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Croto

Croto « voûte » (S), cròta « crypte; grotte; cave; voûte; souterrain voûté » (Alibert). Dans le Compoix de Valleraugue (1625) on trouve le mot crotte : « Cave qui peut servir de rue » : « leur maison d’habitation contenant de maison crotte deux cannes un pan compris le passage qui est sur la crotte et au chef de la maison de Pierre Liron ». D’après l’IGN il y a 57 Crotte et 34 Crottes en France plus les dérivés et composés.  Les Crottes  est un quartier bien connu  de Marseille XVe.

P.Blanchet cite le proverbe bouono croto fa bouon vin.

L’étymon est latin crypta, un emprunt au grec. En latin crypta désigne « une galerie couverte servant de passage » et « cloître fermé, entourant la cour des villas et servant de cellier » et même « passage souterrain, tunnel ». Le sens que crotte a dans le Compoix est celui de mot latin.

    

Labeaume (07). Manduel (30)

Ces passages étaient souvent voûtés. comme celui-ci de Labeaume (07). Le mot crota va donc signifier « voûte » principalement en franco-provençal et en occitan. La cave de la maison est également voûtée. Il est normal qu’elle reçoit le même nom : crota. Pourtant les attestations sont pratiquement limitées à l’occitan. Les Romains se servaient de la crypta comme « cellier », sens qui a été conservé dans de nombreux patois. En montagne ce sont les grottes naturelles que l’on compare à des caves , par ex. à Lasalle (Gard) croto « caverne ». Le même mot a été emprunté au latin :  néerlandais krocht « crypte; grotte » et breton groc’h (Vannes), allemand Gruft, anglais croft .1 :un petit terrain près d’une maison 2. une pette métairie (mot rare).

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Au XVIe siècle la grotta joue un rôle important dans la poésie italienne de la Renaissance et Ronsard l’a rendu populaire en France dans ses Meslanges. Les paysagistes de l’époque créaient des grottes artificielles dans les jardins. Depuis le mot a été adopté par toutes les langues occidentales : catalan, espagnol, portugais gruta, allemand Grotte, néerlandais grot.
Le dérivé grotesque ‘dessin capricieux’ qui vient également de l’italien a suivi un autre destin. Le point de départ a été le genre de grottes artificiels comme ci-dessous.

ou celle du Linderhof en Bavière : grotte de Vénus

Le webmaster du site qui contient le Compoix de Valleraugue de 1625 me donne les renseignements complémentaires qui voici: Crotte, ce n’est pas une injure, il s’agit de la cave voûtée servant de fondation (pede) ou de sous-sol dans la presque totalité des maisons de Valleraugue en 1625. On disait même maison crottesque (crotte_1.jpg) [compoix de Valleraugue 1625 tome 1 page 29]. Quelques fois, la rue passait et passe toujours sous la maison donc par sa crotte. C’est le cas de la maison de Thomas Serre, qui héberge actuellement la mairie de Valleraugue .(crotte_2.jpg) [compoix de Valleraugue 1625 tome 1 page 110], espace bien conservé.

Sur les crotté (Breil) et les casouns (Saorge) remarquables dans le Mercantour suivez le lien.

Cruc 'cime'

Cruc« cime de montagne » (ALF), cruca « tête, crâne » en limousin, Périgord, Agen; cruc pelat  « tête chauve » à Teste  viennent d’un gaulois *krouka  « cime » et appartient à une famille pré-indo-européenne *carra « pierre ». Voir  l’article Crau.

Cuca

Cuca s.f. « lente; chrysalide; vermisseau; chenille; mite; artison; petit insecte » . Dérivés cuquet même sens; cuquetar « vétiller, agir avec avarice ». (Alibert).

Attesté en ancien occitan depuis environ 1350 avec différentes significations, mais toutes dans le même champ sémantique : « chenille; sorte de vermisseau; blatte; ver luisant (Lomagne); ver du fromage, etc. » et un emploi au figuré en béarnais: cuque « blatte; femme qui vit en sauvage ». Dans la même région on a créé escucá « détruire les cafards » et escucatá, acucá  » se blottir, se tapir à la manière des blattes; encucá « s’enfermer comme des blattes qui se terrent ». Cuca « lente » est largement attesté dans l’Ariège et dans 4 villages de l’Aude cf. Thesoc.

