cat-right

Ròse

Ròse « Rhône » vient du latin Rhodanus > latin vulgaire Rodeno > Rozen, Roze ou Roze. Cette évolution phonétique est régulière en occitan. Un mot avec deux syllabes après la voyelle accentuée est réduit à deux syllabes, comme catanum > cade, Làzarum > Làzer. Ensuite le -d- intervocalique est passé à -z- , comme dans sudare > suzar, audire > auzir.

L’origine de Rhodanus est celtique ou préceltique.

En provençal des régions en bordure du Rhône, le dérivé rousau est le « vent d’ouest-nord-ouest.

Romieu, romieva

Romieu, romieva « pèlerin » (m. et f.), roumîou « pèlerin qui va à Rome; dans le style badin un romipete » (S). Dans la toponymie Roumiu est le nom des chemins suivis autrefois par les pèlerins (cami roumiu) (Pegorier).  XIIIe s. Mot occitan et franco-provençal.

Comme étymon on suppose *romeus, dérivé de Roma, qui du point de vue de la forme correspond aux formes italiennes romeo et occitanes  romieu. Mais du point de vue sémantique l’histoire est moins évidente. Il n’y a aucune attestation de l’évolution sémantique « romain » > « quelqu’un qui va à Rome ». C’est pourquoi Bruch (Z 56,1936,53-56) suppose un composé romimeus « qui va à Rome » composé de Roma et le verbe meare « aller, passer » devenu romeus par haplologie (= omission d’une syllabe à cause de sa ressemblance  avec la syllabe voisine).

Je peux y ajouter que les mots pour « pélerinage » en allemand (Pilgerfahrt) et en néerlandais (bedevaart) sont également composés avec le verbe  fahren « aller ». Le verbe meare a en plus un sens précis : « aller en suivant une route tracée, dans une direction et d’après des lois déterminées »,comme les planètes et les pèlerins.

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Presque toutes les autres langues européennes ont le type peregrinus sauf le Slovène qui rejoint l’occitan: romar et romanje.

Romb, roumb

Romb, roumb, roun « turbot ». En grec rhombos et ensuite en latin rhombus signifie

  • 1. losange
  • 2. fuseau ou rouet d’airain dont on se servait dans les enchantements
  • 3.turbot poisson de mer. (Gaffiot).

Cette image  illustre parfaitement le dernier sens

La deuxième doit vous étonner.

C’est une image tirée de Andrea Alciato’s Emblematum libri I, 1556. Elle illustre la seconde définition « rouet d’airain dont on se servait dans les enchantements « .  Explication.   Si vous reliez par des lignes droites les quatre points où l’oiseau  touche les anneaux, vous obtiendrez un losange.  L’oiseau est une bergeronnette, un symbole érotique par excellence. L’ensemble forme une amulette qui rend invincible face aux dards de Cupidon. (Andrea Alciato). Un sujet captivant mais qui me mènerait trop loin dans les dédales de Vénus. Allez-y si vous voulez.

En occitan romb, roumb, roun « turbot », attesté depuis le XIIIe s. a certainement été introduit par les Grecs. On le retrouve en italien et espagnol rombo, en catalan  sous la forme du diminutif rèmol < rhombulus. En béarnais roume est le nom de la « barbue ». La barbue (Scophtalmus rhombus) est une espèce très proche du turbot, dont elle se distingue par un corps moins losangique et moins épais, et par l’absence de tubercules sur la peau. A Nice on utilise un dérivé roumbon, ailleurs le composé roumbon clavelat « turbot ». Clavelat vient de clavus « clou », ce qui doit avoir un rapport avec son aspect ou avec son environnement. D’après Panoccitan, clavelada est le nom de la « raie », un autre poisson plat.

La barbue a l’air clavelée.                            La raie aussi.

Le sens 2 rhombus du latin a laissé des traces dans l’ouest de l’occitan: Val d’Aran roumá  » tourner, avoir le vertige », béarnais arroumá « planer en décrivant des cercles », arroumère s.f. « détour », etc.

A partir du 15e siècle, rhombus a été emprunté de nouveau par la langue nationale rhombe « losange ».

Romana

Roman, romana :  1. »balance romaine » (Alibert)

             

Eh non, la romana ne nous vient pas de Rome!, mais  du Nord de l’Afrique, de l’arabe rumman(a) « grenade, le fruit du grenadier ». Dans des traités scientifiques arabes du XIe-XIIe s. la romana est décrite et notamment le peson qui se déplace sur la réglette et qui avait la forme d’un grenade. En valdôtain (Vallée d’Aoste, Italie) la romana désigne toujours le peson.

