cat-right

Degun

Degun, negun « aucun, personne ». Pour dire « non » ou « ne…pas » les Romains utlisaient le mot non avec un –o- long. Par exemple: bella est? Non! « Est-elle belle? Non!. » Mais aussi dans des phrases comme Non bella est « Elle n’est pas belle. » Dans la vie de tous les jours, ils renforçaient ce non en ajoutant des petits mots, comme vero, minime, mica. etc., ou ils disaient Nec non avec l’accent sur nec. Pour plus d’exemples d’emploi voir Gaffiot en ligne.

Dans une grande partie de la Romania ce nec, neque combiné avec unus « un » a été utilisé comme pronom ou adjectif indéfini négatif : « personne; aucun ». Nous le trouvons en ancien français negun « aucun, personne », catalan negú, degú, dengú, negú, espagnol ninguno et en occitan negun, degun, dengun, etc. En occitan la forme a subi une dissimilation des deux n- et –n : negun > degun. (Ronjat 2, p.376). Ancien français negun « personne » a assez tôt disparu de la langue; il n’y a pas d’attestation dans le DMF. Pourtant nous le retrouvons au sud de la Loire, en Franche-Comté et en Bourgogne. La normand l’a connu aussi et le prêté au breton nikun.

Degun connaît une nouvelle période de gloire dans l’argot parisien et le langage des ados. Une étude sur L’argot dans les chansons de Renaud Séchan donne une liste de mots d’argot utilisés par Renaud d’origine provençale, dont dégun.

L’emploi constant de degun, negun avec un autre mot négatif comme ne, sans a affaibli son sens négatif à tel point que degun l’a carrément perdu dans certains contextes. Par exemple dans un texte de 1366 de Fribourg (Suisse) se nyon porte pesson purrix au marchié ..  » si quelqu’un porte du poisson pourri au marché… ».Un autre exemple se trouve chez Arnaut Vidal de Castelnaudary (1318) qui est l’auteur de Guillaume de la Barre, un roman d’aventures en occitan. Dans sa critique d’une édition par Paul Meyer , A propos du vers Per trabalhar a negun for traduit par « en aucune façon ». C.Chabanau écrit dans son compte-rendu : Je crois que c’est le contraire qu’il faut entendre. On sait que negun n’a pas toujours et nécessairement le sens négatif  » (RLR 40(1897)p.582). Cet emploi de degun, negun avec un sens positif est donc très ancien aussi bien en franco-provençal qu’en occitan. Mais de là à en faire toute une famille de mots comme le fait le dictionnaire Panoccitan me semble une erreur. Aucun des mots suivants n’existe évidemment en dehors de ce dictionnaire et des textes éventuels des pauvres néophytes qui s’y laisseraient prendre : «degun nom m. personne nom f. […] degunal, degunala adj. personnel degunalament adv. individuellement degunalejar verbe / verbe pr. personnaliser degunaletat nom f. personnalité degunament adv. aucunement degunatge nom m.».

(Citation de Jean-Pierre Cavaillé avec qui je suis parfaitement d’accord).

Un visiteur catalan me donne le complément d’information suivant:

je tiens à préciser que en catalan ANCIEN : negú, degú, dengú, negú.
En standard c’;est NINGÚ (et dialectalement negú/nigú/negun, nengú/ningun/nengun, dengú/dengun/DINGÚ(S)(avec S roussillonnais, entre autres)

Visetta

Visetta ou Vizette « escalier tournant extérieur ». Tiré du Compoix de Valleraugue(1625) :

«Maison de Sire Adam CARLE, maison à deux membres en partie crotte 23 cannes 1 pan compris vizette » (tome 1 page 150).(Crotte est une cave voûtée, sur laquelle on trouve à l’étage l’habitation).

L’origine est le latin vitis ‘vigne, sarment, pampre’, plus le suffixe diminutif -itta. Latin vitis est encore vivant dans presque toutes les langues romanes, italien vite, espagnol vid, portugais vide, mais a été remplacé par vinea ‘vigne’ dans une grande partie du galloroman. Vitis a survecu tel quel en rouergat abit ‘cep de vigne’; Millau obise ‘pampre’; au figuré dans l’Aveyron bit ‘cordon ombilical’.

