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Couderc

Couderc. Article écrit par Pierre Gastal, auteur de Nos Racines Celtiques – Du Gaulois Au Français. Dictionnaire. Editions Desiris, 2013.

Nos racines celtiques. P.Gastal   

COUDERC : Champ. LOU PRAT DEL COUDERC. Pré. Le Mon. D2 AA 1336, « coderco dicti loci de Avoae» (p. 17). (…) donne l’étymologie d’après von Wartburg et Jean Séguy : « Le mot remonte au gaulois cotericum « commun ». (Noms de terroirs vellaves : d’après le compois de…, F. La Conterie – 1978)

COUDERT1 :

1) Petit pré enclos, près de la ferme, où l’on mène paître le bétail ; coderc en Périgord.

2) Dans le Midi, pâturage collectif, souvent enclos, près du village.

3) Petite place avec une pelouse, souvent entourée d’une haie, au-devant d’une maison de campagne2

4) En Corrèze, au XIXe s., enclos pour le parcage des porcs mis à l’engrais, à côté de leur bauge.

5) En Poitou au XVIIIe s., parcelle cultivée en grains.

6) Pelouse de médiocre qualité sur une colline. (DMR)

J’insère quand-même une image (source):

Qu’est-ce qui différencie Milhac (commune du Monteil) des autres localités cantaliennes ? Hé bien Milhac présente un couderc rassemblant un four à pain, un lavoir, une croix et une fontaine. Tout ça sur une superficie très restreinte.

Couderc, couder : petite place ; aire devant une maison ou une ferme ; jardin ou petit enclos attenant au manoir du maître ; pâturage commun. On trouve dans un ancien titre : « Pratum, sive codercum » (Glossaire de la langue romane, J.-B. Bonaventure de Roquefort – 1808)

Le Couderc, le Coderc, « pâtis pour oies et porcs ». Le sens de « pacage communal », attesté ailleurs, a conduit J. Jud (Mots d’origine gauloise, Romania, 1926, 331-2) à proposer l’étymologie co-ter + icum, acceptée par Von Wartburg (Französisches etymologisches Wörterbuch), tandis que  L. Spitzer, cité par Romania, propose condirigere. (Les premiers romans français et autres études littéraires et linguistiques, G. Raynaud de Lage – 1976)

Pour Jud, suivi par Von Wartburg, il viendrait d’un gaulois cotericum qui aurait désigné un pâturage. (La maison rurale en pays d’habitat dispersé de l’antiquité…,  A. Antoine, ‎M. Cocaud, ‎Daniel Pichot – 2005)

… Forez couhard, « pâture pierreuse », Toulouse coudérc, « jardin »… Certaines sources renvoient au kymri (gallois) cyttir < cyd, « commune » + tir, « terre ». Mais Anreiter (1992 : 413) écrit que les formes du celtique insulaire renvoient à teros (< IE *ters-, « sec ») et précise que la fonction du suff. -ico n’est pas claire ici. Pokorny (1948/1949 : 240) soutient aussi une étym. gauloise mais rattache le mot à une racine *kito-/*kitu-… (Romania Gallica Cisalpina : Etymologisch-geolinguistische, J. Grzega – 2001)

On les appelle : « commons » en anglais, « comins » ou « cyttir » en gallois. Certains de ces communs dépendent de la Couronne, mais la plupart font ou faisaient partie des « estâtes » des landlords. (Géographie rurale de quatre contrées celtiques : Irlande, …,  P. Flatrès – 1957)

The preposition cyd is = the latin cum. … from cyd and tir, land (terrain) is cyttir, land held in common (terrain tenu en commun). (The Anthropological Review, vol. 1 – 1863)

Par exemple, cyd’dir « communaux », composé de cyd « com- » et tir « terre » devient cyt-ir, que les Gallois notent cyttir ou cytir… (Les désinences verbales en -r en sanskrit, en italique et en… , G. Dottin – 1896)

cytir [kø-tir] substantiu masculí, plural cytiroedd [kø-tî-rodh] : 1 terrenys comunals (terres communales). Nom de carrer de Bangor – “Cyttir Lane” als mapes, presumablament d’una forma original Lôn y Cytir (Nom d’une rue de Bangor, vraisemblablement d’une forme « Lôn y Cytir »).  2 Y Cytir (SH8715) coster a la comarca de Gwynedd (districte de Meirionnydd)  (coteau/colline, comté de Gwynedd, district de Meirionnydd)

ETIMOLOGIA : cytir < cyd-dir (cyd- = junt [joint/ensemble]) + mutació suau  (mutation douce) + (tir = terra ) (Dictionnaire gallois-catalan & étymologie, Lexilogos)

Entrevu dans un ouvrage en anglais sur les Gallois que ce terme reflétait leur esprit de communauté, survivance de l’organisation ancienne du territoire (propriété commune).

