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Radasso "vadrouille; fainéant"

Radasso « vadrouille; fainéant ».  Il y a actuellement  une confusion entre le  provençal   radasso,  le verbe radassà, se radassà  et le mot de l’argot parisien radeuse, radasse   « prostituée », dont le sens  n’est pas compatible avec celui du  verbe marseillais :  « fainéanter »  et dont l’étymologie est pour le moment obscure1.

radasso vadrouille      

Radasso  « balai fait avec de vieux cordages, dont on se sert pour nettoyer le pont d’un bateau »  est à l’origine du verbe  radassà  « balayer avec la vadrouille, nettoyer avec le faubert ». Ensuite on a utilisé ce verbe au figuré   se radassà « se traîner, se rouler à terre »comme les bouts de la radasso dans l’image ci-dessus,  mais en parlant de quelqu’un,  en suite on a pu dire que de celui qui se radasse  > qu’il fainéante  et un radasso   est donc un « fainéant, vaurien ».

La vieille corde dont on fait la vadrouille peut aussi servir à la pêche aux oursins quand on y attache de petits filets (Voir la définition de Mistral ci-dessous) Voici ce qu’écrit un amoureux de la Madrague de Gignac:

PPour commencer cette page historique,je voudrais vous poser une question : savez-vous ce qu’est une « radasse » ? J’en vois déjà parmi vous qui sourit mais le sens premier de ce mot est peut-être moins connu. Pour les pêcheurs de la Côte Bleue, une radasse est un vieux filet qu’on utilisait pour arracher les oursins sur les fonds rocheux en le traînant derrière une barque. Cette façon de pêcher les oursins dévastait les fonds marins en ramenant dans les filets non seulement les oursins de toute taille, mais aussi une moisson d’algues et de plancton. C‘est la raison pour laquelle la pêche à la radasse a été interdite,

L’étymologie n’est pas tout à fait  claire.  Une forme *rasitoria « baguette qu’on passe sur une mesure quand elle est trop pleine »  aurait abouti irrégulièrement à *raditioria  qui  a donné en ancien occitan rasdoira, radoyra  et avec ce substantif on a créé le verbe rada(r) « mesurer à ras avec une baguette ». [ 2.  FEW  X, 92a rasitoria ]  Ci-dessous l’article de Mistral:

Le  sens  « rader »  s’est développé en  « frôler, glisser sur, mettre à niveau » et  appliqué à un oiseau devient « planer » en provençal et en limousin.

Ce qui tombe par terre quand on rade, n’a pas beaucoup de valeur, ce sont des restes, des radas « guenilles » (Mortagne)  et le dérivé radasso  une « vadrouille, écouvillon »;  le verbe radassà  « nettoyer avec une radasso ».   Enfin une radasso  peut être tout ce qui n’a plus de valeur « une vieille bête de somme » à Aix  ou un « vieux canapé » à Marseille.

Faire la radasso   ou  se radassa  « se traîner; se rouler par terre » devient « fainéanter » à la plage du Prado, ou sur un vieux canapé à l’Estaque.  Une activité qui n’a rien de répréhensible.

Marseille Radassà (se) fainéanter, paresser, de préférence allongé. « L’été, c’est agréable de se radasser au soleil sur la plage ».

  1.   Radeuse , radasse est probablement un dérivé de rade « trottoir ».  Voir le TLF rade3

Rumat. La fête du Rumat à Mirepoix

Dans son blog du 24 juin 2012 la dormeuse se demande Le Rumat, qu’ès aquò ?

Anno 2012, fait ce 24 juin, jour de la fête annuelle du Rumat.  En 1362, menés par un certain Jean Petit, les routiers attaquent Mirepoix. Ils pillent et incendient une bonne partie de la ville. Le Rumat, c’est le quartier de Mirepoix que les routiers, en 1362, ont “grillé comme une volaille”.

A la fin de son article elle ajoute :

…..tout le monde sait de quel quartier il s’agit, mais quant à dire d’où vient qu’on nomme ce vieux barri“le Rumat”…

Rumat… rumat… ?

ayant oublié de  faire appel à son étymologiste de service.

