Agrenas, agranas « prunellier » 1 est un dérivé en -ĭnus, -ānus du latin acer « aigre », devenu acrus au IIIe siècle déjà. Ce nom est courant en provençal et est-languedocien.2 Voir FEW XXIV, 97.
Il s’appelle aussi pétafouirier un composé de pēditum et foria
Dans la présentation par Google de la Flore forestière française: Région MéditerranéennePar Jean-Claude Rameau,Dominique Mansion,G. Dumé, à la page 711 vous trouverez plus d’info sur cet arbrisseau, notamment une carte de la distribution géographique qui montre que l’argousier ne se trouve qu’à l’est du Rhône.
Agreu, grefuèlh « houx » vient du latin acrifolium « houx ». La première attestation agrefol date de 1398 dans le Voyage au Purgatoire de Saint Patrice, récit de Raimon de Perelhos (DOM). En latin médiéval agrifolio comme toponyme en 957 dans le Gard.
Le mot est assez bien conservé dans les patois (Thesoc.) Il couvre une zone qui va jusqu’à une ligne de l’embouchure de la Loire aux Vosges. Au Nord c’est le type houx < francique *hulis (cf. allemand et néerlandais hulst) qui domine. Cette répartition géographique est un des arguments pour la thèse que la langue d’oc dominait jusqu’à cette ligne Loire/Vosges. Voir à ce propos W.von Wartburg Evolution et Structure de la langue française « > Evolution-et-structure-p-64
Comme beaucoup de noms de plantes, surtout des plantes « peu utiles », acrifolium a subi toutes des transformations phonétiques imaginables. Voir Mistral ci-dessous et Pegorier pour les très nombreux toponymes comme Greffuelhe qui se trouve dans le Gard.
Voir aussi l’article bresegon, bresegoun, presegoun « fragon, petit houx ( ruscus aculeatus) ».
Aguiélas « aquilon, vent du nord ». La dormeuse est retournée aux archives de Mirepoix et affirme que « il y a de la poésie, quoi qu’on en pense, dans les actes des notaires. » Elle a raison! On retrouve dans ces vieux papiers un sentiment d’attachement à la terre, à la région où l’on habite, qui a disparu dans notre monde global. Les noms locaux des vents à Mirepoix désignent les points cardinaux.
Son article: Chez Jean Pierre Gibelot, un médecin de l’époque des Lumières
Le compoix de 1766 indique qu’il tient à cette date, au n°169 dans le moulon 3, trente une cannes maison à la rue Courlanel [aujourd’hui rue Maréchal Clauzel] faisant coin à celle de la porte de laroque [aujourd’hui Petit Couvert] ; confronte d’auta en deux endroits ladite rue de la porte de laroque ; midy, auta et aquilon le sieur Jacques Arnaud [bourgeois], midy la dite rue Courlanel, cers en deux endroits et aquilon aussy en deux endroits Jacques Pons [bastier], du restant d’aquilon le sieur Jean Malot [marchand] ; estimée quatre vingt six livres de rente ; alivré deux livres dix huit sols cy…
L’abbé de Sauvages écrit en 1756 :
Aghiélas s.m. le vent du Nord-Est. C’est l’Aquilon un peu défiguré dans le mot Aghiélas. Celui d’Aquilon n’entre guères que dans le style sublime ou dans la Poésie.
Aquilon « vent du nord » est attesté en ancien français (1120) et en occitan depuis le XIIIe siècle(1.) On le trouve avec le sens « nord » dans le Breviari d’Amor du troubadour biterrois Matfre Ermengau rédigé à partir de 1288 qui écrit :
Aguilos es secz ab frejor / quar le soleilhs de luenh li cor, / e per sso li ven d’aqui nat / son sec e freg… (Voir d’autres attestations dans le Dictionnaire de l’Occitan Médiéval).
Aguilon vient du latin aquilo, aquilonis « vent du nord; le Nord ». D’après le FEW XXV,75b il s’agit d’un emprunt au latin et le mot n’est indigène qu’en catalan aquiló et en portugais aguião, mais je crois que la forme du dérivé aghiélas de l’abbé Sauvages montre qu’il est également indigène en occitan. Le fait que le notaire de Mirepoix l’utilise dans la même phrase avec midi et auta et cers un peu plus loin, dans un style qui n’est ni « sublime » ni de la Poésie », me semble renforcer cette hypothèse. Le –q- au lieu du -g- dans le texte du notaire, est probablement dû au français ou au latin.
