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Patoc, patot

Patoc  « tas, meule de foin ». D’après Alibert le sens de patoc est « tas, amas; meule de foin; grosse brique pour bâtir. (Quercy). Dans le parler de la région d’Agen « brassée, paquet ».  D’après le FEW patok, patot signifie »petit tas de foin dans le pré ». Il est bien attesté dans tout le Sud-Ouest, y compris la Saintonge. En ancien gascon patoch a même pris le sens « mesure agraire »  = « ce qu’il faut pour faire une meule de foin ».  Dans le Gers et ailleurs il y a le verbe empatoucà  « mettre le foin en veillotes ».

La dormeuse qui dépouille les archives de Mirepoix m’a fait parvenir une page de l’ inventaire des registres et des papiers du Ci-devant Comité révolutionnaire du canton de Mirepoix, 3e jour sans culottide an II (19 septembre 1794) (in Arch. Mun. D201) . Dans cet inventaire  le mot patoc signfie manifestement  » liasse ». Regardez vous-même.  patocMirepoix en PDF. ,
patoc "meule de foin dans le pré"     patoc des archives
patoc

Le FEW considère patoc « tas de foin » comme un dérivé de  patt « patte, griffe ». Il explique que la forme d »un petit tas de foin dans un pré ressemble à une grosse patte surtout quand il a plu. Je ne suis pas convaincu que cette étymologie soit la bonne. L’auteur écrit qu’il ne peut pas s’agir une variante  avec métathèse de pacot « paquet » qui en latin médiéval  est attesté en Gascogne sous la forme paccotus.

J’ai cherché cette attestation  de paccotus sans la trouver. Par contre dans le Ducange j’ai trouvé  un  paccotus feni « meule de foin ». 1.

Si paccotus, une latinisation de pacot,  peut signifier « meule de foin dans le pré »,  il n’est pas improbable que patoc et  pacot aient la même étymologie à savoir le néerlandais pak « ballot » qui a donné paquet  en galloroman. Il reste un doute à cause de la date du texte latin ci-dessus, que je ne connais pas.

Il est possible que paccotus  a subi l’influence de natot   pour devenir patoc et même patot.   Mais natot « meule de foin » n’est attesté qu’une seule fois en ancien gascon.  (FEW VI/1,507a *matta « touffe »).

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  1. MEDALHO, natot, paccotus. Gall. Botte, amas, tas, meule de foin : Et de iii. libris receptis ex pretio trium Medalhonum feni….. ex pretio ii. Medalhonum sive natots feni venditorum in pratio, t. 21, p. 10…. fecerunt acervum seu Medalhonem de dicto feno, t. 22, p. 374……. Emi a priore Sancti-Jacobi xxii. paccotos feni recepti in capite sui prati….. t. 22, p. 373.(Arch. histor. de la Gironde.)

sac, saca, saque

Quel est le rapport entre un Sac Vuiton  et une chèvre?  Vous avez  deviné que cela doit être l’étymologie.

        Chèvre angora d'Ankara

Le mot « sac » est masculin en occitan comme en français. En occitan existe  aussi la saca  « grand sac », la saque  en français régional. L’étymologie, le latin saccus « sac » vous semblera peu intéressante.  Pourtant les Romains l’ont emprunté aux Grecs σακκος  « sac »et les Grecs l’avaient emprunté aux habitants de la Cilicie où il désignait un « tissu fabriqué en poils de chèvre ». Par la suite, grâce au commerce déjà mondialisé, le nom a été transféré à des sacs fabriqués avec ce tissu. Vous trouverez plus sur l’histoire du mot  sac ici.

Cilicie      laine en poils de chèvre

A partir de la Cilicie le mot a été introduit également  dans les langues sémitiques, et à partir du latin il a trouvé son chemin dans toutes les langues romanes, germaniques, celtes et le basque.  Vous voyez que la mondialisation ne date pas d’aujourd’hui.

