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Bajana

Bajana « soupe de châtaignes ». La Bajana est une soupe de châtaignes sèches cuites à l’eau » (Vallée Borgne des Cévennes). D’après l‘abbé de Sauvages les brizos ou bajhanos sont des « châtaignes brisées. L’abbé écrit que la bajhana ou couzina est le potage et la bajhanado le ‘bouillon aux bajanes qui est un excellent incrassant dont on a vu de bons effets sur les poitrines délabrées, lorsqu’elles se rencontrent avec un estomac robuste; rencontre fort rare.

Charles Atger raconte p.9 qu’autrefois; à Valleraugue (Gard)  les Caussenards après la saison remontaient sur leur plateau à la fin de l’automne avec les blanchettes ou badjanat « châtaignes sèches » leur revenant. Bajanar signifie ‘tremper dans l’eau’ en parlant des légumes, de la morue etc.’ Les paysans de la région au nord d’Uzes sont des bachalan, ceux de Marsillargues des bajan. Voir sous bachalan.  Pour une recette suivez ce lien

La bajana est aussi connue en Provence, mais quand on n’a pas de châtaignes, on se débrouille avec des haricots; Simon-JUde HONNORAT donne pour le mot

bajanada :dial. Languedoc.: « bouillon de bajanes. »
Dial. Haute-Provence : « quantité de haricots ou de lentilles, qu’on a fait cuire en bajanes,
c-à-d. pas entièrement, pour être mangés en saugrenée.

Etymologie : dans l’antiquité la ville Baiae (région de Naples actuellement appelée Baia, un quartier de la commune Bacoli) était fameuse pour ses eaux thermales. Voir l’article intéressant Baïes de Wikipedia. Virgile et Horace en font l’éloge dans leurs poèmes.  L’adjectif bajanus, fém. bajana a pu signifier « baigné, mouillé, trempé ».  Le FEW I, p.205 explique l’évolution sémantique et la généralisation du sens  « eaux termales » > « trempé » en parlant des légumes secs.  Ensuite au figuré bajan a pris le sens « nigaud » , très fréquent  pour les fèves et autres légumes secs.

Baiae d'après Turner

Baiae d’après Turner (Wikipedia°

Une autre possibilité est que les bajanae étaient une espèce de fève provenant de Bajae, qu’on préparait en les faisant tremper . (Voir ci-dessous à propos de l’italien baggiana). Dans mon dictionnaire latin je trouve : . bajanas elixas «des… ?  cuites à l’eau ». Le nom du plat a ensuite été transféré à d’autres légumes trempés et cuits.
Voir aussi ci-dessus bachalan.

J.P DurandEtudes de philologie et linguistique aveyronnaises, explique le sens de   baja  ‘fou’ dans l’Aveyron du XIXe siècle:

Le grand philologue Paul Meyer conteste cette étymologie dans son compte-rendu dans Romania 1880, p.153 et il propose comme étymologie l’italien baggiano. Mais en consultant le Garzanti linguistica je vois que baggiano signifie ‘niais, crédule, peu intelligent’ et qu’il s’agit d’un emploi au figuré de baggiana  » une fève avec des grains très gros » et au pluriel des « mensonges ». L’étymologie qu’il propose est bajana dérivée du nom de la ville de Baiae. Dans le dictionnaire italien baggiana est défini par sciocco qui signifie non seulement ‘niais’ mais aussi ‘insipide, fade’. Là nous sommes tout près du Donatz proensals de Hugues Faydit qui traduit baias par ‘insipidus’. L’association d’idées ‘fève’ > ‘niaiserie, bête’ semble être internationale. Voir favalise et favasso.
D’autres propositions dans le Dizionario Etimologico Italiano .

Amarou 'marron'

Amarou s.m. « marron d’Inde » (Gard). Composé du préfixe a- + marron.

Marron est un dérivé d’une racine préromane marr- « pierre, caillou » . Voir ici marela.

Marron a été emprunté à l’italien avec l’introduction de cette variété de châtaignes au XVIe s. dans la région lyonnaise. Le mot amarou et le dér. amarouni « marronnier d’Inde »  est limité au Valais et Genevois en Suisse, la Hte Savoie les Htes Alpes et le Gard. Vous trouverez plus de renseignements sur châtaignes et marron en cliquant sur ce lien.

