cat-right

Panta

Panta « ventrée; farce, grimaces » (Quercy); « désir impérieux, inclination » (Toulouse) d’après Alibert.

En ibéro-roman a été formée une racine *pant- à partir d’une syncope de *pantica du latin panticem « ventre, panse ».  On le trouve par exemple en portugais panturra « gros ventre ».  Il a dû exister également en occitan : pantre « lourdaud » (gascon), pandalh « tablier » (Landes), pancarasso « grosse panse » (Bouche-du-Rhône), et même en franco-provençal pantarrou « panse des bovidés ».

Est-ce que Rabelais s’est souvenu de son séjour à Montpellier quand il a créé Pantagruel? Et que penser de l’archange Pantasaron, qui s’occupe des repas de fête, peint au XIIe siècle dans l’église de Vals dans l’Ariège1?


Photo Serge Alary, responsable de l’Association des Amis de Vals.

Pantasaron cum in conuiuio ueneris in mente habe et omnes congaudebunt tibi… « Aie Pentasaron à l’esprit lorsque tu prends part à un repas de fête, et tous feront la fête avec toi ». Suivez ce lien pour en savoir plus!

Un petit chemin de travers. En cherchant des mots en rapport avec panta « ventrée » je tombe sur Pantalon, qui en principe n’a rien à voir avec panta. Pantaleone est le nom propre d’un bouffon de la commedia dell’arte italien (XVIe s.) , vêtu d’un habit tout d’une pièce depuis le col aux pieds.  (TLF) Mais avant cette période, au Xe siècle déjà, San Pantaleone était le patron de Venise. Beaucoup de Vénitiens ont appelé leurs fils d’après ce Saint.  Dans les villes voisines, pantaleone est alors devenu un sobriquet pour  les Venitiens. Ce procédé s’appliquait à d’autres Saints, par exemple San Battista devient Baccicca pour Gênois,  et ce qui m’intéresse le plus   est le fait que  San Gregorio le patron de Genova  a  abouti à Gringo « Gênois ».

Or, pour les dictionnaires étymologiques anglais, gringo  serait une transformation de griego « grecque », parce que quand on dit c’est du grec , cela  veut dire « je n’y comprends rien ».  Américain  Gringo   « étranger » a été emprunté à l’espagnol mexicain gringo « étranger, Anglais  qui parle mal la langue espagnole » et qu’on ne comprend pas.

Et c’est ici que San Gregorio intervient! Un Gringo est un Gênois qui parle mal l’espagnol, comme par exemple Christophe Colomb le Gringo le plus connu du monde. Cette hypothèse demande plus de recherches.

           
San Gregorio                                         Le Gringo Colomb

Les indications bibliographiques données ci-dessous  ne sont pas sûres…Je n’ai pas pu le consulter.

  1. Un article sur l’église Notre-Dame de Vals et ses fresques restaurés se trouve en suivant ce lien

Pano, panous

Pana « taches de rousseur » (Alibert), panos « idem » (Sauvages), adj. »qui a des taches de rousseur » (Alibert), pano « nuage léger qui flotte dans les airs », panous « tacheté de nuages ». La première attestation pour ce mot typiquement languedocien vient du dictionnaire francais/anglais de Cotgrave 1611 avec la note « languedocien ».

L’abbé de Sauvages (1756) donne  un remède contre les panas : « la sève qui dégoutte de la vigne au temps qu’on la taille est, dit-on, un bon cosmétique pour faire passer les rousseurs ». Si vous l’essayez, renseignez-moi sur les résultats!

Le FEW rattache ce groupe de mots à l’étymon pannus « morceau de tissu ».

Mais dans mon dictionnaire latin  (Nouveau dictionnaire latin-français par Benoist, Eugène – Goelzer, Henri) et dans le Gafiot je trouve que le mot  pānus  avec  un ā  long et un seul -n- signifie « fil de trame enroulé sur le dévidoir; épi à panicules » et « tumeur »   et le diminutif panicula « panicule »  également  » sorte de tumeur« . Le fameux Nomenclator octilinguis ( ‘dictionnaire de huit langues’) de Junius Hadrianus (1511-1575) traduit : « Pānus ( attesté chez Pline) par Vne enfleure « une enflure » et mammosus panus par « téton ». et là nous ne sommes pas loin des « taches de rousseur » languedociennes.

Ma conclusion est que  tout le groupe pano  placé dans l’article pannus « morceau de tissu »,  FEW  VII, 557 a,  doit être placé dans un nouvel article pānus  « tumeur, enflure ».

FEW  VII, 557 a

Le mail d’une lectrice de l’Aveyron renforce cette hypothèse. Elle aime faire la cuisine et m’écrit :

« j’ai découvert les  panous [panouss] ce sont en fait les fleurs qui poussent au printemps sur les choux fourragers et les choux de Bruxelles et que l’on mange (ça ressemble à des asperges) ». Le dérivé panous a donc conservé le sens « épi de panicules » du mot latin pānus. Elle a eu la gentillesse de m’envoyer une photo:

panous de choux
Les panous de l’Aveyron

Une panicule est une inflorescence en grappe composée.


panicules rouges et blanches

Dans le domaine franco-provençal existe un dérivé pana  « donner une giffle à  » et surtout le substantif  panà « giffle » (FEW VII, 560b).  Etant donné que le résultat d’une giffle est souvent une « enflure » cf. bonha, je me demande si ce mot ne doit pas être rangé également dans le même nouvel article pānus « enflure ».

