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Estivenques

Des estivenques.

     

           Où peut-on encore trouver ces petits escargots sur les menus des restaurants ?   D’après Sylvain, auteur d’un site qui a disparu, on trouvait dans les années soixante encore dans les rues de Marseille  «  la marchande de limaçons dont le cri était phonétiquement : à l’aïgue sont, les limaçons pour la rime, et petit escargot à l’eau salée pour la signification. ». Confirmé par Marius Autran dans le lexique de La Seyne : Aigo-sau « aumure, eau salée, mets de poissons bouillis (litt., eau et sel). A l’aigo sau ! : C’était l’appel du marchand d’escargots et de limaçons blancs. » Sylvain décrit les estivenques : « Ces limaçons sont une espèce de petits escargots, quelquefois aussi appelés colimaçons ou limaces, que l’on trouve en été sur les fenouils montés. Le diamètre est de un centimètre à un centimètre et demi environ. La couleur part du blanc (attention, pas blanc immaculé, c’est une autre espèce un peu plus petite) au marron clair en passant par toutes les nuances de beige, avec des stries plus nuancées qui épousent la spirale de la coquille. La chair est beige translucide. »

Voici une recette de Claude Viallat Estivenques à l’huile d’olive, a été publié par la Gazette de Nîmes dans un petit recueil Les Nîmois livrent leurs secret de cuisine. 30 recettes du Sud. 

           Mistral  écrit dans le Trésor du Félibrige que  estivenco  désigne dans le département de l’Hérault un « escargot d’été ». Il doit s’agir du colimaçon dont le nom scientifique est « hélix vermiculata L. » ou « eobania vermiculata ». Comme il s’agit d’un escargot d’été  l’étymologie  est transparente ; il doit avoir la même origine qu’ estiu « été .» En effet il est dérivé du latin aestivus « qui a rapport à l’été » à l’aide d’un suffixe -incu.

Estivenc avec le sens «qui a rapport à l’été » se trouve déjà dans des textes en ancien provençal. Il a le même sens dans de nombreux mots occitans, comme albenc « vêtement ou couverture de couleur blanche », blavenc « bleuâtre » et  dans notre  département La Gardonnenque. Ce suffixe qui date d’avant les Celtes semble bien vivant dans notre langue occitane.

Ces mêmes escargots blancs s’appellent aussi missounaire, missounenque ou mourguéto. Glibert Lhubac donne pour Gignac (34) le mot cagaraoule et le diminutif cagaraoulette. D’après lui ce mot est devenu un générique pour plusieurs espèces de petits escargots dont le Cernuella variabilis qui grimpent vers la fin de l’été sur les tiges des fenouils mais aussi des graminés.  Il ajoute que le mot meisonencas est provençal.

Estobla

Estobla « chaume, paille »  vient du latin stipula > latin parlé stupula. Un visiteur me donne l’information suivante :

on appelle la mante réligieuse: lou prego-Dièu d’estoublo ou de restouble, ce qui se dit aussi d’une personne maigre et pâle.

stipula « chaume, paille » < latin vulgaire stupula

C’est un des nombreux exemples qui montrent que les Occitanophones sont particulièrement avantagés pour l’apprentissage des langues étrangères.

  • > provençal. estoublo « terre en chaume »; dérivés estoubloun « chaume »; restoubla « remblaver sur le même terrain, recommencer »; restouble « champ en chaume ».
  • > catalan estapolany  » 1.Petit bouchon 2. Bastó amb un tros de drap o d’estopa lligat a l’extrem emprat com a tap o per a altres usos « 
  • > néerlandais stoppel  « paille, chaume coupé; poils de barbe courts », allemand Stoppel.

    stoppelbaard

  • > (champenois étieuble, équiole >) français étioler > anglais etiolate .
  • >ancien français estuble « chaume qui reste sur le champ » (> moyen anglais stuble) > anglais stubble(s), stubbled, stubbly, (adjective), unstubbled (adjective).

Latin stipula a donné le verbe > stipulari « exiger un engagement formel, stipuler » (on rompait une stipula « paille » en signe de promesse) > français stipuler, > anglais stipulate, catalan, espagnol estipular, néerlandais stipuleren.


Estoc

Estoc Un visiteur m’écrit: : à Marseillan et ici, les locaux désignent la rive sud-est de la lagune de Thau en disant : les tocs. J’ignore s’ils l’écrivent ainsi ou thoc. En français maritime classique on a appelé « étoc » un recif.

J’ai pu lui répondre: Dans le TLF je trouve: E(S)TOC : SYLVIC. Coupe d’un bois qui n’en laisse rien subsister (cf. coupe blanche). Synon. vx blanc-être. Couper à blanc-étoc . Étymologie : un ancien francique stok « souche, tronc d’arbre ».

