cat-right

Rebaladis

Rebaladis « train, embarras, remue-ménage » Canté rébaladis « Quel tracas! Quel tapage » (S).  Rébala « trainer »; rébalado « femme livrée aux plus honteux exces »; jhita uno peiro dé rébaleto « tirer une pierre terre à terre ». En français régional de Nîmes des rebaladis, rabalinques, rambaladis sont des  « choses inutiles »,  synonymes de rounhes, trastes, enquestres (Job; Castanier).

Alibert donne une quinzaine de dérivés dont les sens s’expliquent à partir du verbe rebalar « traîner, entraîner; glisser; ramper », et  comme verbe réfl. « se traîner, être malade, ramper devant quelqu’un; avoir des rendez-vous suspects (entre amoureux). »   En Camargue: « un raseteur peut se faire rabaler par un taureau » voir Domergue.

Dans les langues romanes et germaniques il y a des groupes de mots qui ont comme base une racine *rabb- et qui désignent des activités qui font du bruit comme français rabâcher, ancien français rabaster « faire du tapage », ancien occitan rabasta « querelle, coups de bâton », en occitan moderne rabastá « ramasser, racler », et le résultat : rabasta « débris de filage de soie; denrée de rebut »; languedocien « provision de bouche qu’un journalier porte aux champs » (S2); à Nîmes « embarras, bagage de toute sorte  » selon Mistral.

En francoprovençal et en occitan existe le type rabalá « traîner (avec du bruit) », dont est dérivé rabalado « traînée, action de traîner; les avanies que l’on fait subir à quelqu’un » (Ales), rabaladis « bruit qu’on fait en traînant quelque chose; train, embarras; personne embarrassante » (Ales), robolodis « fréquentation suspecte avant le mariage; affaire ennuyeuse, qui trâine; désordre, confusion. »

Le FEW  suit Ronjat et rattache le groupe avec -lh- ou –y- à la même racine *rabb- : rabalha « ramasser ce qui traîne par terre avec un balai, les mains etc »  La plupart des attestations de ce groupe viennent de l’est du Rhône, mais il y a aussi le languedocien a rabalhous « à foison ».

L’évolution sémantique de ce groupe est très variée et aboutit à des notions assez vagues, mais le noyau reste toujours « traîner ».  Par exemple dans la Gazette de Nîmes, n° 504, rubrique Lenga d’oc l’auteur Joanda donne la phrase « Il te rabale un raumàs que je te dis pas » = Il a la crève…

Arrapar, arapar

Ar(r)apar est composé de ad + rapôn  et  présent dans tout le domaine occitan et en  franco-provençal. Pour l’étymon voir l’article  rapar .  Arraper en français régional.

Les significations sont toujours liées à la notion de « arracher, enlever, saisir », comme par exemple le grenoblois arrapan « grippe-sou; malheureux », ou le nom du « gallium arapine » l’arrapoman, qui colle à la main;  ailleurs c’est le fruit de la bardane, la garance sauvage ou le pariétaire (Valleraugue). Mistral donne d’autres combinaisons, dans son Trésor, vol.I,p.137. (C’est un lien direct vers la page du Trésor. Consultez aussi la page 138!

      

arrapo-man           garance sauvage                 pariétaire        

A partir du sens de rapar « saisir » s’est développé le sens « grimper, ramper » aussi bien en franco-provençal qu’en occitan. A Lyon un ropîou est un grimpeur, à Marseille un rapaïon « un sentier à pic dans les pierres ». Cf. aussi rapieta « lézard gris » et rapinayre ou  rapinau » grimpereau » en Bigorre dans le même article.  Le grimpereau est un oiseau du genre passereau, de couleur rose et gris perle, qui grimpe le long des arbres et vit des insectes qu’il chasse sur les troncs.

Un groupe spécial est formé par rapa, rappa « rafle du raisin; grappe  » et rapuga v.a. « grappiller », rapugo « la rape, rafle ou marc du raisin » en franco-provençal et en occitan. A Barcelonnette rapugas a pris au figuré le sens : « des restes ». Il s’agit très probablement d’une dérivation à partir du verbe rapar, qui rattache cette région au catalan rapa « grapillon », à l’espagnol rapa « fleur de l’olivier » et aux parlers italiens.

