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Roumegá "rouspeter"

Roumegá « rouspéter, râler », romega « maugréer » (Alibert), en français régional rouméguer  (Manduel) continuent un latin rumigare « ruminer ». Homonyme de romegà « couper des ronces ».

Latin rumigare a donné dans le Gard roumiá (S), raoumya, roumya « ruminer », la forme roumegá est plutôt propre à la Gascogne: béarnais arroumegá « ruminer; répéter, rabâcher, marmotter entre ses dents ».

Languedocien roumegá « râler » me semble un emprunt au catalan remugar « ruminer, au fig. « râler » (DE): en tout cas le Languedoc et la Catalogne n’ont pas seulement le verbe en commun.


          
ils roumèguent

Un dictionnaire catalan explique  la différence:

REMUGAR / RUMIAR El verb remugar fa referència a l’acció de mastegar els aliments dos vegades típica de la ingestió i digestió d’aliments dels mamífers remugants: Els mamífers que remuguen tenen un estómac diferent del de la resta de mamífers. També designa l’acció de parlar entre dents, generalment en senyal d’enuig o desaprovació: Deixa de remugar i fes el que t’he manat. En canvi, el verb rumiar indica l’acció de pensar una qüestió una vegada i una altra: No he parat de rumiar el que em vas dir ahir. Hem rumiatentre tots un pla d’acció.

Les sons du  verbe rouméguer expriment bien les sentiments du râleur; dans un  site canadien  je trouve: T’es tout seul a roumeguer comme ca ? ou y en a d’autre des « amer » a ce sujet ? Où ont-ils pêché ce mot?

sac, saca, saque

Quel est le rapport entre un Sac Vuiton  et une chèvre?  Vous avez  deviné que cela doit être l’étymologie.

        Chèvre angora d'Ankara

Le mot « sac » est masculin en occitan comme en français. En occitan existe  aussi la saca  « grand sac », la saque  en français régional. L’étymologie, le latin saccus « sac » vous semblera peu intéressante.  Pourtant les Romains l’ont emprunté aux Grecs σακκος  « sac »et les Grecs l’avaient emprunté aux habitants de la Cilicie où il désignait un « tissu fabriqué en poils de chèvre ». Par la suite, grâce au commerce déjà mondialisé, le nom a été transféré à des sacs fabriqués avec ce tissu. Vous trouverez plus sur l’histoire du mot  sac ici.

Cilicie      laine en poils de chèvre

A partir de la Cilicie le mot a été introduit également  dans les langues sémitiques, et à partir du latin il a trouvé son chemin dans toutes les langues romanes, germaniques, celtes et le basque.  Vous voyez que la mondialisation ne date pas d’aujourd’hui.

C’est à la même région que fait référence le mot cilice.  (TLF)

Dans un petit article du Midi Libre l’auteur citait  l’expression bramer comme une saque « brailler la bouche grande ouverte ».  Le français régional saque correspond à l’ancien occitan saco, saquo « grand sac ».

 

tourin, touril

Tourin, touril  « soupe à l’ail, à l’oignon,   … »; la définition précise dépend de la région et de la cuisinière. Vous trouverez de nombreuses recettes sur le Web, e.a. dans Wikipedia , qui cite le Larousse gastronomique à propos de la graphie: « qui s’écrit également tourain, thourin ou tourrin, voire touril en Rouergue et touri en Béarn (…)  » .

Il faut pourtant savoir   que le touril  du Rouergue, n’est pas une graphie aberrante, mais un autre dérivé avec le même sens.  La forme en –in  se trouve principalement dans le sud-ouest, celle en –il  est plutôt languedocienne,  déjà attestée par l’abbé de Sauvages.

L’étymologie est le verbe latin torrēre « griller », qui sous l’influence de la grande majorité des verbes est passé à torrare. Le verbe torrar, tourar  « griller, brûler, cuire » est conservé en occitan et en franco-provençal.  En provençal on parle de taourà  à propos de la torréfaction des amandes. et par conséquent le « nougat » est appelé lou tourroun  à Marseille et dans l’Aveyron, que nous  retrouvons  d’ailleurs en catalan  torró, en espagnol turrón  et en portugais torrão.

Tourin et  touril   sont tous les deux des dérivés  du  verbe tourar « faire la cuisine ».  Le mot tourin  ne se trouve pas  dans le TLF.

