cat-right

begado, vegada ‘fois’

Dans l’article de Gratien Charvet, Coutumes de Remoulins, le mot vegada apparaît de nombreuses fois. Par exemple dans cette interdiction de laisser des tas de fumier dans les rues:

vegadaCoutRemoulins…sous peine d’une amende de 4 deniers chaque fois que il leur sera notifié d’enlever les dites femorasses et et, pour le méfait, une quarte (du latin quartus « mesure de blé) de blé pour la Charité (les pauvres de Remoulins). Le texte date de 1500.

Le mot femorasses est une création et prouve que le suffixe péjoratif –asse était déjà en vogue à l’époque. A ajouter à FEW III, 542

Begado (Langedocien), vegada,  « fois » en provençal  vient d’un bas latin *vicata dérivé du latin vĭces « fois »   conservé en ancien occitan  dans autra vetz « autrefois »  et en languedocien moderne dans alabetz « alors », en béarnais arabets. (FEW XIV, 410).

Dans la Haute Garonne et le Val d’Aran begado a pris le sens « troupeau de vaches » mais d’après le Thesoc begado avec le sens « troupeau »  a été remplacé par bacado dérivé de  vacca « vache ». Les deux mots se ressemblent beaucoup, trop  peut-être.

En occitan le  type beagdo, vegada  est fortement concurrencé par le type cop littéralement « coup », et même par viatge « voyage »  dans la Haute-Loire et beaucoup de voyages en Suisse.

Ci-dessous la carte  du Livre Lectures de l’ALF , par G. Brun-Trigaud, Y. Le Berre et Jean Le Dû.

Pas de vegada du tout!

Pas de vegada du tout!

Mais en Suisse.   On pourrait comparer l’ALF à une photo  et le FEW à un film. Voir l’article vicata.

 

 

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqu...

Simbel, « appelant » mais aussi « abruti, fou, emmerdeur (Covès, Sète à dire).  Alibert  l’écrit cimbèl.

La graphie  cimbèl imposée par les Occitanistes, pourrait être l’occasion d’un débat sur l’ORTHOGRAPHE de l’occitan.  Alibert nous fournit même 3 graphies différentes suivant le sens du mot :

  • cimbala « cymbale »,
  • cimbel  » ligne, signal, enseigne’ Toulouse, Cévennes; appeau, clochette, pour bêtes à cornes. » Rouergue «  »taureau conducteur »; au figuré  » cause sujet, occasion » Far cimbèl « être dans l’attente ».
  • cimbol  « clochette, grelot ».

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.

La justification de la graphie avec c- est l’étymologie cymbalum, mais pourquoi pas cymbel ?

Pour toutes les significations que cymbalum « cymbale » a prises  principalement dans les parlers occitans voir le FEW II, 1611.  lien direct.  Les sens  fournis par Covès donnés ci-dessus, n’y sont pas. Il doit s’agir d’une évolution locale, suggérée par le mot simplet ??

Blette

N’ayant jamais vu la blette avant de m’installer dans les Cévennes, j’ai cru qu’il s’agissait d’un légume  méridional et d’un nom occitan. On me disait  blette, bette  c’est pareil.  Mais Wikipedia a éclairé ma lanterne, et le

 

beta vulgaris L. subsp.vulgaris

beta vulgaris L. subsp.vulgaris

le TLF s.v. blette  donne la description que voici:

Ac. 1798 et 1932 donnent la forme blette (cf. aussi Littré, Rob. qui renvoie à bette). Ac. 1835 et 1878 admettent blette ou blète (cf. aussi Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Pt Lar. 1906, Lar. encyclop., Guérin 1892, DG et Quillet 1965). Besch. 1845 écrit : ,,blette mieux que blète« . La forme blite se trouve dans Ac. Compl. 1842 (qui renvoie à blette), Besch. 1845 et Lar. 19e(qui la traite comme un synon. de blette). La majorité des dict. signale que la plante de la famille des chénopodées a également le nom de épinard-fraise (cf. par ex. Lar. 19eet Littré). Elle signale aussi que blète ou blette est le nom que l’on donne dans certains pays à une variété de carde ou ,,poirée qu’on nomme plus souvent carde poirée«  (Ibid.). Homon. et homogr. Cf. blet. Étymol. et Hist. 1379 (Jean de Brie, Bon Berger, 149 dans T.-L.); 1790 blete ou blite dans Encyclop. méthod. Méd. Empr. au lat. médiév. bleta, forme citée dans André Bot., attestée aux ixexies. (Glossae latino-theodiscae, III, 549-50 dans Mittellat. W. s.v., 1507, 68) croisement du lat. bēta « bette, poire » (Pline, Nat., 19, 113 dans TLL s.v., 1942, 45) et blitum de même sens (gr. β λ ι ́ τ ο ν) le rapprochement entre les deux mots est très anc. en lat. (Plaute, Pseud., 815, ibid., 1942, 30); blite serait un empr. dir. au lat. blitum; v. aussi bette.