 

L’étymologie est inconnue. FEW XXIII, 274a-b. Il s’agit probablement d’un emprunt au catalan, avec u > ü , sous influence de nombreux mots qui ont cette même correspondance.

D’après le Diccionario de la lenga espagnola, l’espagnol cuca s.f. ou cuco subst.masc.(!), qui peut avoir un sens très proche, serait d’origine onomatopeïque: : De or. onomat.; cf. lat. tardío cucus y gr. kokkuts. Il semble que Corominas, que je n’ai pas pu consulter, a une proposition… Dans un dictionnaire catalan je trouve : Cuca f. 1.Nom que hom dona a un gran nombre de bestioles pertanyents principalement al grup dels artropodes. 2. cuca de llum Lampyris nocticula. Attention le –u- catalan se prononce [ou] ! Un visiteur me signale: espagnol cucaracha « blatte, cafard ».

Cusa ‘grotte’

CUSA (nf) : (Cantal) caverne, grotte ; pauvre maison ( Alibert). CUSÒL (Auvergne, Cantal, Rouergue, Tarn) : petite grotte => Toponymes Cuse, Cuset, Cusol (Pégorier, Morlet : + nom de famille). Syn. de cauna.

Pierre Gastal, auteur de Nos racines celtiques, du gaulois au français,  m’a fourni l’étymologie  et une riche documentation  de cusa , cusòl, classé par le FEW dans les mots d’origine inconnue. Je lui ai posé la question:

Bonjour,Les attestations de  cusol, cusou  « cabane, pauvre maison » etc. se trouvent  dans le volume 23 Incognita  du FEW. XXIII,2b à Carlot etc.   A Cahors cuzoul « grotte ou cachette naturelle où se cachaient les ermites reclus » FEW XXI,373a

Il m’ a répondu :
Cher Monsieur,
Retombant sur votre réponse, déjà quelque peu ancienne, je peux vous indiquer que j’ai trouvé quelques informations sur l’occitan cusa => toponymes cuse/couse/couze.
Ci-dessous un article tiré cette fois d’un fichier de noms de lieux.Bon dimanche, amicalement.
P. Gastal

COUSE/COUZE/CUSE (nf, de l’occ.) : endroit caché, secret => caverne, grotte => (occ.) pauvre maison.

De l’occitan cusa => cusòl, d’une rac. celtique voire pré-celt. signifiant « caché, retiré, secret », cf. anc. fr. cuter (cacher), bret. kuzh, v.bret. cud (caché, adj. ; cache, n.), gallois cudd (id.).

* Communes : Couze-et-Saint-Front/Dord. (grotte ornée de La Cavaille), Lissac-sur-Couze/Cor. (grotte du Moulin de Laguenay), Cousance/Jura, Cousances-les-Forges/Meuse, Cuse-et-Adrisans/Dbs (grottes d’où sort le Gondenans), Cusey/HM., Cusy/HSav.-Yon., Cuzy/S&L. Cuise-la-Motte/Oise ?

* Lieux-dits aussi dans le Massif Central : Cuse, Cuze (grotte du Cuze à Charmensac/Cant.), Cuset/Av., Cusol… ou ailleurs : Cousancelles/Meuse (com. Cousances-les-Forges).

* Cours d’eau : Cette racine convient évidemment à des rivières sortant d’une caverne ou bordées de grottes. La Couze/Cor. près de la grotte de Noailles, La Couze/Cor.-Dord.-HV, 3 autres riv. La Couze-d’Ardes/PdD (qui a pour affl. Le Ruisseau de Cuzol). La Cuse/Dbs, source du Cusancin dans une grotte ; La Cuse/Dord., affl. Dordogne (rivus de Cusa 1495). ; Le Cusancin/Dbs,  La Cozance/Ain, La Cozanne/CdO (Vauchignon) qui sort d’une grotte dans le Cirque du Bout du monde ; Le Cuzoullet/Lot, affl. Lot.

