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Marcamau, marcamal

Marcamau, marcamal « une figure qui fait peur, un bandit » (Lhubac). Un visiteur m’écrit que sa grand-mère de Clarensac (30) lui disait « que tu marques mal », quand il était mal habillé (jeans avec des franges).

L’expression marquer mal  « être mal mis, avoir un aspect, une mine qui n’indique rien de bon » n’est attesté en français que depuis 1878. Il était très en vogue dans les années ’50 d’après les témoins de von Wartburg. Mais les attestations occitanes sont plus anciennes et l’expression a très probablement été empruntée à l’occitan. Mistralla donne dans son Trésor :

Mistral

Elle est surtout connue en provençal (cf. le site de Marius Autran pour La Seyne) et en languedocien, avec des variantes de sens, mais il s’agit toujours de l’aspect apparent de quelqu’un.

Un autre visiteur me signale une expression souvent entendue dans l’ Hérault (Pouzols) et l’Aude : Marco-mau se passejo  » il y a de l’orage dans l’air », au propre ou au figuré  » la situation devient menaçante »; littéralement : « Marquemal se promène, Marquemal est de sortie ». Et il ajoute: Le surnom de Marcomau a été donné à divers individus, ermites, marginaux ou délinquants.
Un marco-siau est un hypocrite, sournois.

En argot des imprimeurs le marque-mal est « le receveur des feuilles à la machine ». (Pourquoi??).

Pour l’étymologie du verbe marka, marcar et ses nombreux dérivés, qui sont tous postérieurs au XVe siècle, suivez ce lien vers le TLF.

Pankezo, pankero et pa(n)let

Pa(n)kezo, pankero et pa(n)let « belette ». Le premier type se retrouve dans les parlers espagnols, en Navarre et en Aragon paniquesa ou à Benasque paniquera. L’origine de cette composition curieuse serait panis + caseus « pain + fromage ». Le deuxième qui vient de panis + lactem est limité au gascon.Il y a deux tentatives d’explication de ces noms.

  • La première explication est que les couleurs de la fourrure de la belette ressemblent au pain cuit (roux-châtain du dos) et le fromage (blanc ou jaune du ventre).
  • La seconde se réfère à l’habitude qui existe dans beaucoup de villages, de mettre un peu de pain et de fromage dehors, pas trop loin du poulailler, dans l’espoir que les belettes se contentent de cela au lieu d’aller manger les oeufs. Cette  explication est renforcée par le fait qu’on prononce des formules magiques dans lesquelles on promettait du pain et du fromage, ou du lait ou du miel, pour tenir des animaux comme la belette, le fret ou le lézard à distance . Quoiqu’il en soit, le vrai nom de la belette, à savoir moustèla était tabou. Voir à ce propos l’article moustèlo.

panis +caseus  

Si le sujet Tabou linguistique  vous intéresse, lisez S.Freud,  Totem und Tabou.    Cherchez  euphémismes, tabou  avec Google.

Mascarà

ShareMascara v.a. « noircir, charbonner, barbouiller ». Ce matin, le 22.04.2011, une amie  m’annonce : Le ciel se mascare!   Je lui ai dit que  cette façon de décrire le ciel était très poétique.  Elle ne comprenait pas mon compliment.   C’est l’abbé de Sauvages qui m’explique que   se mascarer  signifie tout simplement « se noircir » :

     

comme Séguier1 qui donne même la conjugaison: est tout mascara; s’est masacara; l’ant mascara; vous masquarevez).  Le verbe est courant en occitan et il est resté vivant en français régional. D’après Domergue dans les arènes de la Camargue  quand les raseteurs sont mauvais et la course est décevante  les spectateurs se font mascarer. En sortant ils disent : « Aujourd’hui on s’est bien fait mascarer » (noircir, machurer… avoir).

Un dicton donné par l’abbé  a été noté à Pouzilhac (Gard) : lu piróu ké mascare la sartan  à la fin du XIXe siècle. A Valleraugue (30570) Charles Atger a noté une variante: Lo podéno qué bol moscora lou cremal = le poêle qui veut noircir la crémaillère.

