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Capejar

Capejar « dodeliner; avancer la tête avec précaution pour voir sans être vu » (Alibert).

Pendant l’été 2010 il y avait  dans le Midi Libre une rubrique « Avé l’accent » tiré du livre de Raymond Covès, Sète à Dire, où il parle de ce verbe qui d’après lui est surtout utilisé dans ouest-languedocien, mais il ne donne que le sens « dodeliner, avant de s’endormir » qui d’ailleurs existe également en catalan : « Ella capeja mentre les seves pupil·les llancen espires al jove immòbil. » (Josep Noguerol) .

La deuxième signification et d’autres qui s’en rapprochent, sont pourtant assez répandues : à Clermont et Puisserguier capejá « montrer seulement la tête, émerger », à Béziers « montrer la tête de temps à autre », à St.André dans l’Aveyron « affirmer ou nier qch. en branlant la tête » jusque dans le Gers cabejá « secouer la tête » et le béarnais «  »dresser la tête ».
Rouquier
donne aussi le sens « comprendre » que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs.

J’ai failli oublié l’étymon, qui est bien sûr le latin caput « tête ».

Canebière

Canebière (61600 sites d’après Google) , canabiere (453 sites). Alibert donne seulement canabièra « chènevière ».
Dans les dictionnaires dialectaux nous trouvons deux formes qui se ressemblent beaucoup : par exemple Toulouse canabièro « roseau » et languedocien canabièiro « champ où l’on cultive le chanvre ».


La Canebière à Cheval Blanc et à Marseille

canabero …………………………….canabièiro……………………….. cannabis.

Il faut dire que cela peut prêter à confusion. Mais les Marseillais ne les confondent pas heureusement. L’étymologie est un dérivé du latin cannabis « chanvre, cannabis sativa , espèce de plante textile ». Latin cannabis devient cambe en languedocien (S, sous candi une autre forme avec la même origine). cannabis+aria devient canabieiro en languedocien, canabiero en provençal.

D’autre part il y a le mot canna « roseau ». Dans l’ouest du Languedoc, dans le Quercy en Rouergue et en Gascogne nous trouvons la forme canavera, canabero et à Toulouse canabièro « roseau ». Un type que nous retrouvons en catalan canyavera, et espagnol cañavera. Von Wartburg (FEW3, 207a) pense qu’il s’agit d’un mot composé avec vera « véritable) en opposition (en catalan) à canya + borda borda signifie « batard ». Ensuite il y aurait eu une confusion de ce deuxième élément et le suffixe -aria, ce qui a donné canabiero à Toulouse.

Canis

Canis « claie en roseaux fendus » mot est-occitan qui a des sens différents suivant la région ou l’époque. Autrefois la canis servait à étendre les feuilles de murier dans les magnaneries, à Nice c’était une « natte » et dans l’Aude « un grand panier à claire-voie pour prendre le poisson ». De nos jours on les trouve surtout dans les centres de jardinage, en plastique!

     

Un des nombreux dérivés du latin canna « roseau », emprunté au grec, qui vit dans toutes les langues romanes. Voir s.v. cana. Dans la langue d’oïl il a été remplacé par le type « roseau » d’origine germanique. Pourtant le mot canna a dû y exister puisque nous y trouvons beaucoup d’autres dérivés comme par ex. à Dijon chanette « chéneau pour la pluie », dans la Charente chenèle « petit robinet percé de 2 ouvertures à ses extrémités ».
Par contre on peut dire que toutes les formes avec can-, comme canne, canon, cannette, cannelle, cannetille etc.ont été empruntées aux parlers occitans, italiens ou espagnols..

Canis, en fr.canisse ou cannisse a été prêté au français au XVIe s., mais je ne le retrouve pas dans mon Petit Robert de 1967, mais bien présent dans le TLF comme provençal.
En flamand et moyen néerlandais on retrouve ce mot canis avec le sens « panier à poissons en roseaux » attesté depuis la deuxième moitié du 14e siècle (EWN). En néerlandais moderne kanis a pris le sens « tête ». Si vous avez une idée comment il a pu faire ce voyage, écrivez-moi!

Candelousa, candelièra

Candelousa, Candelièra « Chandeleur ». Nous trouvons ces deux formes en occitan pour nommer la fête du Chandeleur. Candelière du côté de Nice situé à la limite d’une zone italienne, et dans l’ouest-languedocien jusqu’à la mer, y compris le gascon. En provençal et est-languedocien jusqu’en Lozère c’est la forme Candelousa qui domine.

