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brèle, brelon et Voilà

Brèle, brélon : A l’origine, la brèle, c’est le mulet. Et malgré que le bestiau soit très robuste,
et très dégourdi dans les chemins escarpés, le mot a pris un sens inverse aujourd’hui.
La brèle, c’est devenu le nul, le bon à rien, le négligeant :
<< Regarde-moi ce Reynald Pédros, qué brèle, celui-là encore !… >>
Par extension, la brèle (ou le brélon) désigne un deux-roues à moteur dont on se demande
comment il (ou elle) marche encore :
<< Si tu me promets qu’il tiendra jusqu’au ballètti, j’accepte que tu me chales sur ton brélon >>

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PAGES PERSO VOILA

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Depuis le 17/11/2015, date de fermeture du service, il n’est plus possible d’accéder aux Pages Perso Voilà créées, ni aux interfaces de gestion et de publication de ce service.

Heureusement, l’auteur l’a ré-éditée ici quelques expressions marseillaises.

L’étymologie est dans le  CNRTL:

A.− Arg. milit. Mulet :

Nous avons entendu dire que c’était « le brèle » qui avait gagné la guerre du Rif ou conquis le Maroc. En 1943-45 on avait surnommé plaisamment les compagnies dotées de mulets (les goums en particulier) la « Royal Brèle Force ». En 1956 on disait fréquemment qu’il ne fallait pas de tanks contre les fellagha mais des « brèles ». Lanly, 1962, p. 59.

B.− Au fig. et péj. [En parlant d’une personne bête ou têtue] Brèle! espèce de brèle! bande de brèles!

Rem. Ibid., p. 60 note que ,,Dire de quelqu’un qu’« il est un brèle » c’est dire qu’il est entêté, obstiné comme un mulet. Il ne faut pas s’étonner qu’un enfant de ce pays dise que l’âne « brèle » pour brait.« 

Orth. Brêl dans Esn. 1966. Étymol. et Hist. 1. 1914 brêl « mulet » (arg. des soldats d’Afrique dans Esn.); 1940 (soldats à Grenoble, ibid.); 1943-45 brèle (Lanly, p. 59); 2. 1952 brêl « imbécile » (Esn.). Empr. à l’ar. algérien bġ əl « mulet », la gutturale étant prononcée comme un r (Lanly, p. 59 et 114). Ar. classique baġl « mulet » (G.-W. Freytag, Lexicon arabico-latinum, éd. C.A. Schwetschke, Halle, 1830-37, t. 1, p. 189b).

Afatoun ‘prunelier de Briançon’

Afatoun prunelier (ancienne graphie prunellier). L’étymologie est d’après le FEW un mot  préroman *fattua , dont l’origine est pré-indo-européen.  Vous trouverez toute une série d’attestations dans le  FEW XXI, 101  Dans la Vaucluse afatoun est aussi utilisé au figuré d’après Mistral « prunelle de l’oeil ». : Le fruit  est parfois appelé, selon les régions, Buisson noir, Épinette, Belossay, Créquier, Fourdinier, Fourdraine, Mère-du-bois , Pelossier ou Prunellier1 commun.(Wikipedia).

Prunus brigantina (Prunus brigantina Villars, Prunus brigantiaca Chaix). photo de Luc Garraud, prise en Névachie, près de Briançon.

Prunus brigantina

Ci-dessous la photo du site les passeurs de mémoire .Le botaniste Luc Garraud m’écrit : « La photo que vous présentez sur votre site, trouvée sur le site des passeurs de mémoire est fausse, il s’agit ici de Prunus cerasifera var « mirobolan », qui présente soit des fruits jaunes d’or ou rouges »

fruits du marmottier

fruits du marmottier

 Intéressé par l’ethnobotanique qui peut souvent expliquer l’étymologie des noms patois des plantes, je suis tombé sur un article intéressant de Carole Brousse, L’ethnobotanique au carrefour du Muséum national d’Histoire naturelle et du Musée ethnologique de Salagon (Alpes-de-Haute-Provence) (lien direct),
Elle cite Dominique Coll qui en 2012 présenta le travail réalisé par le collectif de retraités « Passeurs de mémoire » et qui cherche à relancer les usages populaires de la prune de Briançon et notamment la confection de « l’huile de marmotte », fabriquée à partir des « afatous2», fruits du prunier briançonnais.

Mme Dominique Coll a eu la gentillesse de me communiquer d’autres attestations provenant des régions voisines. Elle m’écrit
affatous ou afatou est  le prunier de Briançon qui porte fièrement le nom de la ville  mais aussi celui de marmottier ou marmotier. Luc Garraud du conservatoire botanique de Charance3 précise:

Queyras, Haute-Provence, Piémont : Affatous, Affatoulier, Affatouyé, Afatourié, Afatounie, Afatou, Afatoun, Afatour, Affâtoua, Affouate, Fatouléra, Fâtoules.

