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Bouler ‘mesurer’

Boulá, bolar, (a)bouler  « mesurer  les coups au jeu de boules ». (Voir René Domergue, Avise, la pétanque!).    A Die bolar « mesurer la distance entre les palets et boules » Schook, bolaire « but, cochonnet (pétanque) »  Schook.  boulá « mesurer la distance entre les boules et le but » (Schook, Trièves).

 

Dans le Midi la racine, probablement celtique, est  *botina L’étymologie de boulà, bolar mériterait des recherches approfondies1  *Botila  est attestée comme bodula dans des textes en latin médiéval de Toulouse et du Limousin. Plusieurs pages avec les variantes dans Ducange , dont:

En ancien occitan existaient existaient : borna, boina, bozola, bodne et bola.Ce dernier surtout en Auvergne. Bola  « borne » est attesté chez Borel en 1655.

Mistral nous fournit toute une série de formes des différentes langues d’oc:

En occitan moderne nous retrouvons les mêmes variantes  d’après les données très incomplètes du  Thesoc : boina* CORREZE, CREUSE DORDOGNE, HAUTE-VIENNE. bòla ALLIER, CORREZE  LOT-ET-GARONNE, PUY-DE-DOME. bolièra TARN-ET-GARONNE. bosòla TARN-ET-GARONNE

et le dérivé  « borner » : boinar* CREUSE, HAUTE-VIENNE. bolar CORREZE, PUY-DE-DOME. bornar CORREZE, CREUSE
DORDOGNE, HAUTE-VIENNE, PUY-DE-DOME. botar CORREZE.

Une  racine gauloise   *bodina a été reconstruite à partir du vieux irlandais buden,buiden « troupe, groupe armée », et le gallois  byddin.  Il reste le problème sémantique; on voit mal  le sens « troupe, armée » passer à « borne ».  Il y a d’autres racines celtiques qui sont phonétiquement proches  comme boduo « combat » et bodio « jaune, brun », mais  le passage au sens « borne, limite » n’est pas non plus facile à expliquer.

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  1. Nous le trouvons  dans le  FEW , une fois dans l’article bulla  « bulle, petite boule »,  et ensuite  dans l’article  *botina  « borne » où il cite l’abbé de Sauvages (S1)  boulejha ou voulejha « être limitrophe, être contigu, se toucher ».  D’après J.-P. Chambon il faut corriger : Die boular   de  bulla  I, 611a vers  botina  I, 466a(1. TrLiPhi n° 664).

"Fricadelle" en bahasa Indonesia

Fricadelle« Boulette de viande hachée, mélangée à de la mie de pain ou de la purée, des œufs, du lait, etc., cuite à la poêle ou à la grande friture. » TLF qui donne l’étymologie suivante:

Étymol. et Hist. 1742 cuis. (Cuisinier mod., V, 13 ds Quem. DDL t. 2 : Soupe de Fricadelle à la Royale). Dér. du rad. fric- de fricasser* lui-même interprété à tort comme un dér. en –asser; suff. -ade* et -elle*. »

Voir mon article fricot qui a la même origine.

 Fricadelle est attesté bien avant en néerlandais :frickedilleke  en 1607 chez Kiliaan, le fondateur de la lexicographie néerlandaise.  J’en parle parce que frikadel  était  considéré comme ‘vieux’ en néerlandais, mais le mot était resté vivant en Indonésie et dans  la cuisine indonésienne où il était adapté à la prononciation indonésienne :  perkadel , notamment le f qui devient p. 

A la fin de la colonisation en 1948, beaucoup de Néerlandais sont rentrés aux Pays Bas, tout en gardant leurs habitudes culinaires et gastronomiques indonésiennes,  dont le frikadel.  Sur de nombreux cartes des restaurants « chinois-indonésiens »  on trouve des frikadels. La combinaison syntaxique typique de l’indonésien substantif principal suivi d’un substantif qualificatif  est maintenue, p.ex.    frikadel kabeljauw, frikadel kool au lieu de  kabeljauw-frikadel  « fricadelle de morue », koolfrikadel « fricadelle de choux »  en néerlandais normal.

Copié d’un site

Resep Perkedel Kentang en néerlandais Recept Kentang frikadel  en français  Recette fricadelle Kentang

Perkedel Kentang
Une autre recette:
Perkedel Kornet Fricadelle de boeuf haché (= anglais corned beef)

Paradelle "oseille des champs"

Paradelle  « oseille des champs, rumex des prés » Un visiteur m’écrit:

 je me souviens aussi qu’ils (les gens de Brive-la-Gaillarde) appelaient les Rumex dans les prés padarelles ou paradelles. Quand j’ai demandé si c’était l’un ou l’autre, on m’a répondu : c’est pareil…

En français cette plante s’appelait autrefois  parelle « Plante fort commune, & qui croît par-tout dans les terres incultes. Ses feuilles ressemblent à celles de l’oseille, mais elles sont plus longues. Sa racine est grosse comme le doigt, jaune & d’un goût amer. On l’emploie contre la jaunisse, le scorbut, & les maladies de la peau.  »  Ce nom a disparu depuis le XVIIIe siècle.  La définition donnée ici vient de la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie française (1762) s.v. patience vers lequel il renvoie sous parelle.

