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Trou(t)š , trouyš ; trouc

Trou(t)š , trouyš ; trouc (Béarn), troç « trognon de chou » (cf. Thesoc) vient d’une racine préromane, peut-être gauloise *truko- « souche ».

La forme béarnaise trouc suppose une origine truko-, trukko- , tandis que troç, troutš etc. exigent un dérivé *trukio-.

Presque toutes les attestations viennent du sud-ouest , de l’Ariège jusqu’à la mer. C’est là aussi qu’on trouve les dérivés comme trouchá légne « couper du bois en tronçons », estrouchá « étronconner, couper net, ôter le trognon ».

Tranugo, sarnuge

Tranugo, tronugo, tranüo s.f. « chiendent, herbe traînante, etc. »

Tranugo appartient à une famille de mots que nous trouvons dans l’Ouest du domaine d’oïl et en occitan. Il y a deux grands groupes, le type tranugo et le type sarnuge. Il s’agit en général de « chiendent » ou de la « renouée des oiseaux » qui s’appelle aussi « trainasse, centinode, herniole, sanguinaire », ou d’autres mauvaises herbes. Pour l’informateur de St-Bonnet-de-Four, Allier du Thesoc  la tranuge rouge est « l’achillée mille feuilles ».

La plus ancienne attestation date du IXe siècle en latin tardif ternuca « chiendent ». L’origine de ces noms est inconnue. Il s’agit peut-être d’une famille de mots pré-romanes ??? Voir FEW XXI, 196

Un jour il faudra faire une étude de la connaissance actuelle des noms locaux des plantes et la comparer aux données d’il y a une centaine d’années.

       

trainasse                     chiendent                     achillée

Tosela

Tosela « tauselle » orthographié en français également touzelle, tauzelle etc.
Charles Atger « Valleraugue. Petites histoires et anciennes coutumes », Le Vigan 1972 , p.12 écrit :

« La plupart de temps il [le paysan] faisait lui-même le pain du ménage avec la farine du seigle récolté à la ferme. Cette farine était mélangée à celle du froment ou de touzelle, achetée chez le boulanger et cela donnait un pain excellent….

J’ai repris le manuscrit de Seguier1, feuille 41 r.: touselle « lou blad lou pu pesant lou pu beu lou millou et aquel que fait lou pan lou pu blanc de tout lou languedoc ». et un peu plus loin : miscle: « blad mele de touselle et de siguie ».

tosela touzelle

Etymologie : cette image explique l’étymologie du mot : c’est un blé sans barbe autrement dit « tondu », ce qui s’appelait tonsus le part.passé du verbe  tondere, avec le suffixe -ellu.

Il s’agit d’un variété de froment cultivé uniquement dans les régions méditerranéennes. Le mot est également occitan, même s’il a été importé en français par Rabelais qui lui, savait de quoi il parlait, ayant fait ses études à Montpellier. Dans le Quart Livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel:

« cestuy home caché dedans le benoitier, aroyt un champ grand & restile, & le semoyt de touzelle « ,

contrairement à Jean de La Fontaine qui utilise le mot également dans : Le Diable de Papefiguière :

Le Manant dit :  » Monseigneur, pour le mieux,
Je crois qu’il faut les couvrir de touselle,
Car c’est un grain qui vient fort aisément.
– Je ne connais ce grain-là nullement,
Dit le Lutin. Comment dis-tu ?… Touselle ?…
Mémoire n’ai d’aucun grain qui s’appelle
De cette sorte ! Or emplis-en ce lieu :
Touselle soit, touselle, de par Dieu !

La Fontaine  a avoué à Richelet, l’auteur d’un dictionnaire, qu’il ne savoit pas ce que c’était. Pourtant le mot est resté dans les dictionnaires français jusqu’à nos jours avec la graphie tauselle. Enfin dans le TLF on le trouve avec la graphie touselle, touzelle.

Et pour terminer voici ce que l’abbé de Sauvages qui savait de quoi il parlait, a écrit à propos de touzelo,

 

L’histoire du pain de Gonesse  fait uniquement avec de la tauselle,  est confirmée dans ce site : . Du XVe au XVIIe siècle, le village se tailla une solide réputation pour la qualité de son pain fabriqué avec le blé du terroir, le pain mollet de Gonesse

Tartifle

Tartifle « pomme de terre ». Grâce à l’essor des sports d’hiver, tout le monde connaît aujourd’hui la tartiflette.

Les Savoyards croient qu’ils sont seuls propriétaires du  mot tartifle dont il est dérivé en oubliant qu’il appartient aussi au  provençal et au  languedocien de l’est (Ardèche, Gard). En plus toute cette région a emprunté le mot au dialectes du Nord de l’Italie : le  piémontais;  il est composé de terrae + tuber « terre + bosse, truffe » .

L’introduction de la pomme de terre en Europe s’est faite en deux phases.  Elle est venue du Pérou en Espagne au début du XVIe siècle et  de là en Italie où elle a reçu le même nom que la truffe : tartoufli, tartífoula.  De l’Italie elle a été importée en Suisse, notamment à Bâle, où le nom tartuffoli  a été adapté et transformé en Kartoffel, qui est devenu ensuite le mot allemand.   La forme suisse catofle  est bien implantée dans la région lyonnaise.

