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Brassejá

Brassejá « gesticuler », brassetcher en fr.rég.(Lhubac), est un dérivé du latin brachium « bras » qui semble bien languedocien. On le retrouve en cat. bracejar  et espagnol  bracear. En ancien occitan brassejá signifiait également « mesurer avec les bras ».

La forme brassegá a  probablement été créée sous l’influence du mot boulegá. En français brasseyer se dit uniquement en parlant des voiles d’un bateau.

Aujourd’hui le 25 mars 2004, un politicien de Montpellier ayant une tête très catholique,   disait à propos d’un autre politicien connu de la Lozère, que celui-ci ne faisait que brasseger.

Brassejaire « journalier ». L’ancien occitan brasier « ouvrier, manœuvre ; celui qui travaille la terre avec les bras », dérivé du latin brachium « bras » a été conservé  dans ce mot languedocien. Voir TLF brassier

Brasselieiros « bretelles fixées à un tablier ou un jupon » (languedocien d’après Mistral), dérivé de  latin brachium « bras ». On trouve aussi la forme brasiêros avec le sens « lisière pour soutenir les enfants ».

Brassier « ouvrier agricole » voir brassejaire

Brasucado, brasa

Brasa, braso « charbon ardent », du germanique *bras- qui a le même sens. Cf.fr. braise mot vivant dans toute la Romania, excepté le roumain : it. bragia, cat. et esp. brasa et port. braza. C’est un emprunt aux langues germaniques très ancien.

Le verbe brasá  signifiait en languedocien « mettre des braises dans les sabots pour les chauffer ».

Le nom du pays le Brésil a la même origine : le pays a été nommé ainsi d’après le nom qu’on avait donné au moyen âge  au bois rouge (ancien français  bresil ou brasil) qui est propre à la teinture, et dont on trouvait de grandes quantités dans le nouveau monde.

Brasucado, «rôtie de châtaignes ». « La brasucade (en fr. rég.) consiste à griller des châtaignes dans une poêle à longue queue percée de trous sur un feu permettant de bien les enfumer ; de temps en temps on les fait sauter pour obtenir une cuisson homogène, puis on les décortique. » (source : site internet « La Vallée Borgne ».)

Le mot est pratiquement absent des anciens dictionnaires dialectaux. A l’exception du  dictionnaire de l’abbé de Sauvages,  je n’ai trouvé qu’une seule attestation à Ytrac près d’Aurillac dans le Cantal.

Il a connu un franc succès avec le développement du tourisme et des grillades et s’applique maintenant à tous les mets préparés avec des charbons ardents : brasucade géante « moules grillées » à Valras plage, brasucade – sardinade  à St Genies des Mourgues,  « escargots cuits » à la brasucado  à  Béziers, etc.

Au Vigan le club des séniors s »appelle « La brasucado« . En francitan brasucade est devenu synonyme de  grillade » (Lhubac).

D’autres mots pour « châtaignes grillées » : rabinelo , voir rabinar; castagnade voir castagno; bajanade, voir ce mot. Il semble que dans la région de Lamamou-les-bains cela s’appelle biroulade, mais je n’ai pas de confirmation de ce mot. Si vous le connaissez, contactez-moi! Un visiteur l’a fait! Il m’écrit:

Natif du Bousquet d’Orb, je confirme que faire griller des châtaignes sur un feu de bois se disait faire une biroulade.

Brasucado est dérivé du verbe brasucar « tisonner » qui est limité au  languedocien. Dans l’Aveyron se brasucá « se rôtir, se griller au feu, au soleil ».  Un des nombreux dérivés du germanique *bras- « charbon ardent ».

Brasucá « tisonner » (Lhubac). Voir brasucado ci-dessus.

Brandar, brandado

Brandar « secouer , brandado, brandada « secousse, agitation (Alibert) ; mets provençal composé de morue, d’ail et d’huile », prêté au français  brandade depuis 1788. Spécialité de Nîmes.

Vous  devinez que la préparation demande de secouer la casserole. (Actuellement on ajoute de la crème et utilise un mixer, mais jetez un coup d’oeil sur le site: http://chefsimon.com/brand.htm) .

Etymologie : brandado est dérivé du verbe occitan et catalan branda  « remuer, branler, bouger », un mot d’origine germanique brand « feu ; épée ».   Le premier sens est conservé dans occitan branda « brûler, briller » provençal brandon, languedocien brandoú  « rameau vert que le peuple va chercher à la campagne le dimanche des Brandons » (M) (parce que le 1er dimanche de carême on fait  des torches qu’on agite en chantant). Abrandar (Aude), embrandar (Hérault) « brûler » (Thesoc).

brandons

En Suisse et en Belgique la tradition des Brandons s’est transformée en carnaval.