Etymologie. Une première attestation date du Xe siècle et se trouve  dans un glossaire qui explique des mots difficiles  1: lapacinum parada. Lapacinum  est une sorte d’oseille. Dans mon dictionnaire latin est mentionné lapathium « patience, sorte d’oseille’ et lapathum  du grec λαπαθον de λαπαζειν « relâcher le ventre »; le lapathum « patience »  est un remède pour les estomacs fatigués.  J’en parle parce que d’après une recette de grand-mère  les paradelles ont des propriétés purgatives et reminéralisantes.  Le TLF écrit s.v. patience « Plante voisine de l’oseille (rumex vulgaris) utilisée pour ses propriétés toniques et dépuratives. » D’autres patiences sont utilisées dans l’homéopathie et la phytothérapie.  Ces connaissances nous viennent de loin! Le sens du mot grec le prouve.  Dans une note le FEW cite le médecin italien Matteo Silvatico (1285-1342) qui dans son Opus Pandectarum Medicinae décrit entre autres les bienfaits du lapathiumLe fait qu’il écrit lapatium … vel parella prouverait que  Matteo Silvatico  est passé par l’Université de Montpellier parce que le mot parella  est inconnu en Italie.   J’ai cherché (longtemps) le texte de Silvatico et je l’ai trouvé! Je suis toujours émerveillé par les vérifications qu’on peut faire grâce à Internet.  Ici vous trouverez la page de  Silvatico_parella de l’édition de 1526. C’est la chapître ccclxxvii (337).

Michel Prodel, spécialiste de la toponymie de la Corrèze,  s m’envoie le complément  que voici:

« On peut également consulter Macer Floridus « des vertus des plantes » – de viribus herbarum ; Chapitre LXIII ; « Herba solet lapathi volgo paratella vocari, «Le lapathum est appelé communément parelle ».« Herba solet lapathi volgo paratella vocari, «Le lapathum est appelé communément parelle ».v Disponible sur : http://remacle.org/bloodwolf/erudits/floridus/plantes.htm

Le jardin botanique de Matteo Silvatico

A partir de parada  a été formé  un dérivé *paratella qui n’est pas attesté en latin classique, mais  il se trouve  dans des textes en latin médiéval dès le XIIIe siècle.   Le type paradelle  est répandu dans tout le domaine d’oïl, dans l’ouest de l’occitan,  en catalan paradella, panadella  et dans des parlers flamands néerlandais  pardelle.

Les formes occitanes sont assez disparates: paradelo, panadelo (Castres), porodèlo, poryèlo, padriel, et même un pornozyélo  à Meyronne (Lot). Les habitants de Brive-la-Gaillarde avaient donc raison. Le  Thesoc ne  connaît pas le type paradelle,  mais atteste une   forme sanadelles qui a dû naître grâce à l’emploi de la plante dans la médecine populaire.

Les variétés de rumex  désignées par le type paratella   sont en général celles qui,  hâchées et cuites, servaient  comme aliments pour les animaux.  Ce qui ne se fait plus du tout.  La plante pose plutôt de gros problèmes.

Michel Prodel,

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  1. Le vol.3 du Corpus Glossariorum Latinorum publié par Georg Götz; Leipzig 1888-1901,  est consultable sur Internet Archiv

Condamine "bonne terre"

Condamine , condamina   en ancien occitan (XIIe siècle) avec le sens « terre affranchie de charges » est un terme créé sous la féodalité à partir du  latin cum + dominium « propriété commune ».  On le trouve dans les textes en latin médiéval dans la forme condamina, condemina ,  etc. probablement issue du pluriel condiminia.
Le mot est resté vivant dans le sud de la France, surtout le sud-est  jusqu’au département  de l’Aude. Dans la toponymie on le trouve jusqu’en Territoire de Belfort. (Voir dans le paragraphe Toponymie le lien vers le Pégorier).

Condamine-Chatelard (04)

A la base des significations dialectales actuelles est le sens « terre non soumise aux charges féodales ». 1
Dans les parlers franco-provençaux  condemine  signifie « prairie appartenant au seigneur », en dauphinois « terre arable » et en languedocien « bonne terre réservée dans un domaine ».

En catalan  coromina , conomina a pris le sens « péninsule dans un cours d’eau ».

