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Tibla, tribla

Tibla, tiblo, tribla « truelle »; tiblado « truellée ». L’abbé de Sauvages (S1) ajoute

« en style bas une tapée, donne-moi une bonne tapée de soupe. »

Tibla   est attestée en truelle Arles St_Blaiseprovençal depuis le XVe siècle seulement. mais comme  il y a encore beaucoup de documents à dépouiller, nous pouvons espérer des datations bien antérieures.

D’après le FEW tibla représente le mot grec tryble, τ ρ υ β λ η « écuelle, plat ». La forme, plus spécialement le -i-,  et l’extension géographique, provençal, languedocien et auvergnat, indiquent qu’il s’agit d’un des mots qui ont rayonné à partir de Marseille.

Beaucoup de mots techniques  nous ont été légués directement par les ancêtres helléniques des Marseillais et non pas par l »entremise des Romains. Les Grecs  ont apporté pas mal de techniques notamment dans le domaine de  la viticulture, cf. empeutar, et de la construction, cf. androune. Voir aussi le l’article petas, pedas une histoire de Grecs et de Romains. Si vous jetez un coup d’œil sur mon Index Etyma, vous verrez qu’il y a toute une série de mots occitans qui viennent directement du grec, sans passer par le latin.

Il n’est pas toujours facile de déterminer l’origine d’un étymon, grec ou latin, parce que les Romains étaient friands de mots grecs, un peu comme nous adoptons  des mots anglais, ou comme faisaient les Anglais qui empruntaient  des mots français depuis la Bataille de Hastings,1066 jusqu’au XXe siècle; cf. l’Index anglais.

Tielle sétoise

Tielle sétoise, tiella di Gaète

tiella di Gaète   Tielle sétoise

 Tiella di Gaète                                   Tielle sétoise

  Etymologie : napolitain tièlla s.f.  « couvercle » du latin tegilium  diminutif de tĕgīlĕ « petite couverture ».  (Dictionnaire étymologique du napolitain). D’après Wikipedia :

La tielle a été importée de Gaète en Italie à Sète par les immigrés italiens au XVIIIe siècle. Adrienne Virduci (18961962) fut la première à commercialiser la tielle, à partir de 1937. Trois de ses six enfants héritent de la recette et du savoir-faire. La tielle traditionnelle est aujourd’hui fabriquée et commercialisée par ses petits-enfants.

Mais il n’y a pas de références pour le XVIIIe siècle et je n’en ai pas trouvé.  Dans un autre site l’auteur raconte que la tielle de Gaeta, a été introduite par les soldats espagnols aux XVIe-XVIIe siècles:

L’histoire de la tielle commence à Borgo de Gaeta, un petit village de pêcheurs au nord de Naples, à l’époque de la domination espagnole. Les autochtones remarquèrent que les soldats espagnols fabriquaient une sorte de pizza assez comparable à la leur, mais avec un couvercle : ce qui évitait à la garniture de se dessécher. S’inspirant de cette façon, ils innovèrent en se servant d’un moule appelé « téglia » devenu « tielle » en français. Trois siècles plus tard, les Italiens du Mezzogiorno débarquèrent à Sète avec dans leurs bagages la tielle de Gaète.

La tielle s’appelait bien sûr tiella à Gaete, la forme espagnole,  et non pas teglia, la forme italienne.  Naples faisait partie du royaume espagnol au XVIe-XVIIe siècle.  Pour aller plus loin  il faudra faire des recherches sur ces « pizzas  espagnoles », qui  ont peut-être déjà un nom dérivé de tegilium..

Selon un cuistot napolitain (Gaète se trouve près de Naples) :

 tielle è il plurale di tiella, propriamente il tegame, la padella, la teglia in cui o si frigge in olio basso, sugna etc. o si preparano i fondi per non troppo elaborati sughi piuttosto veloci;

 

Tif taf

Tif taf « mot inventé pour exprimer cette palpitation, ce battement de cœur que nous éprouvons quand la peur nous prend. Son cor et farrié tif taf » . 

