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Engano, lengano ‘salicorne’

Engano, lenagano ‘salicorne’ Mistral dans son Trésor:

EnganaRolland9_165

Rolland Flore IX,165

L’ansérine ligneuse mentionnée par Mistral,  fait partie du même groupe de plantes1 qui servent à faire la soude pour la fabrication du verre. Voir à ce propos mon article sansouïro ‘salicor’.

Le mot  engano  se trouve dans le FEW seulement parmi les noms de minéraux d’origine inconnue, avec le sens « sorte de soude ». L’auteur n’a pas mis le lien avec la salicorne, qui sert à fabriquer la soude.

Mistral suggère l’étymologie  laguna, mais laguna  est un emprunt du XVIe siècle à l’italien . Je penche plutôt pour une origine gauloise, *wadana  « eau » qui a donné une grande famille de mots, dont, l’ancien occitan gana « sentiers fangeux ».  La salicorne poussant en bord de mer, souvent marécageux, pourrait bien avoir reçu le nom du terrain où l’on la trouve.

Mais comme je n’ai pas d’autres attestations de engano, lengano  que ceux de Mistral et de Rolland, cette histoire reste à compléter.

  1. Ansérine ligneuse Lamarck

Engrèner 'appâter;lancer un conflit'

Engranar  engrèner ou engrainer en français régional : « faire des histoires, lancer un conflit, appâter un joueur pour un jeu d’argent. » (spécialement dans  le milieu de  la pétanque, voir  René Domergue,  Avise, la pétanque).

L’étymologie est le latin granum  « grain, graine ».

Alibert donne e.a. les sens suivants:  « balayer;  appâter avec des grains »;  v.r. … « s’enrichir ». Ces  sens  n’existent pas en français, ni en argot. Je pense qu’il s’agit d’une évolution sémantique régionale.

Il est possible que le sens « s’enrichir »s’est développé à partir du   L’abbé de Sauvages  cite le proverbe  Lou përmié k ës âou mouli engrâno  « le premier venu met son  blé dans la trémie » (S1).  Des expressions analogues existent en anglais first come first served,  et plus proche de l’occitan le néerlandais wie het eerst komt, het eerst maalt (le premier venu moud le premier ) . Être le premier servi  a des avantages.

Il est aussi possible que le sens  « s’enrichir » s’est développé à partir du sens « nourrir avec les grains », plus spécialement « appâter des oiseaux en jetant des grains »., qui est devenu « appâter » en général.  Mistral donne l’exemple suivant  :

         engranar appâter

Le sens  « appâter des oiseaux en jetant des grains »,  est probablement à l’origine de deux évolutions sémantiques.

  1. Le but  de engranar « nourrir »  est d’ enrichir celui qui engrane . Celui qui s’engrane s’enrichit. Une évolution très actuelle dans cette période de « crise ». Les banques nous ont engranés  pour s’engraner.
  2. Celui qui s’enrichit crée des jalousies et des imitateurs qui  allèchent au « jeu » , même dans le domaine de la pétanque. L’argent est à l’origine de presque tous les conflits.

J’ai l’impression que l’argot parisien qui connaît le mot engrainer  « allécher au jeu d’argent » depuis le fin du XIXe siècle, l’a emprunté aux parlers occitans.  En tout cas les attestations occitanes (Vayssier, Mistral) datent de la même époque et sont légèrement antérieures. Si vous rencontrer  une attestation plus ancienne, contactez-moi!

Le lien sémantique  avec « grain » du  sens « balayer »   n’est pas évident. Ce sens est d’après Mistral  limité au Languedoc et au Quercy.

enquestre ‘vieillerie’

Enquestre souvent au pluriel enquestres « vieux objets inutiles  et encombrants ». A Marsillargues
enquestre
peut aussi prendre le sens « gêneur qui est toujours au milieu comme le jeudi et auquel on dit :

lève toi de là vieil enquestre » (Source : jeandumas.unblog.fr).

Il semble que le mot est assez courant dans la région nîmoise, en tout cas je l’ai entendu régulièrement à Manduel.I Le mot ne se trouve pas dans le dictionnaire d’Alibert, et dans le Trésor de Mistral il est caché avec un autre signification dans l’article Enquesto.

enquestoMistralEnquestro pour ourquestro.