Major, majoral

Major, -a adj. et subst. « majeur, aîné; doigt médian; doyen d’âge », ou  mager  « plus grand »  vient du latin maior comme français majeur

Soun màjou dans la parabole du fils prodigue de Lasalle (Gard) signifie  « son fils aîné ». Anglais mayor « maire », néerlandais majoor « rang militaire au dessus du capitaine », allemand Major id.

Majorau « chef, maître d’un pays » (Camargue),  est un dérivé très ancien. On le retrouve en cat. et esp. avec le même sens. A Alès le majoraou est «l’ainé de la famille ».

Dans le Félibrige, les majorau jouent un rôle important:

Le Félibrige est fondé en 1854, par quelques poètes provençaux. Le mouvement se donne initialement pour vocation de restaurer le provençal. Très vite, il se développe et s’organise dans tout l’espace occitan. Le rayonnement du Félibrige est énorme, le provençal connaît un renouveau sans précédent et fédère des poètes dans toute l’Occitanie. En 1904, le prix Nobel de littérature est attribué à Frédéric Mistral pour Miréio  (‘Mirelha‘ en graphie classique). Aujourd’hui, le Félibrige est structuré autour d’un Capolier et de cinquante Majorau. Un des temps forts du mouvement est son rassemblement annuel de la Santa Estela.

Francisé en majoral qui en plus a créé le dérivé majoralat. TLF

Macip,mancip

Macip, mancip «serviteur, employé, jeune homme », macipa « jeune fille », mancipeta « fillette ». Il y a beaucoup d’attestations en ancien occitan, la première date de 1188 mancip  « clerc de notaire ».

Etymologie :  latin mancipium « acquisition légale », > « esclave acheté » et mancipia « esclave femme ». Le sens « jeune homme, jeune femme » est probablement dû à  l’influence du verbe émancipare « affranchir de la puissance paternelle ou tutelle ».

Catalan macip m. ‘Esclau. | Home, esp. jove, al servei d’altri, encarregat de fer alguna cosa. l’aprenent’. (DIEC). C’est-à-dire ‘esclave’ ou ‘apprenti’ !

Gasanhar "gagner"

Gasanhar, guasanhar « gagner ».  Article écrit  en septembre  2011 avant les élections présidentielles !

Bertrand Boysset, géomètre à Arles au XVe siècle,  demande conseil à Dieu, qui lui donne le conseil suivant :

A quascun son dreg donares
La destra non ulh(as rem)-embrar
Per la senestra guasanhar
1

Gasanhar   a été remplacé dans la majorité des parlers occitans par la forme française gagner, occitanisé en ganhar.

L’étymologie est d’ailleurs la même : un ancien francique*waidanjan  « faire paître le bétail » un dérivé de waida « pré » qui existe toujours en allemand et en néerlandais weide « pré » et  comme le verbe weiden ‘faire paître le bétail’.

gasanhar pour un berger

L’emprunt doit être très ancien puisque le -d- intervocalique a suivi l’évolution typique de l’occitan, le dintervocalique qui passe à -s- , prononcé -z-. Il est même possible que le mot n’a pas été emprunté au français mais directement aux gotique. Il a également  été introduit en Italie par les Longobardes : guadagnare. Les formes catalan guanyar, espagnol ganar et portugais ganyar viennent peut-être du français, mais vu les très anciennes attestations, il est plus probable qu’elles viennent également du gotique ou ont été emprunté même avant les Grandes Invasions  (400 – 600 après J.-C).

L’évolution sémantique est intéressante. Comment arriver au sens « gagner » à partir du sens « faire paître le bétail »? C’est Charlemagne, qui ne s’est pas uniquement occupé de l’école, qui a joué un rôle important.  A l’époque de l’introduction de la charrue,  au début du IXe siècle, il a donné ordre d’appliquer l’assolement triennal ( Wikipedia) sur les terres impériales.  Après une année de repos, la terre devait être utilisée comme pré et l’année suivante elle était labourée. Cette troisième année waidanjan prenait le sens « cultiver la terre, labourer »‘ ensuite « semer ».  Ces sens sont  conservés en ancien occitan et jusqu’à nos jours en franco-provençal. En ancien français gagnable signifiait « cultivable, labourable ». Michel Chauvet, ethnobotaniste, me rappelle que le sens originel subsiste dans le mot regain, qui en agriculture désigne la repousse de l’herbe en été dans un pré après une première fauche au printemps.

gasanhar pour un fermier

Quand plus tard ce sont pas des paysans mais des soldats qui vont gagner il y a un changement radical de sens qui devient : « faire du butin, piller » attesté depuis 1140. Pour d’autres métiers plus pacifiques gagner, occitan gazanhar prend à partir du XIIIe s. le sens « acquérir de l’argent ou une récompense par son travail, par son initiative » et à la même époque « l’emporter au jeu ».


gasanhar pour un soldat .

                                          

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  1. A chacun tu rendras son droit. Tu ne léseras pas la droite, Pour faire gagner la gauche… Arles XVe s. voir le poème s.v. destre