Mais le problème est que ce mot avec ce sens n’existe nulle part en occitan. En occitan estoc désigne » un grand bloc de bois sur lequel les serruriers et les forgerons fixent les pièces qu’ils travaillent : Marseille estoq, Aix en Provence esto, Lozère éstok etc. Ensuite j’ai trouvé à Gap toc « pieu » et dans le Cantal estocado « pieux de soutien dans un barrage », qui correspondent à un ancien français estoc « poteau, pieu ». Alibert donne estoc « étau » , mais il n’y a aucune confirmation dans les dictionnaires occitans. Ceux-ci viennent bien du germanique stok, néerlandais stok « bâton ». Pour être sûr, il me faudrait une photo de la rive sud de la lagune, peut-être même une ancienne photo pour voir s’il y a(vait) des estocs.
L’origine du terme stock-options n’est pas tout à fait clair.

Estaque « tronc d’olivier » dans Lexique de Labrusse. L’Estaque à Marseille dont l’étymologie est discutée.

Estocs?

Estocs?

 

estourelhà

estourelhà  « faire sécher devant le feu » voir l’article tourin, touril.

D’autres dérivés bien languedociens sont les verbes se tourilhà , se tourrouya  ‘se chauffer, se câliner devant un bon feu », qui en gascon  devient  estourelhà  « faire sécher devant le feu ». L’abbé de Sauvage connaît la forme  s’estoulouirà « se câliner au soleil ».

Estòussá ‘élaguer, émonder’

Dans le Manuel d’agriculture et de ménagerie qu’il publie à Toulouse en l’an II (1793-1794), le citoyen Fontanilhes1, à la suite des Physiocrates et dans le contexte de pénurie qui est alors celui de la Révolution, se propose d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne.

L’auteur, pour être plus efficace utilise des mots régionaux, comme étaussage

« On appelle « rames »  l’étaussage 30 qu’on fait tous les deux ans, en Vendémiaire, des peupliers, saules, frênes, et tous les trois ans des chênes, en ménageant une coupe suffisante pour cha­que année. On met cet étaussage en fagots, qu’on fait sécher à demi ; on les enferme ou garantit avec soin pour l’hiver. La feuille étant dévorée par vos troupeaux,le berger ou métayer, qui ordinairement a fait l’étaussage à ses frais, se chauffe du bois qui reste. »

Etaussage « élagage, émondage ». D’après le FEW il s’agit d’un mot d’origine préromane *toutio- , *tautio-, *tottio- « tête, pointe » qu’on trouve en galloroman, italien et ibéro-roman.

Le dérivé estaucier signifiait en ancien français « tondre, tailler les cheveux » et en moyen français « tailler une haie vive, couper les grosses branches d’un chêne ».  Le FEW n’a pas d’exemples de l’occitan de ce verbe, mais il y a pas mal d’autres mots qui ont la même origine et qui sont attestés notamment dans l’Ariège, comme tàous « rocher », tàousou « petite élévation, éminence », tos « sommet » et tos dans plusieurs parlers gascons avec le sens « tronc d’arbre, auge ».

FEW XIII/2,132 *toutio2 est à compléter.

Google fournit 4 attestations du mot étaussage, dont le dernier date de 2007:

étaussage S.Fauchereau

Google fournit plus de 70 attestations du verbe étausser, dont celle de Charles Menière, auteur du Glossaire angevin étymologique comparé avec différents dialectes 1881, qui aimerais le rattacher  au celte:

etausseerAngevin

Slatkine l’a réimprimé, de sorte qu’on ne peut pas le consulter sur le web. Mais heureusement l’auteur  l’a publié également dans les Memoires de la société académique de Maine-et-Loire tome 36, 1881, page 191 ss qu’on peut  consulter grâce à Gallica. Pas la peine de dépenser 21€.

D’après la BDP le patois de Segré (49500, Maine-et-Loire) a été particulièrement mis à contribution.

Sous têtards il écrit:

tetard C.MénièreAngevin

  1. Voir l’article de Christine Belcikowski

Èstra "balcon"

Èstra « balcon, fenêtre » vient de  extera  la forme pluriel neutre de exterus   « ce qui se trouve dehors ».

Estre  a aussi existé en français et  se retrouve dans les parlers du nord et de l’est du galloroman. En occitan il est plutôt limité au provençal et l’auvergnat.

Suivant les localités  èstra  prend des sens plus ou moins spécifiques,  comme dans la haute vallée de l’Ubaye « balcon où l’on met sécher le bois à brûler », en Auvergne éstra, étra est la « petite terrasse en saillie, en haut de l’escalier extérieur en pierre et qui est couverte par un toit ».  En francoprovençal étre a pris le sens spécial de « aire pour battre le blé ».

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estro en Auvergne

Un  estroun  est un « petit balcon » à Barcelonnette,  et une « lucarne » en limousin.

