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Milhas, mil(h), milhoc

Milhas « bouillie de maïs » est un dérivé en -aceu du latin milium « millet » qu’on appelle aussi mil à chandelles, petit mil ou sorgho (Il y a pas mal de confusion dans les noms de ces céréales; voir Wikipedia). Dans quelques régions le sens du dérivé milhas est resté proche du sens « millet », comme par ex. en béarnais: milhasa « champ de millet » et à Castres milhas « bouillie faite avec de la farine de millet » et au figuré « femme, fille grasse et petite ».

A partir du XVIe siècle le maïs introduit du Nouveau Monde remplace le millet dans beaucoup d’endroits . Dans le Sud-Ouest mil ou milh prend tout simplement le sens « maïs » (cf. Thesoc), un peu plus vers l’est, e.a. à Toulouse, dans le Gers et le Val d’Aran c’est le dérivé milok, milhoc qui domine, enfin dans le Languedocien c’est milhas, attesté d’après Mistral depuis le XVIIIe siècle.

La forme provençale semble être mihas, mais on l’appelle aussi meï , blad de barbarie, blad turc, et bratama. (Source).
Mistral donne pour le Gard les formes blad-mare, blatrama, bratama, blatama, blad-amar qu’il explique comme des variantes de blad-amar . Pierre Larousse a inséré dans son dictionnaire :

BLAMARÉE s. f. (bla-ma-ré – du lat. bladum, blé; maris, de la mer). Bot. Nom vulgaire du maïs, dans quelques départements du midi de la France. »

Le Dictionnaire de Bescherelle de 1845 et 1856 donne blamazée avec la même définition. Il semble que le passage de –r- > -z- est assez courante en languedocien. Ces noms sont absents du Thesoc.

                    millet  

Champ de millet                                                                          milhas

Nai, nais

Nai(s) « abreuvoir » (Thesoc). Mistral définit nais comme « routoir » pour rouir le chanvre, sens attesté depuis le XIVe siècle. Han Schook a recueilli a Die nais ou  naisas  s.m. « routoir de chanvre, bassin pour rouir le chanvre »,   et le verbe naisar, naisir  « rouir le chanvre ». Le sens « auge » se trouve dans un autre texte de la même époque. Le mot s’est maintenu dans les Alpes Maritimes et à Forcalquier avec le sens « abreuvoir » (Thesoc).  Dans les dictionnaires on le trouve dans les parlers provençaux et franco-provençaux ainsi que  en Poitou et les deux Sèvres, mais il y est rare. A Barcelonnette nais signifie « routoir » et « prairie marécageuse », à La Ciotat c’est un « lavoir ».  Cette évolution sémantique s’explique par la disparition de la culture du chanvre.

L’étymologie n’est pas claire. Meyer-Lübke a supposé un germanique natjan « mouiller », W.Gerig propose dans sa thèse de 1913 un gaulois n(e)ax, mais ni l’un ni l’autre étymon  ne rend compte des formes provençales. Le FEW (VII,24a-25b) suit la proposition d’Antoine Thomas : *nasiare « mettre à rouir le chanvre », mais il n’est pas clair si le verbe a été formé à partir du substantif ou l’inverse, et l’origine de ce verbe reste obscure.

    

Faisso

Faïsso, s.f. « bande dont on enveloppe un enfant, maillot; intervalle entre les rangées de ceps, plate-bande de jardinage, sole de terrain, bande de terre soutenue par un mur ».(Mistral), et en  languedocien faisso « lange d’enfant » (S), « bande de terre , terre de forme allongée » = traversier (Andolfi).

Pour les nombreux sens et dérivés voir aussi Alibert s.v. fais, où il réunit tous les mots qui proviennent de fascis « faisceau, fagot » de fascia « bande, bandelette » et de fascina « fagot de sarments ». Presque tous les mots donnés par Alibert s.v. fais « faix, fagot, fardeau, paquet, embarras d’estomac » comme dérivés représentent en réalité le latin fascia. Fascis et fascia étaient en effet assez proches du point de vue de la forme et du sens: fascia désignait une bande de tissus pour envelopper et le résultat était souvent un fascis un « paquet ».