Pas pu trouver d’équivalent pour « terre commune » en gaélique ni en breton.

Gaélique, pour « commun » : coitcheann, common, public, so Irish, Old Irish coitchenn : *con-tech-en? (MB)

Gaélique, pour « territoire, terre » : tìr, land, earth (pays, terre), Irish, Old Irish tír, Welsh, Cornish, Breton tir, tellus, la terre : *têros (*têres-) ; Latin terra (*tersâ), Oscan teerum, territorium. The further root is (< rac.) ters, be dry (être sec), as in tart ; the idea of tír, terrâ, is « dry land » opposed to sea (la terre, « pays sec », opposée à la mer). (MB)

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Le FEW mentionne les dérivés occitans : coudercho  s.f. « terrain couvert d’une herbe menue » (Ussel),  couderas « cour, enceinte » (Puisserguier),  coudertsino « polygonum aviculare » (Brive d’après Rolland Flore 9,187) = La renouée des oiseaux ou traînasse..

Dans la Suisse romande le type cotericum  s’est croisé avec le type costa  , ce qui a abouti à coΘe « place devant la maison » d’où le verbe koterdzi « causer ». Une évolution sémantique analogue s’est produite dans le mot androune.

 

  1. Vous trouverez de nombreuses attestations du mot en tapant « le couderc » sous Google-livres.  Si vous demandez « Couderc »  seul  à un moteur de recherche  il ne donne que des patronymes.
  2. L’abbé de Sauvages (S1) écrit : Place au devant d’une maison de campagne. C’est une étendue moindre que celle qu’on appelle vol du chapon; on le prend quelquefois pour la maison elle-même, et c’est dans ce sens que le Proverbe dit : Ke d¨émoro din soun couder, së noun y gâgno noun y pér.

Mondin ‘Toulousain’

Mondin, Moundin « Toulousain, de Toulouse ».  Etymologie : Raimond « Raimond, comte de Toulouse ».

Un article à l’occasion de la commémorations des  LIBERTATS COMUNALAS 2014 : double page dans le Journal Toulousain : Centrale_JT595

Au XIIe siècle il y avait aussi le raimondene « denier à l’effigie d’un comte de Toulouse ».

sagel ou sceau de Raymond VI

Certains prénoms, dont  Raimond, étaient tellement fréquents qu’ils sont devenus des substantifs.  Dans l’Hérault le ramounet  a pris le « maître-valet, régisseur d’une ferme », sa femme est la ramouneto et sa maison le   ramounetage.  Raymond  Jourdan de Montagnac (1976) donne une définition très précise: « Ouvrier habitant la ferme, nourissant les mésadiers et dirigeant les laboureurs ». Sa femme est la ramounette.

Dans le Bas-Quercy  ce n’est pas pareil, le  ramounet  est « le démon », ce qui s’explique peut-être par l’histoire :

 En 1188, Richard, fils d’Henri II, organise une cruelle expédition dans le Quercy, rafle dix-sept châteaux acquis à la cause toulousaine.

Le roi, Philippe-Auguste riposte en occupant le Bercy et le Bourbonnais. Jusqu’en 1189, les terres quercynoises resteront anglaises.    Le soulèvement de la population toulousaine soutenue par les consuls et par Richard conduit Raymond V à accorder plus d’autonomie en signant l’acte du 6 janvier 1189 dans l’église Saint-Pierre-des-Cuisines sous l’autorité arbitrale de l’évêque Fulcran : le comte reconnaît son échec, désavoue ses initiatives pour diviser la population, accepte les conditions de la paix sociale proposées par les consuls à qui il concède la juridiction criminelle.    Le 26 janvier 1190, Raymond V et Alphonse d’Aragon concluent une nouvelle paix. Un an après, le vicomte Roger II échange avec le comte de Toulouse des serments de sécurité et d’entraide mutuelles.

