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Mats, mait, meit "pétrin"

Mats, mait, meit « pétrin » nous vient du grec  μαγις , μαγίδος «pâte, sorte de pain; plateau rond de balance; pétrin», qui était le nom usuel dans le sud de l’Italie, la  Magna Graecia. Ensuite ce nom a gagné Rome et les Romains l’ont latinisé  sous deux formes : magis, magidis et plus simple en  magida.

Grande Grèce         

maït provençal

Dans la région de l’Ile de France et par conséquent en français c’est le type pétrin (< petrinus) qui domine mais en province c’est le type maie de magidem.  Dans les parlers du Nord de la France  le type maie  est concurrencé par  huche (< hutica ) et par  arche (< arca), dans le Midi par les dérivés de pasta  et par mastra en provençal et est-languedocienun autre mot d’origine  grecque : μακτρα « pétrin ».  Cf. le Thesoc s.v. pétrin 1 Vous y verrez e.a. que le type  arche  est aussi présent dans le Sud-ouest (Creuse, Hte-Vienne) et que le type pétrin  a gagné du terrain.

2. Le pétrin, ou « maits à paîtrir », était une pièce essentielle du mobilier paysan, comme en témoignent les inventaires successoraux et les estimations des apports dotaux dans les contrats de mariage. p.1454 note ² dans   L’alimentation paysanne au Gévaudan

A Castres est attesté le composé  raymatch « coupe-pâte dont se sert le boulanger pour détacher la pâte du pétrin ».

Dans le sud-ouest mèi, mèit  s.f. désigne aussi le « support pour tuer le porc, consistant en règle générale, en un pétrin, mais retourné » d’après les dictionnaires locaux.  Dans les Hautes-Pyrénées le dérivé mèitéto sert à la même action, mais il est creusé dans un tronc d’arbre. Si vous avez une photo faites me la parvenir s.v.p.

A ma demande La vieille chouettespécialiste de la cuisine locale et régionale, m’a donné tous les renseignements sur la mèi telle qu’elle est utilisée dans la région de Montauban quand on va « far lou tessou ». Je joins sa description savoureuse en format pdf.  la maie du tessou.  D’après elle la maie  sert à « faire la toilette du tessou« . Pour le saigner on le suspend! Ci-dessous son dessin.

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  1. La distinction faite par le Thesoc entre le type mag  et le type maid  ne m’est pas claire. Pour les deux formes l’étymon est le même.

Èstra "balcon"

Èstra « balcon, fenêtre » vient de  extera  la forme pluriel neutre de exterus   « ce qui se trouve dehors ».

Estre  a aussi existé en français et  se retrouve dans les parlers du nord et de l’est du galloroman. En occitan il est plutôt limité au provençal et l’auvergnat.

Suivant les localités  èstra  prend des sens plus ou moins spécifiques,  comme dans la haute vallée de l’Ubaye « balcon où l’on met sécher le bois à brûler », en Auvergne éstra, étra est la « petite terrasse en saillie, en haut de l’escalier extérieur en pierre et qui est couverte par un toit ».  En francoprovençal étre a pris le sens spécial de « aire pour battre le blé ».

cliquez 

estro en Auvergne

Un  estroun  est un « petit balcon » à Barcelonnette,  et une « lucarne » en limousin.

A Die existe le mot esseis  « les êtres de la maison » , d’après le FEW un emprunt au français qui subi l’influence du verbe être   du latin essereUn peu étonné par cette étymologie , j’ai demandé à Han Schook, excellent connaisseur du parler de Die, ce qu’il en pensait. Il m’a répondu

« los èsses » (pron: louzèssei, avec vocalisation du s du pluriel)  son en effet  « êtres de la maison ».  A mon avis il n’y a pas de confusion entre  estro   et  èsses. En Diois le verbe « être » est  èsser (pron: èssé), ou le moins courant  « estre« . Comme en français  être,  diois  « èsse » peut servir comme substantif pour désigner des personnes.  Exemple:
Nosautres, sièm quatre èsses, e vosautres, siètz nòu a la meison.

Je suis sûr qu’il a raison. « los èsses » diois n’a rien à voir avec les balcons.

