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Cascalhar

Cascalhar, cascailler « caqueter; bavarder », d’un latin *quasicare « secouer; écraser », formé sur quasare qui avait le mêmes sens.

Quasicare a donné casca(r) « secouer; frapper, émotter » en occitan. Le dérivé cascalha a pris le sens de « grelot » à Marseille probablement sous influence de cascavel. Dans le Périgord et le Médoc cascà a gardé le sens « écraser » comme dans le Lot et Garonne « herser ».

Le verbe cascalhar « gazouiller, caqueter, bavarder » se trouve surtout en provençal et est-languedocien. Le FEW donne certaines localisations de cascalhar sous l’étymon *quasicare d’autres sous l’étymon onomatopéique kak- « caqueter » avec la note « sous influence de quasicare, mais je pense qu’il faut les réunir tous  sous quasicare.

Le félibre Camille Reybaud (Carpentras 1885 – Paris 1866)  dans son Adieu a ma muso coumtadino   écrit:

Adiéu! me sovendrai, ma Muso, de moun jas,
De moun riéu que cascahio oû mitan dei roucas,
De ma cabreto blanquinèlo,
Doû galoubé tan dous e doû gai tambourin,
De l’orgue de la gléiso e de soun vièi refrin,
E de moun ciel clafi d’estèlo.

René Domergue étudie les rapports sociaux dans les villages du Midi. Dans son premier ouvrage, ‘Des Platanes on les entendait cascailler‘, il analyse la vie quotidienne et le changement social en mettant en exergue le point de vue des paysans.

Si vous voulez connaître les rapports entre notre cascalhar et le français casque de l’espagnol cascar, casco allez voir le TLF.
L’espagnol cascar signifie aussi « papoter, bavarder ».

La notion sémantique ou l’image exprimé par quasicare » écraser, casser, frapper » est aussi à l’origine du verbe barja < *brekan « casser, broyer » qui d’après l’étymologie  fait référence au bruit que fait la braga « instrument pour broyer le chanvre ». (Voir brega).

Une nouvelle approche pour expliquer certaines étymologies.

Jean-Philippe DALBERA Des dialectes au langage. Une archéologie du sens (Linguistique française, 13). – Paris : Champion, 2006, fournit de nombreux cas où les différends  noms (signifiants) qu’on trouve dans les dialectes occitans pour  le même sens (signifié), s’expliquent par l’ image qui est à l’origine de ces mots.

Un exemple le martinet. Certains noms du martinet « s’éclairent à partir de faucilh, qui compare l’oiseau à la lame de la faucille, pour la forme de ses ailes déployées et la vivacité tournoyante de son vol. Comparé à un instrument coupant en mouvement, le martinet devient raspalhòu, rasclòu  » coupeur, trancheur  » ou  » (petit) barbier  » (manieur de rasoir) : barbairòu, barbairon… Ces formes éclairent l’étrange barbajòu, littéralement  » barbe de Jupiter  »  qu’il faut renoncer à comprendre autrement que comme une variation arbitraire à partir d’une base évoquant le  » barbier  » (plus l’attraction gratuite de la forme barbajòu désignant la  » joubarbe « ).(Compte-rendu du livre de J.-Ph. Dalbera, par Patrick Sauzet, Zeitschrift für französische Sprache und Literatur 118.2, 2008, 173-180.).

Cascalhar  « bavarder », barjar, barjaquar   « bavarder »  viennent  tous les deux de verbes qui signifient  « faire du bruit en frappant« .  En regardant ce qui se passe ou s’est passé en dehors de nos frontières, nous constatons que non seulement l’espagnol  cascar « casser »a aussi pris le sens « bavarder » dans le langage populaire, mais que la même évolution a eu lieu dans les langues germaniques : néerlandais kletsen « bavarder » et flamand klappen « parler »,  conservé en néerlandais dans une expression 1 et le dérivé verklappen « révéler »  viennent d’étyma qui signifient « frapper ». Néerlandais  klap « coup; baffe ».

Un autre cas qui s’explique de cette façon se trouve dans le mot ruscle  « forte pluie » à Nîmes,  et « une faim de loup » ailleurs.

L’étymon braso « braise » a donné abrasa « affamé » dans les Hautes Alpes.

  1. uit de school klappen « révéler un secret »

Casau

Casau « cabane »(Alès) . vient du latin  casalis «ce qui fait partie de la ferme » en aoc. casal un dérivé de casa . A partir du VIe s., le mot casalis désigne également des bâtiments, conservé dans casau.