Alpes-Maritimes en Roya, Cunéo, Tende : Piora, Pioré, Peyra, Priouré

Briançonnais, Névachie, Vallée de Suze et de Stura : Marmutié, Marmotté, Marmuti, Marmotta, Brignié, Brigné , Marmottier, Abrignon.

D’après Hubschmid, l’auteur de l’article du FEW XXI, 101 on ne peut pas séparer ces attestations des mots du galicien (Espagne) faton « variété de prunier » et fatão  » une grande prune  « .
ATTENTION. « Huile de marmotte »  non pas l’animal mais le fruit du marmottier, (Prunus brigantina), également nommé abricotier de Briançon, afatoulier, prunier de Briançon ou prunier des Alpes.

  1. Depuis la réforme orthographique de 1990, la graphie « prunelier » est également acceptée. Cette nouvelle orthographe bien que conforme à la prononciation, n’est pas répertoriée dans de nombreux dictionnaires de référence.Wikipedia
  2. Une faute de frappe a changé  afatous  en amatous  dans l’article de Mme C. Brousse
  3. Il doit s’agir de la Flore de la Drôme. Atlas écologique et floristique. Conservatoire botanique national alpin de Gap-Charance. 2003

Restanco ‘restanque’

Restanco « écluse; digue; morceau de bois qu’on place au travers du pétrin pour empêcher la pâte de s’étendre ». L’étymologie est la même que celle de pétanque  voir tancar, mais je viens d’apprendre d’un ami qui connaît bien la région niçoise que les restanques  sont les terrasses, un sens inconnu de Mistral:

restancoM

qu’on appelle traversiers à Valleraugue et bancels en Lozère, ribo à Pont-de-Montvert, faissa ou paredon dans l’Aveyron. Voici une image des restancos près de Toulon:

restanquesL’auteur donne la description suivante

Photo prise sur les pentes du Mont Faron à Toulon
Les cultures en terrasses traditionnelles (restanco), c’est à dire avec un système d’écoulement des eaux de ruissellement intégré, se font de plus en plus rares. Et on n’y fait plus guère pousser de légumes, seulement des fruitiers. Celles-ci sont très belles et, curieusement, quasiment en ville.

Cette description explique l’évolution sémantique qui s’est produite. Restanco vient du verbe *stanticare « arrêter » qui a aussi dooné tancar.  En ancier occitan est attesté le verbe restancar « étancher le sang », restanchier en ancien français. Dans les parlers occitans modernes on trouve restanca(r) « faire une digue, un barrage, retenir l’eau » à Cavalaire près de Draguignan  un restanco est « une barrière en bois le long  d’un chemin pour empêcher les eaux pluviales d’y passer ».   Quand on crée plusieurs de ces barrières en pierre sèche plutôt qu’en bois,  sur la pente d’un colline on obtient des restancos « terrrasses ».

FEW  XII, 232

Mon ami d’Ampus qui m’a parlé de ces restanques, m’a dit qu’à Ampus, au Nord de Draguignan;  on appelle ces murets en pierre sèche  et les terrasses qui sont ainsi formées des berges. L’évolution sémantique de berge « Bord d’un cours d’eau » > « muret avec système d’écoulement d’eau »  > « terrasses formées avec ces murets »  est la même.

 

Escama ‘écaille’

Escama « écaille ». Etymologie: latin squāma « écaille ». Mot occitan et ibéri-roman . Voir les différentes attestations et significations dans le  FEW XII,215-217dans l’article squāma « schuppe » (= écaille).  La grande majorité des significations s’expliquent facilement, mais je ne comprenais pas la filiation « écaille » >  » fille , femme  effrontée,  dévergondée qui a le diable au corps, petite espiègle » pour le mot escamandre   et  qui viennent du Tresor de Mistral et  du Dictionnaire de l’abbé de Sauvages.

J’ai eu recours au Dictionnaire de l’abbé de Sauvages, qui donne deux explications.  D’abord il définit une  escamandre  « une marie-chiffon, fille ou femme en guenilles », sens qui s’explique à partir  d’ écaille > fil qu’on tire d’un tissu, effilure, > effilocher, etc. (voir l’article du FEW) . Ensuite il écrit dans l’article Escamandras « péjoratif dévergondée » :  » L’Escamandre est le nom d’un très petit fleuve qui baignait les

Escamandre dans dictionnaire de Sauvages S2Mais il n’y croit pas. Mistral non plus d’ailleurs; il rapproche escamandre de esclandre qui vient du latin scandalum (CNRTL) et je crois qu’il a raison, contrairement au FEW.:

escamandre dans le Trésor du FélibrigeMistral précise aussi  la localisation de l’étang  Escamandre, confirmé par Google Maps et Wikipedia.