J’ai rencontré cette expression dans le manuscrit  de  Joseph Séguier, prieur de Saint Jean de Valériscle (Gard)  en 1747,  SeguierI 35r.

Je ne sais pas si cette expression est encore vivante quelque part en occitan.  Si vous la connaissez, veuillez me le faire savoir. merci d’avance.

Mon  ami du Sidobre, le petit géologgue,   m’écrit:

 « ok, mais, dans les montagnes sidobriennes, on dit: »cette chose là me fait envie »: aquo mé fa tifo tafo » si tu préfères: j’ai bien envie « de », mais effectivement ça correspond à une palpitation, mais ………..pas du tout de peur, plus tôt d’envie, de hâte d’essayer, etc etc!!!! »

Deux attestations en plus de 250 ans pour cette belle expression.  Comment a-t-elle pu échapper  à tous les dictionnaires ??

L’échoppe du petit géologue me fa tifo tafo!

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Tigno

Tigno « teigne; engelure; nid de mante religieuse (provençal, languedocien)  du latin tinea « ver rongeur, teigne des livres; mite ».

D’apres le livre du fameux entomologiste  Jean-Henri Fabre , en Provençe la tigno est le nid de la prègodiéu . Mais le mot tigno signifie d’abord

  • 1. l’insecte la teigne, et
  • 2.la maladie du cuir chevelu et
  • 3. engelure .

Ce dernier sens est limité au provençal et à l’est-languedocien.

L’étymologie de tigno (Mistral) ou tinha (Alibert) est le latin tinea « ver rongeur, teigne des livres; mite ». Le sens  « nid de la prègodiéu » donné par J.-H. Fabre  doit s’expliquer par son aspect et la fameuse théorie des signatures, selon laquelle les plantes indiquent leurs vertus thérapeutiques par leur forme, leur couleur ou leur mode de vie. Suivez le lien vers le site de Fabre pour tout savoir sur les effets thérapeutiques de la tigno.

nid de la prègodiéu

teigne

Tina, tinel

Tina (f) : « nom donné, dans la garrigue de Nîmes (Gard), au cuvier en maçonnerie couvert par une voûte auto-clavée servant d’entrepôt provisoire de la vendange ou de la récolte à olives » (Lassure).

Étymologie : latin tina « cuve pour le vin, pour la lessive ».  (J’ai pas encore trouvé de photo de la tina nîmoise).
Pour les nombreux sens secondaires voir le  FEW XIII/1; p334

Dans notre région nous trouvons les deux sens du mot latin, ainsi que des dérivés comme  tinado « cuvée de vin, de linge » et tineu (tina + ellu) « cuve à lessive (ALF p.861) et en Lozère tinar « cuve à vendange « ,  tine  en français régional.

Un texte en ancien occitan provenant du Gard donne le mot tinel avec le sens « cave ». Je me demandais quelle évolution sémantique de « cuve » pouvait aboutir à « cave ». Je l’ai trouvée dans le site constructions en pierre sèche.

En latin du moyen âge il y a le mot tinellum  désigne la « salle à manger pour les serviteurs de l’hôtel d’un seigneur ».   Cette salle où l’on dépose aussi les tines, était située  plus bas que la salle à manger des seigneurs,  dans l’entresol donc, plus tard nommé la cave.
Confirmé par Borel de Castres:

Dans le Palais de papes à Avignon par contre:

La vaste salle du Grand Tinel forme l’étage de l’aile du Consistoire. Le terme de « tinel » est employé en Italie et dans le midi de la France pour désigner les salles à manger, ou les réfectoires. C’est ici que se déroulent les banquets organisés les jours de fêtes, en particulier lors de la nomination des cardinaux ou du couronnement d’un pape. Les jours maigres ou ordinaires, le pape est servi dans le Petit TinelPlus d’images et d’explications ici.

