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Metge, mege ‘médecin’

Metge « médecin ; guérisseur, rebouteux » mege (Camargue) est la forme régulière du latin medicus. FEW VI/1,604.  Le Donatz proensal traduit mezinar « medicinam dare »  donner des médicaments.

Le mot actuel medecin , dérivé de medicina n’apparaît en ancien occitan et en ancien français qu’au xve siècle quand le médecin devient quelqu’un qui a un statut scientifique et social. C’est à partir de cette époque  que le mot metge  prend le sens de « guérisseur, charlatan » ou « vétérinaire », mais pas partout.  En 1451 le conseil municipal d’Apt  décide de résoudre le problème de la désertification médicale ainsi:

(Extrait de l’article de F.Sauve, Les Services publics communaux et les abonnements en nature au Moyen Age dans la région Aptésienne.  Annales de la Société d’Etudes provençales 5 (1908). Aix-en-Provence. )pp.1-22;89-110.

 Encore plus savant que le médecin est le docteur qui a le droit d’enseigner, ou qui a soutenu une thèse. Tout médecin n’est donc pas docteur. Attention avec le mot doctor en anglais. Le verbe to doctor signifie « falsifier, bricoler, trafiquer, bidouiller » en slang. Ce n’est pas très éloigné de notre mege. En Angleterre doctor a dog veut dire « castrer un chien »!

charlatan

On reconnaît un médecin au stéthoscope.;;;;

Une amie me signale qu’en Provence il y avait lou mégé  de l’estélan « le médecin des étoiles »   .   L’  Estelan est le « ciel étoilé » d’après Mistral. Estelan est un dérivé rare de stella « étoile ». Voir FEW XII,253b en haut de la page.

En ancien wallon est attestée l’expression celestis mede avec le sens « Dieu ».  S’agit-il du même emploi au figuré?

Micho

micho  était un « pain de 20 à 25 livres » et « un petit pain ; la ration du berger aux champs ». La première attestation de miche avec le sens « fesses » vient du dauphinois franco-provençal(1665), et a été  repris par le Larousse de 1907. Dans l’argot du Val Soana (Italie) métsya devient « mamelle ».

Voir l’article migon.

Micocoulié, belicoco

Micacoulié, micocoulié « micocoulier » un arbre méditerranéen.  Charles Estienne écrit en 1547 : « Lotos est un arbre nommé en Provence micacoulier« . D’après Wikipedia il s’appelle officiellement en français le micocoulier de Provence. Le micocoulier est répandu dans le Sud de l’Europe et le Nord de l’Afrique.

En grec moderne il s’appelle mikrokukki, mikrokoukouli, melikoukkia. FFEW XX,20  mikokahki Ce nom a été emprunté par l’occitan au grec médiéval et il a subi quelques transformations phonétiques. Micacoulié est attesté dans le dépa rtement de l’Hérault, milicouquié dans le Gard. Le fruit s’appelle la micacoula, devenu picopoulo d’après l’abbé de Sauvages (S2) et falabrego, farabego  qui vient de  Bfaba + graeca = « fève grècque ».

Le secrétaire de la mairie d’Agde à la fin du 19e siècle, a dit à Edmont (ALF) que le mikokoulo était le fruit de l’aubépine. Il faudrait vérifier cela.
Dans le Gard on trouve aussi des formes avec beli- : bélicouquié, belicoco s.f. « fruit du micocoulier » (S2), qui viennent du grec melikoukkia. Il semble que le fruit est sucré et qu’on l’ajoutait à de l’alcool.
Dans la même région on a donné le nom micacoulié à « l’alisier » (Hérault), belicoquo « alise » à Nîmes.
Tous les trois fruits étaient utilisés comme balles pour les sarbacanes. Voir aussi l’article falabrega < faba graeca

aubépine    

     

  micocoulier                                                                      alisier

Un fidèle visiteur me propose la mise à jour suivante, que j’insère avec plaisir :

Sauve s’enorgueillit à juste titre d’être la capitale de la fourche. Le micocoulier de Provence, celtis australis est un arbre appartenant à la famille des Ulmacées représentée par les ormes. A Sauve, on l’appelle aussi « Fourchier » en raison de son usage. C’est avec son bois que l’on fabrique la célèbre fourche de Sauve depuis « mille ans ».

