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Egassiaral

Egassieral (nom d’une rue à Ste Valiere, Aude), egassiairal(stade à Narbonne).

L’egassiairal (Narbonne) sans juments.

Un visiteur m’a demandé ce que ce mot pouvait signifier, même les anciens dans son village ne le savaient pas. Voici ce que j’ai pu lui répondre:

« Bonjour!
Dans le Dictionnaire d’Alibert je trouve: egassier « conducteur des juments pour le dépiquage » , c’est à dire qu’autefois on se servait des juments pour faire sortir le grain de l’épi en foulant les céréales. » Il y avait des troupeaux de juments, egassada ou egatada,  pour ce travail. Je pense que votre egassieral est un enclos ou une écurie où se trouvaient ces bêtes. Si vous trouvez une confirmation de l’existence d’un tel endroit dans la rue en question, veuillez me tenir au courant et si possible, me faire parvenir une photo pour que je puisse l’insérer dans mon site.

Vous voyez qu’il l’a fait! avec en plus la confirmation qu’il y avait bien un enclos ou une écurie pour les juments et que la photo représent le portail muré!

         
mais les equae ont été remplacées par des Chevaux.

Il s’agit d’un dérivé du latin equa « jument », mot devenu rare même dans les patois du Midi et remplacé par le mot français ou par caballa, mais conservé en catalan : egua, euga (DE). »

En latin médiéval existait eguezerius  » maître gardeur de juments » qui a survit dans le nom de famille Eygesier.  FEW III,233    Voir aussi l’article aigassier dans le DOM.

On peut aussi rattacher le mot egassieral  à ce nom de famille et de fonction.

Visetta

Visetta ou Vizette « escalier tournant extérieur ». Tiré du Compoix de Valleraugue(1625) :

«Maison de Sire Adam CARLE, maison à deux membres en partie crotte 23 cannes 1 pan compris vizette » (tome 1 page 150).(Crotte est une cave voûtée, sur laquelle on trouve à l’étage l’habitation).

L’origine est le latin vitis ‘vigne, sarment, pampre’, plus le suffixe diminutif -itta. Latin vitis est encore vivant dans presque toutes les langues romanes, italien vite, espagnol vid, portugais vide, mais a été remplacé par vinea ‘vigne’ dans une grande partie du galloroman. Vitis a survecu tel quel en rouergat abit ‘cep de vigne’; Millau obise ‘pampre’; au figuré dans l’Aveyron bit ‘cordon ombilical’.

Principalement dans le domaine occitan des dérivés désignent la ‘clématite’, dans le Gard c’est vissano, avissano et rabisano, parce que comme la vigne elle fait deux lianes qui montent en s’enroulant systématiquement à la recherche du moindre support.

sarment                               escalier à vis                          clématite

Partout la vis est la pièce de métal. Limité au galloroman est le sens ‘escalier tournant’, vis en ancien français comme en ancien occitan. Dans les dictionnaires de 1567 jusqu’à Trévoux 1771, la vis saint Gilles est un « escalier qui monte en rampe et dont les marches semblent porter en l’air » d’après le fameux escalier de St Gilles (Gard), appelé ensuite vis  saint Gilles, jusqu’au grand Larousse de 1867 qui écrit : « Escalier à vis dont les marches, soutenues par des voûtes d’une coupe particulière, semblent être suspendues dans les airs. Il en existe un modèle célèbre dans le prieuré de Saint-Gilles, en Languedoc. »


     

« C’est dans l’épaisseur du mur nord de l’ ancien choeur que se trouve la vis. Il s’agit d’un escalier hélicoïdal, datant du XIIème siècle.Il porte une voûte annulaire appareillée à 9 claveaux. Cet assemblage s’appuie sur le noyau central et les murs intérieurement cylindriques, et l’art du tailleur de pierre apparaît dans la double concavité et convexité de chaque voussoir. Elle a été très tôt une oeuvre célèbre, étape des Compagnons Tailleurs de pierre qui vinrent graver leur surnom ou leur devise lors de leur passage. »texte et les 2 photos  tirés du site http://perso.orange.fr/erwan.levourch/stereotomie.htm

Photo que j’ai prise en haut de la  vis  et qui montre bien la structure et le travail des tailleurs de pierre.