Raymond V meurt à Nîmes en décembre 1194 et est inhumé à Notre-Dame de Nîmes..( plus dans ce site)

En suivant le lien vous pouvez lire l’acte du 6 janvier 1189 en occitan + traduction. jurament0k .

Ci dessous l’article moundin  de Mistral.

Lien direct vers l’article du FEW. Juste au-dessus il y a l’article Robert, un autre nom très fréquent.

Margal ‘herbe de printemps’

Margal « herbe de printemps » d’après l’article de Wikipedia Agriculture en Camargue.
Graaphie margalh pour les occitanistes.  Loliium perenne pour les botanistes.

Étymologie : margal  vient d’une racine préromane *margalio- « ivraie ».

here de printemps

margal, lolium perenne  (Wikipedia)

Voici  le texte de Wikipedia:

Le fermier camarguais jouissait de libertés (ou profits) dans son exploitation. Ces droits étaient au nombre de quatre : la margalière, les pasquiers, les luzernières et la pâture4.

La margalière consistait à tirer profit du margal, herbe de printemps, pour ses ovins. Elle n’était disponible dans les restoubles que de mars à avril et aux premiers labours. Les pasquiers correspondaient à la fraction de terres labourables converties en prairies annuelles. On y semait avoine, orge et vesce noire (ou barjalade). Le surplus fauché trouvait preneur auprès de charretiers qui voituraient le sel de Peccais 4.

Le lien vers la source étant mort, je l’ai recherché et trouvé (difficilement) dans le site du patrimoine de la ville d’Arles. , texte de Gérard Gangneux. L’ordre de Malte (Hospitaliers de Saint-Jean) en Camargue au XVII et XVIIIe siècles. Extrait de sa thèse de 1970.

Il faudra retrouver ses sources afin de mieux dater ces attestations. En ancien occitan est attesté marjuelh « ivraie » au 14e siècle.

Le 15 juillet 2013 un de mes fidèles visiteurs, Rudy Benezet,  m’a demandé l’origine de ce  margal  et il a ajouté:

Bonjour, ……..Cela m’a rappelé les longs après-midi ou je devais aller arracher les herbes dans les vignes;  quand il n’y avait rien d’autre a faire.
Mon grand père me disait Mais tu n’as rien a faire !  va donc à l’Esquillon tirer les jambes rouges ( Chenopodium album ) et  les blés (Amaranthus hybridus ? ) et prend le bigot (la pioche) pour arracher le grame (chiendent, Elytrigia repens ) et sans oublier un flo  ; et n’oublie pas d’enlever les grosses mattes de margal ( ivraie , Lolium perenne ).
Après mon passage plus un brin d’herbe dans la vigne;  tel Attila ! J’étais a l’époque un véritable désherbant manuel……   🙂  c’était il y a plus de 50 ans ! Et pendant tout ce temps mes copains galopaient sur le pic des ânes ; derrière Geronimo et Kit Carson !Mon grand père ne me  parlait jamais en patois, <<C’était interdit pas Monsieur le Maître d’école >>   Je n’en prenais quelques mots que quand ils causaient entre vieux….
Étymologie : margal  vient d’une racine préromane *margalio- « ivraie ».   D’après les données du FEW VI,1 p.323  le type margal, margalh  se trouve en franco-provençal, en Provence (Vaucluse, Var, BRhone, AlpesMar) et en languedocien le long de la côte jusqu’en Catalogne (margall « lolium italicum ») .  Le Thésoc y ajoute les départements ARIEGEHAUTE-GARONNE, TARN-ET-GARONNE.
Dans  l’AUDE il y a quelques attestations du  type amargalh  avec le  préfixe a-  dans les noms des plantes est d’après Hubschmid (spécialiste du préroman)  est également d’origine préromane.
D’après M.Palun1  Le « raygrass »  Lolium perenne L et le Lolium multifflorum Lam. s’appellent margai  à Avignon et environs.
Le lien fonctionne toujours parfaitement. Pour m’assurer j’ai consulté l’index et suivi l’indication vers la p.165  où on trouve même  deux esoèces  de  lolium avec le nom margal:
lolium perenne dans M.Palun
Mistral donne en plus  margalheiro  s.f. «  »champ où le ray-grass abonde ».
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  1. Palun (Maurice), Catalogue des plantes phanérogames qui croissent spontanément dans le territoire d’Avignon et dans les lieux circonvoisins. Avignon, 1867. 2-189 p. Table alphabétique des noms vulgaires des plantes en provençal aux pp.183-189. Disponible dur le web archive.org

Menoun 'gigot pascal' ou 'bouc chât...