Fréderic Mistral écrit à propos de la fameuse fourche:
« La trinita, mi fraïre, es tamben coumparadisso a-n-uno fourco, a-un- poulido fourco D’aquéli fourco de falabréguié que fan à Saouvo. »
Frédéric Mistral. Proso d’Armana. La Trinita
Suivez ce lien; SAUVE
S auve s’enorgueillit à juste titre d’être la capitale de la fourche. Le micocoulier de Provence, celtis australis est un arbre appartenant à la famille des Ulmacées représentée par les ormes. A Sauve, on l’appelle aussi « Fourchier » en raison de son usage.
www.ville-de-sauve.fr
 
Voir aussi l’article Esclafidou
où vous trouver des utilisaions du fruit du micacoulié avec la sarbacane. Des jeux que les jeunes ne font plus, mais qui va peut-être revenir pendqant le confinement et qui sera immédiatement interdit.

Mièg, mièja, meg

Mièg, mièja, meg  « moitié, demi ; barrique »  vient du latin medius « qui est au milieu; demi » , comme français mi dans mi-août Voir TLF.   

Dans le Thesoc je trouve mièja avec le sens « barrique » dans quelques villages de la Corrèze.   Alibert donne  le substantif la mièja avec le sens  « la moitié de quelque chose », et les deux sens sont certainement liés, comme en français « un demi » attesté depuis 1895 est un « grand verre à bière qui à l’origine contenait un demi-litre » (de nos jours c’est la moitié d’un demi litre ! et le prix a doublé.).

un vrai  demi de 0,5 l

 

Le sens « moitié de quelque chose » est attesté en occitan et en franco-provençal depuis 1300. Dès 1350 l’ancien occitan mega est une « mesure pour le grain » et depuis 1570 une « mesure pour le vin ». Après l’introduction du système métrique la mièja est devenue une « ancienne mesure pour le vin » qu’on utilise encore mais dont le contenu varie d’une « chopine, demi-pot, demi-bouteille » (en Provence), 90 cc  à Alès,  à une barrique de 100 litres à Castelsarrasin, ou à une « tasse de café » à St-Sernin-sur-Rance (Aveyron).

Dans un traité de 1484 entre l’abbé supérieur Pierre de l‘abbaye Psalmodi et le village de St-Laurent-d’Aigouze (Gard), près d’Aigues-Mortes,  nous trouvons l’expression le droit de miège « le droit de la moitié ».  En Suisse existait la possibilité de travailler à la mie  ce qui voulait dire  qu’on   » recevait du propriétaire la moitié des produits et du bénéfice ». Cela ressemble à un programme politique. En ancien occitan le fermier qui partage avec le propriétaire de la ferme les produits de la récolte s’appelle mejers, mejer. Le mot a été emprunté par le français : mégier (Ac 1845), méger (TLF), synonyme metayer (<medietarius ). En occitan moderne megièr, miegièr. 

Dans la toponymie nous trouvons des mas Méjan, Méjannes, Mège que Pégorier traduit par « qui se trouve au milieu », mais c’est plutôt la métairie, comme le nom de famille Meyer est le « métayer ».

Voir aussi l’article Faire mietchoun  « faire la sieste » de la dormeuse.

Commentaires:

Olivier m’écrit: tres e mièja « trois heures et demi »; lou miech  « le milieu »;  miech-hora « midi ». Le  terme mitat est également employé pour exprimer la moitié dans des contextes différents

des mieja :      
à St-Sernin-sur-Rance               à Castelsarrasin                                                               la calanque de Mejean

Migon, migou ‘crottin de bergerie’

Migon, migoun « crottin de la bergerie » désigne en provençal et languedocien « crottin des bêtes à laine », à Valleraugue migou avec la chute du –n final caractéristique, en Rouergue « fiente de brebis ou volaille » et dans les grandes villes comme Aix et Marseille migon prend le sens citadin de « mauvaise odeur du corps échauffé ».

Etymologie: migon est un dérive du latin mica « miette, un petit peu de quelque chose » qui a abouti en français à mie et les dérivés comme miette, miche,  en occitan à mitounar « cuire un mets longtemps »  et ensuite « se dorloter ». A Alès un micho  était un pain de 20 à 25 livres » et « un petit pain ; la ration du berger aux champs ». La première attestation de miche avec le sens « fesses » vient du dauphinois franco-provençal(1665), et a été  repris par le Larousse de 1907. Dans l’argot du Val Soana (Italie) métsya devient « mamelle ». Les deux sens sont courants en français moderne.

