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Carrel, quéron

Carrèl, cairèl « carreau, compartiment carré; case de damier; carreau de cartes; outil de tailleur; pavé plat (voir plan ) ;etc. …..voir Alibert.  Dans les Cévennes : carré de papier fort à bords relevés sur lequel on place les vers à soie nouveau-nés. L’étymologie de la forme est la même que celle du français carreau latin vulgaire *quadrellus (dérivé de quadrus « carré ») représenté par le latin médiéval quadrellus « mesure agraire de superficie ». Les sens varient suivant le milieu dans lequel il est utilisé : un carrèl n’est pas la même chose pour un joueur de cartes que pour un éléveur de vers à soie. Le plus utilisé est le sens parpaing (appelé aussi bloc béton, moellon ou queron, caironselon les régions).

                                                                En bas à droite un carrèl (Wikipedia

Capitelle

Capitelle « cabane de vigne en pierre sèche ».

Le latin tardif  capitellum, un diminutif de caput  « tête »,  signifie  « chapiteau d’une colonne » et « téton ». Mais on  est resté

 conscient que c’était un diminutif de caput  qui signifiait aussi « chef, maître ». Ainsi nous trouvons en ancien occitan capdel  avec le sens «  chef, commandant, seigneur, maître, etc », cf. espagnol caudillo.

Au XIIe siècle capitellum a été de nouveau emprunté au latin avec le sens « chapiteau »,  en ancien occitan  capitel   et à partir de ce sens, d’autres significations  comme  « toiture d’un auvent, porche d’une église, petit hangar » et même « couvercle d’un pot », se sont développés. Ce que ces significations ont en commun c’est la forme arrondi du haut, du toit etc. Et nous voilà arrivés aux CAPITELLES  nîmoises mot attesté depuis 1620 d’après Lassure.( Lassure, un site magnifique, qui vaut le détour.) Au XXe siècle le mot capitelles  a eu un grand succès dans tout le Languedoc Roussillon grâce aux érudits gardois et ardéchois, tout en supplantant les mots locaux. Pour plus de renseignements sur les différents noms et leur histoires des constructions en pierre sèche,

CoupoleCapitelleP

 A droite une coupole de capitelle vue de l’intérieur, prise dans la « Combe des Bourguignons » à Marguerittes (Gard)

 

Quelques excursions à l’estranger

Au XVe siècle , il y  avait dans l’armée du roi beaucoup d’officiers  d’origine gasconne, notamment les fils qui étaient nés après l’aîné dans les familles nobles. A la cour ils étaient désignés comme  des cadets « jeune chef » avec la prononciation gasconne où capdè  était devenu cadè . Néerlandais cadet est une jeune officier à l’école militaire e.a. la Koninklijke Militaire Academie à Breda. Ce n’est pas un souvenir de l’occupation française sous Napoléon. La première attestation date de 1723, et antérieurement avec le sens de « jeune fils » . +ici

Très courant et avec une orthographe adaptée est le mot kadetje, diminutif de kadet, pour désigner un petit pain avec une fente au milieu. Ensuite par analogie « le postérieur », sens attesté également en français, TLF : « Rem. Le mot cadet est également employé pour désigner (p. anal. de rang, de place : 1) le postérieur (cf. ZOLA, L’Assommoir, 1877, p. 437); ». Un cadet est aussi un type de bateau à voile( mot international), et un modèle de la marque Opel.
Français cadet a été prononcé [kawdi]  en Ecosse, pour nommer le jeune valet qui s’occupait des golfsticks et les transportait dans un genre de chariot. Le mot a retraversé la Manche, dans la forme anglaise caddy ou caddie.