Au regard de si nombreuses occurrences, NR et NL, la traduction vague « rivière de montagne, torrent » est peu crédible.

Classé dans les Incognita par FEW. Ce classement et le suff. -incos du Cusancin, NR, suggèrent une origine ligure.

Rapport avec Cusset/Allier, com. (aussi quartier de Villeurbanne + Cussey/Dbs, 2 com., et Cussey/CdO + Cussay/I&L…) ?

Cf. breton kuzh (caché, secret).

Cuscar, un lien entre l'Occitanie et les Flan...

Cuscar « parer, former, arranger, mettre en ordre; soigner un malade, un enfant, les servir, avoir soin de les vêtir, de les couvrir, les remuer, les faire manger,&c »  et descuscar « défigurer, meurtrir, balafrer »(Sauvages, S1),   viennent d’un mot germanique  kuski  « pur, vertueux, chaste » 1  qui  a abouti à  keusch en allemand,  kuis  en néerlandais « chaste ».

La première attestation vient du Gascon  Marcabru ( 1110-1150): cusc  « pur, vertueux ».

Les attestations du verbe  cuscar  et de son contraire  descuscar ne sont pas très fréquentes. Mais au XVIIIe siècle ils devaient être bien vivants en languedocien, parce que l’abbé de Sauvages complète sa définition entre la première et seconde édition de son dictionnaire.

Ce qui m’a frappé est le fait que l’évolution sémantique qui s’est produite en occitan  a eu lieu également en  flamand où a été créé le verbe  kuisen   avec le sens  « nettoyer, rendre propre », un emploi qui fait toujours sourire les Néerlandais.   Le fondateur de la lexicologie néerlandaise, le Flamand  Kiliaan donne l’exemple   kuyschen de boomen « tailler les arbres », un sens qui a peut-être existé en occitan; en tout cas  l’abbé de Sauvages connaît  son  contraire :  descuscar  « déparer un arbre en cassant les branches » (S2) .

descuscado______________________________________

  1. Il n’est pas impossible que kuski  a été emprunté au latin conscius  « conscient » dont  le sens s’est développé en « conscient  de ce qui est convenable » > « chaste, vertueux ».

dailler ‘tacler’

dailler ‘tacler’, voir  l’article  dalio, dalià

dalio, dalià ‘faux, faucher’

Dalio, dalia (S), dalh, dalha (Alibert) « faux; faucher ». Étymologie : vient d’un bas latin *daculu, dacula « faux » FEW III,2 , mais cette origine reste discutée. Peut-être d’origine ligure parce que le mot existe en piémontais daj « faux », ou du  gaulois *daglis « faux », qui n’est pas non plus attesté.  Le première attestation en occitan date du XIIIe siècle, ce qui ne facilité pas la recherche.  Il existe  aussi en catalan dalla « faux »  et en basque tailhu.

En gallo-roman  on le trouve dans le domaine occitan (cf. le Thesoc, faucher),  en franco-provençal et dans le sud-ouest du domaine d’oïl (Atlas linguistique de la France carte 546) .

L’abbé de Sauvages (S1) mentionne que les faux de fabrication allemande sont de la meilleure qualité. Cette réputation des produits allemands ne date donc pas d’hier. Henri Bel , Le patois de Valleraugue, précise que doja « faucher avec la faux » et sega « faucher l’herbe avec la faucille »(du latin secare)

Il nous fournit aussi un dicton : Aco’s lou pica dë la dâlio  » c’est là où gît le lièvre; c’est là le nœud de la difficulté ».

FEW III, 2-3

faucille   faux-ancienne

 Dans La Gazette n° 894 du 21/7/2016,  Joanda écrit qu’en français régional le verbe dailler  est  utilisé avec le sens « tacler »     » Il s’est fait dailler  » pour signifier qu’un joueur s’est fait tacler de façon pas très réglementaire.

