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Leseno, alzena "alène" et français "...

Leseno, alzena s.f. a  la même étymologie que le mot français « alène » à savoir un germanique *alisno  « poinçon  courbé pour coudre le cuir ». Le mot a dû être adopté assez tôt, avant le IVe siècle,  dans le latin parlé, parce que nous le retrouvons en italien  lezina,  catalan alena  et espagnol  alesna, lezna. En occitan les formes avec déglutination du a-  initial sont les plus répandues.

*alisno a remplacé le latin subula  « alène; outil pour polir des pierres », qui s’est maintenu en roumain sula  et dans des parlers régionaux italiens. Il y a aussi quelques attestations en moyen français sublot, subille « alêne » (DMF). Le fait qu’on le trouve également en moyen néerlandais : eyn suwel (< subula) off eltzen (< alisno) zuwele, suwel, subst. fem. Mnd. suwele;  et en moyen haut allemand mhd. siuwele, siule. (WNT) montre qu’il a probablement existé dans le domaine d’oïl.

Quelle peut être la raison de cet emprunt au germanique?     S’agit-il de la meilleure qualité des  alênes  germaniques?  Deutsche Qualität?  ou s’agit-il d’ alène de cordonnier « leseno » et d’alène médicale « subille »?

Plus intéressant est le lien avec le verbe français lésiner « épargner d’une façon raffinée et sordide jusque dans les moindres choses », dérivé du substantif  lésine   qui désigne ce genre d’épargne.  Lésine  a été emprunté à l’italien  lesina,  à la suite de l’énorme succès d’une satire de Francesco Vialardi intitulé Della famosissima compagnia della Lesina dialogo, capitoli, ragionamenti. Elle a été traduite en français  en 1618!

traduction de Della compagnia della lesinaSi vous voulez le lire, suivez ce lien.   Il y a  des avares qui vont jusqu’à coudre eux-mêmes leurs chaussures!  La devise de la  Compagnia     est sur la page du titre : Omnia vincit subula.  Cela va vous rappeler  L’avare  de Molière.

Voici un lien vers un site  qui en parle

Littérature facétieuse de la lésine

A la suite de la parution du recueil Della famosissima compagnia della Lesina (1598), une série de publications autour des plaisanteries relatives à la lésine voit le jour en Italie (1).

Ces textes sont traduits et imités en France dans le premier quart du XVIIe siècle (2).

Ils créent un fonds de bons mots et d’anecdotes, dont on retrouve plusieurs traces dans la comédie de L’Avare :

 

 

Masada "fourmi"

Masada « fourmi » et le dérivé masadier, masedera  « fourmilière » témoignent  d’après le FEW de la présence des Goths dans les départements de la Hte Loire, le Puy de Dôme, la Creuze et le Cantal, qui ont fait partie du royaume Ouest-gothique.  L’étymon est d’après le FEW un gotique *af-maitjô « forumi »  qui fait partie de la même famille que l’allemand Ameise « fourmi ». Cette étymologie est discutée. Voir ci-dessous.

masad carte tirée de  Lectures de l’Atlas linguistique de la France  de Gilliéron et Edmont.  (Voir s.v.  ALF), qui ne présente que les dérivés de maz-.

En ce qui concerne cette étymologie, il y a une nouvelle proposition par Gaston Tuaillon, qui pense plutôt à un substrat préroman.   A consulter dans une bibliothèque universitaire: Tuaillon, Gaston,  Les désignation de la fourmi dans les parlers romans.  Géolinguistique 1(1984) 7-29 , qui doit fournir une explication des formes  du domaine d’oïl comme mazel  (Allier) et franco-provençales comme mozoy.

Le Thesoc fournit quatre types masada, madasa, masadis, masela,  mais elles reposent toutes sur la même origine.  Les formes données  à Edmont pour l’ALF varient fortement.  Nous avons déjà remarque ce phénomène pour d’autres mots comme le nom du sureau.  De nombreuses attestations et formes dans  Albert Dauzat,  Essais de géographie linguistique. 1921. pp85-86.

