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Tueis, tuy ‘if’

Tueis, tueï « If [et non thuya], arbre de la famille des taxacées (Taxus baccata) est attesté en Provençal (par exemple à La Seyne) et dans le Périgord.  Il y a dans le domaine occitan et franco-provençal deux formes : teis tech, tatch   « if » ou le dérivé  tasiñe « laurier-tin » (Alès)  qui viennent du latin  taxus  « if », mais aussi les formes tueis, tuei, tuy « if » qui ont subi l’influence ou viennent directement du grec τόξον (toxon) « arc à tirer ». L’explication de cette évolution sémantique  se trouve dans le fait que le bois de l’if était considéré comme le meilleur pour la fabrication des arcs  et des arquebuses. Grâce à Internet archive  j’ai pu retrouver la source de cette information :  Warburg Otto,  Die Pflanzenwelt 1, p. 343:

Warburg O DiePflanzenwelt1_343

If millénaire breton.

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   LesTouisses_061

                                                               Chalet Les Touisses

Dans le FEW XIII/1, 147b   von Wartburg écrit que la présence du mot en Périgord ne peut être un argument contre  cette étymologie grecque, parce que ce n’est pas rare de trouver des mots grecs qui se sont répandus à partir de Marseille dans tout le domaine occitan.  Nous retrouvons la forme provençale dans le toponymes comme La Touisse, Les Touisses. Voir le Pégorier, s.v. Tueis et Tuy

La latin taxus est aussi à l’origine de l’italien tasso, du catalan teix, de l’espagnol tejo, du portugais teixo et a été emprunté par le breton ; taouz.

Corominas propose une influence du mot thuya ce qui est rejeté par von Wartburg   pour des raisons  d’ordre phonétique.

chalaia, chalosse ‘fougère’

Pierre GASTAL   auteur de Nos Racines Celtiques – Du Gaulois Au Français. Dictionnaire. Editions Desiris, 2013,  m’a écrit:
Cher Monsieur,
Je fais à nouveau appel à vos lumières pour trouver l’étymologie des termes dialectaux nord-occitans challe (Centre), chalaia (francisé chalaye) dans la Loire et le Velay, challage (Forez), chalosse (Poitou), désignant tous la fougère.
La grande majorité des mots employés dérivent du latin filix-icis => latin pop. *filicaria : falga, halga, felgina, feuge, falguièra, falhièra, feuse, fuchièra, etc. Dans l’angle sud-ouest de l’Aquitaine, certains sont apparentés au basque : iratze (Biscaye), garoa (Guipuzcoa). En Bretagne, radenn est évidemment celtique (gaulois ratis) mais on trouve aussi cette racine dans certains secteurs de la Champagne (ratin).
D’avance merci.

J’ai pu lui répondre

Bonjour,
Là, vous avez un grand os, je dirais presque  une souche à ronger!
1.Des attestations de challaye  sont dans le FEW , vol 21, 164a , , c’est-a-dire les Incognita, dans l’article « fougère« .  Dans le commentaire il  écrit que ce mots appartiennent probablement à la famille  cale  « souche »
2.A la p. 60 du même volume des Incognita, 2 colonnes de formes et de sens  de  cale.  Dans le commentaire « l’origine est probablement le grec kala  «  »bois », pluriel de kalon,   avec des suffixes d’origine préromanes.
3. A la p. 120, toujours du même volume   chalosse  « tige des plantes légumineuses…. »  chalaille  « tiges desséchées…. ». Une  colonne  de formes et de sens . Le commentaire:  » Ce groupe appartient certainement à la famille cale  « souche ».
4. A la p.151b  s.v. chènevotte   deux groupes de mots  avec  des remarques analogues.

De toute façon, je vous souhaite bon courage!

Pierre Gatel m’a répondu :
A partir du 3e « os à ronger », je me demande si le sens premier de challe/chalaye/chalosse n’est pas « fane, tige de plantes destinées à la nourriture ou à la litière des animaux »… Mais cela ne résout pas la question de son étymologie.

Voir aussi mon article  Calos (Sète)  « rebuts, restes, trognon, partie dure d’une plante » Camps, Alibert idem, base de la tige de maïs coupée… ; . »calos  « trognon, partie dure …. » Sauvages. FEW XXI,60 s.v. souche !

Une attestation très récente, par René Domergue:  Calos : gros bout de bois. Personne rugeuse. Obstacle. Calòs (cl). Calos (mis).

Le  FEW suggère  comme étymon le  grec καλα,  le pluriel de καλον « bois, principalement bois coupé, bois sec à brûler ».