Le mot a existé en français, conservé dans tinette mais il n’y a pas d’attestations pour les dialectes du nord  de la France. Tinette est  probablement un emprunt à l’occitan ou au franco-provençal.

Un fidèle visiteur du Midi m’écrit que pour lui les tinettes étaient (sont?) « les chiottes »., un sent qui n’est pas attesté dans le FEW page 335, qui nous fournit par contre pour Le Havre : « baril de cabinet d’aisance ».

Un visiteur italien m’écrit:

 » En italien « tinello » c’est la salle à manger ordinaire (non pas celle de representance de la maison), mais différente de la cuisine. »

Dans le nouveau Dictionnaire Étymologique du Néerlandais (EWN, mauntenant en ligne etymologiebank.nl), le mot toneel  « la scène; théatre » est rattaché à cette signification de tinel. Je n’en suis pas convaincu. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une généralisation du sens « tonneau », étant donné que le tonneau, Butte en allemand, joue un rôle important dans le théâtre de rue tel qu’il est encore pratiqué pendant le carnaval en Allemagne et au Limbourg. J’ai écrit à un spécialiste pour avoir le coeur net et j’attends sa réponse.

Dand lr Gard est attesté tinel « endoit où on dépose les tines ». Quelues planchs suffisent pour transformer une dizaine de tines en scène de théatre; « toneel » en néerlandais.

Pour ceux qui comprennent le néerlandais, ici le lien vers l’article toneel du EWN.  Le sens le plus ancien attesté en néerlandais est « avant-scène, estrade ». Le même sens en Afrikaans. Vous risquez de rencontrer notre  tinel devenu  toneel  pendant vos voyages en Namibie!

Michel Wienin ajoute des informations actuelles sur les sens que tina et tinellum ont pris, ainsi que sur les toponymes qui en sont nés:

TINA, TINEL       :              La définition de Christian Lassure dont je ne remets nullement en cause la grande connaissance du domaine de la pierre sèche, est un peu ambigüe pour qui ne connaît pas ces édicules (dits actuellement tines ou cuves autour de Nîmes). Quelques beaux exemples : https://www.pierreseche.com/images/Nimes_tine_ruinee.jpg et surtout http://www.pierreseche.com/cuviers_de_la_garrigue_de_nimes.htm .

A Nîmes, comme ailleurs le mot tina a le sens normal de cuve et son utilisation pour désigner des mini-capitelles recevant temporairement la récolte d’olives (je n’imagine pas y mettre la vendange !) avant son transport au moulin n’est qu’un sens dérivé. Principales caractéristiques architecturales : petite taille, grande ouverture et surtout une lausa (dalle) fermant la base de l’entrée. D’autre part : la description « …au cuvier en maçonnerie couvert par une voûte auto-clavée servant d’entrepôt… » est erronée : comme pour tous les bâtiments de cette famille (capitelle ici, capeillette (capelheta) à Montpellier, cabane, cabanon, cabanon ponchut, c(h)aselle, chabotte… et borie pour les parisiens !), la voûte n’est pas clavée mais montée « en tas de charge », c’est-à-dire que les pierres, posées presque à plat, débordent les unes sur les autres par encorbellement et ne sont en général posées radialement que dans le plan horizontal (quelques médiocres contre-exemples en zones sans couches calcaires fines, pour des chaselles ardéchoises ou vellaves par exemple).

Le passage de tinel (tinal/tinau  en Languedoc) = grande cuve (fr. cuveau) au sens de chai n’est qu’une métonymie sans problème particulier comme pour cuvier en français.