            Images du  Gafiot

L’ancien occitan faisa et le verbe faisar « envelopper, bander, serrer , Aude  faisa v.a. « enmailloter », représentent le verbe latin fasciare « bander, envelopper de bandes ».
Etymologie: pratiquement toutes les significations qu’on trouve dans les parlers modernes existaient déjà en latin : fascia « bande, lien, sangle, etc.». Fascia avec le sens « bande de terre » se trouve déjà dans des inscriptions latines en Gaule. Cf. aussi catalan faxa, espagnol haza, portugais faxa  comme en  ancien occitan faissa, surtout en provençal et en auvergnat. Le sens exact du mot s’adapte bien sûr à la configuration du terrain, p.ex. Aveyron faïsso « carré d’un jardin, petit champ » mais en Camargue c’est « une partie des terres labourables d’une exploitation, affectée à l’une des cultures de l’assolement ou à la pâture, parties généralement séparées par desroubines « .
Un visiteur originaire du Vaunage m’écrit que pour lui « les faïsses sont les cultures en espalier dans les côtes, vignes, oliviers … ». Les espaliers  sont des bandes de terre.

    
faïsso
à gauche en Camargue et à droite dans les Cévennes.

Voir pour une étude approfondie et très documentée de ce mot au sens « bande de terre » consulter l’etude de : Michel Rouvière, » A propos de faysse et escayre : l’indispensable « remise à plat » terminologique , dans www.pierreseche.com/faysse_et_escayre.html / 9 février 2002 « 

Estobla

Estobla « chaume, paille »  vient du latin stipula > latin parlé stupula. Un visiteur me donne l’information suivante :

on appelle la mante réligieuse: lou prego-Dièu d’estoublo ou de restouble, ce qui se dit aussi d’une personne maigre et pâle.

stipula « chaume, paille » < latin vulgaire stupula

C’est un des nombreux exemples qui montrent que les Occitanophones sont particulièrement avantagés pour l’apprentissage des langues étrangères.

  • > provençal. estoublo « terre en chaume »; dérivés estoubloun « chaume »; restoubla « remblaver sur le même terrain, recommencer »; restouble « champ en chaume ».
  • > catalan estapolany  » 1.Petit bouchon 2. Bastó amb un tros de drap o d’estopa lligat a l’extrem emprat com a tap o per a altres usos « 
  • > néerlandais stoppel  « paille, chaume coupé; poils de barbe courts », allemand Stoppel.

    stoppelbaard

  • > (champenois étieuble, équiole >) français étioler > anglais etiolate .
  • >ancien français estuble « chaume qui reste sur le champ » (> moyen anglais stuble) > anglais stubble(s), stubbled, stubbly, (adjective), unstubbled (adjective).

Latin stipula a donné le verbe > stipulari « exiger un engagement formel, stipuler » (on rompait une stipula « paille » en signe de promesse) > français stipuler, > anglais stipulate, catalan, espagnol estipular, néerlandais stipuleren.


Espiga

Espiga s.f. « épi ». Grosso modo on peut dire que dans le Sud de la Galloromania nous trouvons la forme féminine, basée sur le pluriel spica, perçue comme un féminin, tandis que le Nord a la forme du sg. spicum > épi. Le féminin se retrouve en italien spiga, cat. esp. et port. espiga.

Il y a plusieurs dérivés occitans : espigou « scion » (Grau-du-Roi), espigoun « pièce qu’on ajoute au timon de la charrue, quand il n’est pas assez long », espian « les épis dont le grain n’est pas tombé en battant les gerbes » espigaou « criblures de blé », espigau « laîche » (Marseille). En languedocien espigoular est « glaner » ou « grapiller ».

Un visiteur me signale qu’en provençal on appelle « l’orge des rats ou l’orge des murs » ( hordeum murinum L.) l’espigoun. Je pense qu’il fait partie de cette famille. D’après Wikipedia c’est l’espigau (??)

       espigoun
espigau
(Marseille)                      espigoun