Le verbe rumar  est attesté en ancien occitan comme verbe réfléchi avec le sens « se ratatiner, se crépir sous l’action d’une grande chaleur »;  par la suite ce verbe et ses dérivés sont appliqués à tout ce qui présente un aspect de « brûlé »,  comme à Die et dans le Queyras  rimar « brûler et s’attacher au fond d’une marmite »,  à Marseille « brûler un mets dans un pot », à Pézenas c’est  rumá « roussir »,,  dans l’Ariège rumá  « brûler ».  Le substantif rumá  prend souvent le sens de « odeur de brûlé » ou de « roussi par le feu « . Les deux sens ont dû s’appliquer au quartier du Rumat à Mirepoix.

L’étymologie est le latin rimari, rimare  « fendre, fouiller »1, qui s’est conservé dans plusieurs parlers  galloromans, comme en ancien occitan  rimar « gercer » et « se rider » comme verbe réfléchi.  En espagnol  rimar c’est « chercher ».  Dans le sud du domaine galloroman le sens du verbe   rimar, rumar  s’est spécifié  depuis le Moyen âge de « fendre » à « fendre sous l’effet d’une forte chaleur » > « brûler ».  Le texte de la dormeuse nous fournit une date précise pour Mirepoix: 1362.

La fête du Rumat se prépare

Cuscar, un lien entre l'Occitanie et les Flan...

Cuscar « parer, former, arranger, mettre en ordre; soigner un malade, un enfant, les servir, avoir soin de les vêtir, de les couvrir, les remuer, les faire manger,&c »  et descuscar « défigurer, meurtrir, balafrer »(Sauvages, S1),   viennent d’un mot germanique  kuski  « pur, vertueux, chaste » 1  qui  a abouti à  keusch en allemand,  kuis  en néerlandais « chaste ».

La première attestation vient du Gascon  Marcabru ( 1110-1150): cusc  « pur, vertueux ».

Les attestations du verbe  cuscar  et de son contraire  descuscar ne sont pas très fréquentes. Mais au XVIIIe siècle ils devaient être bien vivants en languedocien, parce que l’abbé de Sauvages complète sa définition entre la première et seconde édition de son dictionnaire.

Ce qui m’a frappé est le fait que l’évolution sémantique qui s’est produite en occitan  a eu lieu également en  flamand où a été créé le verbe  kuisen   avec le sens  « nettoyer, rendre propre », un emploi qui fait toujours sourire les Néerlandais.   Le fondateur de la lexicologie néerlandaise, le Flamand  Kiliaan donne l’exemple   kuyschen de boomen « tailler les arbres », un sens qui a peut-être existé en occitan; en tout cas  l’abbé de Sauvages connaît  son  contraire :  descuscar  « déparer un arbre en cassant les branches » (S2) .

descuscado______________________________________

  1. Il n’est pas impossible que kuski  a été emprunté au latin conscius  « conscient » dont  le sens s’est développé en « conscient  de ce qui est convenable » > « chaste, vertueux ».

Tissous couma las mouscas

Tissous « taquin »dans l’expression : Estre tissous couma las mouscas « être taquin comme des mouches ». C’est dans la rubrique « L’Accent de l’été » du Midi Libre que j’ai rencontré cette expression, tirée du livre de Christian Camps, attestation confirmée par Lhubac et un site sur Clermont-l’Hérault. D’après Lhubac tissous  signifie  au figuré « appétissant ». D’après René Domergue atisser  dans la pétanque signifie « provoquer » . S’atisser : « se prendre au jeu ».

tissous couma las mouscas L’abbé de Sauvages mentionne  le substantif dont il est dérivé: tisso, prenë ën tisso « avoir quelque chose en aversion, prendre quelqu’un en aversion ». Selon Alibert  tissa signifie « manie, habitude, forte envie; taquinerie incessante » et l’adjectif tissos « taquin, maniaque querelleur ». Tissous veut parfois dire « opinâtre ». Mistral atteste pour le Gard tissot « taquinerie incessante » et à Castres au XVIIIe siècle prendre en tisso « prendre en grippe ». Cette expression pris en tisse « pris en grippe » est encore vivant à Montpezat (Gard) et probablement ailleurs.

Une lectrice (merci beaucoup!) m’écrit: « tissous » en Languedocien, ou du moins du côté de Béziers, s’associe a quelqu’un qui est collant, qui te suit partout, qui se colle a toi, qui te touches. Par « T’es tissous », il faut comprendre « laisses moi tranquille, tu m’agaces ».