          

La plus ancienne forme en occitan est romà (XIVe s.), qu’on a retrouvé dans les parlers occitans modernes à Alzon (Gard) roumo « grosse romaine » et à Sumène roumo « romaine ».  Le mot est venu avec la chose par les relations commerciales, d’abord en Italie qui a emprunté le collectif rumman (> italien romano)  qui a ensuite pénétré en occitan.

Le singulier rummana nous est parvenu par l’intermédiaire de l’espagnol, le portugais et le catalan romana. Les premières attestations datent 1400. Dans son voyage vers le nord et Paris, la forme a été adaptée à l’adjectif romaine  « de Rome ». Ensuite il est revenu dans nos régions et la forme  a été adaptée  à la prononciation locale: par exemple roumèno dans le nord du Gard.

Il faut noter que les deux formes, romana et la francisée roumèna se rencontrent principalement dans les parlers occitans et franco-provençaux.

2. A la romaine (fr.rég. ?) Plusieurs mamans de Manduel m’ont raconté qu’après l’accouchement l’obstétricienne leur mettait un sac de sable sur le ventre pour que l’utérus se rétracte rapidement. Cette méthode décrite dans de nombreux sites internet, s’appelait dans notre région à la romaine. Je ne sais si cette expression est connue ailleurs. S’agit-il d’une référence à la romana ou à une méthode héritée des Romains.

3. Romana « sorte de salade verte ». D’après le Dizionario etimologico italiano :

Selon la légende, la salade aurait été introduite en France en 1389 à partir d’Avignon, alors cité papale, lorsque Bureau de la Rivière partit en Italie négocier le mariage du duc de Berry avec Jeanne d’Auvergne. Son développement s’est poursuivi en Europe du Nord tout d’abord puis en Amérique du Nord et en Australie suivant les migrations européennes dans le monde. Anglais romaine ou romaine lettuce.

  

Roire

Roire, «  chêne blanc » (Quercus humilis, subsp lanuginosa). C’est un arbre de 10 à 15 mètres de haut (à 80 ans). Certains individus peuvent même atteindre 25 mètres. Son tronc, droit et court, porte une écorce noirâtre fissurée. Ses feuilles caduques, lobées et d’un vert clair sur le dessus, sont très poilues (pubescentes) et vert grisâtre sur le dessous.

     
chêne blanc ……………     ……sauge des bois

Pauc roire « sauge des bois » 1290 en Rouergue,  1350 Toulouse. La forme avec –i- surtout dans les dép.34, 11 et 31.

Lat. robur « force ; chêne » remplace en Italie du nord en espagnol, catalan (roure) et portugais,  ainsi qu’en francoprovençal  et occitan le mot quercus,  le préroman *carra   et le celtique (?) cassanus ( > fr. chêne).  Robur   a dû exister même dans le nord de la Galloromania,  puisqu’ il y a beaucoup de toponymes dérivés de robur.   Voir aussi rove et rore et l’article qui approfondit  les différentes dénominations des chênes en occtan : Cassanus, robur, quercus, carra.

Retirar

Retirar, retira v.a. « donner asile » ou v.r. « se rétrécir ». Parmi les nombreuses significations que le verbe tirar (probablement provenant du latin martyrium, FEW 6/1,410b) et ses dérives ont pris en occitan comme ailleurs, il y a  le sens « aller à, s’acheminer vers »  comme par exemple dans  s’en tirar « s’en aller ».

Dans notre région le substantif retira a pris le sens de « hospitalité pour la nuit » et le verbe retirar « donner asile » attesté à Alès et à Toulouse. Comme verbe réfléchi  se retira  est  « se rétrécir ». Pour d’ autres significations et les dérivés, voir Alibert.

Dans le TLF vous  trouvez la remarque suivante à propos de l’étymologie de tirer:

« Mot d’origine très discutée (FEW t. 6/1, pp. 418-420). Selon Wartburg, tirer serait une réduction de l’a. fr. martirier « martyriser, torturer (en général) » (XIIe s. dans T.-L.), dér. de martyre*. Le part. prés. de martirier, martirant, aurait été interprété comme composé de l’ adverbe mar « malheureusement » (du lat. mala hora « à la mauvaise heure ») et de tiranz, nom habituel du « bourreau » au Moyen Âge, lui-même issu du lat. tyrannus (tyran*), une torture fréquente était en effet la dislocation des membres par étirement ou écartèlement. Tirer s’est substitué à traire* dans la plupart de ses empl. en moyen français ».

Restouil, rastolh

Restouil, rastolh « éteule, chaume ».