Menoun « bouc châtré à 4 ans » (M) est un dérivé du verbe minare « mener les bêtes », attesté en ancien provençal depuis 1397 et en moyen français depuis de 16e siècle; menon est resté dans les dictionnaires Larousse jusqu’en 1949. (FEW VI/2,104a).  Le sens « reine des abeilles »  s’explique également à partir du sens du verbe.    Fraire menoun  pour fraire minour doit reposer sur un jeu de mots.

  

Menoun « gigot pascal ».

Dans l’article  men-  le FEW  a réuni une famille de mots  qui expriment principalement la petitesse  et appartiennent surtout au langage enfantin.  Béarnais menin  adj.  « très petit’,  à Lescun di menin « petit doigt », dans le Var meinet « petit », dans l’Aveyron  del menèl  « petit doigt », languedocien mani « petit; petit enfant » (Sauvages S2).

menoun absent ?

C’est à ce groupe qu’appartient  le mot menoun que j’ai rencontré dans un site Wikipedia sur la cuisine provençale  qui écrit:

« Le Gigot pascal est un mets du temps de Pâques, à base d’agneau ou de chevreau. Il est dénommé menoun en Provence.

Y a-t-il un lecteur qui puisse me  confirmer ce mot avec ce sens? Merci d’avance!

 

 

Consòuda, cassòuda "prêle"

Consòuda, cassòuda « prêle, queue de cheval; joubarbe ». Solerius faisait déjà de la géo-linguistique:(Chez les Gaulois la cauda equina  s’appelle de la prêle, chez les  Dauphinois  l’asprette et chez nous la consaulde.  En Italie la petite s’appelle  aspretta, la grande  coda di cavallo.)

L’étymologie a l’air simple  : du bas latin consŏlĭda  « consoude; symphytum officinale » qu’on appelait ainsi en raison des vertus astringentes de la plante1.  Ce nom a été adopté par les médecins et s’est répandu par eux dans la langue populaire.

Mais  l’occitan  consòuda, cassòuda  désigne une tout autre plante, à savoir   la « prêle ».  Le sens « consoude officinale » donné par Alibert n’est  attesté  qu’en Auvergne et dans le Périgord.

 

       consoude                                                               prêle

 RollandFlore vol.XI, p.80 sous  Equisetum  = prêle, nous fournit les attestations suivantes:Ces données sont confirmées par le Thésoc s.v. prêle cassaoudo  dans l’Ardèche, le Gard, l’Hérault et la Lozère, avec le type koussaoudo  dans l’Hérault2.

Il  doit y avoir un lien ancien entre les deux plantes, autrement la confusion n’est pas compréhensible. En surfant un peu, je vois entre autres: Prêle et consoude pour la protection des plantes au nature  mais je ne connais pas les détails. Il doit s’agir de l’utilisation des deux plantes.

L’abbé de Sauvages écrit : « plante rude dont on fait cette espèce de bouchon tortillé pour écurer la vaisselle: c’est de là qu’est venu le mot de cassôoudo pour dire une lavette. La prêle  est astringente, les tourneurs s’en servent pour polir leurs ouvrages. » (S1). Les deux plantes sont astringentes , ce qui peut être la cause de la confusion des noms.

Voir aussi mon article freta,  fretadou

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  1. La Consoude officinale (Symphytum officinale) est l’espèce caractéristique du genre Symphytum. Wikipedia. Le TLF cite: La spécialité de ma grand’mère (…) c’était de refaire les pucelages par le moyen de la consoude qu’on appelle oreille de vache A. Arnoux, Calendrier de Flore,1946, p. 116
  2. Les données du Thésoc pour la région à l’est du Rhône ne sont pas encore publiées, hélas