En microtoponymie, le mot est habituel dans le Gard pour désigner des marmites de géants et autres trous d’eau, en concurrence avec  payròl (chaudron), gorg (gour), to(u)mple… Cf. par exemple Las tres tinas,  « Les très tinos » sur IGN, et de plus mal placé, car ce sont trois vasques profondes dans le lit de l’Aiguillon en aval de la grotte des Fées et nullement un point d’eau sur la colline ! (près du hameau du Roux, ~3 km au NNE de Lussan, Gard). Tinette est le diminutif naturel ; par exemple aux cascades du Sautadet, à La Roque sur Cèze (Gard), on parlait des grandes tines pour les marmites plurimétriques et de tinettes pour les plus petites, sur les côtés.

 

Tissous couma las mouscas

Tissous « taquin »dans l’expression : Estre tissous couma las mouscas « être taquin comme des mouches ». C’est dans la rubrique « L’Accent de l’été » du Midi Libre que j’ai rencontré cette expression, tirée du livre de Christian Camps, attestation confirmée par Lhubac et un site sur Clermont-l’Hérault. D’après Lhubac tissous  signifie  au figuré « appétissant ». D’après René Domergue atisser  dans la pétanque signifie « provoquer » . S’atisser : « se prendre au jeu ».

tissous couma las mouscas L’abbé de Sauvages mentionne  le substantif dont il est dérivé: tisso, prenë ën tisso « avoir quelque chose en aversion, prendre quelqu’un en aversion ». Selon Alibert  tissa signifie « manie, habitude, forte envie; taquinerie incessante » et l’adjectif tissos « taquin, maniaque querelleur ». Tissous veut parfois dire « opinâtre ». Mistral atteste pour le Gard tissot « taquinerie incessante » et à Castres au XVIIIe siècle prendre en tisso « prendre en grippe ». Cette expression pris en tisse « pris en grippe » est encore vivant à Montpezat (Gard) et probablement ailleurs.

Une lectrice (merci beaucoup!) m’écrit: « tissous » en Languedocien, ou du moins du côté de Béziers, s’associe a quelqu’un qui est collant, qui te suit partout, qui se colle a toi, qui te touches. Par « T’es tissous », il faut comprendre « laisses moi tranquille, tu m’agaces ».

D’après  le FEW  l’étymologie  de tisso  avec les sens « manie; aversion; taquin; travail; tâche », de  tissous « fâcheux; opiniâtre » et du verbe atissà  « prendre à tâche de faire une chose »  est d’origine inconnue 1

Une information d’un lecteur m’a incité à continuer mes recherches. Il m’écrit:

Chez nous, dans le bas Quercy à la limite du Lot et du Tarn et Garonne. Tissous : dans le feu de cheminée signifie bouts de bois braisés à la pointe, il faut les repousser pour rallumer le feu.(pour qu’ils brulent).
Amicalement.

Ce  tissous -là avec le sens  « bouts de bois braisés » vient  directement du latin titio « tison ». Le verbe français attiser « animer un feu »  vient d’un composé du bas latin  *attitiare. Or ce même verbe *attitiare est employé au figuré en occitan  atizar  et en français attiser avec le sens « exciter une passion, irriter »: à Nice  atissà  « exciter un chien »,  atiza  à Toulouse.  A Montpezat atisser ‘titiller qn.’ Domergue p.200. A Gignac également atisser ‘exciter, faire enrager’ (Lhubac). Alibert donne la forme avec un seul -s-,  prononcé -z-atisar « attiser, aviver » et  atissar avec deux -s-  « exciter, haler , vexer ».

Cet emploi au figuré du verbe   est bien considéré comme dérivé du latin titio  « tison ». (FEW XI/1, 358a).  A mon avis rien ne s’oppose à rattacher  tisso  et tissous  à la même famille de mots.  Même les sens « travail; tâche » ne posent un problème  d’ordre sémantique.  Une évolution sémantique analogue a eu lieu en néerlandais où le verbe stoken « faire brûler; chauffer »  a aussi pris le senes « provoqer, exciter ».

