé du substantif chuc« suc, jus » et vient du latin sucus « suc, jus », devenu suc  « suc, suint » en ancien occitan et su(c) en provençal, chuc en languedocien. Cette famille de mots est limitée à l’occitan. (Français suc a été emprunté au latin à la fin du 15e siècle.) Les Toulousains ont créé une expression ni suc ni muc « sans goût ni valeur », qu’on retrouve en Rouergue. Le verbe sucar « sucer » est attesté depuis le XIVe siècle. Dans les parlers modernes on ne trouve que des formes avec (t)ch-.

En français régional actuel le sens est souvent passé à « boire, boire avec excès », par exemple à Toulouse: tchuquer v.tr. « boire (beaucoup) ». Ils ont tchuqué comme des outres  » (Source). L’auteur ajoute :

 » On peut entendre « tsuquer » chez les personnes de famille tarnaise, lotoise ou tarn-et-Garonnaise, qui veut plutôt dire suçoter, pour les bébés. « 

En béarnais un chucadou est quelqu’un « qui boît beaucoup », et une chucadère « une sucette, un tétin ». A Nice, Carcassonne et dans la Hte-Garonne est attesté chuquet « lathraea,  » une plante parasite stricte dépourvue de chlorophylle. Leur tiges souterraines blanches, recouvertes de feuilles écailleuses charnues, possèdent des suçoirs qui puisent la sève des racines de leur hôte. » (Wikipedia).
Dans le Tarn et Garonne, un chuco-bin est un « bourgeon gourmand sur la vigne ».

chuquet "lathraea"

Photo de lathaea clandestina (Wikipedia)