Une charmante visiteuse de Mirepoix m’écrit :

« Je vous ai signalé le mot  » rastouille « , qui était le nom donné à une propriété dans le village voisin de Coutens, aux alentours de 1900. Ma mère, dont la langue maternelle est le patois ariégeois d’ici très exactement, connaît le mot  » restouil « , avec le sens de  » éteule « . Je ne sais rien d’autre ! Mais cela fera un autre joli mot pour le dictionnaire ! »

Charlemagne un denier de Mayence 812-814.

En effet, rastolh, restouil nous ramène aux temps de Charlemagne, qui a instauré l’assolement triennal dans son empire! La pratique de cet assolement est contemporaine de l’introduction de la charrue en Europe vers le IXe siècle : sa généralisation a permis la phase d’extension agraire et les défrichements des Xe, XIe et XIIe siècles. (source)

A partir de cette époque, les paysans évitent en général de planter les mêmes céréales sur les mêmes terres deux années de suite. Il était rare qu’on voyait quelqu’un labourer un champ plein d’estobles.   On a créé le verbe restoblar « ensemencer un champ plein d’estobles » sous-entendu une deuxième fois.  Pour dire « c’est curieux ça! ».  Le résultat de restoblar était le restoble « chaume, terre en chaume, éteule » etc. Ces formes sont limitées grosso modo au provençal (y compris le Gard) et le francoprovençal.

La même charmante visiteuse de Mirepoix, a récemment écrit un article avec des extraits du    Manuel d’agriculture et de ménagerie, avec des considérations politiques, philosophiques & mythologiques, dédié à la patrie, par le citoyen Fontanilhes, à Toulouse, de l’imprimerie de la citoyenne Desclassan veuve de Jean-François et veuve de Dominique, 1794-1795 , dans lesquels l’auteur donne de multiples conseils pour améliorer la terre, dont une définition exacte de

Ratouble : long chaume qui est laissé sur pied pendant quelque temps après la récolte, et jusqu’à ce que les herbes sauvages aient pris une assez grande croissance ; il est fauché ensuite près de terre avec ces herbes et rentré pour servir de fourrage d’hiver.

On peut considérer le mot ratouble comme du français régional.

Dans plusieurs régions de la Romania, notamment en Sicile, en Catalogne et dans l’ouest du Languedoc (Ariège, Tarn, Lot-et-Garonne) *restupula a changé de suffixe et est devenu *restucula > *restucla, qui dans les parlers modernes a donné régulièrement restoulh, restolh « éteule ». Dans une zone plus étendue, jusque dans l’Hérault restoulh, restol est devenu rastoulh, rastol, probablement sous l’influence des mots de la famille rastrum, rastellum « rateau », outil qui sert à enlever les estobles.
Nous voyons que dans le région de Mirepoix, les deux formes sont vivantes.

Voir aussi l’article estobla

et FEW XII,273

Repétasser

Repétasser  « raccomoder »  fr.rég. cf. Petas

Rega

Rega « sillon » vient d’un gaulois *rica « sillon » et spécialement le « sillon produit par le soc de la charrue ». C’est un des nombreux mots celtiques qui ont un rapport à l’agriculture. Il est conservé dans toute la Galloromania.

Dans la Charente redzo a pris le sens « bande de terre cultivée » d’après le Thesoc. Pour son développement en français voir le TLF raie.
L’abbé de Sauvages cite un  rego avec le sens « raie, trait de la plume », mais dans d’autres dictionnaires occitans c’est une raio, la forme françisée.  La reganèlo désigne d’après lui « les rayons, ardeur du soleil ».

 

Redessan. Les noms de lieu et l'étymologie.

Redessan 

Des visiteurs me demandent régulièrement l’origine d’un nom de lieu. La Toponymie est une discipline très difficile! Je ne m’y risque que rarement.

Voici un exemple. Dans le livre Statistique du département du Gard, je trouve: « A l’est de la ville de Nîmes, …, on aperçoit un village appelé Redessan, dont l’étymologie, donnée par Deiron (Antiquités de Nîmes, chap.X, p.60) paraîtrait renfermer quelque apparence de véité, quoique mise en doute par Ménard. Un sanglante bataille donnée non loin de ce village (note: Cette bataille termina en 410 l’envahissement de cette partie des Gaules, que Constance, général d’Honorius, purgea de tous ses ennemis) aurait amené, d’après Deiron, cette phrase incidente dans le récit de cet évènement, en langage vulgaire de cette époque : Id est rech de sang; les trois derniers mots signifient : Ruisseau de sang.

De telles histoires sont amusantes, à raconter devant la cheminée, mais cela n’a rien à voir avec l’étymologie. Un coup d’oeil dans le Dictionnaire toponymique du Gard suffit: Rediciano en 909. C’est une Villa Rediciano ce qui veut dire  » qui appartient à », ou « est situé près de », ou « un lieu de plantation de ….. Redix » . Je m’arrête là.