Mascara est un dérivé de mask- « noir » un mot qui est absent du latin et qui, pour des raisons phonétiques et/ou sémantiques ne peut être ni celtique ni germanique ou arabe. Par conséquence on suppose une origine pre-indo-européenne. La racine mask- est à l’origine de trois groupes de mots avec les sens :

  • 1. sorcière,   p.ex. à Alès : masquo « femme vieille, laid et méchante; fille espiègle »; en Auvergne masque « prostituée ». Marseille masco « papillon tête de mort, dont la venue est prise en mauvais augure ».
  • 2. noircir avec de la suie,  p.ex. anc. français maschier « feindre; cacher »; occitan mascoutá  » cacher le défaut d’une marchandise »; Val d’Aran maskart (-arda) « nom d’une race bovine dont la tête est noire »; mascara « fard de cils » voir ci-dessous.
  • 3. masque,  p.ex. masque « fard »; masquer « cacher »; languedocien mascarado « troupe de gens déguisés et masqués »

L’ancien occitan masco « sorcière » est conservée dans beaucoup de parlers provençaux et languedociens p.ex. en Camargue  subst. m. et f. « jeteur de sorts, sorcière » et à Béziers au fig. « nuage qui annonce la pluie »). En français régional être emmasqué veut dire « être victime d’une sorcière » (Lhubac). Le masculin masc «sorcier » existe également.

Dans un vieux texte de Narbonne (1233) nous trouvons  le dérivé. mascotto « entremetteus ( ?), sortilège, ensorcellement au jeu » qui a donné en  français mascotte. Les dérivés avec le sens de « sorcier, ensorceler » etc. sont innombrables, ainsi que les mots avec le sens « noircir, barbouiller », comme p.ex. mascara verbe n. et s., par-ci par-là machura, matchura.

Mascara s.m. « fard de cils ». Dans Wikipedia l’histoire du mascara est décrite comme suit :

Le mascara moderne a été inventé en 1913 par un chimiste appelé T. L. Williams pour sa sœur, Maybel. Ce premier mascara était fait de poussière de charbon mélangée à de la vaseline. Williams vend son produit par correspondance et crée une société qu’il appelle Maybelline, combinaison du nom de sa sœur Maybel et de vaseline. Maybelline est aujourd’hui une importante société de cosmétiques appartenant au groupe L’Oréal. Le mascara n’était disponible que sous forme de pain, et était composé de colorants et de cire de carnauba. Les utilisatrices mouillaient une brosse, la frottaient sur le pain de mascara puis l’appliquaient sur les yeux. La version actuelle comprenant un tube et une brosse a été présentée en 1957 par Helena Rubinstein.

Williams a peut -être passé des vacances en Allemagne, où un certain Eugène Rimmel  a crée en 1834 un produit cosmétique permettant de surligner les yeux en colorant les cils et leur donnant plus de longueur apparente. En allemand le mascara s’appelle Rimmel ®.

Le sens du  mot mascara « fard de cils » a donc été crée par T.L. Williams  et ce sens a été emprunté par le français  à l’anglais.  Ce qu’il faudrait savoir où Williams l’a trouvé. Les étymologistes anglais ainsi que le TLF lui donnent une origine espagnole où màscara signifie « masque » et non pas « fard de cils ». Mme H.Walter lui attribue une origine italienne, sans dire pourquoi. Le dictionnaire espagnol de la Real academia española (voir Lexilogos), lui attibue également une origine italienne maschera qui l’aurait emprunté à l’arabe mas·arah « objet de risée ».  Pour compléter ces résultats, je trouve  dans un dictionnaire italien  : » mascara sm. inv. [sec. XX; dall’inglese mascara, risalente allo sp. máscara, maschera]. Cosmetico per ciglia,…. » . Nous tournons en rond.

Williams a peut-être aussi passé des vacances en pays d’Oc.  En le renseignat sur la météo son hôte  lui a dit « Le ciel se mascare! »  Vu sa forte présence dans tous les parlers d’oc je propose donc une origine occitane,mascara a exactement le sens qu’il faut « noircir »…? J’ai écrit à Maybelline NY qui a racheté l’entreprise de T.L.Williams., pour une confirmation.  J’ai attendu longtemps une réponse, qui n’est jamais arrivée. La maison m’a envoyé de la  publicité!!

Je crois avoir convaincu Douglas Harper qui suit cette proposition dans son site et cite le FEW von Wartburg! .s.v. mask. Pour ça, je suis content.

Dans l’argot des catcheurs/lutteurs mascara signifie « cagoulard (cf P.Perret « Le parler des métiers« ) sens qui se rapproche de l’italien ou de l’espagnol.

Le sens « masque » de masquo  (déjà S)  est un emprunt à l’italien maschero, du XVIe s. mais la forme masquo existait depuis longtemps.  L e nom Mascator est attesté à Arles en 520, et vit toujours en Languedoc : autrefois Mascaire   et avec une graphie francisée Maquere. Si vous vous appelez ainsi, s.v.p. ecrivez-moi!.  Dans l’ Hommage du château de Saint-Martial (Gard) à l’évêque de Nîmes de mars 1179. est nommé un Petro Mascharono archidiacono..