Le FEW donne 6 types étymologiques dont candēla « chandelle » est l’étymon de base avec des suffixes différents. J’étais donc très content de trouver une carte dédiée à Chandeleur dans l’index du livre Lectures de l’ALF,dont voici la copie:

D’après le commentaire de cette carte, il n’y a que deux types dans les parlers galloromans chandeleur et chandeleuse. Dans le FEW je trouve par contre
1. candeler dans l’extrême nord, le Rouchi, le Nord, l’Hainaut qui vient d »une forme candelaru.
2. candelièr en picard, dans le Pas de Calais; en béarnais et dans le Hte-Garonne, de candelariu.
3. candelière dans les Alpes-Maritimes; le Tarn, l’Aveyron, la Dordogne, le Gers, les Pyr.Atlantique et les Landes de candelaria.
4.chandelour, chandeleur dans l’Ile de France et rayonnant vers les régions voisines de candelorum.
5. candelouse. La zone candelosu s’étend de la Wallonie, Picardie (St-Pol), la Bourgogne, la Franche-Comté, le franco-provençal, et le provençal et l’est-languedocien dans le Midi. Je ne sais pas ce que l’ALF donne pour le Var, mais candelouso est le nom provençal d’après Mistral et beaucoup de sites. A Aix kandeloué aussi d’après Pellas.
6. Kandol, kandöl dans la Moselle, la Meurthe, les Vosges.

Jakob Jud, dans la RLiR vol.10,p.52 explique l’extension du domaine chandeleuse, candelouso comme reflètant les anciennes frontières ecclésiastiques des archevêchés de Besançon et de Lyon. Les auteurs des Lectures de l’ALF l’expliquent par l’importance des rivières, la Saône et le Rhône. J. Jud n’explique pas  la présence de chandeleuse en Wallonie et Picardie. Les auteurs des Lectures les ignorent.

Pourquoi candela « chandelle »? La fête du Chandeleur a été créé au IVe siècle. Elle commémore la Présentation de l’enfant Jésus au Temple de Jérusalem et la purification de la Vierge 40 jours après la naissance du Christ. Pour fêter cela on faisait une procession où les croyants portaient des chandelles allumées. De là le nom festa candelarum.

J’aurais dû faire cet article avant le 2 Fevrier, jour d’un pic dans les visites de mon site. C’est fait maintenant pour 2012. Comme consolation un proverbe provençal : A la candelouso, lou loup sort sa paio. Se fa seren, l’estremo, e sort plus de quaranto jour. » « A la chandeleur, le loup sort sa litière. S’il fait beau, il la rentre, et il ne sort plus de quarante jours. » le temps va se mettre au froid s’il fait beau pour la Chandeleur.Plus ici.

Les noms de la Chandeleur dans les langues européennes, réfèrent ou bien aux  chandelles comme danois Kyndelmisse, italien candelora, catalan candelera, portugais Candelária ou bien à la lumière (nous sommes à mi-chemin entre le solstice d’hiver et le début du printemps), allemand Maria-Lichtmess, néerlandais Maria Lichtmis, Luxembourgeois Liichtmëssdag.

La tradition de faire des crêpes pour la Chandeleur est limitée à la France et la Belgique que je sache. Pourquoi des crêpes?? Ici plusieurs explications plus ou moins fantaisistes en rapport avec les Celtes.

Les traditions provençales, e.a. la fête de St.-Blaise, en provençal et en français sont décrites ici.

Cana, canne

Canna, canne ‘mesure de longueur, de surface et de contenu’.

Une canne mesurait entre 1,71 et 2,98 mètre suivant les régions. En 1687 l’utilisation de la canne comme mesure a été interdite par la loi pour être remplacée partout par l’aune, mais ni cette loi ni l’introduction du système métrique l’ont fait disparaître des parlers locaux. Cana est par exemple attesté pour le Velay en 1891 et mentionné dans le TLF pour le français actuel, un emprunt à l’occitan évidemment !

Par contre les attestations de canne comme mesure de superficie sont plutôt rares. Dans le Compoix de Valleraugue (1625) une canne vaut 4 m².  Barcelonette cana 4,465 m² ou pour le bois: 8 stères, et dans le dictionnaire Français/Anglais de Cotgrave (1611), qui connaissait bien le languedocien, le mot cane est défini comme une mesure de tissu d’un yard à peu près, d’une mesure de vin et d’une mesure de terrain de 5 pieds et 10 pouces. Je pense  » au carré  » sous-entendu.
Il définit une cane de bois a brusler comme une certaine quantité, c’est-à-dire variable suivant les lieux. D’après Alibert la cana de bois vaut deux mètres cubes.

La même confusion aux Pays Bas ou un Kan mesurait 0.7 litre à Grave, mais 1.3 litre à Nimègue.

Etymologie: latin canna ‘roseau’, en provençal cano, ancien occitan cana. L’utilisation d’un roseau pour mesurer des longueurs de terrain, de tissu etc. était inconnue des Romains, mais elle doit être très ancienne surtout dans le Midi et en Italie. La première attestation se trouve  chez Nipsus (ou Nypsus), un théoricien de l’arpentage au IIe siècle. (Wikipedia).

 


Image tiré du manuscrit de Bertrand Boisset, arpenteur à Arles.Voir le mot destre !

Ci-dessous : un chantier cistercien – au premier plan en bas à gauche, le « maître d’œuvre » portant sa canne (mesure) et son équerre, au centre les gâcheurs de mortier, à droite un tailleur de pierre, trouvé dans ce site très intéressant.