D’autres dérivés bien languedociens sont les verbes se tourilhà , se tourrouya  ‘se chauffer, se câliner devant un bon feu », qui en gascon  devient  estourelhà  « faire sécher devant le feu ». L’abbé de Sauvage connaît la forme  s’estoulouirà « se câliner au soleil ».

Les noms du chêne

Cassanus, robur, quercus, carra, blaca ,etc.

Le nom du chêne cassanus  est-il  gaulois?   Von Wartburg écrit dans le FEW (je résume) :

  1. *cássanus (la petite étoile signifie que le mot n’est pas attesté, mais reconstitué!), est peut-être d’origine celtique , mais le mot peut aussi bien être rerpris par les Gaulois aux peuples pré-celtiques. Le problème est que *cassanus ne se retrouve dans aucune autre langue celtique, et d’autre part que la répartition géographique du mot ne correspond pas non plus à celle d’un peuple pré-celtique.
  2. *cássanus est indigène dans toute la France, sauf dans les départements provençaux
  3. La répartition géographique du type *cassanus et des concurrents gaulois *derua, le préroman (?) carr et le latin robur n’est pas restée immuable au cours des siècles. Dans le Midi et notamment dans le Languedoc, le type *cassanus a été concurrencé et remplacé par des mots du type *carr- qui désignaient à l’origine des « taillis de chênes ». Là où nous trouvons le type *cássanus dans les patois modernes, il s’agit d’un emprunt aux patois nord-occitans, comme par exemple l’auvergnat.

Le professeur Henriette Walter écrit dans son « bestseller » L’aventure des mots français venus d’ailleurs », (Paris,Robert Lafont, 1997) p. 42 « Le nom du chêne était cassanos en gaulois, quercus en latin. » Elle a oublié de consulter le FEW , contrairement à Alain Rey pour son « Dictionnaire historique »Le chapitre que Mme Walter consacre à « Le chêne gaulois: présent partout » (p.42) demande quelques remarques.

Même si le chêne était « un objet de culte chez les Gaulois », cela n’implique pas que le nom *cassanus est d’origine gauloise. Le « service publique » est un objet de culte chez les Français, mais cela n’implique pas que les mots service et publique sont d’origine francaise. Et comment expliquer que les Gaulois de la Provence n’ont pas conservé ce mot? ou qu’on le retrouve dans des patois ibéro-romans, là où les Celtes ne se sont jamais installés?

Pourquoi rattacher la Provence au pays de chassaigne, si le mot n’y est pas indigène, mais un emprunt?. D’ailleurs la conclusion de Mme H. Walter, quand on regarde sa carte, que ca- est devenu cha- en Provence est fausse. La ligne qui sépare la zone où ca- s’est maintenu de la zone où ca- a évolué en ts-, ch- suit approximativement la ligne qui sépare le provençal et le languedocien des parlers nord-occitans. Voir la carte ci-dessous, couleur lavande = provençal , ocre foncé= languedocien. Ocre clair = nord occitan. La limite ca-/tsa a été décrite très précisement par Ronjat. ( BDP, voir aussi NVelay).

Lire l’article carr dans FEW!!! = préroman, peut-être basque!

Ci- dessous la carte à gauche : la ligne cassagne/chassaigne.(Mme Walter)                  A droite: au sud de la ligne blanche ca– > ca- en provençal, languedocien et gascon

Gascon: garric. Un des nombreux noms que peut prendre le chêne suivant la région et la variété. Dérivés : garrigar (ne pas prononcer le « r » final), et bien sûr « garriga » (prononcer « garrigo« ), mais ce dernier est plutôt languedocien. Voir l’article  Garriguette, la benjamine de la famille Garric

escós chêne ou autre arbre étêté. Prononcer « escous ou escoup

surrèr « chêne liège » Prononcer « surrè »; surrèda (prononcer entre « surrède » et « surrèdo ») : endroit planté de chênes liège

cassi est plutôt girondin, l’autre forme gasconne est casso (prononcez [cassou] en accentuant la première syllabe), cassiar (masc.), cassia o cassièra (fem.), et cassanha « chênaie ».