C’est à la même région que fait référence le mot cilice.  (TLF)

Dans un petit article du Midi Libre l’auteur citait  l’expression bramer comme une saque « brailler la bouche grande ouverte ».  Le français régional saque correspond à l’ancien occitan saco, saquo « grand sac ».

 

Frago

Frago « fraise ». La fraise est rarement solitaire; c’est la raison pourquoi nous la trouvons généralement au pluriel du latin fraga et non pas au singulier fragum. Par la suite ce pluriel a été pris pour un féminin singulier, qui a été conservé en gascon: frago, arago ( > basque arraga) et en franco-provençal freye. Mistral donne le dérivé flaiousso « fraise » pour le Var.

En languedocien c’est le type pré-roman majofa qui s’est maintenu.

Au Nord de la Loire, les noms de la fraise et de la framboise se sont mutuellement influencés1 Framboise qui vient d’un étymon *brambasi a pris le f- initial de fraga et frey, forme conservée en wallon et en franco-provençal,  a pris le –s final de framboise, ce qui a abouti à freise (depuis XIIe s.). Avec le succès de la culture de la fraise qui commence au XVIIe siècle, la forme de la langue littéraire a supplanté les formes et les mots locaux, de sorte que ceux-ci comme par ex. majofa ne désignent souvent que la « fraise des bois ». FEW III; 478

Emprunté au français : espagnol fresa.

C’est Antoine_Nicolas_Duchesne qui en 1766 donne la première description scientifique de la fraise telle que nous la connaissons. Il semble que c’est l’officier du Génie maritime Amédée-François Frézier revenant d’une mission d’espionnage des ports espagnols au Chili et au Pérou pour le Roi soleil, qui en 1714 a importé en France les fraises chiliennes qui sont à l’origine des fraises actuelles. Un prédestiné?? Le Musée de la Fraise  pense que c’est le cas.

     Frézier

  1. En Corrèze et dans le Puy-de-Dome frezo signifie « framboise »

Flourdalisto

Flourdalisto, « royaliste » (Gard, d’après Mistral.); « qui, autrefois, exerçait  la profession de déchiffrer, de traduire les anciens actes » (Lang.), appelé aussi frâoudulisto  Le métier n’existe plus depuis la 2e moitié du 19e s.

Substantif formé sur français fleur de lis « l’emblème des rois de France » depuis le XIIe s. La forme frâoudulisto est contaminée (ou un jeu de mots) par . fraoudo « fraude » emprunt au lat. fraus « tromperie » ; la forme indigène serait *fraou comme cat. frau  «tromperie».

J’ai l’impression que le syndrome du « tous pourris » est très ancien.

Fenestroun

Fenestroun,  « petite fenêtre » 1750 Séguier1,feuillet 43v: « espinçave per lou fenestron  » (Job., Mathon), un dérivé du latin  fenestra« fenêtre ». Il n’y a pas beaucoup d’attestations mais il doit exister partout, comme, par exemple, dans le Nord Velay avec le sens « lucarne ». Mistral s’adresse à Magali: :

« O Magali, ma tant amado,
Mete la tèsto au fenestroun !
Escouto un pau aquesto aubado
De tambourin e de viouloun. »

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Le fenestron
des Archives de Mirepoix (Photo C.Belcikowski) ….….….….

On peut se poser la question pourquoi le mot latin fenestra est commun à toutes les langues romanes et germaniques : italien, catalan finestra, allemand Fenster, néerlandais venster, etc..La réponse se trouve dans l’histoire de la construction. Les constructions des Gaulois et des Germains étaient en bois et ils n’avaient pas de fenêtres. C’est aussi simple que cela.

Je ne peux pas m’empêcher de vous renvoyer vers un blog qui décrit le chemin des Fenestrelles : « Aux alentours de Saint Guilhem il y une balade à ne pas manquer qui grimpe sur le flanc du Cirque du Bout du Monde … » avec de très belles photos et un poème. Eldorad’Oc

L’occitan a créé l’adjectif fenestrièro dont témoigne le dicton suivant:

(RLR6,306)