cat-right

Esglajà, glaoujou

Esglaja « effrayer » est un dérivé de l’ancien occitan glai s.m. « effroi » (XIIIe s.). La famille de mots dont esglaja  est surtout attestée à l’Est du Rhône et se retrouve dans les parlers du Nord de l’Italie.

L’étymologie d’esglaiar, un dérivé de gladius « épée », demande un commentaire. Le verbe esglaiar signifie en ancien occitan  » tuer avec une arme », mais aussi « effrayer, intimider ». C’est ce dernier sens qui a survécu en provençal. L’explication de l’emploi au figuré de glai « épée » donnée par von Wartburg (FEW) se trouve dans l’Evangile où gladius est utlisé pour décrire la douleur et l’effroi de la Vierge à la mort du Christ. Par exemple dans Lucas 2.35 : et tuam ipsius animan pertransibit gladius.

A partir du pluriel gladii > gladî a été formé le substantif glazi « épée » en ancien occitan, et nous trouvons le même emploi au figuré dans les dictionnaires de l’occitan moderne comme dans le verbe glasí « effrayer » (Gers), esglariat « effaré, emporté, hors de soi » (Marseille) et eglaria donné par l’abbé de Sauvages (S2).

Dans les dialectes du Nord et en français jusqu’à la fin du XVIIe s, glai prend le sens du dérivé latin gladiolus « glaieul », qui a donné glooujou, glaujou, glauïol en occitan, néerlandais gladiool, allemand Gladiole.

                                              

Pour une explication de la forme glaive « épée » dans la langue d’oïl, et en anglais voir le TLF.

Escoubilles

Escoubilles « balayures », vient du latin scopiliae « balayures » mais en fr. rég. de Gignac on fait un « ragoût d’escoubilles ». Ce ragoût est très proche de celui qu’on appelle le quincarlotat. La différence ?? J’ai l’impression que dans le « ragoût d’escoubilles » il y a des restes. Si cette dernière supposition s’avère, on doit admettre que ces restes sont considérés comme des « balayures » qu’on jette normalement. Confirmé dans un blog : « quant au ragoût d’escoubilles, il s’agit d’un plat cuisiné avec des restes (les escoubilles) de viande et de saucisse, accompagnés de légumes et servi en ragoût ou en croustade. »

A Cabrières (Hérault) le mot DAUBE « daube » a été traduit par fricòt* d’escobilhas° (Thesoc)

Ici vous trouverez une recette du ragoût d’escoubilles. Pour la quincarlotte on coupe du mouton en lamelles, ce n’est pas pareil.

L’ Image concerne une autre recette (cliquez ici)

Ailleurs dans d’autres  localités (et d’autres blogs)  les escoubilles sont maintenant les « poubelles » ou même la « décharge ».

Escanar

Escanar  » étrangler, étouffer ; resserrer, égorger ; crier à tue-tête  » n’a rien à voir avec le scanner, un mot anglais emprunté au latin scandere « monter, grimper » et qui au 16e siècle a été utilisé pour  » scander des vers « . A l’époque, les élèves frappaient de leurs mains ou de leurs pieds à chaque syllabe accentuée pour en marquer le rythme montant ou descendant des vers. » Le sens « regarder attentivement » date de 1540 et son contraire dans scan a page « jeter un coup d’oeil sur une page » en 1926. Je ne sais si mon scanner est supposé de regarder attentivement ou superficiellement.

Notre escanar est dérivé du substantif canna  » roseau, tuyau  » que les Romains ont emprunté aux Grecs. A partir du sens « tuyau » beaucoup d’autres se sont développés : cheneau « robinet, bobine » ; cannelle ; occitan cano  « mesure de longueur : 1.98 m (voir cet article); bâton et de là jambes en argot ; cruche, cannette ».

Celui qui nous concerne est : « trachée-artère » dans l’expression canne du poumon.  Ex + canna + are prend alors le sens de « achever de tuer, un porc par exemple ; égorger « . Le mot est bien occitan, attesté avec le sens « égorger » de la Val Soana jusqu’en béarnais. Dans le Midi on aime les expressions fortes. A Alès par exemple s’escanà veut dire « travailler dur, s’éreinter ».

                          canna canne du poumon

escanada

Deux problèmes :

Mathon donne dans son site : escana « chapardé « , escana « chaparder » et escanaïre « chapardeur » . (Nîmes) Ce sens est confirmé par mon copain de Manduel. Escana « dérober » est attesté comme mot marseillais et dans des dictionnaires d’argot depuis 1838. A quel sens de excannare faut-il le rattacher?

