cat-right

Can

Can « chien », vient directement du latin canis, ou plutôt canem.

                                   
D’après cette carte le type tchin, tsin est le plus fréquent, suivi du type can. Les deux représentent latin canem > cane > can >ca, co etc. Le FEW suit Ronjat qui explique la forme irrégulière (avec tch- , ts-) par la propagation de la forme francoprovençale. tandisque on trouve la forme occitane cagne < *cania pour « chienne » jusqu’en Bourgogne et même en français! Pour le nord-occitan l’évolution ca- > tch- est régulière; voir à ce propos mon Introduction, Histoire de la forme.

Il est curieux que le dictionnaire Panoccitan qui veut « normaliser » le languedocien,  choisi un mot aussi excentrique que gos comme « panoccitan ».

Baou(ch), bau

Baou, bau « fou », provençal bau « plaisant, facétieux », lang. bauch ou  baou « fou » (M), dans l’Hérault tši baou « chien enragé ». C’est Joan Coromines grand connaisseur du catalan, castillan et de l’occitan qui l’a rattaché au germanique *bald « hardi, courageux ».   Une forme gotique *baldius serait passé très tôt en roman.

baou ou boud?

L’évolution sémantique « hardi » > « fou » ne pose pas de problèmes:  quand je veux monter sur le toit pour orienter la parabole ma femme me dit « t’es bàou », moi je me trouve bald, boud, mais je pourrais m’abaouchá.. »tomber sur le visage ».(S).  Le sens originel de *bald existe encore en néerlandais boud prononcez [bàout], boute dans l’expression een boute bewering « une assertion hardie », ou l’adv. boudweg ‘d’une façon hardie, téméraire’, le prénom Boudewijn, Baudewijn « Baudoin », le deuxième élément de Leopold , Archibald. Ancien occitan baut « joyeux, hardi », allemand bald adv. « bientôt », anglais bold « courageux ».

En Occitanie, la forme avec un – c à la fin et ses dérivés sont limités au languedocien, ancien occitan bauc « fou , niais », bau, baudjo adj. (Gard), bauch, -jo (Aveyron),mais on le retrouve en catalan boig, boja adj. »fou, malade mental », se dit aussi d’une aiguille d’une boussole (DIEC). Déjà attesté en ancien occitan bauc adj. « fou, niais ». Mistraldonne pour le languedocien les dérivés bauchas « grand niais », bauchet « petit fou », bauchinard « folâtre », bauchun « extravagance », et spécial à Nîmes baugeso s.f. « fadaise » (XVIIe siècle).
Dans le lexique de Montpellier (XIXe siècle): baug (pron. « baw ») (=) fou, v. fòl, caluc, tímbol « A fauta d’un baug metem un savi en cadièira » (Prov); bauginardàs (=) petit fou.; rire baug (=) fou-rire.
Les Valleraugois (30570) connaissaient un dicton: Longo é primo, booudjo o lo cimo « longue et mince, folle à la cime » (Atger, p.67).

D’autres mots du même champ sémantique, comme brave,  suivent une évolution analogue.

Discussion.

Dans le nouveau dictionnaire étymologique du néerlandais (EWN s.v. boud) , je trouve qu’il y a également des mots celtiques comme ancien irlandais balc « fort » et gallois balch « fier, joyeux » (pour écouter la prononciation clicquez ici ) qui proviennent d’une racine *balk,   un emprunt à une langue pré-indo-européenne. Cette racine avec –k expliquerait les formes languedociennes et catalanes.

Sujet à approfondir! Je crois qu’il faudra revoir l’étymologie de cette famille de mots, et les rattacher plutôt au celtique *balk- qui expliquerait notamment les formes féminines et les dérivés.

Dans un dictionnaire du Proto-celtique je trouve: Proto-Celtic: balko- ‘strong’ [Adjective]
Old Irish: balc [o] ; Middle Welsh: balch ‘fine, proud, strong, brave’ ;Middle Breton: balc’h ;Cornish: balgh ;Proto-Indo-European: *bhel- ‘strength’
Page in Pokorny: 120; IE cognates: OE beald ‘bold’ .

Bancel, bancal

Le bancel n’est pas bancal. Christian Lasure écrit :  « Ces deux termes occitans, l’un languedocien (bancèl), l’autre provençal (bancal), ont le sens non seulement de « plate-bande », de « planche cultivée » mais aussi de « banquette de terre », de « gradin de culture ». La forme bancèl est répandue dans les Cévennes ardéchoises, dans la Gardonnenque (Gard), à Vialas (Lozère). L’origine des deux termes est évidente : ils sont dérivés de l’occitan banc, « banc », dont ils conservent le sens, sans changement notable pour bancal, mais avec une idée de diminutif pour bancèl (« petit banc »). »

bancel, bancal, traversier

Là nous avons un petit problème de phonétique historique, un aspect important de l’étymologie qu’on oublie souvent.