                                           Cadet                                       à droite: Kadetje                                     Opel Cadet                              caddie

Capitellum « petite tête » est également à l’origine du mot cadeau mais c’est une autre histoire. Au début du 15e siècle, un cadeau est d’abord une « lettre capitale ornée de traits de plume » souvent  c’est l’initiale d’une rubrique (= « en rouge »). Ensuite au milieu du 17e siècle cadeau prend aussi le sens de « fête galante offerte à une dame; régal », probablement un raccoourci de « invitation écrite avec des belles lettres capitales à une telle fête ». De là à partir de la fin du 18e siècle « présent destiné à fêter quelqu’un ». Emprunté par le néerlandais tel quel cadeau orthographié aussi kado.

Destre

Destre, dextre « mesure de longueur et de surface ». La valeur du destre est très variable. Mon point de départ était le destre de 20 m² mentionné dans un tableau du Compoix de Valleraugue de 1625. Voici ce qu’écrit Mistral:

 Etymologie : latin dextans « les 5/6e de l’unité ». Du point de vue phonétique dextans aurait dû donner *destas en provençal. On peut supposer que le -s a disparu parce qu’on la pris pour la marque du pluriel. Le -r- a été inséré sous l’influence de la famille de mots dexter « droit ».  Au moyen âge, les notions d’arpentage et de « droit » au sens justice étaient étroitement liées.

Le fameux livre de Bertrand Boysset (1355-1415), arpenteur arlésien de la fin du XIVe siècle Siensa de destrar et de la Siensa d’atermenar, (= délimiter, mettre des bornes, du latin terminare) commence avec un dialogue sur l’arpentage entre Dieu et l’Arpenteur dont je ne veux pas vous priver (Ils ne parlent pas politique!) :

DIEU:
Fhil e nostra creatura
Lo destre nos vos baylarem
La terra e l’ayga endestrares
A quascun son dreg donares
La destra non ulh[as rem]-embrar
Per la senestra [gua]sanhar
La siensa atrobares
Del destrar veraiamens [11] /10/
E d’atermenar eysamen
En aquest libre son escrichas
E per quapitols son pausadas
On es tota la veritat
De destrar e d’atermenar
Uzas os si con trobares
Ny per nos es avordenat
Sy vos la tieu arma salvar.
L’ARPENTEUR:
Senher Dieus payre glorios
Lo destre yeu penray de vos
A quascun son dreg daray
Segon que aves avordenat ….

Pour lire la suite allez sur le site de Pierre Portet, qui a étudié à fond le manuscrit et édité le texte http://palissy.humana.univ-nantes.fr/CETE/TXT/boysset/index.htm . Un site qui valait le voyage!! **** Le lien ne fonctionne plus….

…..…..…..

            Les destradors au travail..…..Dieu et l’arpenteur. Illustrations du manuscrit de Carpentras. (Pierre Portet)

Mistral écrit dans son Trésor I, 786,3 s.v. destra quà la bibliothèque d’Aix en Provence existe un manuscrit Libre qu’ensenha de destrar attribué à Arnaud de Villeneuve, le fameux medecin qui a amélioré l’alambic. Il doit s’y trouver toujours.

Le ‘webmaster’ du site de l’AGAC a eu la gentillesse de me faire parvenir l’image d’une carte des différentes valeurs du destre dans le Gard. Elle montre l’extrême complexité des mesures à l’ancienne. A cela s’ajoute que pour les vignes un destre valait moins que pour l’agriculture.

 

 

Cana, canne

Canna, canne ‘mesure de longueur, de surface et de contenu’.

Une canne mesurait entre 1,71 et 2,98 mètre suivant les régions. En 1687 l’utilisation de la canne comme mesure a été interdite par la loi pour être remplacée partout par l’aune, mais ni cette loi ni l’introduction du système métrique l’ont fait disparaître des parlers locaux. Cana est par exemple attesté pour le Velay en 1891 et mentionné dans le TLF pour le français actuel, un emprunt à l’occitan évidemment !