FEW I, 410 :

FEW blitum

Déjà en latin bēta « beta vulgaris vulgaris » et blitum « amaranthe » sont confondus. Le FEW a rangé dans l »article bēta  « blette » toutes les formes avec –l-    qui désignent les « bettreraves » ou la « poirée » comme par exemple l’ancien occitan blet et bleda.   Le maintien du -t- intervocalique  dans les parlers galloromans  n’est pas expliqué.  On a pensé à une origine celtique, mais il n’y a pas  d’attestations.

FEW I,  344    beta « mangold » (= blette).  Lien direct.

La première attestation de bled « betterave »  vient de l’ancien occitan. On  trouve blet, blette « betterave, poirée » surtout dans les parlers de l’Est de la France, de la Meuse jusqu’au  franco-provençal et l’occitan. Pour le sens « amarante, blette »  voir ci-dessus.  Le mot n’est bien attesté  en français que depuis le XVIe siècle. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une influence des parlers occitans ou de ceux de l’est.

Dans de nombreux parlers occitans  la betterave s’appelle la blétarabo, blétorabbo  (beta rapacea L.). Voir Rolland Flore 9, 142-148

 

 

taular ‘verser un véhicule’

Taular « être à table, mettre la nappe » mais aussi « verser (une voiture) » d’après Alibert. Lhubac confirme pour le français régional à Gignac :  » Simon et son gosse ont taoulé avec la charrette ».  L’étymologie doit être le latin tabula « table », mais l’évolution sémantique n’est pas évidente.   Tabula  signifie aussi  « planche » , taula en ancien occitan.  A partir du sens « planche » le mot est appliqué à d’autres objets plats, comme une lame d’acier, une tablette de cire ou un rayon de miel toouleto à Die. Le Littré et le Larousse de 1872 connaissent la table à roue « une large jante circulaire »,  plus spécialement « Table à roue, large jante circulaire, liée au moyeu par des rais en bois léger et servant à doucir les grandes glaces » .mais le sens « jante » n’est  attesté que dans les patois languedociens : cliquez pour les voir dans le FEW XIII/1, p.16 colonne b au milieu.

Le verbe taular avec le sens « verser un véhicule » ne se trouve pas dans le FEW, mais on y trouver tabler avec le sens « plancheïer ». Je pense que le sens « verser » correspond à  cela  « étaler sur le sol ». Si vous avez une meilleure idée, faites me le savoir.

 

taulé

Littré connaît aussi table « Dans certaines provinces (Languedoc, Provence), poids de table, poids à l’usage du pays qui différait du poids de marc. ». Si cela vous intéresse, consultez Wikipedia.

Agachar ‘regarder’

Agachar « regarder attentivement, guetter, épier ». L’étymologie est composé du préfixe ad- et un verbe dérivé du francique *wahta« sentinelle, homme qui fait le guet », conservé également en allemand die Wacht  « la sentinelle »,en anglais to watch « être alerte, regarder attentivement », néerlandais wacht « sentinelle ».  1

Nombreuses attestations en ancien occitan dans le Dictionnaire de l’Occitan Médiéval  s.v. agachar et dérivés comme agachonar «  pourvoir une borne de témoins » une activité du géomètre « arpenteur »  comme Bertrand BOISSET. Voir mon  article canna.

agachon canadien

agachon canadien

La langue s’adapte toujours au besoin des utilisateurs. R.Covès signale dans son Sète à dire le mot sétois agachon « cabanon de chasseur », qui dans l’expression chasser en agachon signifie « chasser en apnée au fond de l’eau en attendant le passage d’un poisson à portée de fusil ».

en agachon

en agachon

Agacho signifie aussi « baliveau » en provençal d’après Thomas dans Romania 41, p.61  que je copie ci-dessous pour montrer que les linguistes ont lutté  après la réforme proposée par P.Meyer en 1905 (! ) pour une simplification  de l’orthographe. (Lien directe vers son rapport). Une lutte hélas perdue,  qui coûte au moins un an d’études  à tous les Français, avec les résultats qu’on sait.

agachoRomania41_61

 

  1. FEW XVII, 451-457, agachar p.456