Moustèlo

Moustèlo, mostèl, mostèla

  • 1. »belette ». La belette est le plus petit des mustélidés, famille de l’ordre des carnivores et de la classe des mammifères. C’est également le plus petit carnassier d’Europe (± 20 cm) et elle est légère (± 100 gr). (Source).
  • 2. « gadus mustela, poisson de mer ». La « moustelle » en  fr.rég. (en français : motelle) est un nom bien connu des pêcheurs en Méditerranée puisqu’il désigne une famille de poissons de mer, les blennies ou les gades (Gadus mustela, gade brun, gade blennoïde, phycis méditerranéen, etc.(Source).

Etymologie: latin mustela « belette ».

L’étymologie de moustèlo latin mustela n’est pas surprenante. Mais le nom français belette et le grand nombre de noms que le Thesoc fournit pour l’occitan le sont davantage :

  1. beleta, bèlola, bèlolina, beloteta(< bellus); 
  2. causeta (causa)
  3. comairèla (< commater); 
  4. dònabèla (< domina + bella) ;
  5. martol(a) (< martre français);
  6. mostèl, mostèle (mustela);
  7. polida(-bèla), polideta, polit (politus, -a) ;
  8. rat.  on trouve en plus deux types spéciaux : 
  9. pa(n)kezo, pankero et pa(n)let d’après Rolland  en Gascogne.

Pour l’étymologie des différents types suivez ces liens.

Vous pouvez trouver tous ces noms et bien d’autres à la p.114 du tome VII de la Faune de Rolland. Je n’ai pas vérifié les données suivantes : « en italien elle est donnola (demoiselle), en breton kaerell (mot issu de kaer qui signifie beau), en anglais elle est parfois fair (venant de fairy= fée), en espagnol, elle est comadreja (la commère), en roumain nevastuica (la jeune mariée). Les Turcs, dit Sonnini dans son Voyage en Grèce, l’appellent gallendish, et les Grecs niphista, deux mots qui signifient nouvelle mariée. » (Source)

Nous constatons d’abord que la grande majorité des noms de la belette sont au féminin et peuvent désigner également une femme ou une fille. (Excepté rat mais celui-ci remplace  souris).

Ensuite, tous les noms de la belette témoignent de la superstition selon laquelle nommer l’animal de son vrai nom mustela serait l’attirer, et par conséquence mettre le poulailler en danger.

Les superstitions concernant la belette vont beaucoup plus loin et nous viennent de la nuit des temps. Grâce à Gallica j’ai pu consulter un article de Lessiac, Zeitschrift für deutsches Altertum 53 (1912) pp.101-182 intitulé Gicht (=convulsion, spasme). Il nous  apprend que l’attribution de la propagation des maladies à des animaux est un augure lointain de la connaissance du rôle des bactéries.  On relève des traces de cette ancienne théorie dans les noms modernes de certaines maladies comme cancer, chancre (< latin cancer « crabe »), loup ou lupus, (< lupus « loup »), scrofule (dérivé de scrofa « truie ») et francais teigne qui vient du latin tinea « ver rongeur ». Il semble que dans la médecine populaire ce type de dénominations soit beaucoup plus fréquent. Cela ne veut pas dire qu’on tenait les animaux pour cause de ces maladies. Il s’agit là plutôt de métaphores, d’images, témoins des affects liés à la douleur ou à la considération des symptômes.

Dans la mythologie la belette, le chat, la souris et le rat, le crapaud et le serpent représentent le souffle, l’âme, la vie et par conséquence la femme. Pensez aux nombreux contes de fées dans lesquels ces animaux jouent un rôle en rapport avec l’éternel féminin !

Schuchardt et d’autres considèrent ces noms de la belette comme un echo lointain du mythe de Galanthis:

« Dans la version la plus connue, celle d’Ovide, Galanthis,  » fille du peuple », tente d’aider sa maîtresse Alcmène, qui est sur le point d’accoucher d’Héraklès.  Héra, jalouse, veut empêcher la délivrance imminente. Galanthis se joue de la déesse en lui racontant que l’accouchement est fini. La déesse relâche son attention, et la délivrance d’Alcmène survient. Essuyant les moqueries de Galanthis, la déesse se venge alors en la métamorphosant :

 » Lucine […] transforma ses bras en pattes antérieures.
Son zèle d’antan subsiste et le pelage de son dos n’a rien perdu
de sa couleur ; mais sa forme est différente de ce qu’elle était.
Pour avoir aidé une femme en couches d’une bouche menteuse
elle enfante par la bouche ; et comme avant elle hante nos maisons[3].  » (Ovide)

L’animal, qui n’est pas nommé par Ovide serait précisement une belette. Les Anciens croyaient en effet que la belette « conçoit par l’oreille et enfante par la bouche » et Pline l’Ancien parle de la belette « qui erre dans nos maisons ». (Wikipedia). La belette jouait a l’époque le rôle actuel du chat.

