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Canto-perdris

Canto-perdris ou trantanel 

  • la bourdaine, le garou à feuille étroite, arbuste des landes, son bois est excellent pour faire la poudre à canon, son écorce est caustique, elle est employée dans les cautères lors qu’il faut donner un écoulement aux humeurs » (abbe de Sauvages);
  • pour Alibert le cantaperditz (m) est un « terrain aride et pierreux » et spécialement à Montpellier « un garou »;
  • ailleurs aussi un « appeau pour les perdreaux » , mais ce sens n’est attesté que dans l’Aveyron pour le contoperdise à ce que je sache.

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Bourdaine ………………………………………..garou…………………………..

ca

Le garou s’appelle aussi bois-gentil, sain-bois et officiellement daphne gnidium et il est très toxique. Dans l’Encyclopédie de Diderot vous trouverez :

« Ce purgatif est si violent, qu’on a fait sagement de le bannir de l’usage de la Medecine, du – moins pour l’intérieur. Ce seroit un fort mauvais raisonnement, & dont on se trouveroit tres – mal; de se rassûrer contre le danger que nous annonçons ici, parce qu’on sauroit que les perdrix & quantité d’autres oiseaux sont très friands de ce fruit, & qu’ils n’en sont point incommodés: l’analogie des animaux ne prouve rien sur le fait des poisons. »

Je crois que l’abbé de Sauvages confond le garou une plante des garrigues méditerranéennes et des sables atlantiques avect la bourdaine (Frangula alnus), qui est un arbuste que l’on retrouve communément en Europe, pouvant atteindre la taille de 5 à 6 mètres de haut,  et qui pousse dans les bois humides, les taillis, au bord de l’eau ou à la périphérie des marécages. La bourdaine est égelement laxatif et encore utilisée en phytoyhérapie. Dans la deuxième édition il a en effet corrigé l’erreur.

L’étymologie de cantoperdis ou canto-perdrix, ou francisé chante-perdrix est très simple, composé de latin cantare + perdicem accusatif de perdix. La forme avec un seul -r- est donc plus près de l’origine. Le mot que nous trouvons principalement dans la toponymie est typique pour le domaine occitan, mais on le retrouve en Espagne et en Italie. Mistral, suivant Diderot, écrit que les perdrix aiment manger les baies du garou. Si cela est vrai, le toponyme s’expliquerait par la présence des perdrix dans ce genre de terrain. Dans le Gard il est attesté depuis 1553 et dans les Bouches du Rhône depuis 1046.

Dans le site de l’IGN vous trouverez une centaine de lieux-dits canteperdrix (dont un à Manduel) et vous verrez que que le mot n’a pas toujours été compris et qu’il a subi diverses transformations, comme par exemple « champ de perdrix ». Dans le même site vous pouvez voir que les toponymes composés de cantare + un nom d’oiseau comme merle, alouette (cantalauda) corbeau (cantecorps) sont très fréquents.

Une des sept collines de Nîmes s’appelle le Cantoduc nom expliqué par Mistral comme cantare + duc , le duc étant le nom d’un hibou en occitan. Mais ce nom n’est attesté que depuis 1861. Avant 1861 cette colline a été successivement désignée sous les noms de Podium Combretum, cartulaire de St Sauveur de la Font,  Mons de Cumberto, en 1160, Puech Combret, compoix de 1761. Puech Canteduc, en 1861, suivant A. Pellet. Dans le site de Georges Mathon vous trouverez toute l’histoire de ces collines.

Une autre explication se trouve  dans un article de P.Skok   publié dans  Zeitschrift 32(1908) 434-444. Dans les département des Hautes Alpes il y a une forêt qui s’appelle Cantoduc et il suppose qu’il s’agit non pas du duc le hibou mais d’une transformation par étymologie populaire. Dans un document de 1428 la même forêt s’appelle Campum Ugonem et plus tard Champ dugon. Il pense qu’il s’agit d’un Campo qui appartenait à un certain (H)ugon qui au nominatif s’appelait (H)uc. Donc Campod’Uc > Cantoduc. D’autres Canteduc se trouvent à Marseille, en Auvergne et dans la Haute-Loire. Pour d’autres localisations, e.a. à Cheval Blanc (84) consultez le site IGN.

Il semble que près de Nîmes il y avait un lieu-dit Cantocougou du latin cuculus « coucou » (Mistral) mais je ne l’ai pas retrouvé. Peut-être Cantacoucou?

D’après l’IGN il y a un Cantecocu à Saint-Felix-de-Villadeix en Dordogne et même un Cantecocus à Saint-Sardos (82). La francisation des toponymes peut mener loin. . Le cri typique du coucou gris est un « ku-koo » qui porte loin, avec des variantes telles que « kuk-kuk-kuk-oo », ou parfois, juste un « kuk ». Vous voyez que l’étymologie populaire peut aboutir à des résultats inattendus.

chant du coucou Jugez vous-même!