En provençal et languedocien, le mot a pris un sens péjoratif  « maison en ruines », déjà attesté en ancien provençal en 1475 et en languedocien. en  1655.

Escarougner

Escarraunhar « égratigner, écorcher la peau », fr.rég. escarougner  est dérive de carraunha (Alibert) ou corrouogno « charogne » qui représente un latin *caronia « appât, charogne »  lui-même dérivé de carnem « chair ». Les formes avec -rr- se trouvent en occitan, catalan carronya et espagnol carroña, probablement à partir d’une  prononciation avec  double  -rr- qui augmente la valeur affective du mot  souvent utilisé comme injure. L’injure est même passé en néerlandais:  kreng « femme méchante; vieux « charogne », le k- s’explique par un emprunt aux parlers du nord-ouest (picard, normand).

Le sens « écorcher » qui est très vivant dans le Midi, s’est développé à partir du sens « mal couper, déchirer la viande; déchiqueter ».

L’étymologie  *caronia est à revoir; il s’agit d’une double étymologie du FEW: dans mon article escarrafi du germanique *skarrô,
j’écros: Le gotique *skarrôn  a donné le gascon escarrá « râcler, ratisser’, et plusieurs dérivés comme escarrat « individu qui n’a plus le sou », escarragná « érafler » qui vivent surtout en béarnais. Voir FEW XVII, p.102a-b.

Aujourd’hui le 16 janvier 2019 un visiteur m’écrit:

Bonjour,
Tout d’abord félicitations pour ce magnifique site d’étymologie occitane.
Je ne parle pas du tout occitan mais lorsque je vivais à Alès, mon grand père s »escarougnait pas mal les mains en bricolant et moi-même je m’escarougnais les genoux. Je voulais savoir si la forme pronominale d’escarougner était attestée.

Carrel, quéron

Carrèl, cairèl « carreau, compartiment carré; case de damier; carreau de cartes; outil de tailleur; pavé plat (voir plan ) ;etc. …..voir Alibert.  Dans les Cévennes : carré de papier fort à bords relevés sur lequel on place les vers à soie nouveau-nés. L’étymologie de la forme est la même que celle du français carreau latin vulgaire *quadrellus (dérivé de quadrus « carré ») représenté par le latin médiéval quadrellus « mesure agraire de superficie ». Les sens varient suivant le milieu dans lequel il est utilisé : un carrèl n’est pas la même chose pour un joueur de cartes que pour un éléveur de vers à soie. Le plus utilisé est le sens parpaing (appelé aussi bloc béton, moellon ou queron, caironselon les régions).

                                                                En bas à droite un carrèl (Wikipedia

Cardabella

Cardabella « carline à feuilles d’acanthe » est maintenant la forme la plus connue de cette fleur des régions sèches du Midi, grâce aux paysans militants du Larzac, qui ont appelé leur association la Cardabella.

 

Cardabello est le composé de carduus « chardon, artichaut » et bellus « joli, gracieux » en latin classique. Vous allez me dire, une histoire peu intéressante. Pourtant elle montre que la démarche du FEW c’est-à-dire de partir de l’étymon, éclaire autrement l’histoire des mots.

dipsacus sativa

Vers le IVe siècle latin classique carduus a abouti dans la langue parlée à deux formes: cardus, -i et cardo, -onis. La première forme cardus se retrouve en italien, catalan, espagnol et portugais cardo « chardon » et en français avec changement de sens carde, occitan carda « planchette garnie de pointes de fil de laiton pour carder la laine ». Cette utilisation ne peut provenir que du fait qu’anciennement on utilisait des chardons pour carder la laine. Plusieurs exemplaires d’une variéte speciale, la dipsacus sativa, liés ensemble servaient de carde (Weber Karde en allemand, c’est-à-dire carde des tisserands, en néerlandais kaarde) . A partir du moment que carda désigne l’outil de travail, on utilise l’autre forme, cardone(m) pour nommer la plante. C’est ce qui s’est produit en français chardon et en occitan cardon.

Quand on a remplacé la plante par une planchette, le nom de l’outil et de l’activité carder est resté.

                                                    

Les formes cardoulo, cardoulho etc. sont dérivés de carduus, comme cardaire « cardeur », Cardonel,cardounilho « chardonneret » sont dérivés de cardone(m).
Le maintien du c+a dans la forme française carde, est certainement dû au fait qu’au Moyen Age l’industrie de la laine était particulièrement développée en Picardie et en Flandres où cette forme est régulière.