Il semble qu’il n’y ait pas de lien direct avec le mot rapes « marc de raisin » qui est attesté en ancien picard ou champenois, pour lequel on peut supposer un lien avec le mot allemand Rappe « grappe sans les raisins » utilisé dans la région de la Moselle, du Nahe et du Rhin et en Suisse. Emprunté (?) par l’anglais rape « rafle ».

allemand Rappen // anglais rape

Commentaires des visiteurs

Un visiteur de Manduel me signale: un rapugaire est un « grapilleur ». Dans le temps, vendanges terminées, on voyait dans les villages venir les rapugaires de Nîmes.

Olivier me signale qu’en Aveyron un arapadou désigne une « montée escarpée »

Rampa, rampon

Rampa « crampe », rampon « crampon ». La tuerie  dans l’Arizona (USA) de samedi , décrite comme rampage « saccage, tragédie » par les media américains , doit nous avertir. La violence verbale de politiciens et de journalistes peut à tout moment aboutir à la violence physique.

Le mot rampa de l’ancien bas francique  *(h)rampon, est dérivé de *(h)rampa « crochet, griffe ». Le moyen néerlandais ramp « crampe » signifie en néerlandais moderne « catastrophe, tragédie ».

Gabrielle Cliffords hGa Gabe Zimmerman et 5 autres victimes!

Cf aussi  cat. et l’esp. rampa « crampe » , l’ital. rampa « griffe », rampo « crochet » le prov. et le fr.-prov. rampa, rampo « id. » (TLF)(FEW t.16, p. 658)

Rabinar

Rabinar « brûler, griller »est devenu rabiner  en français régional.  « Passar lo gigòt dins la farina e lo rabinar dins l’uèli. « 

L’étymologie de ce mot est intéressante parce qu’elle montre que l’évolution sémantique peut être capricieuse .  L’histoire des différentes significations  est  bien plus intéressante  que le fait de savoir qu’il vient du latin rapina.

Le mot latin rapina  signifie « vol, pillage; action d’emporter (au propre et au figuré), et le verbe rapere  dont il est dérivé signifie « saisir vivement » également au propre et au figuré.    En ancien picard et en anglonormand nous retrouvons ce sens dans le mot ravine avec ce sens « vol ».  Le verbe anglais to raven « vivre de rapine; piller, dépouiller » et l’adjectif ravenos « vorace, féroce » vient de l’anglonormand.

Mais ailleurs c’est l’élément « impétueux, violent; force » qui a dominé et l’élément « vol, rapine » s’est perdu. Ainsi en ancien français ravine signifie « impétuosité, élan, violence » comme ancien occitan rabina et en occitan moderne le dérivé rabinos « impétueux, hargneux ». 

Déjà en  latin  cette notion de violence est appliquée au feu ou à la chaleur. Dans le Gafiot  rapere  est cité avec les sens « prendre feu rapidement » et  « prendre rapidement une couleur ».  En occitan  rabinar devient   « bruler, roussir, griller ».  En languedocien lo rabinel  sont des « lardons rissolés à la poêle » (Mistral).  Dans les Cévennes on appelle rabanelo ce qu’ailleurs est la castagnado. Cette évolution sémantique est limitée au provençal et à l’est-languedocien.  Une belle expression est citée par  l’abbé de Sauvages : un rabino-sardo  » un avare qui met si peu d’huile dans la poêle à frire les sardines qu’il les brule au lieu de les frire ». Le substantif rabina  est « ce qui reste attaché au fond d’une casserole quand le mets a pris trop de feu ».

rabanelo

Par contre appliquée à l’eau cela donne des ravines « pluies torrentielles » et par une évolution qui la cause à l’effet  « petit ravin creusé par un torrent » > » ravin creusé par les eaux » > « ravin » et le mot français ravin.  A La Canourgue rabino est « une pente lavée par des torrents ». Ravin  a été  emprunté par le néerlandais ravijn, anglais ravine « ravin ».

Ces évolutions sémantiques très spéciales ont laissé un vide, et le français comme l’occitan ont emprunté très tôt le mot latin rapina avec le sens « vol ». Pour Giraut de Bornelh , un troubadour limousin du XIIe siècle, un rapin est un « voleur » et en languedocien moderne à La Canourgue un « épervier » est un ausel de ropino, à Pézenas un rapino devient un « orfraie ».

                                                                                                          .                      

ausel de ropino l’épervier                    rapino « orfraie’.