Les formes avec –ss-  ont probablement subies une influence des onomatopées formées à partir d’un kss kss, kiss kiss qui sert à exciter un chien dans de nombreux parlers, comme  par exemple le catalan aquissar ou le néerlandais kissen, kisten  et en languedocien aquissà déjà attesté chez l’abbé de Sauvages: akissa.

atissar, atisser

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  1. vol. XXII/1, p.14b;  et les pages 42b; 71b; 107b; 23b; 99a

Titolet

Titolet est un diminutif de titol « titre; point sur le i » (Alibert)  et vient du latin titulus « titre, inscription; écriteau » (Gaffiot).

Une visiteuse m’écrit: « expression utilisée pour désigner un objet dont on a oublié le nom. On l’emploie aussi pour désigner le point sur le i . Botar los titolets ou titolar  » mettre les points et les virgules ». Le sens « point sur le i » est bien occitan. Il n’y a pas beaucoup d’attestations, mais celles données par le FEW viennent de Barcelonette et du Béarn. Le sens donné par ma visiteuse doit être dérivé du « point sur le i » qu’on oublie souvent.

Pour Lhubac le titoulet ou titourlet est « le cochonnet de la pétanque ».

    

Une autre visiteuse m’écrit: « Chez moi (ma grand-mère était occitanophone de Capestang), on a toujours parlé du « titolet » de la cocotte minute, en désignant la soupape. J’ai cru longtemps que c’était le vrai nom de ce petit objet. »

Louis Rouquier (Puisserguier) a utilisé le verbe titoulejà avec le sens « exagérer », ce qui s’explique à partir de l’expression « mettre les points sur les i ». Pour les modélistes français un titolet est un planeur.

Titolet, Titoulet est aussi un nom de famille. L’origine de ce nom doit être le même mot titulus > titol en ancien occitan avec le sens « fonction qu’on a à remplir »

Tome, tomme ‘fromage’

La description très précise de la tome lozérienne par R.-J Bernard , m’a incité à en chercher l’étymologie. Il le décrit  dans son article. L’alimentation paysanne en Gévaudan au XVIIIe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 6, 1969. pp. 1449-1467.  ainsi:
TomeLozère

Tomme_LozèreTomme de Lozère 4 mois d’affinage. Excellent !

La tome gardoise ce n’est pas la même. L’abbé de Sauvages écrit en 1756 : Toumo « de la jonchée, fromage mou ou qui est récemment caillé. Le fromage frais et le fromage égoutté est moins récent que la toumo qui est du caillé tel qu’on le tire de la faisselle ou de la forme à faire les fromages ».1

Actuellement le mot français tome ou  tomme a deux définitions  d’après le CNRTL:

1.  Fromage au lait de chèvre, de brebis ou de vache, de forme circulaire, fabriqué en Savoie, en Provence et dans le Dauphiné.

2. ,,Nom du Cantal ou du Laguiole au premier stade de leur préparation« , avec cet exemple très précis : Le pétrissage du caillé dure environ une heure et demie, et une fois terminé, le caillé ainsi malaxé et comprimé constitue ce que l’on appelle la tome (Pouriau, Laiterie, 1895, p. 738).

A l’époque  de l’Abbé de Sauvages la tome gardoise  était donc  la même que celle du Cantal ou de Laguiole actuellement.

Un coup d’œil sur l’article  Tomme de Wikipédia nous apprend qu’il y a de multiples variétés de tommes, non seulement en Savoie, mais aussi dans le Massif central, en  Suisse, dans la Vallée d’Aoste à Gressoney,  dans le Haut-Rhin et au Québec. Il  y a des petits  des moyens et des grands, le maximum étant 12 kg.  Il y a même de la tomme de Camargue ou tomme d’Arles , loin de la montagne.

Conclusion : le mot tome, tomme est un parfait  synonyme de « fromage ».