tausin « chêne tauzin » variante : taudin. Dérivés tausiar (prononcer « tawzia »), taudinar, tausièda (prononcer entre « tawziède » et « tawzièdo »)…, qui sont les forêts de chênes tauzins

Languedocien

Garric « chêne; chêne kermès ». Voir l’article Garriguette, la benjamine de la famille Garric

Le chêne blanc lo rore, lo roire, lo rove (prononcez [rouré], [rouiré], [rouvé]) « Quercus humilis subsp. lanuginosa, autrefois Quercus pubescens »

Comme nom de lieu le type robur est très répandu. Dans le site de l’IGN (Les chiffres donnent le nombre de lieux en France; en consultant le site vous pouvez retrouvez tous les détails : département, commune, coordonnés) j’ai trouvé:

116 noms de lieu pour roure: roure 66 rouré 3 rourebean 1 rourebeau 3 rourebel 6 rourebet 1 roureda 1 rouregros 1 rourelas 1 roures 4 rouressol 1 rouresson 1 rouret 14 rourette 1 rourèda 1 rourède 3 rourèdes 1 rourètrie 1 rouréa 1 rourée 1 rouréou 1 arrourets 1 auroure 2 et

21 pour roire: au rouire 1 bergerie de la rouire 1 col d’al rouire 1 col de rouire 1 en rouire 2 la rouire 1 le bois de rouire 1 le rouire 3 pech de rouire 1 puech de rouire 1 rouire 3 rouire ouest 1 rouire verdal 1 ruisseau de rouire 1 ruisseau du col de rouire 1 ruisseau du rouire 1

et beaucoup plus pour rouve : rouve 15 rouvé 1 rouveau 4 rouvecau 3 rouvegade 1 rouvegros 1 rouveillat 1 rouveille 1 rouveirac 1 rouveiret 3 rouveirette 1 rouveirole 1 rouveiroles 1 rouveirolle 2 rouveirolles 1 rouveirète 1 rouveix 8 rouvel 4 rouveladas 1 rouvelade 1 rouvelades 1 rouvelane 1 rouvelet 3 rouvelias 1 rouvelines 1 rouvelinière 1 rouvelière 1 rouvellac 1 rouvelle 1 rouvellière 1 rouvelon 1 rouvelong 1 rouvelot 1 rouvenac 3 rouvenaie 2 rouvenaz 1 rouvenet 1 rouvenoz 1 rouvenèdes 1 rouverade 1 rouverades 1 rouveral 1 rouverat 2 rouveray 3 rouverdal 2 rouvereau 1 rouvereaux 1 rouverel 1 rouveret 2 rouverets 1 rouverette 1 rouvergne 1 rouvergue 4 rouvergues 1 rouverieux 1 rouveroi 1 rouverol 3 rouverolles 1 rouverot 2 rouverou 1 rouveroux 2 rouveroye 1 rouvert 1 rouvery 1 rouves 7 rouvet 3 rouvets 2 rouvette 1 rouveure 3 rouveurette 1 rouvey 7 rouveya 1 rouveyrac 1 rouveyrasse 1 rouveyre 6 rouveyrenque 1 (à Congéniès près de Vergèze dans le Gard) rouveyres 1 rouveyret 2 rouveyrette 5 rouveyrieux 1 rouveyrol 4 rouveyrole 1 rouveyroles 1 rouveyrolle 4 rouveyrolles 4 rouveyrols 1 rouvède 1 rouvègues 1 rouvère 1 rouvès 2 rouvèze 1 rouvéreide 2 anrouve 1 bellerouveroye 1

blacha, blaca, blacàs, souvent aussi employés pour désigner le chêne blanc. s’applique à divers espèces : le chêne vert en plaine, le châtaignier en Cévennes, le chêne blanc un peu plus dans l’arrière-pays.

avaus « Quercus coccifera (chêne-kermès) »

rovièira, roveda, rovereda, roireda (en languedocien) /roviera (en provençal), »chênaie blanche »

roret, roet « un petit bois de chênes »

Blaca « chêne blanc ».  Dans le premier volume du FEW blaca est considéré avec beaucoup d’hésitations comme d’origine gotique dans l’article blakk- « reluisant, brillant »1, mais cet étymon n’est pas repris dans les éléments d’origine germanique.

