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Truffoles ‘pommes de terre’

Un ami d’origine ardéchoise m’a écrit une petite histoire à propos des:

Truffoles, c’est comme ça que l’on appelait les pommes de terre surtout du côté de chez ma Maman en haute Ardèche (St Agrève…1040 mètres d’altitude où je suis né ! et où la burle souffle l’hiver). Dans la Vallée de l’Eyrieux, donc plus bas (la ferme de mes parents est à 450 mètres d’altitude) on faisait plutôt des rates dans les échamps situés à l’adret , abrités de la bise (vent du Nord froid que l’on appelle mistral ici !) pour les expédier (via un « groupeur-grossiste » qui les transportait vers les grands villes (Paris, Lyon) mais aussi des pommes de terre de conservation.


Truffoles« pomme de terre » n’est pas une AOC ou APC, mais  presque. Voicet r l’article

L’étymologie est le latin tuber « genre de rave » attesté en ancien provençal depuis le XIIe siècle  dans la forme trufa « espèce de champignon souterrain » (tuber cubarium).  Plus tard , du  XIIIe au  XVe siècle  trufa signifie aussi « moquerie, plaisanterie ». Voir FEW XIII,2 p.384

Olivier de Serres introduit la cartoufle en France en 1619 après un voyage en Suisse.   Vous trouverez la suite de cette grande révolution alimentaire dans l’article cité ci-dessus.

L’histoir de ratifle et cartoufle, allemand  Kartofflme  se trouve dans l’article Tartifles.

Etn’oublions pas la truffade du Cantal!

Trule

Trule  s.m. 1. viscère; 2. boyau; 3. boudin; trulet (1) s m. boudin; trulet (2), truleta  « enfant ventru ». (Panoccitan); trullé « homme ventru » (S); trunle « boudin; homme gros, goinfre » (Die); trular « avaler avec précipitation des quantités énormes de liquide » (Queyras); estrular « faire des efforts ou porter des coups au ventre au point de faire sortir les boyaux »; plusieurs dérivés dans le dép. des Hautes Alpes, comme estrulà « éventré, égorgé, dont les boyaux sortent ». Les attestations sont limitées à l’Est du domaine occitan, jusqu’au Rhône, plus une à Alès. La première date de 1411 d’un texte des Alpes maritimes.

Cette famille de mots est d’origine inconnue (FEW XXI, 470) (si vous avez une idée ??) et aucun des informateurs des Atlas linguistiques ne donne une forme qui y ressemble. (Thesoc).

Pourtant Google me donne « La trulle est une variante niçoise du traditionnel boudin noir. Il reprend un des ingrédients de base de la cuisine niçoise à savoir la blette. La farce est additionnée de blette et de riz. Elle se mange chaude ou froide. » Wikipedia. Une recette de La trulle niçoise. Le plus intéressant linguistiquement parlant  est  le trulet als cebas attesté à Montauban, dans le Tarn et Garonne,   D’après le site http://lavieillechouette.com/, bourré de bonnes recettes et d’expressions locales, trulet  signifie « boyau » et « boudin » dans cette région. Comme ce site est en pleine transformation, j’ai imprimé la page en PDF concernant les différents types de trulet, que vous pouvez consulter ici: trulet_Montauban , qui fait partie des CARNETS DE LA « VIEILLE CHOUETTE », plus spécialement de Lou darriér viatge de Mossiur lou Tessou.

trulle niçoise

trulet ‘boudin, boyau’

Trulet ‘boudin, boyau’ à Montauban.  Le mot est absent du Thesoc. L’étymologie est inconnue d’après le FEW XXI, 470qui donne par contre pas mal d’attestations provençales, à l’est du Rhône. L’abbé de Sauvages connaît le trullë au figuré comme « homme ventru ».

Il est à noter que j’ai trouvé ce mot dans le site de La vieille chouette de Montauban, tout à fait de l’autre côté du domaine occitan.  Il serait intéressant de savoir si mes lecteurs le connaissent ??

trulet

Dans le site de La vieille chouette plein de bonnes recettes de cuisine à l’ancienne vous trouverez un petit lexique de mots régionaux. qui sentent bien le terroir.