Rapégon, rapegon

Rapégon, rapegon « fruit de la bardane ». L’étymologie est probablement le verbe germanique rapôn « saisir, attraper ».  Voir l’article rapar.  Rapégon appartient à la même famille de mot que <arrapar et rapugaire « grapilleur ». Il est à ajouter à l’article rapôn du FEW. XVI,664-667.

Vu l’attestation suivante ; Pégon (ou rapégon) : (Prov.) Personne collante, importun. « Il m’a parlé pendant au moins une heure. Un vrai pégon », il est aussi possible que rapégon est composé de rapar + pégon dérivé de pégar « enduire de poix ». du verbe latin picare. D’après Alibert un pegon est un « amas de résine sur une branche de confère; torche de résine ».

Je penche plutôt pour la première hypothèse, parce que le fruit de la bardane ne colle pas mais s’attache avec des petits crochets aux cheveux ou au vêtements. Mais Mistral donne toute une série de mots rapega ou rampega qui ont les deux sens  « s’accrocher »  et « se coller ».  Difficile de se décider.

rapegon_bardane fruit

Arpa de rompuda ‘trident’

Arpa de rompeuda « trident çà angle de 75 à 85°, pesant de 2 à 4 kg » (Raymond Jourdan, Montagnac)  fait partie de la famille de mots harpe « faucille ; griffe », que le latin a emprunté au grec άρπη avec ces deux sens. La plus ancienne attestation en galloroman vient de l’ancien occitan arpa « griffe d’un animal » (14e s.).  Il y a de nombreuses attestations dans tout le domaine occitan, de Die jusqu’en Béarn. H.Schook (Die) donne  arpa  « griffe »,   arpic « griffe, croc de bûcheron », arpic de pola « clavaire (champignon) » et arpion « orteil (familier) ». L’abbé de Sauvages : arpatëjha « marcher en tâtonnant » et arpiou « ongle d’oiseau » dérivé de arpo « griffe » (S2, p.50). Voir les nombreuses attestations dans le Thesoc s.v. griffe ;  et FEW IV, 385-388,

Arpa « outil agricole » est aussi très répandu en catalan et en espagnol.  La graphie Harpa de rompuda de Raymond Jourdan montre que pour lui l’arpa a quelque chose d’un instrument de musique ( comme pour Alibert qui donne germanique Harpa comme étymologie).

Dans Culture de la vigne en Languedoc Raymond Jourdan[note1.]  donne une description détaillée de sa Création d’un vignoble. Le premier paragraphe est consacré au défoncement:

Le défoncement : appelé aussi le charruage, en occitan « roumpre ». Avant 1914, avec une pioche « trinqua forta » ou un trident « harpa de rompuda » (a=o].

ArpaRJourdan

Travail pénible et très long fait en « collas », groupe de plusieurs salariés agricoles : brassiers et journaliers. Le défoncement, ou « rompuda » consiste à labourer profondément (40 à 60 cm) pour installer une vigne nouvelle ou « mayol« .

Après 1914, la rompudo se fait avec des chevaux 2,4 ou 6 et une grosse charrue à versoir et à mancherons.

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1.J’utilise la graphie de Raymond lui-même. Il a écrit ce texte en 1978. Ce sont ses souvenirs du début du 20e siècle.  Son fils Gérard Jourdan a eu la gentillesse de me faire parvenir ce texte que j’ai lu comme un roman, avec la transcription dite classique, moins proche de la prononciation.]

garaoubo ‘caroube; vesce’

Garaoubo « vesce cultivée », vient de l’arabe harruba « fruit du caroubier ». Le caroubier est indigène dans l’est du bassin méditerranéen et il a été introduit dans l’ouest par les Arabes. De là le nom d’origine arabe en italien carruba,   catalan, espagnol portugais et occitan carrobi ou caróubio en languedocien.

La ressemblance des fruits du caroubier avec les fruits d’autres plantes a abouti à un transfert du nom : garrobe, garoube « vesce cultivée » dans le Poitou,  la Saintonge, la Vendée, le Périgord. Il y a peu d’attestations de ce transfert en provençal ou languedocien.  Mistral connait garaubo « orobe ». Il s’agit probablement d’un mot-témoin du domaine de l’occitan qui s’étendait jusqu’à l’embouchure de la Loire.

Images ci-dessous : orobe    caroube    vesce cultivée

orobe  Caroube

vesce_cultivee

Ci-dessous les liens directs vers la page du FEW et vers l’article du TLF.

FEW XIX,67-68 , TLF caroube