D’après  le FEW  l’étymologie  de tisso  avec les sens « manie; aversion; taquin; travail; tâche », de  tissous « fâcheux; opiniâtre » et du verbe atissà  « prendre à tâche de faire une chose »  est d’origine inconnue 1

Une information d’un lecteur m’a incité à continuer mes recherches. Il m’écrit:

Chez nous, dans le bas Quercy à la limite du Lot et du Tarn et Garonne. Tissous : dans le feu de cheminée signifie bouts de bois braisés à la pointe, il faut les repousser pour rallumer le feu.(pour qu’ils brulent).
Amicalement.

Ce  tissous -là avec le sens  « bouts de bois braisés » vient  directement du latin titio « tison ». Le verbe français attiser « animer un feu »  vient d’un composé du bas latin  *attitiare. Or ce même verbe *attitiare est employé au figuré en occitan  atizar  et en français attiser avec le sens « exciter une passion, irriter »: à Nice  atissà  « exciter un chien »,  atiza  à Toulouse.  A Montpezat atisser ‘titiller qn.’ Domergue p.200. A Gignac également atisser ‘exciter, faire enrager’ (Lhubac). Alibert donne la forme avec un seul -s-,  prononcé -z-atisar « attiser, aviver » et  atissar avec deux -s-  « exciter, haler , vexer ».

Cet emploi au figuré du verbe   est bien considéré comme dérivé du latin titio  « tison ». (FEW XI/1, 358a).  A mon avis rien ne s’oppose à rattacher  tisso  et tissous  à la même famille de mots.  Même les sens « travail; tâche » ne posent un problème  d’ordre sémantique.  Une évolution sémantique analogue a eu lieu en néerlandais où le verbe stoken « faire brûler; chauffer »  a aussi pris le senes « provoqer, exciter ».

Les formes avec –ss-  ont probablement subies une influence des onomatopées formées à partir d’un kss kss, kiss kiss qui sert à exciter un chien dans de nombreux parlers, comme  par exemple le catalan aquissar ou le néerlandais kissen, kisten  et en languedocien aquissà déjà attesté chez l’abbé de Sauvages: akissa.

atissar, atisser

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  1. vol. XXII/1, p.14b;  et les pages 42b; 71b; 107b; 23b; 99a

Calhol, rat calhol "loir, lérot"

Calhol, rat calhol « loir ». Jean Crespon le  taxidermiste de Nîmes, écrit que le  loir et le lérot s’appellent  racayé dans le parler local. Un mot introuvable dans les dictionnaires. C’est l’abbé de Sauvages (S2) qui écrit qu’un ra-grioule  ou  ra-taoupié  est un « lérot »  qui m’a fait comprendre que  racayé  est un mot composé : rat + cayé. C’est un nom plutôt rare 1. Deux  attestations dans le Tarn-et-Garonne (Thesoc) et  une  dans le FEW pour Cahors (Lot).   Rolland, dans le  volume sur les  Mammifères sauvages,  cite rat calhol pour Toulouse et rat cayé pour le Gard qu’il a trouvé chez Crespon.

Pour l’étymologie c’est encore l’abbé de Sauvages qui m’a mis sur la bonne voie .   Calié, caliol, calhol, garel  signifie d’après lui « bigarré; bœuf de deux couleurs; bœuf pie, blanc et noir » et j’ai cherché un lien avec l’oiseau la caille.  En effet une caille est bigarrée.

L’étymologie de caille  est un latin tardif quacula « caille », une onomatopée qui a remplacé le latin coturnix. Le mot  quacula a eu beaucoup de succès à l’époque.  On l’a appliqué à d’autres animaux, comme par exemple à Toulon  cailloun « espèce de fauvette » et surtout au figuré  déjà en ancien français quaile  « femme galante » et caillette « femme frivole et bavarde ». (Plus dans  le TLF).

Dans un grande partie du domaine gallo-roman on a comparé des vaches d’une couleur irrégulière, tachetées de noir et blanc ou d’une couleur foncée sur fond blanc » à des cailles,  et le mot caille est devenu un adjectif. En occitan nous trouvons surtout   des dérivés:

  1. Il est incompréhensible que les auteurs du dictionnaire Panoccitan  appellent un loir greule  et un lérot calhol; tandis que le nom le plus fréquent est du type garri.  On a l’impression que les auteurs font un grand effort de réserver l’occitan à une élite et évitent les mots courants et compréhensibles par le plus grand nombre