A Die existe le mot esseis  « les êtres de la maison » , d’après le FEW un emprunt au français qui subi l’influence du verbe être   du latin essereUn peu étonné par cette étymologie , j’ai demandé à Han Schook, excellent connaisseur du parler de Die, ce qu’il en pensait. Il m’a répondu

« los èsses » (pron: louzèssei, avec vocalisation du s du pluriel)  son en effet  « êtres de la maison ».  A mon avis il n’y a pas de confusion entre  estro   et  èsses. En Diois le verbe « être » est  èsser (pron: èssé), ou le moins courant  « estre« . Comme en français  être,  diois  « èsse » peut servir comme substantif pour désigner des personnes.  Exemple:
Nosautres, sièm quatre èsses, e vosautres, siètz nòu a la meison.

Je suis sûr qu’il a raison. « los èsses » diois n’a rien à voir avec les balcons.

Estrida

Estrida « briser et éparpiller les mottes de fumier » et l’estridaire à Laguiole dans l’Aveyron. Voir tride

Estront

Estront « étron, fiente », attesté dans les Landes et les Pyrénées-Atl. avec la spécification de bacca et le sens « bouse de vache ».  Il ne peut pas s’agir d’un emprunt au néerlandais stront « étron, fiente » et être attribué à l’influence des touristes venus des Pays Bas.c

C’est un emprunt aux langues germaniques *strunt, même si la première attestation vient d’une glose latine du IXe siècle : strundius sive struntus. . On le trouve en néerlandais et dans les patois allemands voisins (Aix-la-Chapelle), en bavarois et dans le Tirol. L’italien stronzo et le piemontais strons ont la même origine; comme le français étron d’ailleurs. Il y a des attestations dans toute la Galloromania, mais l’utilisation d‘ estront pour la bouse de la vache est rare (Thesoc).

Etron manque dans les questionnaires des atlas linguistiques, ce qui donne une faussi image de la répartition géolinguistique du mot.

Esturio

Esturio « filet de pêche utlisé dans les étangs du Bas Languedoc » (Mistral), en Gironde une estoueyre est un « sorte de tramail pour prendre des soles, etc ».
Etymologie : latin storea « natte » qui s’est conservé autour de la Méditerranée, dont l’italien stora, mot emprunté au XVIIe siècle par le français  pour nommer les  stores.

En languedocien estori a pris le sens « incapable, imbécile, crétin, etc. » Cet emploi métaphorique ne m’est pas clair.??

Euze

Euze « yeuse, chêne vert »  ou « quercus ilex ». Etymologie est le latin  ēlex,  ēlicis « chêne vert »., une variante régionale de l’Ombrie du latin īlex, īlicis.  Ce dernier a été conservé dans le sud de l’Italie et en Sardaigne, tandis que   ēlex est à l’origine des formes nord-italiennes, occitanes.   Attesté en ancien occitan elzer à Montpellier en 1179. A l’est du Rhône nous trouvons une forme avec -v- :  eouve, que Ronjat, Grammaire istorique des parlers provençaix T. 2,127  ne donne pas d’explication, mais constate que l’insertion d’un –v- précédé d’un -[w]- n’est pas rare.

Le dérivé provençal  euziera , languedocien éouzieiro désigne un « lieu planté de yeuses ».

Nous retrouvons l’adjectif  dérivé ilĭcīna  » du chêne vert »  devenu aussi substantif et qui a donné l’espagnol encina,  le portugais enzinha et le catalan alsin,  dans les département du sud-ouest du Languedoc  à Lézignan et dans l’Aude auzino,  dans  l’Ariège alzino et dans la Haute Garonne.  L’abbé de Sauvages écrit:

éouzino « gland de chêne-verd », Car d’ëouzîno « chair ferme ».  Il explique « Les cocons nourris de glands ont la chair plus ferme et de meilleur goût. On trouve en Espagne une espèce de chêne-verd dont les glands ont le goût de la châtaigne & sont bons à manger… »

Plus d’attestations dans le Thesoc:

ause°° HERAULT.;   ausin AUDE, HERAULT.; ausina ARIEGE, AUDE, HERAULT, PYRENEES ORIENTALESeuse ARIEGE, AUDE, HERAULT, PYRENEES ORIENTALES.

lèuge GIRONDE, LANDES. ; leugièr°° avec agglutination de l’article et le suffixe –ier dans ARIEGE, HAUTE-GARONNE, GIRONDE, LANDES, LOT-ET-GARONNE

Leuge casse léuge comme adjectif dans DORDOGNE, GIRONDE, LOT-ET-GARONNE.

Valleraugue élze  et plus d’informations dans le FEW 4, 544-5

Français yeuse a été emprunté à l’occitan avec adaptation de la prononciation.

Une belle photo faite par le Docteur Pierre Elzière

yeuse "quercus ilex"

quercus ilex