Le diminutif viseta, vizeta ‘escalier tournant’ attesté depuis le XVe siècle est limité au provençal et l’est-languedocien. L’attestation du Compoix est intéressante pour la précision de la définition « extérieur » :  la langue s’adapte à l’environnement!


vizette cévenole

Quand j’ai acheté un masà Valleraugue en 1979, il n’y avait pas d’escalier entre le rez-de-chaussée et l’étage et comme estranger ignorant j’ai installé la cuisine/ salle à manger  au rez-de-chaussée, dans la crotte , pour la déménager vers l’étage quelques années plus tard.

      
anglais vise                  neerlandais vijzel d’un moulin

Degra

Degrà « échelon; degré » (Alibert), mais dans le Compoix de Valleraugue, degré signifie « escalier droit » en opposition à lavisette ou vizette qui est un escalier tournant. Dans le site Panoccitan « escalier » est traduit en occitan par escalièr; on dirait un emprunt au français. Eh bien, c’est le contraire! Français escalier qui remplace l’ancien français degré, est attesté depuis 1531 seulement; mais en occitan depuis 1188 (scalerium dans une charte latine de Montpellier) et vient d’un du latin tardif scalarium« escalier », attesté dans des inscriptions.

Ducange

Revenons à notre mouton, degré, degrà en occitan qui est un dérivé du latin gradus qui signifie en latin classique « pas; marche », dérivé du verbe gradior « marcher ». Dans son sens le plus concret gradus a été remplacé par passus dans les langues romanes. Par contre le sens « dégrés d’un temple; d’une église, devant un édifice public » a été conservé en ancien occitan: gra(s) et en occitan moderne graso « degré en pierre, large dalle » (Mistral). Les Romains utilisaient le mot scala pour désigner un « escalier ». Quand à la suite de l’évolution de la construction on sentait le besoin de distinguer le grand escalier en pierre ou en bois de la simple échelle (< scala ), les Français du Centre et de l’Ouest ont choisi le mot degré « marche d’escalier, escalier », tandis que dans l’Est, de la Wallonie jusqu’en franco-provençal nous trouvons gre(s) ou, à partir du pluriel les grés, la forme l’esgré. Le double sens de ces mots prêtait pourtant à confusion. Pour cela on a préféré distinguer la marche de la montée.

Ceci devrait intéresser les architectes parmi mes lecteurs! Le mot escalier a été introduit pendant la première moitié du XVIe siècle. L’architecte Sebastiano Serlio, qui est largement inspiré par Vitruve, un architecte romain qui vécut au Ier siècle av. J.-C, publie I Sette libri dell’architettura de 1537 à 1551; Il est appelé à la cour de France par François Ier, pour la construction du chateau de Fontainebleau. La traduction du Ier livre d’Architecture de Serlio par Jehan Martin apparaît en 1545. (Vous pouvez le consulter sur le web grâce à l’université de Tours, voir aussi Wikipedia).


Je n’ai pas retrouvé le passage mais il semble qu’il utilise le mot escalier pour désigner une grande montée.
D’après le TLF le mot escalier, emprunté à l’occitan où il est toujours bien vivant, apparaît déja en 1531 dans les Comptes des bâtiments du roy pour désigner les escaliers en pierre caractéristiques de la Renaissance et il remplace les mots degré et montée.

Degré dans le Compoix de Valleraugue est donc un gallicisme. Depuis l’introduction de l’escalier, degré prend le sens de « petit escalier derrière la maison », ou comme à Valleraugue « escalier extérieur droit ».  Un degré est moins prestigieux qu’une vis, comme une femme de ménage est moins prestigieuse qu’une technicienne de surface.

Croto

Croto « voûte » (S), cròta « crypte; grotte; cave; voûte; souterrain voûté » (Alibert). Dans le Compoix de Valleraugue (1625) on trouve le mot crotte : « Cave qui peut servir de rue » : « leur maison d’habitation contenant de maison crotte deux cannes un pan compris le passage qui est sur la crotte et au chef de la maison de Pierre Liron ». D’après l’IGN il y a 57 Crotte et 34 Crottes en France plus les dérivés et composés.  Les Crottes  est un quartier bien connu  de Marseille XVe.

P.Blanchet cite le proverbe bouono croto fa bouon vin.