 D’après les généalogistes le nom de famille  Blachère dérivé de blaca 

 est fréquent dans l’Ardèche, où l’on trouve aussi la forme Blacher. C’est un toponyme désignant un bois de chênes blancs (occitan blaca). Le chêne blanc (ou Quercus pubescens) est considéré comme un des meilleurs chênes truffiers. De nombreux hameaux s’appellent (la) Blachère dans l’Ardèche et la Lozère. Formes voisines : Blacheyre (42), Blachier (07), Blache (26, 38), Blacas, Blachas (83, 84, 34, 48), Blachette (07, 26)

Google  me fournit 2 autres sources:

Dans Mélanges de philologie romane offerts à Charles Camproux: Volume 2

BLACAS, spécialement nom noble, est un augmentatif provençal de blaca, mot du Sud-Est, d’origine pré-gauloise, désignant originairement un taillis de chênes. BREA. Ludovic Brea : in « Theatrum Statuum Sabaudiae Ducis », Amsterdam, 1682.

et dans la Zeitschrift für romanische Philologie vol.79(1963)

J. Ubaud  ne dit rien sur l’étymologie  du mot  mais précise la répartition géographique :

blacha, blaca, blacàs, souvent aussi employés pour le (sc. le rore)  désigner, ces noms semblent concerner à l’origine des baliveaux (donc des jeunes arbres, nous l’avons déjà signalé dans l’article précédent) s’appliquant à divers espèces : le chêne vert en plaine, le châtaignier en Cévennes 2 , le chêne blanc un peu plus dans l’arrière-pays.

blaquièira (ou plus au nord blachièira) ou blacareda un collectif, désignerait un taillis de jeunes chênes blancs, mais il nous semble plutôt employé dans les zones de l’arrière-pays (pied du Larzac, Larzac, Haute Provence) où les toponymes dérivés abondent : Blaquières, Saint Jean de la Blaquière, La Blacarède, La Blachière, Les Blaquettes.

 

Le FEW écrit que  blakk-    est peut-être une forme du germanique  blank  « blanc ». On trouve en effet des formes dénasalisées de blank  dans les langues germaniques  comme le norvégien blakr  « chatoyer ». Les feuilles du chêne blanc sont en effet chatoyants.

Rore ramièr (de rama feuillage ) utilisé pour le fourrage pour les bêtes

rore aglanièr, destiné à fournir des glands aux bestiaux); engalar un teissut, c’était passer un tissu à la noix de galle.

Dans http://www.ulb.ac.be/philo/spf/langue/exam.htm (sauf gardé sous Divers) :

9. Les Lat. disaient quercus pour « chêne », d’où l’italien quercia. Ils avaient aussi robur « chêne rouvre, sorte de chêne très dur » > it. rovere, esp. roble. Chêne doit venir d’un *cassanus, mot pré-latin. Pourquoi pense-t-on qu’il soit celtique? a) Il serait conservé à cause du rôle religieux du chêne dans le druidisme; b) On trouve en esp. quejigo, sans doute de la racine cax- > cassanus/. *Cassanus, aurait dû donner en fr. *châne, *chasne comme dans asinus > as’nus > âne; *mâtrastra > marâtre « femme du père »; *salmaster > saumâtre. La forme régulière est du reste fournie par le wallon tchâgne. *Cassanus a donc évolué en chaisne par réfection analogique sous l’influence de fraisne, frêne < fraxinus. *Cassanus + suff. -eta pour désigner des « collectifs d’arbres » > top. Chênée. En France, on trouve Casseneuil, Chasseneuil (= Cassano+ ialo « localité des chênes »).

Catalan roure (DE)

Une liste des noms du chêne en galloroman et en catalan.

Tuaillon, Gaston (1971), “ ‘Chêne‘ et ‘frêne‘ en gallo-roman“, Revue de Linguistique Romane 35: 196-230.
(L: French, Occitan, Gallo-Romance; C: oak, ash tree)

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  1. Petite erreur dans FEW 1: westhälfte doit être osthälfte
  2. Je n’ai pas retrouvé l’attestation de « châtaignier ». Il n’y a que Mistral qui écrit « taillis de chêne ou de  châtaigner »

Fruta

Fruta, «  frotter »  surtout dans l’expression  « Aï fruta ben for » (Math). Le –u- sous l’influence du français. Cf. freta.