cat-right

Balandrar, balandra

Balandrar « balancer, brinbaler, flaner », v.r. « se dandiner »; balandra « bascule de puits de campagne ».

Dans la nouvelle version du FEW, consultable et téléchargeable ici, cette famille de mots est rangée dans l’étymon bilanx « balance » Tous les mots, formes et significations relevés dans les parlers galloromans se trouvent aux pages 38 à 40. L’explication à la p.60. Je cite : « Le type (I.2.c.a.c’.d’. = balandra), d’époque moderne et presque exclusivement francoprovençal et occitan, pourrait avoir été influencé par la famille lexicale classée sous LANDEL (FEW 16, 443ab; ML 4885a)157). En tout cas ce type n’est pas seulement galloroman, cf. milanais. bàlàndrâ v.a. « andare girando qua e là per ozio, per passatempo e a piccole distanze; bighellonare, girandolare, andare in giro svogliatamente, fermandosi e osservando ogni cosa, ma senza scopo e senza interesse; gingillarse, perdere il tempo senza far nulla »(Angiolini 1897) que le DEI propose de rattacher à moyen haut allemand  landern « flâner », ce qui n’explique pas la syllabe initiale.

Les formations expressives (I.2.c.a.d’.) avec redoublement sont propres aux domaines occitan et, marginalement, francoprovençal.

Voir aussi l’article aland(r)a « cajoler pour tromper »

Une excellente occasion de visiter ce site et de voir l’énorme travail fait par von Wartburg,  ses collaborateurs et successeurs!

Balca, bauca

Balca ou bauca, baouco en fr.rég. baouque,  « herbe sèche » (Mathon.) « herbe fine  qui pousse le long des murs » (And), « brachypode »  d’après Lhubac .
Ancien occitan balca » nom de diverses graminées » ,  dans les patois occitans et franco-provençaux le type bauco désigne souvent des herbes à tige dure et c’est ce caractéristique qui a donné leurs noms aux plantes, p.ex. languedocien bauco « laîche = une plante à feuilles coupantes à fleurs en épi et à fruits en capsule qui croit en touffes surtout au bord de l’eau , appelée aussi carex » (S. . Le FEW 1,211b suppose une origine gauloise *balcos « fort, dur ». Voir aussi baou ci-dessus.

Balletti

Baletii, balletti « bal » est une dérivé du verbe latin tardif  ballare1 « danser » > baller, qui était courant dans tout le domaine galloroman jusqu’au XVIe siècle.

L’article ballare  du FEW  rédigé en français,

est publié dans le site de l’ATILF.

(lien direct vers l’article; une occasion d’y jeter un coup d’oeil !). Je cite:

bal(l)etti  (rég., 1961,Prigniel), balèti « bal; lieu du bal » (rég., ArmKasMars 1998). — [+ -?] ) Le suffixe est comparable à celui de pr. Papòti  m. « enfant joufflu » (FEW 7, 585a, PAPPARE).

D’après les données du FEW le mot baletti est récent. Mistral ne connaît que le bal.

______________________________

 

  1. emprunté au grec

Balma "grotte, cavité"

Balma, bauma « baume ». Etymologie:  Emprunt au gaulois balma (Dottin, p. 230), le mot étant attesté dans l’aire géographique où s’établirent les Celtes (domaine gallo-roman entier, Italie du Nord, Suisse) Plus dans le  TLF s.v. baume²

Thesoc :balma ALPES DE HAUTE-PROVENCE, ALPES-MARITIMES, BOUCHES-DU-RHONE, DROME, HAUTES-ALPES, VAR, VAUCLUSE.

bòrna DROME.

Le mot est également connu dans les parlers germaniques de la Suisse  barma. Voir à ce propos:  Jud, dans Zeitschrift 38(1817) 4-5 disponible grâce à Gallica.

J. Jud a aussi publié un article dans  Archiv für das Studium neueren Sprachen und Literaturen  124 (1910)92 , mais il n’est disponible que pour les Américains. Si vous avez un ami là-bas…..