Mais  enquesto peut aussi avoir le sens de « chose de peu de valeur ».

Mistral nous fournit aussi encastre mais pas le sens « vieillerie »:

encastr

Il y a plusieurs années j’ai rattaché enquestre au nom d’un marché aux puces toulousain l’Inquet, « hameçon »,mais cela me semble un peu tiré par les cheveux maintenant.

 

 

 

 

 

Enquiller

Enquiller v. Dans la moyenne vallée de l’Hérault, G. Lhubac signale en français régional le verbe enquiller avec les sens :

  • « se faire avoir »; à mon avis il s’agit d’un euphémisme pour « entuber, enculer « ; l’expression est se faire enquiller. En argot enquiller « entrer, faire entrer (depuis 1725), pénétrer quelque part ». La métaphore est claire. Un visiteur me signale qu’ à Nîmes on dit enquiller une vis dans un trou, et enquiller des perles sur un fil. Je ne sais s’il s’agit de l’argot parisien qui est descendu dans le Midi ou de l’occitan qui est monté à Paris.
  • au figuré « endosser, assumer » comme en fr.populaire « caser, pourvoir d’une place » et en Sologne « endosser, mettre un vêtement »
  • « supporter, blairer au fig. », dans une phrase comme Cinq ans de prison, il faut les enquiller. (Lhubac). Probablement lié au sens « empiler ».

Le TLF  écrit argot  enquiller « dissimuler entre ses cuisses un objet volé » 1847.   Dérivé  de quille* sens  en argot  de « jambe ».

L’étymologie pourrait être quilha

 

Ensarria(da)

Ensarria(da) s.f. « sacoche », ensarriada « contenu d’une sacoche ». (Panoccitan). Alibert donne des définitions plus précises : ensarrias f.pl. « grands cabas de sparterie qui se placent de chaque côté du bât des bêtes de somme ».

Mais  une ensarriada est aussi une « ravine », et le verbe ensarriar « creuser des ravines », comme verbe réfléchi il signifie « s »égarer; battre la campagne ». Etonné de trouver ensemble une ravine et une sacoche j’ai cherché une explication dans leur histoire.

Le lien entre ensarriar et ensarriada étymologie n’est pas évidente. Tous les mots que l’on trouve dans les langues romanes supposent une origine *sahrjo avec le sens « panier, corbeille ». Dans le sud de l’Allemagne existe le mot sahar « jonc ». Or, le matériel utilisé pour ces paniers est du jonc ou de l’esparto et cela permet d’après le FEW de supposer une origine germanique. Pour les parlers occitans, il faudrait supposer une forme gotique *sahrrja.

En ancien languedocien du XIIe siècle (Nîmes, Montpellier, Narbonne) est attesté le pluriel sarrias  » manne à double compartiment mise à cheval sur le bât des mules ». Un verbe *ensarriar avec le sens « mettre dans les sarrias » a dû exister (Il y a encore beaucoup de manuscrits en occitan à dépouiller !). A partir de ce verbe a été formé le substantif ensarri « manne à bât en treillis », ensarios « les cabas qu’on met sur la barde d’un cheval »  (S1).

jonc     ensarias    esparto

jonc                                             ensarios                                                    esparto

L’évolution sémantique de ensarriado « contenu des panier » > « ravine; torrent qui descend avec impétuosité des montagnes » n’est pas évidente. Le FEW l’explique par une image : des ensarriados pleines de terre et de cailloux se vident en descendant de la montagne lors des grands orages et créent les ravines. Les formes avec ei- < ex- ( sortir ) au lieu de en- < in- (mettre dans) s’expliqueraient aussi par cette image.
Je dois dire que je ne suis pas convaincu, mais je n’ai pas une autre étymologie à vous proposer. Si vous avez une idée, n’hésitez pas à me contacter. !