 Le mot occitan trantanel ou trentanel avec le sens « garou » a été prêté au français. Pour ‘étymologie voir trantanel.

Destre

Destre, dextre « mesure de longueur et de surface ». La valeur du destre est très variable. Mon point de départ était le destre de 20 m² mentionné dans un tableau du Compoix de Valleraugue de 1625. Voici ce qu’écrit Mistral:

 Etymologie : latin dextans « les 5/6e de l’unité ». Du point de vue phonétique dextans aurait dû donner *destas en provençal. On peut supposer que le -s a disparu parce qu’on la pris pour la marque du pluriel. Le -r- a été inséré sous l’influence de la famille de mots dexter « droit ».  Au moyen âge, les notions d’arpentage et de « droit » au sens justice étaient étroitement liées.

Le fameux livre de Bertrand Boysset (1355-1415), arpenteur arlésien de la fin du XIVe siècle Siensa de destrar et de la Siensa d’atermenar, (= délimiter, mettre des bornes, du latin terminare) commence avec un dialogue sur l’arpentage entre Dieu et l’Arpenteur dont je ne veux pas vous priver (Ils ne parlent pas politique!) :

DIEU:
Fhil e nostra creatura
Lo destre nos vos baylarem
La terra e l’ayga endestrares
A quascun son dreg donares
La destra non ulh[as rem]-embrar
Per la senestra [gua]sanhar
La siensa atrobares
Del destrar veraiamens [11] /10/
E d’atermenar eysamen
En aquest libre son escrichas
E per quapitols son pausadas
On es tota la veritat
De destrar e d’atermenar
Uzas os si con trobares
Ny per nos es avordenat
Sy vos la tieu arma salvar.
L’ARPENTEUR:
Senher Dieus payre glorios
Lo destre yeu penray de vos
A quascun son dreg daray
Segon que aves avordenat ….

Pour lire la suite allez sur le site de Pierre Portet, qui a étudié à fond le manuscrit et édité le texte http://palissy.humana.univ-nantes.fr/CETE/TXT/boysset/index.htm . Un site qui valait le voyage!! **** Le lien ne fonctionne plus….

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            Les destradors au travail..…..Dieu et l’arpenteur. Illustrations du manuscrit de Carpentras. (Pierre Portet)

Mistral écrit dans son Trésor I, 786,3 s.v. destra quà la bibliothèque d’Aix en Provence existe un manuscrit Libre qu’ensenha de destrar attribué à Arnaud de Villeneuve, le fameux medecin qui a amélioré l’alambic. Il doit s’y trouver toujours.

Le ‘webmaster’ du site de l’AGAC a eu la gentillesse de me faire parvenir l’image d’une carte des différentes valeurs du destre dans le Gard. Elle montre l’extrême complexité des mesures à l’ancienne. A cela s’ajoute que pour les vignes un destre valait moins que pour l’agriculture.

 

 

Gous, gos

Gos, gous « chien ».  Dans beaucoup de langues il y a un genre d’onomatopées pour exciter ou appeler des chiens qui consistent dans les sons k et s, avec ou sans voyelles entre ces deux sons : en suisse-allemand ks-ks , néerlandais koest (1) , espagnol cuz-cuz (?), allemand kusch, occitan cuss-cuss, gous-gous, ou guiss-guiss. A partir de ces sons a été créé le verbe agoucer « exciter (un chien) » d’ou le dérivé gos, gous « sorte de chien », attesté depuis le Moyen Age en wallon, picard d’un côté et en occitan à l’ouest du Rhone (Thesoc: Ariège, Aude, Hte Garonne, Hérault, Pyr-Orientales , Prov. d’Huesca; d’après les dictionnaires cités par le FEW aussi dans l’Aveyron, le Cantal, le Limousin, le Périgord et en Béarn). Voir la carte dans l’article can  « chien »

Un visiteur précise: Mes interlocuteurs en occitan (ils se font rares) prétendent (à Pézénas) que le mot « gos » vient de la montagne, tandis que le mot « chin » serait le plus courant en plaine. Cela ne les empêche pas de dire « ai una canha de gos« , m. à m. « j’ai une flemme de chien » ou encore « Es coma la gossa de Cacari » (i accentué). J’ignore qui était ce Cacari mais il devait avoir une chienne particulièrement paresseuse.

Malgré l’attestation à Prades gousa « jeune fille qui court après le garçons », les étymologistes ne croient pas que français gosse « enfant » a la même étymologie, mais on n’en a pas encore trouvé l’origine. La dernière proposition est le suédois! Voir TLF.