Malhol, mayol, maliòou "bouture"

Malhol, mayol, maliòou « bouture,  jeune plant de vigne » vient du latin malleolus  « petit marteau ». L’image ci-dessous prouve cette étymologie. D’ailleurs  malleolus  signifiait déjà « crossette de vigne ou d’arbre » chez les Romains (Gaffiot)

Le mot malhol  est provençal et languedocien, attesté depuis le XIIe siècle, et  avec le sens « vigne nouvellement plantée » déjà  en latin médiéval du IXe siècle. Nous le retrouvons en italien magliuolo  et en catalan mollol.

L’abbé de Sauvages  s.v.maliôou ou avantin  est très précis dans sa description:

Maliôou ou Avantin, jeune Plan de vigne, il y en a de deux sortes, les  crossettes &  les  barbues,  appellées  sautelles  dans quelques Provinces; il n’y a que la  barbue  qui est du chevelu & qui, à cause de cela, reprend plus aisément. L’ avantin est toujours un sarment de vigne qu’on plante dans des tranchées pour avoir des ceps.

Barbue  veut dire « qui a des racines ». Voir Thesoc s.v. « plant raciné » : barbat (Dordogne), capeluda (Charente)

Carreira "quartier des Juifs" et le chou...

Carreira, carièra  a la même étymologie que le français carrière mais pas la même signification !
Un film sur Arte de  Marek Halter  et sa  conférence au Salon de la Biographie à Nîmes (2012) sur le Birobidjan  , où le yiddish est encore parlé par quelques milliers de personnes, m’a rappelé qu’en Provence, il y avait le Comtat Venaissin , lou Coumtat Venessin,  où  les Juifs  parlaient le shuadit ou chouadit, également appelé judéo-provençal, judéo-comtadin, une  langue morte appartenant à la famille de l’occitan , anciennement utilisée par les Juifs.  Le dernier locuteur connu est l’écrivain Armand Lunel,  décédé en 1977.

Comtat Venaissin

Une brève description avec une bibliographie de cette langue se trouve ici (Judeo-Provençal – Jewish Language Research Website).

En surfant et cheminant de lien en lien, j’arrive aux Carrières .  Les Carrières sont le terme employé sur les terres des Papes d’Avignon, pour désigner la rue ou le quartier juif où la population juive en son entier devait résider.  Le mot ghetto n’a jamais eu cours à propos des quatre Saintes  Communautés d’Avignon, de Carpentras, de Cavaillon, de l’Isle-sur-la-Sorgue.  Plus de renseignements ici
Le mot carrière avec le sens « rue, quartier des Juifs » est une francisation erronée  de carreira  qui peut même prêter à confusion quand on ne connaît pas le mot occitan.

Entrée de la Jutarié d'AptEntrée de la Carrèira d’Apt.

Rougnes

Rougnes « débris, vieux objets en mauvais état, vieilleries » en français régional. Je ne crois pas que le mot rougnes  qui signifie aussi « balayures » d’après Alibert s.v. ronha  a la même origine que ronha « gale », en tout cas l’évolution sémantique « gale > crasse > balayures > vieux objets inutiles » me fait hésiter.

Je vois deux possibilités.

  1. Il y avait en ancien occitan le mot ronha venant du latin ruina « ruine » avec le sens « debris d’un édifice ».
  2. Ou  le dérivé très répandu dans les parlers occitans rougnaduro « débris ou fragments sans valeur » de *rotundiare « arrondir > rogner ».

Pour enrichir votre vocabulaire lors des vides-greniers, je vous fais part de la remarque d’un visiteur: « Synonyme de « rougnes » (en moins violent) : « trastes« . Les couillandres sont des objets de mauvais goût dont on ne sait que faire » En catalan un traster est un « débarras ».

Sauvages donne trasso « épithète ordinaire des choses vieilles, usées et de peu de valeur ».  Unos trassos de groulos « de vieilles savates » (S1).

Il y a des rougnes, trastes et couillandres, ainsi que des rebaladisses et des enquestres.