Par contre les attestations de canne comme mesure de superficie sont plutôt rares. Dans le Compoix de Valleraugue (1625) une canne vaut 4 m².  Barcelonette cana 4,465 m² ou pour le bois: 8 stères, et dans le dictionnaire Français/Anglais de Cotgrave (1611), qui connaissait bien le languedocien, le mot cane est défini comme une mesure de tissu d’un yard à peu près, d’une mesure de vin et d’une mesure de terrain de 5 pieds et 10 pouces. Je pense  » au carré  » sous-entendu.
Il définit une cane de bois a brusler comme une certaine quantité, c’est-à-dire variable suivant les lieux. D’après Alibert la cana de bois vaut deux mètres cubes.

La même confusion aux Pays Bas ou un Kan mesurait 0.7 litre à Grave, mais 1.3 litre à Nimègue.

Etymologie: latin canna ‘roseau’, en provençal cano, ancien occitan cana. L’utilisation d’un roseau pour mesurer des longueurs de terrain, de tissu etc. était inconnue des Romains, mais elle doit être très ancienne surtout dans le Midi et en Italie. La première attestation se trouve  chez Nipsus (ou Nypsus), un théoricien de l’arpentage au IIe siècle. (Wikipedia).

 


Image tiré du manuscrit de Bertrand Boisset, arpenteur à Arles.Voir le mot destre !

Ci-dessous : un chantier cistercien – au premier plan en bas à gauche, le « maître d’œuvre » portant sa canne (mesure) et son équerre, au centre les gâcheurs de mortier, à droite un tailleur de pierre, trouvé dans ce site très intéressant.

 

Borio

Boria borio s.f. « métairie »  en fr. rég.borie « francisation du terme provençal bóri (masculin).

Ceci n’est pas un bóri   mais une  capitelle.

 

Christian Lasure écrit à propos de ce mot :

« employé au 19e siècle uniquement dans le sens péjoratif de « masure », de « cahute » (comme l’indique Frederic Mistral dans son Tresor doû Felibrige) après avoir désigné une « ferme » aux 17e et 18e siècles (ainsi que l’attestent la toponymie et les documents d’archives), le mot borie, pris dans l’acception nouvelle de « cabane en pierre sèche », a été popularisé par certains archéomanes provençaux de la 2e moitié du 19e et du début du 20e, pour habiller archéologiquement un objet d’étude purement ethnologique et par trop contemporain; ce contresens, qui réserve aux vestiges de l’habitat rural saisonnier ou temporaire une appellation qui ne s’appliquait qu’à l’habitation permanente, a été repris par Pierre Desaulle dans les années 1960 avec son livre « Les bories de Vaucluse » (3), par Pierre Viala dans les années 1970 avec son musée de plein air « Le village des bories » (4) et enfin par le Parc du Luberon dans les années 1990 avec son livre touristique « Bories » (5); la vogue du terme a même gagné le Périgord dans les années 1970, non sans y entrer en conflit avec l’acception d’ « exploitation rurale », de « ferme isolée » auquel ce mot était cantonné jusque là dans cette région; »

Etymologie : latin bovaria  un mot qui a a été créé au Moyen Age avec le sens « étable pour les bœufs » dans la langue de l’administration et des abbayes. FEW I, 476. Sens adapté et conservé à Valleraugue (Gard), où il n’y a pas de bœufs : borio « bergerie en haut des montagnes » Atger,p.10.
En ancien occitan boaria  signifie « métairie », borio en languedocien. Ni le sens « masure », ni le sens « cabane »  sont  attestés dans les dictionnaires dialectaux.  C’est un sujet à approfondir…

Un visiteur me  confirme: « Dans le carron de Sigean (11130) je trouve pour 1538 2 bories qui sont bien des métairies – et en aucun cas des capitelles !!! »

La dormeuse a consacré un article aux vestiges de  La Bouriette à Pamiers (Ariège).  Une illustration parfaite de ma devise « Parcourir le temps c’est comprendre le présent ».

   

Avenue de la Bouriette  (Pamiers)                     Photos de la Dormeuse.

Pour plus de renseignements sur les différents noms et les histoires des constructions en pierre sèche visitez le site exceptionnel de Christian Lasure