Principalement dans le domaine occitan des dérivés désignent la ‘clématite’, dans le Gard c’est vissano, avissano et rabisano, parce que comme la vigne elle fait deux lianes qui montent en s’enroulant systématiquement à la recherche du moindre support.

sarment                               escalier à vis                          clématite

Partout la vis est la pièce de métal. Limité au galloroman est le sens ‘escalier tournant’, vis en ancien français comme en ancien occitan. Dans les dictionnaires de 1567 jusqu’à Trévoux 1771, la vis saint Gilles est un « escalier qui monte en rampe et dont les marches semblent porter en l’air » d’après le fameux escalier de St Gilles (Gard), appelé ensuite vis  saint Gilles, jusqu’au grand Larousse de 1867 qui écrit : « Escalier à vis dont les marches, soutenues par des voûtes d’une coupe particulière, semblent être suspendues dans les airs. Il en existe un modèle célèbre dans le prieuré de Saint-Gilles, en Languedoc. »


     

« C’est dans l’épaisseur du mur nord de l’ ancien choeur que se trouve la vis. Il s’agit d’un escalier hélicoïdal, datant du XIIème siècle.Il porte une voûte annulaire appareillée à 9 claveaux. Cet assemblage s’appuie sur le noyau central et les murs intérieurement cylindriques, et l’art du tailleur de pierre apparaît dans la double concavité et convexité de chaque voussoir. Elle a été très tôt une oeuvre célèbre, étape des Compagnons Tailleurs de pierre qui vinrent graver leur surnom ou leur devise lors de leur passage. »texte et les 2 photos  tirés du site http://perso.orange.fr/erwan.levourch/stereotomie.htm

Photo que j’ai prise en haut de la  vis  et qui montre bien la structure et le travail des tailleurs de pierre.

Le diminutif viseta, vizeta ‘escalier tournant’ attesté depuis le XVe siècle est limité au provençal et l’est-languedocien. L’attestation du Compoix est intéressante pour la précision de la définition « extérieur » :  la langue s’adapte à l’environnement!


vizette cévenole

Quand j’ai acheté un masà Valleraugue en 1979, il n’y avait pas d’escalier entre le rez-de-chaussée et l’étage et comme estranger ignorant j’ai installé la cuisine/ salle à manger  au rez-de-chaussée, dans la crotte , pour la déménager vers l’étage quelques années plus tard.

      
anglais vise                  neerlandais vijzel d’un moulin

Debanar

Debanar, dabanar « dévider le fil; mettre en peloton; bavarder; dégringoler (cabana Hérault, d’après M); bâcler, dépêcher, mourir (Alibert). Provençal et languedocien.

Etymologie : *depanare composé de de + panus  « fil de trame enroulé sur le dévidoir ». Dérivé : debanaire « dévidoir »; débanaduro « fil, soie dévidé ». Ce groupe de mots se retrouve en italien dipanare, catalan et espagnol devanar. La forme donnée par Mistal pour l’Hérault s’explique par un changement du préfixe. FEW III,44b.

Rousiguer, rosegar

Rosegar « ronger » rousiguer. fr.rég. a une étymologie peu intéressante. Le mot latin *rodicare avait le même sens et s’est conservé dans tout le domaine occitan et le sud de la langue d’oïl. Un rousigou (S) est un trognon de pomme ou de poire. Voici un  exemple de rousigou à faire;  l’original est de Roland Topor :

Cuca

Cuca s.f. « lente; chrysalide; vermisseau; chenille; mite; artison; petit insecte » . Dérivés cuquet même sens; cuquetar « vétiller, agir avec avarice ». (Alibert).

Attesté en ancien occitan depuis environ 1350 avec différentes significations, mais toutes dans le même champ sémantique : « chenille; sorte de vermisseau; blatte; ver luisant (Lomagne); ver du fromage, etc. » et un emploi au figuré en béarnais: cuque « blatte; femme qui vit en sauvage ». Dans la même région on a créé escucá « détruire les cafards » et escucatá, acucá  » se blottir, se tapir à la manière des blattes; encucá « s’enfermer comme des blattes qui se terrent ». Cuca « lente » est largement attesté dans l’Ariège et dans 4 villages de l’Aude cf. Thesoc.

 

L’étymologie est inconnue. FEW XXIII, 274a-b. Il s’agit probablement d’un emprunt au catalan, avec u > ü , sous influence de nombreux mots qui ont cette même correspondance.

D’après le Diccionario de la lenga espagnola, l’espagnol cuca s.f. ou cuco subst.masc.(!), qui peut avoir un sens très proche, serait d’origine onomatopeïque: : De or. onomat.; cf. lat. tardío cucus y gr. kokkuts. Il semble que Corominas, que je n’ai pas pu consulter, a une proposition… Dans un dictionnaire catalan je trouve : Cuca f. 1.Nom que hom dona a un gran nombre de bestioles pertanyents principalement al grup dels artropodes. 2. cuca de llum Lampyris nocticula. Attention le –u- catalan se prononce [ou] ! Un visiteur me signale: espagnol cucaracha « blatte, cafard ».