Ensucar, ensuquer

Ensucá(r), ensuquer en fr.rég. « assommer » absent d’Alibert dans son article suc « sommet de montagne » . En ancien provençal  suc signifiait « sommet de la tête; occiput; nuque », et une forme suca « tête, crâne » conservée jusqu’à nos jours dans les composés ensucar littéralement « frapper sur la tête », et supela , dans a lou supela « il est chauve » ( = le suc pelé).

Le FEW rattache notre suca à l’italien zucca « courge; au fig. tête » et à un groupe *tukka avec les sens

  • 1) « courge » : languedocien tuco « courge » (S2), tuquiè « plante de courge »;
  • 2) « tête » : tucasso « grosse tête » (Béziers, M); languedocien atuca « assommer » (S2);
  • 3) « sommet, colline » tukó « hauteur, tumulus » (Gers), languedocien tuqel « tertre, coupeau, sommet de montagne » (S2). Cette famille de mots serait d’origine pré-indoeuropéenne et fait donc partie d’un héritage qui date d’avant l’arrivée des Celtes en Gaule. Vous vous rendez compte? Cela m’ensuque!.

Pour ceux qui veulent approfondir ce sujet, il y a un article d’A.Dauzat  dans la Revue des Langues Romanes, t.66 (1929-1932)pp.66-73 : CUCC-, TUCC-, ZUCC-, suc « hauteur, montagne », consultable grâce à Gallica (lien direct)! et le FEW 13/2, 399b*tukka.

L’Originalité de la Ville  (sc. Yssingeaux) et de son  Environnement tient des Montagnes Qui l’entourent appelées les Sucs.

au fond un suc

Erme

èrme « désert » voir herme

Erugo ‘chenille; roquette’

Erugo, rugo, arugo « chenille »  et « roquette » (eruca sativa)

Erugo S2

L’étymologie est le latin erūca  qui est attesté avec les deux significations « roquette » et « chenille ». L’étymologie de erūca n’est pas claire, en particulier du point de vue sémantique. Quel est le point commun de la roquette et d’une chenille?. Ernout-Meillet fait la proposition suivante:

eruca_ErnoutMLa forme ūrūca qui est à l’origine de l’espagnol oruga  et attestée chez Pline est expliquée par le FEW comme une simple assimilation, tandis que  Ernoult pense à  ūrō « enflammer, exciter » ce qui reste à prouver.

Les attestations de eruga, auruga « roquette » sont plutôt rares1, parce qu’au début du XVIe siècle le diminutif roquette a été emprunté à l’italien par les Parisiens, de sorte que le nom roquette a gagné tout le pays et a remplacé  russe ou  de l’eruce, d’un dérivé *erucia,  noms attestés dans l’ouest de la France.

La roquette vendue sur le marché actuellement est un cultivar produit en Italie.  A Manduel et je pense ailleurs dans le Mdi, la roquette à fleurs jaunes pousse un peu partout en bordure des chemins et des vignes. Elle est comestible mais les feuilles sont plus dures.

roquette

FEW III, 241

  1. Voir RollandFlore II,p.83 eruca sativa

escabot ‘troupeau transhumant’

Escabòt  « Troupeau transhumant » dans Thesoc, AUDE, GARD, HERAULT, PYRENEES ORIENTALES. vient du latin scapus « tige, tronc, fût d’une colonne ». Pour les formes et les sens voir FEW XI, 287b

L’évolution sémantique surprend, mais la même évolution a eu lieu avec ramus « tige » dont le dérivé en ancien occitan   ramat  signifie également « troupeau », ramat ou arramat en languedocien  moderne FEW X, 44 b « tronc ».

En plus, une évolution analogue s’est produite dans le sens du mot allemand Stamm « tronc »  qui a pris le sens de « partie d’un peuple, famille », sens qui est utilisé dans le classification des plantes et des animaux et dans la généalogie. Eve est la Stamm Mutter du genre humain.  Toute la descendance d’un Mère fait partie du Stamm. A partir de cette l’évolution on comprend  le sens « troupeau » dans l’élevage, à partir d’une mère ou d’un père.  En français on parle de l’ arbre généalogique, en néerlandais du stamboom.

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Escachoun

escachoun « reste de quelque chose »; voir cachar