L’étymon est latin crypta, un emprunt au grec. En latin crypta désigne « une galerie couverte servant de passage » et « cloître fermé, entourant la cour des villas et servant de cellier » et même « passage souterrain, tunnel ». Le sens que crotte a dans le Compoix est celui de mot latin.

    

Labeaume (07). Manduel (30)

Ces passages étaient souvent voûtés. comme celui-ci de Labeaume (07). Le mot crota va donc signifier « voûte » principalement en franco-provençal et en occitan. La cave de la maison est également voûtée. Il est normal qu’elle reçoit le même nom : crota. Pourtant les attestations sont pratiquement limitées à l’occitan. Les Romains se servaient de la crypta comme « cellier », sens qui a été conservé dans de nombreux patois. En montagne ce sont les grottes naturelles que l’on compare à des caves , par ex. à Lasalle (Gard) croto « caverne ». Le même mot a été emprunté au latin :  néerlandais krocht « crypte; grotte » et breton groc’h (Vannes), allemand Gruft, anglais croft .1 :un petit terrain près d’une maison 2. une pette métairie (mot rare).

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Au XVIe siècle la grotta joue un rôle important dans la poésie italienne de la Renaissance et Ronsard l’a rendu populaire en France dans ses Meslanges. Les paysagistes de l’époque créaient des grottes artificielles dans les jardins. Depuis le mot a été adopté par toutes les langues occidentales : catalan, espagnol, portugais gruta, allemand Grotte, néerlandais grot.
Le dérivé grotesque ‘dessin capricieux’ qui vient également de l’italien a suivi un autre destin. Le point de départ a été le genre de grottes artificiels comme ci-dessous.

ou celle du Linderhof en Bavière : grotte de Vénus

Le webmaster du site qui contient le Compoix de Valleraugue de 1625 me donne les renseignements complémentaires qui voici: Crotte, ce n’est pas une injure, il s’agit de la cave voûtée servant de fondation (pede) ou de sous-sol dans la presque totalité des maisons de Valleraugue en 1625. On disait même maison crottesque (crotte_1.jpg) [compoix de Valleraugue 1625 tome 1 page 29]. Quelques fois, la rue passait et passe toujours sous la maison donc par sa crotte. C’est le cas de la maison de Thomas Serre, qui héberge actuellement la mairie de Valleraugue .(crotte_2.jpg) [compoix de Valleraugue 1625 tome 1 page 110], espace bien conservé.

Sur les crotté (Breil) et les casouns (Saorge) remarquables dans le Mercantour suivez le lien.

Clueg

Clueg « glui, chaume, botte de paille », dérivés clujada « toit en chaume », clujar « couvrir de chaume ». Dans le Compoix de Valleraugue (1625) clugin est toujours attaché au mot maison : . Dans le Compoix de Saint-Just (Aveyron), 1536 : l’ostal de Anthoni Calmes, clujat una partida de palha

L’origine doit être un*clodiu- « paille de seigle ». Le mot se trouve uniquement en galloroman et sous deux formes : dans le nord c’est glodiu- et dans le Midi clodiu-. En ancien français glui, en ancien occitan cloch, clueg. L’abbé de Sauvages donne deux formes : clé  « une botte de glui » et glijhou « chaume pour le toit ».
Comme le mot ne se retrouve dans aucune langue celtique, il faut supposer qu’il est hérité d’un peuple qui habitait en Gaule avant les Celtes. 1
Le verbe se trouve dans deux formes : clujar « couvrir de chaume » mais plus rarement avec une terminaison en -ir. La forme du Compoix de Valleraugue clugin est intéressante parce que le scribe a ajouté un –n final. Or les patois autour du Mont Aigoual se caractérisent entre autres par la chute de tous les -n à la fin des mots, matin > mati. Cette graphie serait donc hypercorrecte: -i au lieu de -at et en plus un -n au lieu de rien. Ce genre de « fautes » permet souvent de dater les évolutions phonétiques.

clujada

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  1. Un visiteur breton me signale pourtant : En Basse-Bretagne, dans les actes notariaux du 18e siècle (en français), le chaume servant à couvrir les toits est souvant appelé « gled; gledz« . Ce mot semble apparenté aux mots de la série clueg/clujat;clodiu. Il faudra faire des recherches approfondies pour savoir s’il s’agit d’un emprunt aux parlers galloromans ou d’un mot celtique.