Il y a la rivière et la réserve naturelle  Condamine  en Asutralie.

Condamine Australie

The Condamine is located at the headwaters of the Murray-Darling Basin in southern Queensland and is home to approximately 162,000 people. The Condamine River is a tributary of the Darling River, the longest river in Australia. The region encompasses all or part of 13 local governments and has an extensive network of Landcare organisations and sub-catchment groups.

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  1. Remplacez féodales  par sociales  et vous constaterez avec moi qu’il n’y a rien de nouveau sous notre soleil)

Bouirons ‘civelles’ et la pisciculture...

Les bouirons  sont les toutes petites anguilles, en français les « civelles : Jeune anguille, de la taille d’un gros ver, ainsi nommée à la fin de sa période larvaire,…TLF). En cherchant des attestations du mot arabic « espèce de moustiques », j’ai suivi les indications de E.Rolland Faune et j’ai retrouvé l’article du baron de Rivière sur les anguilles en Camargue intitulé :

Le baron  de Rivière1, un homme très cultivé, donne un aperçu de l’histoire de la pisciculture depuis l’antiquité.  Il fait des propositions pour  développer l’élevage des anguilles en Camargue. Il a beaucoup voyagé et il conseille aux pêcheurs camarguais de suivre l’exemple des Hollandais.  En effet l’élevage et la consommation de l’anguille  y est/était importante. Mais la capture des civelles pour le marché asiatique et la pollution  menacent la reproduction de l’anguille. Voir l’article dans Wikipedia. Plusieurs copains qui connaissent bien la Camargue, m’ont dit qu’il n’y en a plus pratiquement. Dans le cadre de l’Europe, il y a actuellement des tentatives de faire revivre l’aquaculture ou pisciculture des anguilles. Voir cet article en anglais.

tête de civelle de 12 jours

Dans ses  Considérations2 , le baron nous fournit plusieurs mots locaux camarguais.

Bouirons

      

L’ennemi le plus dangereux a été l’homme. Il n’y en a presque plus.

L’étymologie de bouiron  est le latin botryo, botryonem « grappe de raisins », mot emprunté au grec.   L’image ci-dessus explique bien l’évolution sémantique « grappe de raisins » > « grappe de civelles ». Antoine Thomas  nous fournit une signification analogue et une explication plus précise:

bouiron1Thomas

bouiron2

Le FEW (I, 467a) suit Mistral et  classe birounado  comme dérivé de bouiron. Comme il s’agit d’un article du FEW qui ne sera pas revu ni corrigé, j’ai consulté le LEI  s.v. botryo, -onem. Là, il y a une remarque intéressante concernant l’influence du grec dans la Gallia Narbonenis . Le grécisme botro se serait répandu à partir de la colonie phocéenne en Asie Mineure et le type botryone aurait été créé dans le latin parlé dans la Gallia Narbonensis, ce qui expliquerait la survivance de bouiroun « grappe de vers enfilés pour la pêche des anguilles » en occitan (cf. ci-dessous Mistral)  et botiro  avec le même sens   en catalan.

A plusieurs reprises nous avons constaté qu’un mot grec a été introduit en occitan et notamment en languedocien, directement par les Grecs et non pas par les Romains.  Si cette explication vaut également pour bouiron  c’est le grec βοτρυων évolué en botryon en latin languedocien de l’époque,  qui est à son origine.  Voir aussi l’article petas ou pedas.

Fréderic Mistral  a plusieurs significations et deux dérivés  dans son Trésor:

Bouiroun1 Mistral

 

Les autres mots camarguais que j’ai trouvés dans les Considérations  du baron de Rivière, sont:

Les pougaou « anguilles de 500 gr environ ».

Les bomarenques  « anguilles de 125 gr »

Les pounchurotes  « petites pointues » synonyme de lufru.

Les margagnons  ou  lachinansqu’on appelle  soufflards  dans quelques localités.

Le  cod  « filet à anguilles »

Les   boutiques ou bascules, appelés  serves   dans le Midi. Ce sont des bateaux percés de trous en communication avec l’eau.

Les  anguilles de dégout  et  dégoutter les anguilles.    Degouttar avec le sens  « égoutter » est un dérivé de goutte  du latin gutta qui avait le même sens. Le verbe  et le substantif   dégou(t) sont assez courants en est-occitan.

En languedocien il y a un dicton sé noun plóou dégouto  « se dit par rapport à tous ceux à qui échoit une chance au-dessous de leurs prétentions, mais encore passable »

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  1. Il s’agit probablement de Louis de Rivière, maire de Saint-Gilles. C’est lui aussi qui a démontré la possibilité de la culture du riz en Camargue.
  2. Consultable ici en format PDF: Considerations_Rivière