Migou, migoun avec le sens « crottes de brebis » est attesté en provençal à Briançon , Nice  et en Lnaguedocien  jusqu’à Pézenas et l’Aveyron.  Voir le FEW vol VI,2 page 71 a-b en bas de la page.

En languedocien mica  a aussi été conservé  sous la forme des dérivés ne ….minga « aucun, nul » et ne… mingon « aucun, point, nullement » . (Cf. ne… mie  du français)
Alibert ajoute pour migon  les sens « colombine » = « fiente de volaille » , attesté en Rouergue seulement , et « bourbier » que je ne retrouve nulle part. En dehors de la région provençale et languedocienne migoun prend des sens très différents, p.ex. dans le Maine mion « gamin ».

André Favède, écrivain et Manduellois, écrit dans son livre La boîte en fer  (Nombre7 éditions, 2020) , page 28  que  quand les brebis partaient en transhumance au nord du Ventoux,,il fallait nettoyer la bergerie.

Chaque année c’était l’épaisseur d’un mètre  de migou (fumier) qu’il y avait à épandre dans le potager. Mais aussi des grands champs de céréales et du vignoble à perte de vue.

Milhas, mil(h), milhoc

Milhas « bouillie de maïs » est un dérivé en -aceu du latin milium « millet » qu’on appelle aussi mil à chandelles, petit mil ou sorgho (Il y a pas mal de confusion dans les noms de ces céréales; voir Wikipedia). Dans quelques régions le sens du dérivé milhas est resté proche du sens « millet », comme par ex. en béarnais: milhasa « champ de millet » et à Castres milhas « bouillie faite avec de la farine de millet » et au figuré « femme, fille grasse et petite ».

A partir du XVIe siècle le maïs introduit du Nouveau Monde remplace le millet dans beaucoup d’endroits . Dans le Sud-Ouest mil ou milh prend tout simplement le sens « maïs » (cf. Thesoc), un peu plus vers l’est, e.a. à Toulouse, dans le Gers et le Val d’Aran c’est le dérivé milok, milhoc qui domine, enfin dans le Languedocien c’est milhas, attesté d’après Mistral depuis le XVIIIe siècle.

La forme provençale semble être mihas, mais on l’appelle aussi meï , blad de barbarie, blad turc, et bratama. (Source).
Mistral donne pour le Gard les formes blad-mare, blatrama, bratama, blatama, blad-amar qu’il explique comme des variantes de blad-amar . Pierre Larousse a inséré dans son dictionnaire :

BLAMARÉE s. f. (bla-ma-ré – du lat. bladum, blé; maris, de la mer). Bot. Nom vulgaire du maïs, dans quelques départements du midi de la France. »

Le Dictionnaire de Bescherelle de 1845 et 1856 donne blamazée avec la même définition. Il semble que le passage de –r- > -z- est assez courante en languedocien. Ces noms sont absents du Thesoc.

                    millet  

Champ de millet                                                                          milhas

Minute

Minute Une visiteuse de me demande « Quel est le sens du mot « minute », trouvé dans un registre de 1807 relatant la découverte d’un enfant abandonné. L’officier de l’état-civil détaille le vêtement de l’enfant, dont ceci : «  »serretete en indienne en mouches jaunes, bordé d’une petite blonde noire recouverte d’une vieille minute d’indienne à petits carreaux rouges ». (archives de Mirepoix cote B.M.S. 1802-1809).

J’ai pu répondre: « Le FEW est une source inépuisable, comme je l’ai expliqué dans mon site. J’y trouve s.v. minutus « très petit »:

Aude s.f. minuto « manteau ne descendant qu’à mie-corps »; Tarn, Castres minuto « cape de femme », Issoudun « petit bonnet à brides, qui se porte dans la matinée ».

Dans le commentaire est noté qu’il s’agit d’un emprunt au latin, ce que je n’ai pas pu vérifier parce que je n’ai pas le Thesaurus.
Je pense que ce sens convient à votre texte.

L’officier de l’état civil, maire de Mirepoix, Pierre Jean Baptiste Denat, était manifestement quelqu’un de la région, parce que minute n’est attesté nulle part ailleurs avec ce sens.

miougrano "grenade fruit"

Miougrano « grenade fruit », vient du latin mille « 1000 » + granum « grain ».  Attesté déjà en ancien occitan: milgrano. 