Le « bleuet » (la fleur ou l’oiseau ??) est appelé escanapols à Saurat en Ariège; confirmé sans localisation par Alibert.

Michel Wienin commente et ajoute:

ESCANAR.           Pas de problème pour le sens initial d’égorger avec extension à étrangler (resté dominant en Lgdc sud) : quand j’étais petit les grands garçons jouaient à l’escanette chacun étranglait l’autre jusqu’à ce qu’un des deux abandonne ; jeu bien sûr interdit à l’école !). les sens dérivés suivent la même logique qu’en français : prêter à taux usuraire : escanaire = étrangleur, escanador = coupe-gorge d’où escroquer (dominant Provence et Lgdc est) puis voler, chaparder etc. Un usurier  ou un prêteur malhonnête est qualifié d’escana-cat (il ferait rendre gorge à un félin).

 

 

Escampar "jeter"

Escampar « répandre, faire couler (du vin), distribuer », intransitif « jaillir »; escampa d’aigo « pisser ».

Ce verbe composé de ex + campus + are est attesté en occitan et en franco-provençal depuis le moyen âge.  En ancien occitan un escapaire est un « dissipateur ». Quand on répand des solides dans des champs, on le jette en général,  de là escampar « jeter, lancer » et s’escampar « s’élancer » verbe fréquemment utilisé dans la course camarguaise. 

En français régional escamper « jeter à la poubelle » vient de l’occitan et non pas de l’italien. (Lhubac)

A ne pas confondre avec l’italien scampare « échapper » provençal escampo « prétexte, échappatoire » d’un *excappare « échapper », influencé par notre escampar. Sur le web en occitan on trouve les deux significations pour s’escampar. Il s’agit d’homonymie.


D’après le TLF le verbe  escamper « s’esquiver » vient du provençal et   escamper  « jeter, faire disparaitre » de l’italien « scampare », mais le verbe italien n’a pas cette signification.

Escambarlat

Escambarlat « qui a un pied dans chaque camp ». est un mot utilisé par René Merle dans sa conférence donnée à la Société d’histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard, le 19 octobre 1991, intitulée Nimes et la langue d’Oc. Voilà un mot qui serait bien utile dans les discussions politiques, mais qui n’existe pas en français. En France il faut choisir, (jambe) gauche ou droite. Le sens figuré que lui donne René Merle est déjà attesté en béarnais au XVIe siècle : escarlambat « celui qui, pendant les guerres de religion, marchait avec les deux parties ».

Escambarlat est dérivé du latin camba, gamba « articulation entre le sabot et la jambe du cheval » qui a remplacé le latin classique crus dans presque toutes les langues romanes, à l’exclusion des langues ibéro-romanes et une partie du gascon qui l’ont remplacé par le type perna « cuisse des animaux, jambon », espagnol pierna ‘jambe’. Camba a été emprunté au grec kampè ‘articulation’ d’abord par les vétérinaires. Ce mot montre clairement que le latin que nous parlons est une langue populaire.

    
Une analogie ?

Escambarla « enjamber » s’escambarla « se mettre à califourchon, écarter les jambes », est limité à l’occitan et au franco-provençal; il est peut-être composé avec ou influencé par cabal ‘cheval’. L’abbé de Sauvagesajoute qu’il est « indécent d’écarquiller les jambes en compagnie » et il ajoute l’adjectif escambarla ‘libertin, celui qui est libre dans ses propos’.

Tiré du livre de André BERNARDY «Les sobriquets collectifs (Gard et pays de langue d’Oc)» – AHP – Uzès. Et Jean-Marie Chauvet – Historique de la commune de Rodilhan.Lenga de Pelha.

« A Bouillargues, les gens avaient tendance à marcher les jambes écartées. Est-ce la pratique du cheval qui avait provoqué cette déformation générale, propre aux cavaliers, et cela parce qu’ils utilisaient leurs chevaux de labour pour aller à la rencontre des taureaux lors des «abrivados» ? Ou bien, au temps des guerres de religion, jouaient-ils le double-jeu et avaient-ils un pied dans chaque camp ? Ou bien leur déformation était-elle congénitale ? Ou bien encore était-elle sortie de l’imagination de leurs voisins ? Qu’importe, ils furent bel et bien «lis escambarla» ou jambes arquées. »  Voir le site généalogique de Rodilhan.

    
deux escambarlats