Un autre article, disponible cette fois même pour les Français , publié dans la Revue Celtique 39(1870)47  par

J.Loth  intitulé  « La Gallo-roman  Balma ».

Je proteste contre ces lois abusives des droits d’auteur pour des publications qui datent de plus d’un siècle.

Baloard

Baloard « boulevard » vient du moyen néerlandais bolwere, bolwerk « digue, palissade ». Les premières attestations du XVe siècle viennent du Nord-ouest de la langue d’oïl, le wallon et le picard. Bolvert, bolverq désignait le « terre-plein d’un rempart, le terrain d’un bastion ».(Voir le DMF). Dans les textes de cette époque on trouve aussi des formes avec -a- : balluard dans le Vaud, et balwer en wallon avec le sens « place ». C’est cette dernière  forme qui est la plus répandue en occitan. En béarnais un baluard est une « levée, une élévation de terre ».

Quand on a démoli les anciens remparts pour les remplacer par des grandes et larges avenues, on a gardé le nom boulevard en français, baloard en occitan. Jene suis pas sûr que ce mot soit « vivant ». Le Baloard à Montpellier est un centre culturel-gastronomique.
L’occasion de cet article a été une demande d’un visteur, qui m’a écrit : « Avez-vous rencontré le terme « baloir1 » qui semble être un lieu de baignade ? Ou de lavage de linge en rivière ? Terme employé particulièrement dans la vallée de la Cèze ». Ce sens n’est dans aucun dictionnaire.
Le chanteur Bernard Pialat vient de la même région. Il me confirme : « le mot baloir (baloar), dans la vallée de la Cèze et alentour est bien une elevation de terre ou de maconnerie (confondue avec lieu de baignade), en fait cette levée sert a détourner le ravinement des eaux de riviere, comme le dépot de gros blocs de cailloux actuellement. » A ma demande il confirme que  » les baloars s’appellent aussi levade et qu’il y a plusieurs lieux de ce nom et à cet usage (avec ou sans rivière). »
D’après le dictionnaire Panoccitan une levada est une « digue, élévation » ou une « fressure ». Voir aussi le TLFlevade.

Un choix des photos des baloars dans la vallée de la Cèze, faites par Bernard Pialat. (merci!)

.. ..

En anglais américain du Nord-Est, près de la frontière canadienne le boulevard  est « the strip of grass and trees between the sidewalk and the curb = la bande d’herbe et d’arbres entre le trottoir et le bord de la route ». Voir le Dictionary of Amerciacn Regional English.

Le boulevard le plus connu est le Hollywood boulevard.

________________________________

  1. Cette graphie est un bon exemple de la façon dont quelqu’un qui ne dispose pas d’un dictionnaire occitan, écrit sa langue. Voir mon article Comment écrire mon occitan

Banasto

Banasto « corbeille en osier ».  Du celtique  benna « chariot », spécialement  « chariot à grande corbeille de treillis ». Cette racine benna se retrouve dans toutes les régions habitées par des Celtes, qui étaient très forts dans la construction des chariots. Les Romains leur ont emprunté pas mal d’idées avec les mots correspondants. Typique pour les chariots des Celtes étaient les énormes paniers en osier pour le transport.

..

Une réproduction moderne d’un chariot celte, mais la banasto manque.

Ancien occitan banasta « grande corbeille d’osier ». également en fr. rég. banaste (Lhubac). Nous le retrouvons dans les parlers gallororomans pour désigner toutes sortes d’objets qui étaient faits en tressant de l’osier, du bois, etc., comme par exemple dans le Vaud suisse banna « ruche », à St Etienne bena « cuvier », français banneton « coffre dans lequel les pêcheurs gardent le poisson pris », occitan banaston « berceau » (Thesoc)etc.


voiture-benne moderne

Alibert donne pour le languedocien s.v. bena f. »panier de bât; verveux »: benon «  »sorte d’auge pour les moutons » et sous banasta les dérives courants en –on, -ada comme banastoun panier en osier”etc.
Le sens « nigaud » (Aveyron)  sous l’influence de fr. benêt ?
Plus tard le mot a été emprunté par les parlers germaniques voisins, comme par ex. le néerlandais ben ou anciennement benne « panier en osier ». Cf. aussi fr. bagnole « mauvaise voiture » dans le TLF.

