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Drulier, drolhier "alisier"

 Drulier, drolhier « alisier ». Étymologie :  drulier ‘est un  dérivé de druliodruelha « alise ».  Le drulier  est l’Alisier torminal, ou Sorbier torminal (Sorbus torminalis) un arbre appartenant au genre des sorbiers de la famille des rosiers. (Wikipedia).  Les baies de la grosseur d’une cerise sont comestibles (Sauvages S1).

En  ancien dialecte du Rouergue  est attesté le drelié « bâton en alisier au bout noueux et solide, arme préférée es montagnards »

Etymologie : drullho, drélho (en Lozère)  est d’après le FEW III,47  un dérivé du gaulois   *derco « baie » ou du celtique *dergos  « rouge ».

drulhier   drulho

J’ai reçu d’une fidèle visiteuse  le texte d’un chant occitan Sem Montanhols 1:

Sem montanhols n’avem l’independença
L’avem, l’aviem e mai la gardarem
Si a pas de rei en França
N’autres i renharem!

Nòstre sol mestre es aquel que fa naisser
Lo blat l’autumn e l’erba lo printemps
Lo pregam que nos laisse
Lo gost del pan longtemps!

Fasem justicia a mòda montanhòla
Sens derrengar los jutges inustiers
Lo còde de Laguiòla
Es lo bòsc del drulher

Tu vinhairon, sias fier de ta vendemia
Mas ieu te planhi, paure costovin
Tu coltivas ta vinha
N’autres bevem lo vin

Dels vielhs Gales n’avem lo crit de guerra
Possam de crits que fan tot ressontir
En passant sus la terra
Aimam de nos far ausir.

Le  code de Laguiola, lo bòsc del drulher   m’intriguait.  Un promoteur d’une maison de retraite en Lozère, me fournit l’explication suivante:

L’alisier…. que l’on trouve en nombre dans les forêts du nord Lozère et dont on dit que les fruits étaient la nourriture des Dieux. Dans la tradition celte, l’alisier était un talisman contre la foudre, et les légendes racontent que les fouets dont le manche était en sorbier permettaient de dompter les animaux ensorcelés. Pour les germains encore, les agneaux devaient passer dans un cercle en sorbier dès leur naissance et un bâton de même essence était planté au milieu des pâturages pour protéger les troupeaux.

Cela reste à vérifier.

D’après Pégorier on trouve des toponymes   Drulé, Drulhier  uniquement dans le domaine occitan:

Avec Google »maps » j’ai trouvé  Drulhes,  Labrousse (Cantal),  par exemple.

Pour l’étymologie  dalise suivez ce lien TLF.

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  1. de nombreuses versions chantées sur YouTube Joanda

Verna, vergne, verne "aulne"

Verna, vern, vergne, verne « aulne; bois d’aulne » est un des  noms d’arbres d’origine celtique qui se sont maintenus jusqu’à nos jours. Pour les détails de l’étymon  gaulois verno-  voir le TLF.  Les représentants de verno- sont encore vivants en gallo-roman au sud d’une ligne qui va de la Vendée aux Vosges, mais des dérivés  et des toponymes prouvent qu’il  a existé également au nord de cette ligne1

De très nombreux toponymes dans le Pégorier.   Le type verna  se trouve surtout à l’est du Rhône.

Dans les  Lectures de l’ALF  2  j’ai trouvé une belle carte qui illustre la ligne qui va « de la Vendée au Vosges! »:

Ligne Vendée - les Vosges

Carte 29 dans Lectures de l'ALF

Le TLF donne l’explication que voici de cette ligne:

le maintien du substrat *verno- dans le domaine d’oc s’explique peut-être par le fait que l’aune, plus fréquent en ce domaine souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive.

Mais nous avons vu à plusieurs reprises que des mots occitans se sont maintenus ou ont vécu dans la sud de la France  jusqu’à la ligne qui va de l’embouchure de la Loire jusqu’aux Vosges, et que la Langue d’Oc occupait toute cette partie du gallo-roman.

L’aulne est, avec le saule et certains peupliers, l’une des espèces les mieux adaptées à l’eau. Sur l’image ci-dessous il émerge de l’eau au bord du lac Bobięcińskie Wielkie en Pologne. Ces trois espèces sont aptes à recéper quand elles sont coupées par le castor avec lequel elles ont co-évolué.  (Wikipedia)

verna

verna, vergne

 

 

  1. Le type aulne, aune   qui vient d’un latin alnus contaminé par des formes homophones  franques  issues de alira, alisa ( cf. aulne  TLF). C’est une discussion assez compliquée.
  2. Lectures de l’Atlas linguistique de la France de Gilliéron et Edmont : du temps dans l’espace. Auteur : Dirigé par Guylaine Brun-Trigaud | Yves Le Berre, Jean Le Dû. Genre : Sciences humaines et sociales Editeur : CTHS, Paris, France

Beguda, begude "abreuvoir"

Beguda « boisson, buvette, abreuvoir, coup à boire, toast, auberge au bord d’un route, action de boire » (Alibert),  et aussi un  toponyme très répandu. Il y a déjà 15  Bégudes  dans le Gard.   Le sens de base est bien sûr « abreuvoir » spécialement pour les chevaux, mais la première attestation en ancien occitan est « guinguette ».