Le sens « feu » se retrouve en néerlandais branden « brûler », brand « incendie » brandewijn « eau de vie » littéralement « vin brûlé », qui a pénétré jusqu’à Marseille brandevin (Achard), de là anglais brandy. Voir aussi anglais brand « marque » du verbe brand « marquer avec un fer chauffé», appelé chez nous ferrade. Allemand Brand « feu », français brandir ou dans néerlandais branding « ressac » néerlandais brandnieuw « brillant» littéralement : »flambant neuf », comme anglais brand new (voir à ce propos et l’évolution la plus récente en anglais le site World Wide Words), brandish « brandir ».
Le sens  « épée »   est conservé dans bran « lame d’épée ; épée » à Lasalle (30), ancien frison brand « épée », ancien anglais brand « torche ; épée».

L’évolution sémantique a dû être « brûler » > » briller » > « bouger, secouer »

De brand est dérivé le verbe brandá « secouer (un arbre) » (S) et brandado.
A la même racine brand se rattachent languedocien. brandello « farandole languedocienne », le barandelaire « danseur de la brandello » ; léger, étourdi » et le verbe brandussá « agiter, secouer ».  Alès brandinejá « battre le pavé ; fainéanter ». Mme Poveda cite pour le parler de la Camargue se desbrando  » se dit d’un cheval qui se regimbe subitement ».

Barracanàr

Barracanar « rayer de blanc, barioler » (Alibert), bracaná adj. «bariolé »  de l’arabe barrakan « tissu en poil de chamois ». L’ancien languedocien barracan « espèce de drap » se trouve déjà dans « La chanson de Ste Foy«  de 1060 environ qui a été écrite dans la région de Conques.

Ste Foy de Conques

Au cours des siècles barracan a désigné différents tissus. Il est attesté pour Alès avec le sens « camelot , une sorte de tissu « . L’abbé de Sauvages mentionne l’adj. bracaná avec le sens « bariolé ». Le mot nous est probablement venu à travers l’espagnol et/ou le catalan barragà. Voir baraquet

Poutargo

Poutargo « sorte de caviar », boutargat  « mulet (=muge) ayant son frai ». (Palavas).Cf. poutargue  Wikipedia

        Gargantua

Un dérivé de l’occitan boutargo ou poutargo « sorte de caviar fait avec des œufs de mulet, pressés, salés, séchés et épicés ».

La première attestation en français vient de Rabelais, qui donne la forme languedocienne avec b- :

« Grandgousier estoit bon raillard en son temps, aymant à boyre net autant que homme qui pour lors fust au monde, et mangeoit voluntiers salé. A ceste fin, avoit ordinairement bonne munition de jambons de Magence et de Baionne, force langues de beuf fumées, abondance de andouilles en la saison et beuf sallé à la moustarde, renfort de boutargues, provision de saulcisses » (Gargantua, Chap.3).

Il a dû apprendre le mot et apprécier le plat à Montpellier où il a séjourné à partir de 1530.

« Pissant doncq plein urinal, se asseoyt à table, et, parcequ’il estoit naturellement phlegmaticque, commençoit son repas par quelques douzeines de jambons, de langues de beuf fumées, de boutargues, d’andouilles, et telz autres avant-coureurs de vin ». Gargantua, chap. 21 (éd. Pléiade 1942, p. 86)

La recette du  Menagier :

Mulet est dit mungon en Languedoc, et est eschardé comme une carpe, puis effondré au long du ventre, cuit en l’eaue et du percil dessus, puis reffroidié en son eaue, et puis mengié a la saulse vert, et meilleur, a l’orange. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 237). (Source DMF s.v. orange)

La recette et le mot nous sont probablement venus de l’Italie. Un texte de Venise de 1320 mentionne déjà le butarigus et en 1585  Ogier de Busbeq écrit :

« de salsamentis, quæ Constantinopolim à Mæotide advehuntur, quæ Itali moronellas, botargas, & caviarum vocant » = « des saucisses qui de Maeotide (Palus Mèotide se trouve au nord de la mer d’Azov) sont apportées à Constantinople  et que les Italiens appellent  moronellas, botargas  et caviar « 

La boutargo est connu dans tous les pays méditerranéens. L’origine du mot est l’arabe butţarih « genre de caviar ». C’est la forme marseillaise ( ?) avec p- qui a été prêté au français depuis l’Encyclopédie en 1751, mais elle est absente du TLF.  Esp. botarga, it. bottarga, pg. Butargas.
Il semble que dans notre région la poutargue est restée comme une spécialité de Martigues, la «  boutargo  ou caviar de Martigues ».