Alcmène accouche

Ci-dessous le détail

Galanthis punie

Ci-dessous deux miniatures : la belette mettant bas .

et la belette ressuscitant ses petits

Concernant l’inquiétante féminité de la belette, il y aussi la fable bien connue d’Ésope, Aphrodite et la belette  qui raconte comment Aphrodite accéde à la prière d’une belette amoureuse d’un jeune homme en la métamorphosant en femme. Mais elle lâche une souris dans la chambre nuptiale et l’épousée bondit hors du lit pour la capturer et la dévorer. Courroucée, la déesse la rend sa forme initiale.

Un autre récit mythique relatif à la belette, l’associe à la sexualité féminine sous le signe de l’excès. Cf. l’article très fouillé de Sylvie Ballestra-Puech dans le site de l’Université de Nice (Rursus), L’araignée, le lézard et la belette : versions grecques du mythe d’Arachné.

La belette joue aussi un rôle dans la mythologie celte. Mère du roi Conchobar, Assa a été dans sa jeunesse une princesse douce et facile . Mais, suite à une agression, elle apprend à se défendre et reçoit alors le nom de Ness, qui signifie « la belette« . Un jour, le druide Cathbad tue son escorte. Comme son père se révèle impuissant à punir l’outrage, elle prend les armes et lève à cet effet une troupe. Mais le druide est rusé. Il s’arrange pour la surprendre nue, au bain, et elle se voit contrainte de l’épouser . Ils auront deux enfants.
Le Loch Ness (connu pour son monstre) est un lac très long et effilé à l’image de la belette.

A propos de l’expression « être une moustelle », Christan Camps dans Expressions familières du Languedoc et des Cévennes. Bonneton, 2003, note qu’ elle désigne « quelqu’un de mince et de santé fragile » par comparaison avec le corps allongé de la belette. Expression confirmé par mon informateur de Manduel :

« Ma mère disait pour une personne (surtout un enfant), fluet, maigre et très vive: « Es uno bravo moustello ».

La relation entre l’homme et la belette est équivoque. D’un côté la belette représente le souffle, l’âme et la vie, la femme qui donne la vie, comme le chat, la souris et le rat, le crapaud et le serpent.  E.Rolland cite le dicton « encore est vive la souris »  pour dire « nous sommes encore en vie », et  l’expression pour dire d’une femme qu’elle est  enceinte : « elle a le rat au ventre ».  C’est pour cette raison que  beaucoup de noms de la belette signifient à l’origine « jeune fille, mariée, jeune femme ».   Nous retrouvons la même idée  en dehors du  galloroman, comme  par exemple en allemand populaire Fraülein, Praitele « mariée », en danois brud « mariée », basque andereder « dame belle », en bavarois Schöntierlein « belle petite bête »etc.

D’autre part la belette souffre d’une mauvaise réputation. Elle est  mortelle dans le poulailler. Il y a d’autres  croyances, qui doivent faire peur.    Si un porc est paralyse des jambes de derrière, on dit que c’est la belette qui lui est passé dessus. Si la belette passe sur le dos d’une personne ou d’un animal, ils ne pourront plus se relever, ou, tout au moins il y aura une déviation de la colonne vertrébrale. (voir Rolland Faune, VII, p.123 p.121).

Le nom mustela se révèle ainsi dépositaire d’un double tabou ! S’agit-il là d’un paradoxe de fait ? Je le crois. La vie n’existe pas sans la mort.

 

Fada "fée"

Fáda s.f. « fée » a la même étymologie que le mot français le  latin fata « déesse de la destinée ». Une fàda n’est pas un fadà

En ancien occitan a été créé le verbe fadar « douer d’une vertu surnaturelle » ce qui a donné en languedocien fada « ensorceler ». Un fadá peut donc être un « ensorcelé » ou un « simplet ».

A Saint-Maurice   dans l’arrondissement de Lodève, il y a les Oustals de las fadas (maisons des fées). Le territoire du département de l’Hérault était occupé avant la conquête romaine par les Volces Tectosages. Nous n’y trouvons aujourd’hui que peu de monuments de cette époque ; ils se bornent à quelques tombeaux celtiques découverts sur la colline de Regagnach, et à quelques dolmens. (Source).