Bancal est le résultat régulier en occitan, aussi bien en provençal qu’en languedocien, du mot germanique *bank très tôt passé en latin + le suffixe –ale > bancale. Les premières attestations en ancien occitan datent du XIIe siècle où bancal signifie « bande d’étoffe servant à couvrir un banc ». Dans l’Aveyron bancal est passé de ce sens à l’objet qu’il couvre : « grand banc qui sert de coffre et de siège ». (Ce qui nous rappelle l’histoire du mot bureau en français de burel ‘étoffe’ > ‘table couverte d’un tapis). Comme adjectif, bancal  avec le sens « qui a les jambes tournées comme celles d’un banc » existe en aveyronnais et dans les Cévennes gardoises.

Bancel par contre est un autre dérivé de *bank. Il s’agit du suffixe -ellu. Le[-k-] devant le -e- bref du latin devient régulièrement [ -s- ] comme à l’initiale : coelu > cel ‘ciel’. Des amis m’ont confirmé que le mot bancel pour ‘gradin de culture’ est très répandu en Lozère. Il est également attesté à St-André de Valborgne (30).

Le mot banc a pris plusieurs sens en galloroman, dont celui d’ « ‘amoncellement de sable ou de neige; muraille qui retient la terre d’une vigne en pente » : à Mende bonko ‘rocher’ et en Ariège banko ‘culture en terrasses’. Mistral donne le dérivé bancau (qui vient de bancale) pour le provençal et bancal pour le languedocien avec les sens 1) plate bande de jardin 2) gradin d’un terrain en pente. Le FEW  précise : le mot bancal existe en Rouergue et bankals au pluriel est la ‘culture en terrasses’ en Ariège.

Une question intéressante est de savoir pourquoi les Romains ont emprunté aux Germains un mot comme banc qui désigne un meuble tout à fait banal. En mobilier les Romains avaient des scamnum et des subsellum, mais c’étaient des escabeaux pour les enfants et les esclaves. Monsieur et madame, eux, se reposaient ou mangeaient sur des lits.

Les Germains par contre qui avaient des maisons en bois, faisaient tout autour de la pièce à vivre un bank avec un appui pour le dos contre la paroi, comme on le voit encore dans les Stube en Allemagne, Autriche, République tchèque. Les Romains ont copié la chose et le mot. Dans beaucoup de maisons allemandes le banc fait partie des meubles traditionnels,  c’est standard.


Bacél

Bacél « battoir pour le linge » du latin baccillum « bâtonnet », devenu bacilum. Fr. bacille, un microbe qui a la forme d’un bâtonnet, est un emprunt récent au latin.

Avec le bacel au lavoir à Rustrel (Lubéron)        aïe!

Baceou  « gifle, coup » est la forme provençale de bacel

Fan, efan

Fan dans les expressions fan de chichourles (Lhubac = « exclamation d’admiration ou d’étonnement »; Alibert = chichorla « ortolan »; Mathon « juron qui nomme le sexe de la femme » ). Pour chichourle = jujube  = didoulo suivez ce lien.

                                                                                         

D’après notre femme de ménage l’expression fan de chichourles est souvent utilisée par les joueurs de carte. Marius Autran de La Seyne écrit que c’est une abréviation du mot « enfant » qui est ensuite introduite dans beaucoup d’exclamations : très fréquemment utilisé dans des formules exclamatives, dans toutes sortes de situations : surprise, admiration, désarroi, etc. : Fan de garce ! Fan de petan ! Fan de chichourle ! Fan des pieds ! Oh ! Fan ! etc.
Dans le site de Georges Mathon, , je trouve une petite histoire en patois O fan de pié .

L’article infans « enfant » dans le FEW montre qu’en effet la forme efan est typique pour l’occitan (à voir chez Ronjat 2,p.211). La forme sans -n- dans la première syllabe est très ancienne et se trouve déjà en latin dans des tablettesdu 6e siècle, appelées « tabellae defixionum » inscrites avec des malédictions qu’on a trouvées entre autres en Auvergne. Il s’agit d’un rite d’envoûtement très ancien connu des Egyptiens, des Grecs et des Romains. L’instrument en est le plus souvent des tablettes de plomb, roulées ou pliées et percées d’un ou plusieurs clous.