 

Il y a longtemps elle m’ écrit:

Pour le mot « trulet » je vous confirme qu’ici le mot est utilisé dans les deux sens -boyau et boudin – je pense que le mot devait désigner au départ le boyau puis par la suite ce que l’on met dedans ??? comme ils disent ici  » lou farson« .

La plus locale : le boudin « galabare » les morceaux de tête coupés petits, sont mélangées avec du sang, et les « garnitures » (des oignons , de l’ail fondus et des épices * ).
On les « entonne » dans le gros intestin d’où un énorme « boudin » rondouillard et contorsionné comme un gros nuage d’orage d’été (et les orages sont gros chez nous l’été!).
– encore local, le « trulet als cebas » (boudin aux oignons) Avec le sang , un peu de petits lardons et beaucoup d’oignons bien « séchés » et dorés à la poêle avec les autres « garnitures » et les épices * .
– moins local le « trulet als pomas » (boudin aux pommes) , avec de bonnes pommes anciennes (de la Ste Germaine ou de la reinette calvine,) des oignons , pas d’ail … et des épices douces
– encore moins d’ici mais bien « corse » et « corsé » « trulet als castanhas » (le boudin aux châtaignes) avec des châtaignes pré-cuites, les « garnitures », pas de « Rabelais » mais plutôt des épices douces … un délice tout doux
– testez aussi le « trulet als rodabèls » (boudin aux lardons ) avec des lardons bien grillés, et les » garnitures »et épices * habituels
– et le « boutifar » ??? vous connaissez??? un boudin avec un peu de viande, des « garnitures et beaucoup de poivrons séchés et du piment, (un peu comme le mélange pour merguez) Importé par nos voisins espagnols il est également assaisonné de 4 épices et cannelle en plus
– le pas du tout « del païs » le boudin « féroce »antillais au riz et piments avec lardons, légumes + riz mi-cuit, épices (massalé, hot curry, gingembre …) + piment « lantern » et autres petites bonnes choses qui vous laissent la langue d’un dragon crachant le feu
– la liste n’est pas exhaustive ! on m’a parlé d’un boudin aux herbes, aux noix et d’un farci avec la langue pré-cuite . Je n’en ai jamais fait donc je ne saurais vous éclairer … cette « eau de boudin » mais « res se pèrder res dins lou tessou ».
et puis il y a les boudins blancs , pas vraiment des trulets » puisqu ‘il y a de la viande de veau (ou de volaille dans certaines familles) avec la panne de porc . Et le sang est remplacé par lait, mie de pain et blanc d’oeufs mais on l' »entonne » dans les mêmes boyaux et on le cuit pareil . Vous avez compris que je ne vous parle pas des « bâtons de craie » des grandes surfaces mais de ravissantes choses roses nacrées que vous pourrez déguster aussi bien froides dans une salade que chaudes dans les recettes de dessous !

NB Les boudins vont cuire dans un bouillon corsé mais à petite température pour ne pas « esclapar » . On met le galabare en premier ( plus gros donc il mettra plus longtemps à cuire) dans le bouillon frémissant dans lequel ils vont pré-cuire et gonfler tout doucement . D’où l’interêt de ne pas trop « entonner les budèls » car sinon ils éclateraient dans l’eau .
Surtout ne jettez pas « l’aigo de boudine », le bouillon de cuisson , les convives (au moins les « sudistes » ) vont adorer avec des « trempes de pan goussé » comme chez Victorine ou avec des gros vermicelles comme chez Maria . Une autre cousine y mettait du tapiocca et ce potage « en famille » était « l’entrée » du festin du cochon parce que …  » res se pèrder res dins lou tessou ».