Une des toutes premières attestations vient de Nîmes, daté de 1200: toma « jonchée, fromage frais ».  Dans les dictionnaires franco-provençaux, dont la Savoie fait partie,  la toma est en général définie comme du « fromage à pâte molle; fromage frais; fromage de ménage: lait caillé, etc. », dans les dictionnaires provençaux c’est du  « fromage blanc, fromage de chèvre; fromage mou; lait caillé ». Les dérivés comme tomasso  désignent presque toujours des fromages; une exception est le dauphinois  tométo  qui signifie aussi « brique de carrelage », repris par Littré dans don dictionnaire : tommette .

L’étymologie  pose pas mal de problèmes.  FEW XIII/2, p.20-21 en fait lr résumé.  Les représentants de *tōma se trouvent dans l’Est et le Sud-Est des parlers gallo-romans, de la Franche-Comté jusqu’à la Méditerranée, mais aussi en Italie dans le Piemont, en Lombardie dans le Val San Martino, et ce qui est plus difficile à expliquer,  en Calabre et en Sicile. La présence de tuma « cacio fresco, non insalato » (fromage frais, non salé) en sicilien  a suggéré une étymologie grecque τομη  (tomè) « morceau coupé », possible du point de vue géo-linguistique,  mais on n’arrive pas à expliquer l’évolution sémantique, puisqu’il s’agit d’un fromage frais.

La conclusion provisoire de plusieurs étymologistes est qu’il s’agit d’un mot pré-roman, non attesté, peut-être liée à une racine indo-européenne *teu « gonfler ».  (Je n’ai pas  encore trouvé de vidéo du processus, mais cela va venir).

J’ai jeté un coup d’œil dans un dictionnaire grec et trouvé quand même  deux significations du mot grec τομη  (tomè), qui pourrait être à l’origine du sens fromage.

Le premier est τομευς (tomeus) « secteur de cercle entre deux rayons; terme de géométrie ». Le sens « fromage » pourrait alors venir de τομευς comme fromage vient de formaticus [caseus] (795 ds Nierm.) « [fromage] moulé dans une forme », dér. de forma « moule, forme à fromage »; cf. forme* au sens de « éclisse dans laquelle on dresse les fromages » et fourme*.  (CNRTL).

Le second est τομη φαρμακων (tomè pharmakon) « préparation de remèdes faits avec des herbes coupées ou hachées »  qui a pu passer au « lait caillé »  une préparation sans ou avec des herbes coupées.

tomè_fines-herbes-lait caillé avec des herbes, non pharmaceutiques

  1. Le CNRTL définit la jonchée ainsi : « Fromage frais mis à égoutter sur une claie de paille longue appelée elle aussi jonchée »

Toponymes en acum, anum, ascum, uscum dans le Midi

Étymologie des noms de lieux dans le Midi. Quelques liens.

Skok; Peter. Die mit den Suffixen -ACUM  -ANUM  -ASCUM UND -USCUM  gebildeten südfranzöschen Ortsnamen. Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie. Heft 2. Halle, Niemeyer, 1906.  Le lien va directement à la page de titre du livre. [https://archive.org/details/zeitschriftfrr0102tbuoft]

Un ouvrage incontournable pour ceux qui s’intéressent à la toponymie du Midi.  La Table des matières . p.164-165. Dans la deuxième partie les noms de lieux sont groupés dans plusieurs catégories étymologiques: Noms propres (A-D), Noms,  de plantes, animaux, configuration du terrain,  bâtiments (E) , Adjectifs (F). L’ Index des noms de lieux modernes pp 232-262.

Skok2ePartie

Un exemple. Taleyrac hameau de Valleraugue, catégorie de Noms propres celtiques:

SkokTaleyracLe livre de Holder, Altceltischer Sprachschatz Bd2, colonne 1709  (Leipzig, 1896) contient en effet  un Tallarius en Allemagne comme nom d’une montagne.

Holder1709Tallarius

Dans Sp.briv. =  Chassaing, Spicilegium brivetense. Paris,1886 (en ligne avec Gallica)

Sp.briveTalairac

Ci dessous un extrait de l’index  des noms de lieux du Gard (p.243)

Skok_p.243.