Je n’ai pas d’explication pour la signification  « régal donné à l’occasion d’un baptême » de rabinosa.  Dans le site Ostal Joan Bodon  rabinosa = taulejada « banquet ». Si « banquet » est le sens d’origine, il est possible que ce sens s’est développé à partir du sens « grillade » et il fait partie du groupe rabinel.

Rabas, ravat

Rabas, rabat, ravas, ravat « mouton à laine grossière et pendante, commun dans le Piemont, la Lombardie et la Savoie; la peau de ce mouton; la housse de cheval ; peau de blaireau; blaireau (l’animal); blaireau à barbe; putois (chez l’abbé de Sauvages, S2 et à St-Germain-du-Teil (Lozère) ».   Rabatos f.pl. « troupeau de brebis qu’on mène paître sur les montagnes des Cévennes pendant les chaleurs de l’été ».

  mouton face de blaireau Voir le commentaire d’un visiteur!
     

Les formes avec –v- viennent d’après Mistral du Dauphiné, de la vallée du Rhône et de l’Auvergne, mais l’abbé de Sauvages (S2) donne  rabas et ravas « mouton malingre ».

  1. L’étymon est le latin rapax « qui saisit, emporte »,  et comme subst. « voleur ». Le blaireau a la mauvaise renommée d’être un voleur et d’ emporter des céréales dans son nid. Le FEW X,61a-b a  séparé les attestations de rabas « blaireau » des attestations ravas « mouton, peau de mouton, etc. »pour des raisons d’ordre phonétique: le -p- intervocalique en latin devient -b- en occitan, et passe à vseulement dans les parlers du nord occitan.
  2. L’évolution sémantique : « voleur » > « mouton » était énigmatique.

Nous croyons avoir trouvé une explication  surtout pour l’évolution sémantique. Les formes avec un v peuvent s’expliquer par une influence des parlers nord-occitans  et franco-provençaux.

Le blaireau est présent dans toute la France, excepté la Corse. Voir à ce propos ce lien.

Rabas avec le sens « blaireau » se trouve en provençal et en languedocien dans une zone qui va du Var (Hyères, St.-Luc) jusqu’à Millau, où il est déjà attesté en 1474, et à Mende. A La Ciotat c’est un « hérisson » et à St-Germain-du-Teil (Lozère) un « putois ».

Dans le volume Incognita XXII/1,p.283b du FEW, nous trouvons la famille de ravas  « (peau de) mouton à laine grossière et pendante »   attesté en provençal depuis le XVe siècle  et en franco-provençal du Forez .  Par exemple dans l’Isère la ravata est la « laine grossière » et par métonymie ravat prend le sens de son utilisation : « collier de cheval » ou comme en provençal de Barcelonette ravàs « peau de mouton qui sert de housse au collier des chevaux de charette ».

Or dans l’Aveyron et la Lozère sont attestées des formes avec un –b- : robàs, rabas, qui viennent certainement de rapax et qui désignent « une fourrure attachée au collier d’un cheval de trait, ordinairement en peau de mouton, ou de blaireau »  exactement comme le ravàs provençal à Barcelonette.

On peut supposer une évolution sémantique comme suit : rapax « voleur » > « blaireau »>  « peau de blaireau » >  « peau de blaireau utilisée pour le collier des chevaux » > « peau de mouton à laine grossière utilisée pour le collier des chevaux » >  « mouton à laine grossière et pendante » > « mouton (malingre) ». Il  est donc probable que les mots qui désignent le « blaireau » avec un -b- et ceux qui désignent la « mouton à laine grossière et pendante » ont la même étymologie.

Sur le web, j’ai trouvé plusieurs attestations de cette fonction de la peau de blaireau, e.a.:

avec le texte suivant
« de nos grelottières pour attelage « en poste » avec la traditionnelle « queue de renard ». Il nous reste à mettre en place le non moins traditionnel entourage en peau de blaireau ! »Source!

En Auvergne, la brebis Rava fait partie du paysage. Avec plus de 40 000 brebis, cette race avec sa belle tête mouchetée, est gagnante là où d´autres échouent. Source.

Conclusion:  ravas  « (peau de) mouton à laine grossière et pendante » , et les autres mots dans  le volume Incognita XXII/1,283b du FEW viennent tous du latin rapax « voleur ». Les formes avec  -p- > -v- s’expliquent par le fait que l’origine de la race de moutons avec sa tête comme un blaireau  est l’Auvergne, c’est-à-dire une région où l’évolution -p- > -v- est régulière.