Tueis, tuy ‘if’

Tueis, tueï « If [et non thuya], arbre de la famille des taxacées (Taxus baccata) est attesté en Provençal (par exemple à La Seyne) et dans le Périgord.  Il y a dans le domaine occitan et franco-provençal deux formes : teis tech, tatch   « if » ou le dérivé  tasiñe « laurier-tin » (Alès)  qui viennent du latin  taxus  « if », mais aussi les formes tueis, tuei, tuy « if » qui ont subi l’influence ou viennent directement du grec τόξον (toxon) « arc à tirer ». L’explication de cette évolution sémantique  se trouve dans le fait que le bois de l’if était considéré comme le meilleur pour la fabrication des arcs  et des arquebuses. Grâce à Internet archive  j’ai pu retrouver la source de cette information :  Warburg Otto,  Die Pflanzenwelt 1, p. 343:

Warburg O DiePflanzenwelt1_343

If millénaire breton.

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                                                               Chalet Les Touisses

Dans le FEW XIII/1, 147b   von Wartburg écrit que la présence du mot en Périgord ne peut être un argument contre  cette étymologie grecque, parce que ce n’est pas rare de trouver des mots grecs qui se sont répandus à partir de Marseille dans tout le domaine occitan.  Nous retrouvons la forme provençale dans le toponymes comme La Touisse, Les Touisses. Voir le Pégorier, s.v. Tueis et Tuy

La latin taxus est aussi à l’origine de l’italien tasso, du catalan teix, de l’espagnol tejo, du portugais teixo et a été emprunté par le breton ; taouz.

Corominas propose une influence du mot thuya ce qui est rejeté par von Wartburg   pour des raisons  d’ordre phonétique.

Turro, turras "motte de terre"

Turro, turras « motte de terre ».  Dans quelques endroits c’est aussi la « souche d’un arbrisseau ». Alibert distingue la turra « motte » et turras « grande motte ».

turras "grosses mottes de terreé

de vrais turras

Raymond Jourdan de Montagnac, viticulteur, écrit:

Après avoir brisé les mottes « turras« , on passe la herse « rascle » et derrière une planche pour niveler le sol pour pouvoir tracer le rayonnage….

Le mot turra, turro  est tellement ancien que les étymologistes ne sont pas d’accord sur son origine. Meyer-Lübke a  proposé une racine *turra « éminence, talus » ,  d’origine gauloise, qu’on retrouve dans d’autres langues celtiques comme le cymrique1 twrr « tas », l’irlandais torrain  « j’entasse » et le breton tur « taupinée ».

Paul Aebischer 2 propose une racine pré-indo-européenne *taur,  en rapport avec le languedocien tourel  « monticule » et le nom de  la chaîne de montagnes turques Taurus,  Dans la bouche des Gaulois cette racine serait devenue *teur, *taur  ou *tur. Voir l’article de  Julio C. Suarez   qui cite de nombreux toponymes  Turón  en Espagne.   Von Wartburg (FEW XIII/2, 434b)  y oppose que le latin torus « toute espèce d’objet qui fait saillie; éminence »  convient parfaitement pour les nombreuses formes et significations qui existent dans les parlers issus du latin.

Dans beaucoup d’endroits, les mots issus de la racine *turra  et ceux issus de torus vivent en cohabitation.  La difficulté de l’étymologie est surtout d’ordre phonétique. Le -u- , prononcé ü,  ne provient régulièrement que d’un – ū –, prononcé -ou- long, latin.  Nous avons donc affaire à deux familles différentes, même si les significations et les localisations sont très proches.

Turro « motte de terre » et ses dérivés  se trouvent  en languedocien et en gascon. Esturrassà  « émotter, assommer; herser ». Dans le Val d’Aran et à Arrens (Htes-Pyr) une motte de terre s’appelle  turrok.

  1. la langue celtique du pays de Galles
  2. Aebischer, Paul. (1948) « Le catalán turó et les dérivés du mot prélatin *taurus ». Bulletí de Dialectología Catalana.17 Gener-març (pp. 193-216). Barcelona. que je n’ai pas pu consulter