Tòra, toro ‘aconit; chenille’

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Toro « cormier des oiseleurs » (sorbus aucuparia) dans la première édition du Dictionnaire de Sauvages.(1756, S1). Dans la deuxième édition il ajoute 3 autres significations de toro: « aconit à fleur jaune ou le Napel », « la chrysomelle de l’osier-franc; scarabée rouge tachetée de rouge qui répand au loin une odeur forte et puante »; toro ou canilio « chenille » voir Erugo.  Il ajoute la remarque suivante:

Toro_S2

 aconitfleurjaune

   sorbier_oiseleurs

 

 

L’étymologie de toro ou tora est le mot latin tŭra « aconit’ qui l’a emprunté au grec φθορα (phthora). Ce nom a été adopté par les médecins au IVe siècle.  Marcellus Empiricus , un aristocrate et haut fonctionnaire impérial en retraite,  a composé un traité médical pour ses fils vers 360  et il mentionne la tora  : turam et anturam herbas virentes (tora et antora des herbes verdoyantes). Dans un glossaire appelé Alphita du XIIIe siècle, les deux plantes sont également mentionnées:

anthora_alphitaD’après le FEW XIII/2,p.419  tora et anthora sont deux espèces d’aconit et le nom anthora a été interprété comme anti-thora , contre-poison.  Si vous voulez en savoir plus1 suivez les indications dans la note12 de l’Alphita

Tora, tora « aconit » est attesté en ancien occitan (XIVe siècle) en en moyen français tore depuis1544. Dans les parlers provençaux nous trouvons la forme touero, touara « aconit (napel) ».
Dans la langue des mozarabes2 l’aconit s’appelle touera, en catalan tora, comme en piémontais et en portugais herba toura].

Il reste  à expliquer la seconde signification de tora à savoir « chrysomèle » et « chenille ».  Or, après les 4 définitions, l’abbé de Sauvages a ajouté une remarque très intéressante:

« Il parait qu’on a donné en général le nom de toro aux plantes et aux insectes en qui on a soupçonné une qualité malfaisante dont il fallait se défier. C’est probablement ensuite de cette idée défavorable que pour exprimer l’amertume de quelque chose, on dit, ama coumo la toro , amer comme  le fiel.

C’est le spécialiste des parlers gascons Gerhardt Rohlfs qui y consacre un article dans la Zeitschrift 56, p.386-387 (ToraRohlfs0015906_PDF_409_411DM)  Il ne mentionne pas notre cher abbé, mais je crois qu’il est bien l’inspirateur.  J’ai traduit la partie la plus importante de cette explication.

Dans les parlers montagnards des Pyrénées centrales, qui appellent l’aconit toro, la chenille s’appelle bré (à Gavarnie, Gèdre, Barèges). Le même mot sert à désigner le « venin ». Bré est une contraction d’un ancien beré (c’est ainsi qu’il se prononce dans les Basses-Pyrénées) qui vient d’une dissimilation du latin venenum ( cf. l’ancien occitan veré, verén « venin »). La chenille est donc considérée comme un animal vénéneux, de sorte que « chenille » et « venin » sont devenus des concepts identiques. Ainsi tout devient clair. L’aconit est une des plantes les plus vénéneuses connues des botanistes,, ce qui explique également son nom en moyen haut allemand eitergift (gift « venin »). La signification d’origine (comme tertio comparationis) des deux noms a dû être « venin ».