Le mot est peut-être formé avec amar « amer » comme dans le Gard et l’Hérault amarou(n)  » lathyrus alphaca, esp. de gesse  ou plus précisément  « sorte de gesse dont la semence mêlée avec le blé communique un goût amer au pain . » Quoi que, dans notre région, ce n’est pas le seul exemple où un a- précède la racine : p.ex. à Mende amouros d’aze « mûres de ronce »; agriotto « cerise griotte ».  Alès, Nîmes aroundze « ronce », aglan « gland » (Joblot).

Pour les autres sens donnés par Alibert dans son Dictionnaire, voir l’article amaroun

 

Amarinier, amarino

Amarinier s.m. « (souche d’- ) osier », amarina « osier ». Du latin amerina « osier  » un adjectif formé sur le nom de la ville Ameria (maintenant Amelia) en Ombrie,  à une centaine de km au nord de Rome.

Cela me laisse pantois, qu’un mot bien connu des Romains  et attesté chez Virgile, Pline etc.,  survit uniquement dans un grand domaine du sud-est du galloroman, de la basse vallée du Saône jusqu’à la mer.    Comment est-ce possible? .

Il est attesté en ancien occitan depuis 1204 et il y a de nombreuses attestations dans les parlers modernes. Le remplacement du -e- par -a- s’explique par l’influence du mot amarus « amer », parce que l’écorce des saules contient une substance amère utilisée comme fébrifuge depuis l’antiquité. Ceci  peut expliquer le maintien du mot, mais pas le fait que c’est seulement le cas en Gaule.

Il y a beaucoup de dérivés comme par ex. amarineto « petit brin d’osier », amarinà « assouplir, tordre; amadouer » etc. qui s’expliquent facilement. Pan amarinous  = pain ramolli1.

D’après Pouzolz, le saule s’appelle saouse (du latin salix)  dans le Gard, pourtant dans le Compoix de Valleraugue (1625) c’est amarinier.

          

Au pluriel  amarinos   a pris le sens de « verge, baguette ». En 1347 Jeanne I, reine des deux Siciles et comtesse de la Provence, a voulu régler le problème de la prostitution à  Avignon.  Elle a ordonné que les filles « fautives » soient enfermées dans un genre d’Eroscenter, appelé Bourdeou  et elles devaient  porter une aiguillette rouge sur l’épaule gauche.  (Nos gouvernants du XXIe siècle préfèrent punir les clients.) Au cas où on les trouvait en ville, elles étaient punies avec les amarinos …

Si le texte complet vous intéresse

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  1. Bernard Giély,

Agreu, grefuèlh

 Agreu,  grefuèlh « houx » vient du latin acrifolium « houx ». La première attestation agrefol  date de 1398 dans le Voyage au Purgatoire de Saint Patrice, récit de Raimon de Perelhos (DOM). En latin médiéval agrifolio comme toponyme en 957 dans le Gard.

Le mot est assez bien conservé dans les patois (Thesoc.)  Il couvre une zone qui va jusqu’à une  ligne  de l’embouchure de  la Loire aux Vosges. Au Nord c’est le type houx < francique *hulis (cf. allemand et néerlandais hulst) qui domine. Cette répartition géographique est un des arguments pour la thèse que la langue d’oc dominait jusqu’à cette ligne Loire/Vosges. Voir à ce propos W.von Wartburg Evolution et Structure de la langue française « > Evolution-et-structure-p-64

Comme beaucoup de noms de plantes, surtout des plantes « peu utiles »,  acrifolium a subi toutes des transformations phonétiques imaginables. Voir Mistral ci-dessous et Pegorier pour les très nombreux toponymes comme Greffuelhe qui se trouve dans le Gard.

Voir aussi l’article bresegon, bresegoun, presegoun « fragon, petit houx ( ruscus aculeatus) ».

Abelhana

Abelhana, abélïano s.f. « mélisse, citronnelle » est un dérivé du latin apicula « petite abeille »  > abelha « abeille ». Pour une transcription phonétique  et les localisations voir le Thesoc).

Cette plante est nommée ainsi parce qu’elle est recherchée par les abeilles. En latin, il y a un dérivé analogue de apis « abeille » : apiastrum « mélisse . D’ailleurs le mot mélisse vient du grec et signifie également « abeille ».

              
Le guêpier, abelhièr, abelhòla ou avec aphérèse beïola (Hérault),  est appelé ainsi parce qu’il se nourrit principalement d’abeilles et de guêpes.