Le mot occitan gos, gous a été transféré à des outils : ancien occitan gosa « machine de guerre » (laquelle ?), Aveyron engoussos « machine pour assujettir un fuseau dont on dévide la fusée »(image?) et à une série de plantes: gousses « capitules de la bardane » (Carcassonne), gousséts « cynoglosse » (Pamiers, goussés « orlaya grandiflora » (Aude), mais « fruits du renoncule des champs » en Lauragais.

                                   

le gos d’Obama            capitules                        orlaya                   renoncules

Note: (1) Interprété par les dictionnaires étymologiques allemand et néerlandais comme un emprunt au français couche-toi. Mais je me demande pourquoi on parlerait français aux chiens. ?

Can

Can « chien », vient directement du latin canis, ou plutôt canem.

                                   
D’après cette carte le type tchin, tsin est le plus fréquent, suivi du type can. Les deux représentent latin canem > cane > can >ca, co etc. Le FEW suit Ronjat qui explique la forme irrégulière (avec tch- , ts-) par la propagation de la forme francoprovençale. tandisque on trouve la forme occitane cagne < *cania pour « chienne » jusqu’en Bourgogne et même en français! Pour le nord-occitan l’évolution ca- > tch- est régulière; voir à ce propos mon Introduction, Histoire de la forme.

Il est curieux que le dictionnaire Panoccitan qui veut « normaliser » le languedocien,  choisi un mot aussi excentrique que gos comme « panoccitan ».

Caminada

Caminada « presbytère ». Un visiteur m’a demandé de lui fournir une étymologie de son nom de famille Caminade. Il a ajouté que dans son village on appelait le presbytère la caminade et qu’il y a une chambre d’hôtes à Cazals (Lot ) occupant un ancien prieuré du XIIeme siècle qui s’appelle « La Caminade« .

J’ai pu lui donner le réponse que voici:

Bonjour,
Le résultat est plus intéressant que je ne croyais! A première vue on dirait en effet qu’il s’agit d’un dérivé du mot d’origine gauloise camminus « chemin, sentier »; la forme caminado est en effet attestée une fois à Ytrac (Cantal) avec le sens « traite de chemin ». C’est tout.
Mais il y avait aussi le mot latin caminus « cheminée » qui a abouti à la même forme camin que camminus « chemin ». Cela a pu prêter à confusion et par conséquence, au lieu de parler du camin « cheminée », on a préféré parler de la camera caminata « pourvue d’une cheminée » plus tard abrégée en caminata (6e siècle) , qui ensuite a subie les transformations normales, > caminada en occitan, >cheminée  en français.
Le mot était très répandu en Italie du Nord et il est passé en allemand Kemenate « chambre pour les femmes dans un château » ( toujours dans les dictionnaires! Voir Grimm pour les nombreuses significations et variantes.) et en moyen néerlandais kemenade, encore assez fréquent comme nom de famille, par ex. van Kemenade ou van Kimmenade.
Dans une région restreinte de l’occitan, en particulier le Lot, le Lot et Garonne, l’Aveyron, Albi, caminada a pris le sens « presbytère »., sens déjà attesté en ancien occitan. Voir FEW II,139 Aux attestations du FEW, il faudra ajouter Espedaillac, d’après votre témoignage. L’évolution sémantique peut avoir été la même que celle de cheminée, mais avec un autre substantif, peut être maison, ou casa caminada, abrégée en suite en caminada. Il est également possible que caminada a pris le sens « presbytère » par un simple emploi au figuré : la maison du curé où il y a une cheminée, contrairement à l’église. . Une telle évolution a eu lieu en tout cas dans le Doubs, à Bournois près de Baumes-les-Dames et à Belfort ou tsemena a pris le sens de « maisonnette contigu à une maison ». Ces maisonnettes étaient plus jolies et mieux chauffées que les fermes, parce qu’elles étaient destinées aux propriétaires à la retraite ».
Là nous sommes dans l’actualité brûlante! Toujours en 2025 !

Caminada dans DuCange dans l’article caminata qu’il définit comme « la chambre ou la pièce où se trouve la cheminée. »
 » ensuite ils
[les moines] quittent le réfectoire, ils boivent dans la caminada … : » Crodegangus de Metz vécut de 712 à 766 (Wiki). Laudinus [Christophorus -; fin 15e s.] dit à propos de Dante: caminata s’appelle sale de palagi en Lombardie, le salon des palais.
Nous trouvons une évolution analogue dans focarius « qui concerne le foyer » > « foyer » > « lieu où vit une famille »  a pris le sens  « famille », et dans le mot feu « Unité fiscale utilisée pour l’imposition jusqu’au 18e siècle ». (Voir TLF)

En néerlandais on trouve les variantes que voici ; Caminada, avec une carte de la répartition géographique) Van Cimmenaede, Kemena, Van Kemena, Kemenade, Van de Kemenade, Kemna, Kiemeneij, Kimenai, Kimenaij, Kimmenade, Van Kimmenade, Van de Kimmenade, Van Kimmenaede. (Source).