étymologie du nom ScamandreL’étang de Scamandre  à Saint-Gilles


Le type écame a aussi existé dans le domaine d’oïl1, mais il a été remplacé par le type germanique *skalja « écaille ».

Une autre étymologie de l’espagnol escamocho se trouve ici

Pages copiées dans odt. AFINIR > escaume Z46

escauma FEW 12,216b escaume pr. Squama 12;216b « écaille de poisson »

 

  1. Regarder Z 46, p.248

Dauphinois, arpitan ou franco-provençal ?

Arpitan_francoprovencal_carte_patois

L‘arpitan ou franco-provençal est le nom de l’ensemble des parlers qui se distinguent de la langue d’oc et de la langue d’oïl par une évolution phonétique  spéciale, en particulier celle du a accentué en latin parlé qui s’est maintenu comme par exemple dans l’infinitif des verbes en –are, cantare > chantar, excepté après une  palatale (c, g, y, etc.) par exemple manducare > mangé, mangi. plicare > pleyi (plier).

C’est en 1873 que le linguiste italien Graziadio-Isaïa Ascoli (1829 –1907) a identifié cette langue ou groupe de parlers  et rédigé l’acte de naissance du franco-provençal, en se fondant sur cette double parenté chantar/mange(r)  comparé au provençal cantar/mangar, et au français chanter/manger.

Avant Ascoli les linguistes considéraient les parlers franco-provençaux  comme des parlers de transition entre le domaine d’oc et le domaine d’oïl.

Mes recherches étymologiques m’ont permis de constater que la spécificité de ces parlers avait été bien identifiée déjà au XVIe siècle, non pas par un linguiste mais par un botaniste provençal  Solerius .1 qui est un des premiers à donner les noms des plantes en langues vulgaires. Pour la France et regions limitrophes il distingue la langue des Gaulois (la langue d’oïl), le Dauphinois (le franco-provençal) et notre langue (le provençal).  Voici quelques extraits:

Vitex-agnuscastus-Solerius(Vitex le poivre des moines ou gatillier) appelé pébrier par les Dauphinois, les nôtres et les Aquitains.

Il faut noter qu’il ne distingue pas les Provençaux des Languedociens, mais le gascon est bien différend. Dans un autre paragraphe il distingue aussi le provençal du  niçois., ce qui veut dire qu’il était un bon connaisseur des variantes des parlers galloromans et italiens d’ailleurs.

Solerius_Tribulus » la chauchetrappe des Gaulois,    notre caucotreppo , ou auruolo

menta_Solerius« la menthe sylvestre qui s’appelle mentastrum chez les Latins, chez nous mentastre,  chez les Italiens menta salvatica.

portulacaSoleriusIci Solerius distingue les Grecs, les Latins, les Gaulois, les Dauphinois, les Provençaux, les Tusques (=Toscans) le les autres peuples italiens.

Amaranthe_Solerius_p29que le peuple Gaulois, Dauphinois & le notre  appelle passe veloux

L’alkekengi ou amour en cage:

alkekengi_SoleriusReduitDans les officines on l’appelle alkekengi2 : chez les Gaulois baguenauldes  et cocrette: chez les Dauphinois bonne bue et chez nous bons hommes

Le nom Dauphinois signifie aussi « franco-provençal » pour Cotgrave dans son dictionnaire de  1611. En tout cas il cite le mot franco-provençal larmuse « lézard »  comme tel.

larmuse-Cotgrave

Pour plus d’informations sur le franco-provençal visitez la page francoprovençal avec des  articles de P. Gardette chez Lexilogos et la page de l’université canadienne rédigée par Manuel Meune

  1. Solerius (Hugo), sanionensis, Scholiae… à la suite de Aetii medici tetrabiblos... édité par Cornarius, Lugduni, 1549, in-fol. D’après Ludovic Legré, La botanique en Provence au XVIe siècle. Pierre Pena et Mattias de Lobel. Marseille, 1899, p.72 n.2, Solerius vient du village de Saignon dans le Lubéron. Solerius cite dans son livre les monticules appelées « Les trois frères » près de Pertuis, ce qui prouve qu’il connaissait bien la région. Le titre complet avec un lien : Solerius (Hugo), sanionensis, Scholiae = Aetii medici graeci contractae ex veteribus medicinae tetrabiblos… per Ianum Cornarium Medicum Physicum Latinè conscripti. Lugduni 1549. Hugonis Solerii medici in II Priores aetii libros. Scholia en ligne sur Hathi Trust.
  2.   De l’arabe  » al kākanğ » coqueret. Attesté en ancien français depuis 2e moitié XIVe s. (R. Arveiller, Z. rom. Philol. 97, 1981, 279). CNRTL , FEW XIX,80a