La fête de la vannerie à Valabrègues

Bancel, bancal

Le bancel n’est pas bancal. Christian Lasure écrit :  « Ces deux termes occitans, l’un languedocien (bancèl), l’autre provençal (bancal), ont le sens non seulement de « plate-bande », de « planche cultivée » mais aussi de « banquette de terre », de « gradin de culture ». La forme bancèl est répandue dans les Cévennes ardéchoises, dans la Gardonnenque (Gard), à Vialas (Lozère). L’origine des deux termes est évidente : ils sont dérivés de l’occitan banc, « banc », dont ils conservent le sens, sans changement notable pour bancal, mais avec une idée de diminutif pour bancèl (« petit banc »). »

bancel, bancal, traversier

Là nous avons un petit problème de phonétique historique, un aspect important de l’étymologie qu’on oublie souvent.

Bancal est le résultat régulier en occitan, aussi bien en provençal qu’en languedocien, du mot germanique *bank très tôt passé en latin + le suffixe –ale > bancale. Les premières attestations en ancien occitan datent du XIIe siècle où bancal signifie « bande d’étoffe servant à couvrir un banc ». Dans l’Aveyron bancal est passé de ce sens à l’objet qu’il couvre : « grand banc qui sert de coffre et de siège ». (Ce qui nous rappelle l’histoire du mot bureau en français de burel ‘étoffe’ > ‘table couverte d’un tapis). Comme adjectif, bancal  avec le sens « qui a les jambes tournées comme celles d’un banc » existe en aveyronnais et dans les Cévennes gardoises.

Bancel par contre est un autre dérivé de *bank. Il s’agit du suffixe -ellu. Le[-k-] devant le -e- bref du latin devient régulièrement [ -s- ] comme à l’initiale : coelu > cel ‘ciel’. Des amis m’ont confirmé que le mot bancel pour ‘gradin de culture’ est très répandu en Lozère. Il est également attesté à St-André de Valborgne (30).

Le mot banc a pris plusieurs sens en galloroman, dont celui d’ « ‘amoncellement de sable ou de neige; muraille qui retient la terre d’une vigne en pente » : à Mende bonko ‘rocher’ et en Ariège banko ‘culture en terrasses’. Mistral donne le dérivé bancau (qui vient de bancale) pour le provençal et bancal pour le languedocien avec les sens 1) plate bande de jardin 2) gradin d’un terrain en pente. Le FEW  précise : le mot bancal existe en Rouergue et bankals au pluriel est la ‘culture en terrasses’ en Ariège.

Une question intéressante est de savoir pourquoi les Romains ont emprunté aux Germains un mot comme banc qui désigne un meuble tout à fait banal. En mobilier les Romains avaient des scamnum et des subsellum, mais c’étaient des escabeaux pour les enfants et les esclaves. Monsieur et madame, eux, se reposaient ou mangeaient sur des lits.

Les Germains par contre qui avaient des maisons en bois, faisaient tout autour de la pièce à vivre un bank avec un appui pour le dos contre la paroi, comme on le voit encore dans les Stube en Allemagne, Autriche, République tchèque. Les Romains ont copié la chose et le mot. Dans beaucoup de maisons allemandes le banc fait partie des meubles traditionnels,  c’est standard.


Bandà, se "s'enivrer"

Bandà (se), bonda (se) « s’enivrer, se griser »  dans une dizaine de départements d’après le Thesoc, mais dans tout le domaine occitan à l’ouest du Rhône d’après le  FEW XV/1,113b. Se bander  en français régional (Lhubac). L’étymologie est le germanique  *bindo  « bande (de tissu, de cuir), lien »1.