De la Suisse la plante est également importée dans le Dauphiné et probablement dans le Vivarais voisin ainsi qu’en Bourgogne au début du 17e siècle. 

Olivier de Serres qui vivait dans le Vivarais écrit dans « Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs » 2e éd. Paris 1603 p.513 :

« c’est arbuste dict cartoufle porte fruict de mesme nom, semblable à truffes, et par d’aucuns ainsi appellé ».

La pomme de terre,  à l’époque  une plante rare, était considérée comme une sorte de truffe,  du latin tuber qui a donné en ancien occitan trufa (XIIe siècle) « espèce de champignon souterrain, truffe » et le mot trufo, trufa, désigne toujours la « pomme de terre »  dans beaucoup de patois galloromans et en même temps la « truffe » ou le « topinambour » comme par exemple dans le Gard. Pierre Larousse donne pour tartifle « nom vulgaire de la truffe ».

Enfin en provençal et en est-languedocien c’est le mot piémontais qui a été adopté tartifle qui en languedocien au début du XVIIIe siècle avait les deux sens :  « topinambour »  et « pomme de  terre » (Sauvages) .   En Ardèche, par exemple à Saint-Alban d’Ay existe une autre forme piémontaise trifólas , devenue triffoles  en français régional

La deuxième phase n’a eu lieu qu’’au XVIIIe siècle, grâce à Antoine Augustin Parmentier, quand la pomme de terre devient un élément de la nourriture quotidienne partout en France et que dans le vocabulaire l’élément truffe a été remplacée par pomme.

 

Tapenade

Sans câpres pas de tapenade!

tapenade(Wikipedia)

Cette préparation traditionnelle servie en hors d’œuvre est très à la mode. On la retrouve de plus en plus souvent sur le buffet des réceptions, des plus simples aux plus mondaines. Beaucoup de recettes sur le Web.

Le mot tapenade est dérivé de l’occitan tàpera « câpre ». Le câprier  est un arbuste épineux du  bassin méditerranéen originaire de l’Orient.  Il semble que  les Romains s’en servaient déjà, puisqu’ils  ont emprunté le mot capparis au grec.  Mais  l’utilisation des câpres comme condiment a dû se perdre  au début du moyen âge puisqu’on ne retrouve le mot  dans sa forme indigène dans aucune des langues romanes (en français cela aurait dû donner quelque chose  comme  * chapre ).

La câpre n’est pas un fruit mais le bouton floral du câprier cueilli tôt le matin avant que les fleurs ne s’ouvrent, confit dans l’huile, le vinaigre ou  la saumure .Les boutons floraux de moins de 1.5 cm sont appelés « nonpareilles » ou « surfines» , les plus grands « capucines » ou «communes ». Le fruit, appelé cornichon de câpre, plus gros, est rarement utilisé car son goût est très fort .(Si vous voulez tout, vraiment tout savoir sur les câpres et une centaine d’autres épices et condiments, demandez à votre moteur de recherche de trouver « Gernot Katzer’s Spice Pages ». Impressionnant . Deux photos tirés de ce site.

   

           Les premières attestations en français du mot caspre  datent du XVe siècle, emprunté à l’italien : cappari.  La graphie hésite entre  caspe, caspre  et enfin câpre depuis  la fin du XVIIe siècle. Dans la péninsule ibérique ce sont les Arabes qui ont réintroduit la câpre : en espagnol et en portugais alcaparra est issu de l’arabe kabbar  qui  vient également du grec. Presque toutes les langues européennes ont un représentant du mot grec pour désigner les câpres, par exemple allemand Kapern, néerlandais kapper ou le diminutif kappertjes, estonien torkay kappar etc. Le site de Gernot Katzer fournit le nom en 57 langues dont le Provençal.

Mais il y a une exception : en occitan nous avons une forme tàpena avec un t– au  lieu du c– initial ce qui n’est pas expliqué. On la trouve déjà en ancien provençal   tapera  et en provençal moderne tapeno ou languedocien tàpero. Larousse 1874 donne fr. tapène comme mot du Midi pour « câpres ». La forme avec t– initial se retrouve dans l’Italie du nord, piemontais : tapari, à  Gênes : tapani, à Menton : tapanu, en corse : tappanu, et en catalan : tapara ou tapera.

Le fait que cette forme est propre à la région  méditerranéenne, c’est-à-dire la région où  cette plante est naturelle, et le fait que ce mot ne se retrouve dans aucune autre langue romane, suggère que  la forme tapera  nous provient d’une langue pré-romane comme le ligure, une langue italo-celtique d’un peuple installé autour de la Méditerranée et dont nous avons gardé quelques mots  comme calanque et  surtout des noms de lieux qui se terminent par un suffixe en –oscu , –ascu  ou –uscu, comme  Flayosc (83) Aubignosc (04)  Venasque (  ),  Greasque (13), Blausasc (06). (Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e éd. Berne,  Francke,1962).

L’accent circonflexe de câpre n’a aucune raison d’être. Peut-être un scribe médiéval  a rapproché câpre de l’adjectif âpre  où l’accent circonflexe représente à juste titre le s du latin asper. Une idée pour la prochaine réforme d’orthographe?