D’après les données du  FEW1  miougrano  était courant dans tout le domaine occitan, mais le Thesoc ne l’a enregistré que dans les dép. ALPES-MARITIMES, ARIEGE, GERS, GIRONDE, HAUTE-GARONNE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATL. , et le TARN-ET-GARONNE.

Dans le Sud-ouest GERS, GIRONDE,HAUTE-GARONNE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATLANTIQUES. c’est le type grenada  qui l’a supplanté.

grenadier

L’abbé de Sauvages écrit dans son article Miougragnié  « grenadier »:

Les pépins de la grenade  sont raffraîchissants , son écorce et les balaustes 2 sont très astringeans & absorbans, on les préfère à la noix de galle pour les teintures en noir de la soie.

Étonné par cette dernière remarque,  j’ai trouvé qu’en moyen français migraine  désigne aussi « Étoffe teinte en écarlate » (DMF). J’aurai besoin de l’assistance d’un professionnel de la teinture des tissus à l’aide de produits naturels, pour comprendre le « noir de la soie ». Toutes les autres attestations parlent d‘écarlate.

La forme provençale migrano  devenue migraine « écarlat » a été prêtée au français du XVe au XVIIIe siècle , mais c’est pomme grenade  > grenade,  qui a gagné la place en français moderne.L’étymologie de migraine « écarlate » n’est pas la même que celle de miougrano.   Le mot grana signifie « teinture d’écarlate provenant de la cochenille »,  migraine   est une demie teinture, ce qui ressort de la forme en ancien béarnais  mieye-grane,  où  mieye  vient du latin medius « qui est au milieu ». FEW IV, 237a : granum

 

Commentaires des visiteurs:

Marjory Salles m’écrit :

Bonjour,

Teinturier de mon état, je serai ravie de vous apporter des précisions concernant la teinture du noir… L’écorce de grenade est très riche en tanin. Et c’est la réaction du tanin avec le fer qui forme un noir très solide. Pour la teinture textile, il s’agit de baigner le tissu dans un bain riche en tanin (décoction d’écorces). Ensuite, en passant ce tissu « tanné » dans une solution riche en fer, la couleur brune du tanin vire au noir.
C’est la même réaction qui est à l’œuvre dans l’encre noire tannique ou dans la production de bogolan africain !

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  1.   IV, 235a
  2. le nom de la calice de la fleur du grenadier

Missounaire, missounenco

Missounaire « espèce d’escargot d’été » , dérivé de missoun, meissoun « moisson » du latin messio, messionem « moisson »  est synonyme de mounjeto. En provençal une oumeletto a la meissounièro est une  « omelette aux oignons», appelé ainsi   parce que  c’est le mets le plus en usage dans les métairies pendant la moisson, appelé aussi meissounénco. L’escargot missounaire  est également un plat d’été.

Missounenco « escargot d’été » a la même étymologie avec changement de syffixe :inca. C’est un synonyme de  missounaire  de  mounjeto  et de  estivenques. Dans ce dernier il y a une recette.

Misto, mistoun

Misto, mistoun « enfant au maillot, mioche, marmot à Nîmes », miston en français régional à Nîmes. D’après plusieurs informateurs, mistoun est limité à Nîmes, confirmé par Mistral.

Vous connaissez peut-être  le film de François Truffaut Les Mistons (1958) portant sur cinq jeunes chenapans au début de l’adolescence, tourné à Nîmes et au Pont du Gard. Bernadette Lafont, née le 26 octobre 1938 à Nîmes, participa à ce premier court-métrage de Truffaut.

                                 

                         

Peut-être grâce à Truffaut, miston se trouve dans le TLF, qui le qualifie de « pop. vieilli, ou région.(Provence) ». La première attestation en français date de 1790. D’après L. Sainéan c’est un mot d’argot.

Le poète nîmois  Antoine Bigot est cité par Mistral:

                         

L’étymologie de mistoun  n’a  pas encoré éclairée. Dans la nouvelle rédaction de l’article  *amicitas du FEW l’auteur écrit:

 Il n’est pas possible de faire le partage, dans ce qui suit, entre ce qui relève de *amicitas et ce qui provient de mica, de mit- ou même de amictus.

L’autre mystère reste le passage de ce mot nîmois par excellence dans l’argot parisien. Vous avez une idée?