En occitan, comme dans beaucoup de langues,  le vocabulaire pour désigner un « ivre » est très riche.  Aussi nous retrouvons   le mot bandat  « ivre » d’après le Thesoc  du Gard  jusqu’en Gironde2.
Le substantif abstrait bandada « ivresse » seulement dans l’Aveyron et l’Hérault.  Bandari  « ivrogne » à Sorbs (Hérault).

L’évolution sémantique ne m’était pas tout à fait clair. C’est en consultant le Thesoc qui fournit e.a le mot  confle, coufle  « ivre »,  se conflar  « s’enivrer »,  et tibat « ivre », tibé   en français régional (Lhubac),  que je l’ai compris.  Elle a dû se faire à partir du sens  « lier et serrer une bande » > « retenir, tendre » > « gonfler » > « s’enivrer ».

L'ora de bandar (?)

___________________________________

  1. en non pas  *bunda FEW I, 626b  d’après Chambon, TraLiPhi n° 658
  2. ARIEGE, AUDE, AVEYRON, DORDOGNE, GARD, GERS, GIRONDE, HAUTE-GARONNE, HERAULT, LANDES, LOT-ET-GARONNE, LOZERE, TARN-ET-GARONNE

Bandido

Bandido « l’accompagnement des taureaux retournant au bercail par les gardians à cheval» (Camargue), est un « faux ami ». Il ne s’agit pas d’un emprunt à l’espagnol, puisqu’en espagnol bandido signifie uniquement « bandit ». En ancien occitan existait  le verbe bandir « déployer une bannière de façon à ce qu’elle flotte au vent ». Le verbe  bandir  vient du gotique bandwjan  « donner un signe ».  Bandwjan  est dérivé  du substantif  bandwa « signe ».  Bandwa  est à l’origine du mot  bande  « groupe de gens  »  sous-entendu « sous le même signe ». C’est la notion « groupe, bande, troupeau » qui est essentielle.

 Bandido  médiévale

Dans les langues germaniques nous le retrouvons: allemand Bande « troupeau, groupe », néerlandais bende, anglais band, qui avec le sens « groupe de musiciens » est revenu en français. (Pour en savoir plus tapez « etymology band » sous Google.)

En occitan moderne dans les Hautes Alpes bandir est « lâcher, délivrer », dans le  Champsaur bandir les bêtes « leur laisser tout le pré », à  Marseille « exiler » à Alès « chasser, lancer, envoyer ».   

Le sens d’origine du mot bandido a dû  être quelque chose comme « lâcher les taureaux au pâturage ». Je ne l’ai pas trouvé  dans les vieux dictionnaires du languedocien mais il est bien vivant en Camargue.

Les mot francais bandit, néerlandais bandiet  ont la même origine gotique, mais ils nous sont parvenus par l’intermédiaire de l’italien où le part. passé bandito  avait pris ce sens.

Le féminin bandita par contre y a gardé une signification tout près du sens camarguais : « droit d’usage d’un pâturage ».

Le Pégorier mentionne un adjectif bandit  (bos)  avec le sens « bois dont l’exploitation est défendue à cause des avalanches » dans le Briançonnais. S’agirait-il d’une évolution sémantique locale?

Banédja

Banédja, « montrer les cornes (en parlant des escargots) », dérivé de bano. Sens attesté à Aramon, Pézenas, Clermont l’Hérault et dans le Périgord.  Devenu  banétcher« sortir sans but précis » comme les escargots explique Lhubac.

Lors de la journée des parlers du Gard à Manduel, j’ai lu le texte en patois d’Aramon par l’abbé Brunel publié dans la Revue des patois galloromans, vol. 1(1887).(publiée par Gallica). Dans ce texte se trouvait la comptine suivante:

Cacalàusette,
Sors les banettes
Si les sors pas
Deman pleuvra

Et plusieurs personnes de Manduel m’ont confirmé qu’ils chantaient cela quand ils étaient jeunes. D’autres rimes sur les cacalause.

sort tes banettes