Avec cela nous entrons dans le domaine de la médicine et de la pharmacologie. L’ensemble des faits suggère de penser à l’ arabe comme source étymologique, ce qui est encore renforcé par la répartition géographique du mot (le Sud de la France et l’Espagne). Le professeur Paret de Heidelberg me confirme sur ma demande qu’un mot arabe

thora arabe  existe, attesté dans le dictionnaire de Dozy avec le sens « aconit ». Ce mot arabe est comme l’a vu déjà Dozy est un emprunt au grec φθορα (phthora) « anéantissement; corruption » qui dans la forme thora avec le sens « venin » est passé dans des documents en latin tardif. Par exemple dans le Ducange VIII, 102  un texte du XIVe siècle : Dixit publice quod ipse vellet thoram vel aliud mortiferum comedisse ad finem ut breviter expiraret. (Il a dit publiquement qu’il voulait manger de la tore ou un autre venin mortel de sorte qu’il expirerait dans le plus bref délai.)

 

Alibert  donne encore plus de signifucations à tòra :

  1. cormier des oiseleurs (sorbus aucuparia). Crus, ses fruits ne sont pas comestibles pour les humains, puisqu’ils contiennent de l’acide parasorbique (acide du sorbier) au goût âpre et amer, pouvant provoquer des vomissements éventuellement.
  2. aconit (Aconitum)
  3. chlora perfoliée (chlora perfoliata L.)
  4. scrofulaire (Scrofularia canina L.)
  5. Chenille; chrysomèle du peuplier
  6. Gerçures circulaires à la queue du porc et d’autres animaux
  7. Chancre des arbres
  8. paresse, fainéantise

Rémy Viredaz m’écrit le commentaire suivant février 2020 :

Merci pour votre excellent article en ligne sur tòra, bien documenté, qui m\'a empêché d\'écrire des bêtises sur ce mot…
Une remarque cependant: la voyelle ou la diphtongue des résultats occitans, catalan et espagnols (dialectaux) ne permet pas de les tirer d\'un bas latin *tŭra (malgré la graphie de Marcellus Empiricus et malgré l\'avis de Rohlfs), ni, en général, du mot mozarabe. Il faut partir d\'un bas latin *tŏra emprunté directement au grec phthorā.
Vous connaissez dans doute le Diccionari etimológic i complementari de la llengua catalana de J. Corominas, qui cite une partie des formes (au mot tòra).
Cordialement,

Je l’ai remercié et je l’ui ai répondu, après avoir relu l’article du FEW XIII/2, 419 bien sûr:

Bonjour, Merci beaucoup de votre intérêt  et remarque. Je ne travaille plus beaucoup à mon site à cause de problèmes de santé.. Je vais ajouter votre observation à l’article. J’ai regardé brièvement le FEW  et j’ai vu que von Wartburg ne prend pas position pour les formes de la opéninsule ibéro-romane. Il ne s’exprime que sur les formes galloromanes et italiennes. Je ne connais pas assez bien le phonétique historiue des parlers catalane et espagnoles. Il serait bien si vous pouvez donner des preuves concrètes. Cordialement,

Et Rémy Viredaz explique:

En catalan, le mot a o ouvert et non o fermé. Dans les formes espagnoles citées par Corominas, le mot présente des diphtongues oa, ua, ue et non un simple o. Dans les deux cas, cela suppose en latin un o bref et non un u (ou un o long).
Il n’est pas très important de donner plus de preuves puisque, d’une part, comme vous le notez (en citant le FEW), la graphie tora est également attestée en latin, et que, d’autre part, la phonétique des voyelles en Catalogne et en Espagne est bien connue des romanistes, au moins dans ses grandes lignes.
Cordialement.

 

 

  1. Anthora_AlphitNote
  2. Le nom donné aux chrétiens vivant sur le territoire espagnol conquis à partir de l’an 711 par les armées musulmanes , l’Andalousie actuelle. Les mozarabes avaient dans la société arabe le statut de dhimmi, statut d’infériorité inscrit dans la loi. Ils partageaient ce statut avec les juifs, en tant que non-croyants à l’Islam. C’est seulement dans la pratique, et non dans la loi, que leur culture, leur organisation politique et leur pratique religieuse étaient tolérées.