 

Dame

Dame « chouette » ou autres oiseaux , voir na-damna

Damojano

Damojano « dame-jeanne ». Pour l’élément  dame  voir l’article na.

Français dame-jeanne est probablement forgé par les marins du sud de la France, cf. catalan damajana (TLF qui cite Mistral). Lazare Sainéan a montré dans la Zeitschrift 30(1906) p.308 que l’image qui est à l’origine de ce mot est en effet Dame Jehanne. Il a trouvé que beaucoup de grosses bouteilles avec des anses ont des noms de femmes, parce qu’elles donnent l’image d’une femme qui pose ses bras sur les hanches. Une des premières définitions de dame-jeanne est  » très grosse bouteille munie d’anses,  servant au transport des liquides ».  Thomas Corneille écrit que c’est un mot des matelots. (Dictionnaire des sciences…, par Thomas Corneille, 1694.)

Vous trouverez beaucoup de formes et transformation comme par exemple dame-  remplacé par  marie- , ainsi que les emprunts par d’autres langues ) la fin de cet article et surtout  dans le FEW III, 126

               
amphore                         dame-jeanne
                              Sculpture d’Amy Fischer

Le TLF écrit : Formé de dame et de jane  » bouteille, récipient pour les liquides  » attesté en 1586 et par Cotgrave (1611) , emploi humoristique du prénom féminin Jeanne par allusion à la forme rebondie de cette bouteille (cf. Christine  » grande bouteille de grès pour l’eau-de-vie « , provençal manoli, marseillais papo-manoli « grosse bouteille carrée, de verre noir » < Emanuel). Mistral a proposé une autre étymologie, un dérivé de dimidius « demi » : *demidianus.

Le mot dame-jeanne a eu beaucoup de succès et a été emprunté par l’italien damigiano, l’espagnol damajuana et même le basque damasa, l’anglais demijohn ( cliquez pour la prononciation) et l’arabe damagana.

Darbon

Darbon  » taupe « .

Pendant la soirée « Les parlers du Gard  » (juillet 2005) à Manduel,  une sympathisante  racontait une histoire amusante sur un darbon difficile à attraper. Au début, j’ai vu plusieurs visages exprimant  » c’est quoi un darbon ? « .

En effet, le mot darbon  « taupe » est limité au franc-comtois, le franco-provençal et le provençal jusqu’au Rhône approximativement, même si par ci-par là il l’a traversé comme à Villeneuve-lès-Avignon.  Par contre comme nom de famille il est fréquent en Lozère. Cela reste à expliquer.

Dans le commentaire des cartes 26 et 163 (basées sur la carte 1286 de l’ALF), des Lectures de l’ALF les auteurs écrivent que l’expansion de l’aire darbon serait due à l’influence des métropoles comme Lyon.  Je me demande quand même, pourquoi seulement Lyon? Pourquoi pas à Avignon, Arles, Marseille? Les données du Thesoc montrent que la situation n’a pas changé depuis les enquêtes d’Edmont (ALF) au début du XXe s., à part le fait que le type taupe < talpa, a gagné beaucoup de terrain.

La première attestation se trouve dans le Laterculus de Polemius Silvius (Ve siècle) dédié à l’evêque de Lyon Eucherius : mus mustela. mus montanis. mus eraneus. talpa. darpus. Le -p- au lieu d’un -b- est probablement une faute de graphie par association avec le mot talpa. L’origine du mot darbo est inconnue, peut-être gaulois ou ligure ?

En plusieurs parlers, darbon a pris un sens secondaire: à  Draguignan : darbou  » rat « , en savoyard darbon  » mulot  » , en Haute Savoie darbon  » charrue « , et à Macon  » talus de terre qu’on élève entre deux rangées de ceps lorsqu’on donne la 1re façon à la vigne « .
En provençal et languedocien, le dérivé darbousieiro désigne le « datura stramonium  » (en latin médieval talpiriola , en français  » herbe à la taupe  » parce que son odeur chasserait les taupes) ; en languedocien darbousièiro est aussi  » la houx  » qui chasserait également les souris.

……

herbe à la taupe                                                          houx