L’étymon est le participe passé du verbe bibere « boire ». Dans l’évolution des  verbes qui sont beaucoup utilisés , on constate  souvent de  très nombreuses irrégularités.  Ainsi le participe passé de  beure  « boire » est devenu begut, buguda,  forme qui ensuite a servi comme substantif avec le sens « abreuvoir pour les chevaux »  > « guinguette pour les hommes ».

guinguette

Guinguette Vincent van Gogh

De nos jours il n’y a plus d’abreuvoirs pour les chevaux. Ils sont remplacés par des piscines.

Mas de la Bégude à Sernhac

Ce n’est pas un guinguette à 3K € la semaine.

 

Rumat. La fête du Rumat à Mirepoix

Dans son blog du 24 juin 2012 la dormeuse se demande Le Rumat, qu’ès aquò ?

Anno 2012, fait ce 24 juin, jour de la fête annuelle du Rumat.  En 1362, menés par un certain Jean Petit, les routiers attaquent Mirepoix. Ils pillent et incendient une bonne partie de la ville. Le Rumat, c’est le quartier de Mirepoix que les routiers, en 1362, ont “grillé comme une volaille”.

A la fin de son article elle ajoute :

…..tout le monde sait de quel quartier il s’agit, mais quant à dire d’où vient qu’on nomme ce vieux barri“le Rumat”…

Rumat… rumat… ?

ayant oublié de  faire appel à son étymologiste de service.

Le verbe rumar  est attesté en ancien occitan comme verbe réfléchi avec le sens « se ratatiner, se crépir sous l’action d’une grande chaleur »;  par la suite ce verbe et ses dérivés sont appliqués à tout ce qui présente un aspect de « brûlé »,  comme à Die et dans le Queyras  rimar « brûler et s’attacher au fond d’une marmite »,  à Marseille « brûler un mets dans un pot », à Pézenas c’est  rumá « roussir »,,  dans l’Ariège rumá  « brûler ».  Le substantif rumá  prend souvent le sens de « odeur de brûlé » ou de « roussi par le feu « . Les deux sens ont dû s’appliquer au quartier du Rumat à Mirepoix.

L’étymologie est le latin rimari, rimare  « fendre, fouiller »1, qui s’est conservé dans plusieurs parlers  galloromans, comme en ancien occitan  rimar « gercer » et « se rider » comme verbe réfléchi.  En espagnol  rimar c’est « chercher ».  Dans le sud du domaine galloroman le sens du verbe   rimar, rumar  s’est spécifié  depuis le Moyen âge de « fendre » à « fendre sous l’effet d’une forte chaleur » > « brûler ».  Le texte de la dormeuse nous fournit une date précise pour Mirepoix: 1362.

La fête du Rumat se prépare

Turro, turras "motte de terre"

Turro, turras « motte de terre ».  Dans quelques endroits c’est aussi la « souche d’un arbrisseau ». Alibert distingue la turra « motte » et turras « grande motte ».

turras "grosses mottes de terreé

de vrais turras

Raymond Jourdan de Montagnac, viticulteur, écrit:

Après avoir brisé les mottes « turras« , on passe la herse « rascle » et derrière une planche pour niveler le sol pour pouvoir tracer le rayonnage….

Le mot turra, turro  est tellement ancien que les étymologistes ne sont pas d’accord sur son origine. Meyer-Lübke a  proposé une racine *turra « éminence, talus » ,  d’origine gauloise, qu’on retrouve dans d’autres langues celtiques comme le cymrique1 twrr « tas », l’irlandais torrain  « j’entasse » et le breton tur « taupinée ».

Paul Aebischer 2 propose une racine pré-indo-européenne *taur,  en rapport avec le languedocien tourel  « monticule » et le nom de  la chaîne de montagnes turques Taurus,  Dans la bouche des Gaulois cette racine serait devenue *teur, *taur  ou *tur. Voir l’article de  Julio C. Suarez   qui cite de nombreux toponymes  Turón  en Espagne.   Von Wartburg (FEW XIII/2, 434b)  y oppose que le latin torus « toute espèce d’objet qui fait saillie; éminence »  convient parfaitement pour les nombreuses formes et significations qui existent dans les parlers issus du latin.

Dans beaucoup d’endroits, les mots issus de la racine *turra  et ceux issus de torus vivent en cohabitation.  La difficulté de l’étymologie est surtout d’ordre phonétique. Le -u- , prononcé ü,  ne provient régulièrement que d’un – ū –, prononcé -ou- long, latin.  Nous avons donc affaire à deux familles différentes, même si les significations et les localisations sont très proches.

Turro « motte de terre » et ses dérivés  se trouvent  en languedocien et en gascon. Esturrassà  « émotter, assommer; herser ». Dans le Val d’Aran et à Arrens (Htes-Pyr) une motte de terre s’appelle  turrok.

  1. la langue celtique du pays de Galles
  2. Aebischer, Paul. (1948) « Le catalán turó et les dérivés du mot prélatin *taurus ». Bulletí de Dialectología Catalana.17 Gener-març (pp. 193-216). Barcelona. que je n’ai pas pu consulter