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1. Le FEW donne 1529, mais cette date récente est due à un manque de dépouillement d’archives à l’époque de la publication.
Aigardent, aigarden s.m. »eau-de-vie ». Etymologie: latin aqua + ardente « eau + brulante, enflammée « . Le type occitan aigarden se retrouve en italien aquardente (1431), catalan aigardent, espagnol aguardiente.
L’histoire de la distillation nous ramène très loin en arrière; il semble que les archéologues ont trouvé en Mésopotamie des alambics qui ont plus de 3500 ans. La technique était connue en Inde au 3e millénaire avant J.-C. Comme c’est le cas de beaucoup de connaissances et de savoir, ce sont les Arabes qui, arrivant Alexandrie en 640, découvrent ces techniques et les font circuler dans tout le bassin méditerranéen. Marcus Grachus, dit Marco Graco, un italien du VIIIe sicle, décrit la distillation du vin pour obtenir des eaux de vie, comme Geber (alchimiste arabe qui vécut de 730- 804) à la même époque. L’alambic et l’eau de vie arrivent en Andalousie, puis se diffusent en Europe.
Arnau de Vilanova, dit Arnaud de Villeneuve (médecin catalan de l’université de Montpellier, mort en 1311) décrit la fabrication de l’aqua ardens (eau ardente : macération de plantes et d’alcool) dans son Tractatum de vinis. Il est le premier à pratiquer le mutage à l’alcool (procédé arabe semble -t-il) pour améliorer la conservation du vin. Les templiers du Mas Deu de Perpignan généralisent ensuite le procédé. D’où le développement de vins doux naturels dans la région. Pour une description approfondie voir le site Viticulture-Oenologie-formation. Voir aussi l’article Cartagène.
On remarquera que la statue a été amputée des deux mains. (Par qui? pour quoi?) A l’origine, Arnaud tenait un livre dans une main et un alambic dans l’autre. Et pouquoi eau-de-vie en français mais aussi dans une partie du domaine occitan, notamment en gascon : aygo de bito? Ces parlers ont adopté le calque (= traduction littérale) du latin aqua vitae, sous l’influence de la langue des alchimistes qui croyaient avoir trouvé l’élixir de longue vie.
Maître Vital Dufour était vers 1310 prieur franciscain d’Eauze et de St Mont dans le Gers, puis cardinal. Il a fait des études de médecine à Montpellier. Dans son ouvrage de médecine, retrouvé la bibliothèque du Vatican, il parle des 40 (quarante !) vertus de l’aygo ardento ou l’aygo de bito, sans oublier de dire que l’abus d’alcool est dangereux. Je cite: « Elle aiguise l’esprit si on en prend avec modération, rappelle à la mémoire le passé, rend l’homme joyeux au dessus de tout, conserve la jeunesse et retarde la sénilité... Intéressant à savoir à mon âge!
M.Evin l’a-t-il lu? D’ailleurs, les méridionaux ont l’ aigo boulido à leur disposition. Et « L’aigo-boulido sauvo la vido ». Voir l’article suivant.
Aigavers, aigovers « ligne de partage des eaux ; arête d’une montagne » déja attesté en ancien occitan, qui avait crée aussi le verbe aigaversar « faire le partage des eaux ». Il y a quelques attestations du XIXe siècle et 146 sites (Google) en occitan moderne!
Dans le Compoix de Valleraugue (1625) la forme a été orthographié aiguevers, ce qui me semble une francisation. Etymologie aqua + versare ‘eau’ + ‘retourner’. En ancien béarnais: « l’augabes a la part d’Ossau et deu port d’Anolhaas » Voir le Dictionnaire de l’ occitan médiéval.
avec l aiguevers du Serre del col de Lunda
Aigo boulido « potage à l’ail » SeguierI. Du latin aqua « eau » + le participe passé de l’occitan bolir du latin bullire « bouillir ». Il ne m’est pas clair pourquoi l’aigo boulido désigne uniquement le potage à l’ail. Dans l’Aveyron lo boulido étaient des « aliments grossiers, fruits etc. qu’on fait cuire pour les pourceaux ».
Ailleurs c’est une « Soupe préventive et curative contre la gueule de bois, les lendemains de fêtes. », c’est-à-dire après avoir négligé le conseil de Maître Dufour, voir ci-dessus aigarden!
En Provence il y a un dicton : « L’aigo-boulido sauvo la vido »
Aigo-saou « de la saumure et non pas de l’eau-sel... » corrige l ‘abbé de Sauvages. Du latin aqua et sal « sel ».