Blaca "chêne blanc"

Blaca, blacha  « chêne blanc ».  Dans le premier volume du FEW blaca est considéré avec beaucoup d’hésitations comme d’origine gotique1 dans l’article blakk- « reluisant, brillant »  , mais cet étymon n’est pas repris dans les éléments d’origine germanique.

blaca

une blaca   de l’Ardèche

Une attestation dans Du Cange : Blaquerium, Locus ubi juniores quercus crescunt.  (Un lieu où de jeunes chênes poussent) Charta jam laudata ann. 1334

D’après les généalogistes le nom de famille  Blachère dérivé de blaca 

 est fréquent dans l’Ardèche, où l’on trouve aussi la forme Blacher. C’est un toponyme désignant un bois de chênes blancs (occitan blaca). Le chêne blanc (ou Quercus pubescens) est considéré comme un des meilleurs chênes truffiers. De nombreux hameaux s’appellent (la) Blachère dans l’Ardèche et la Lozère. Formes voisines : Blacheyre (42), Blachier (07), Blache (26, 38), Blacas, Blachas (83, 84, 34, 48), Blachette (07, 26)

Google  me fournit 2 autres sources protégées pour des raisons de droit d’auteur :

Dans Mélanges de philologie romane offerts à Charles Camproux: Volume 2

BLACAS, spécialement nom noble, est un augmentatif provençal de blaca, mot du Sud-Est, d’origine pré-gauloise, désignant originairement un taillis de chênes. BREA. Ludovic Brea : in « Theatrum Statuum Sabaudiae Ducis », Amsterdam, 1682.

et plus loin:

et dans la Zeitschrift für romanische Philologie vol.79(1963)

J. Ubaud  ne dit rien sur l’étymologie  du mot  mais précise la répartition géographique :

blacha, blaca, blacàs, souvent aussi employés pour le désigner, ces noms semblent concerner à l’origine des baliveaux (donc des jeunes arbres, nous l’avons déjà signalé dans l’article précédent) s’appliquant à divers espèces : le chêne vert en plaine, le châtaignier en Cévennes 2 , le chêne blanc un peu plus dans l’arrière-pays.

blaquièira (ou plus au nord blachièira) ou blacareda un collectif, désignerait un taillis de jeunes chênes blancs, mais il nous semble plutôt employé dans les zones de l’arrière-pays (pied du Larzac, Larzac, Haute Provence) où les toponymes dérivés abondent : Blaquières, Saint Jean de la Blaquière, La Blacarède, La Blachière, Les Blaquettes.

et elle a oublié Blaquisse toponyme et nom de famille.

Le FEW écrit que  blakk-    est peut-être une forme du germanique  blank  « blanc ». On trouve en effet des formes dénasalisées de blank  dans les langues germaniques  comme le norvégien blakr  « chatoyer ». Les feuilles du chêne blanc sont en effet chatoyants. Voir aussi Du Cange à propos de blanchia.

Pour les Noms de chêne en occitan cliquez ici

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  1. Petite erreur dans FEW : westhälfte doit être osthälfte
  2. Je n’ai pas retrouvé l’attestation de « châtaignier ». Il n’y a que Mistral qui écrit « taillis de chêne ou de  châtaigner »

Avaus "chêne kermès"

Avaus, abaus  « chêne kermès; chêne à kermès, quercus coccifera ». L’étymologie est inconnue1. Lisez l’article de Josiane Ubaud sur l’avaus, nom plutôt rare. Aucun attestation dans le Thesoc. s.v. chêne, variété de -. Le but de Mme Ubaud étant de « normaliser »  les noms des végétaux dans tout le domaine de la langue d’oc, elle choisit un nom que personne ne connaît.  J’ai parlé à plusieurs bons connaisseurs des plantesil m’ont répondu « Ah, tu veux dire le  garric ».  Je fais donc la promotion du garric.

La plus ancienne attestation date de 1019  du nom mons Avalsarius dans le Cartulaire de  St. Victor (Marseille)  qui s’appelle maintenant  le Vaussier  près de Beausset dans le Var d’après la source du FEW, mais  que  Google ne le connaît pas et me suggère le mont Gaussier  dans les Alpilles.

Cliquez sur cette belle image de Wikipedia!

chêne plein de kermès

avaus

Le nom du  Mont Gaussier  de St-Rémy de Provence  a peut-être la même origine.     L’abbé de Sauvages écrit en 1756 :

Agôoussës ou avôoussës, le petit chêne vert épineux qu’on trouve dans les landes du Languedoc & sur lequel se nourrit,  un insecte connu depuis longtemps sous le nom de Kermés  ou  Graine d’Ecarlate  & depuis peu sous celui de  Galle-insecte que Mr de Reaumur lui a donné, en apprenant au monde savant que ce qu’on regardait comme une excressence de l’arbre étoit un véritable animal.

La même forme  agaousses  est attestée à Carcassonne. L’alternance  -g-  et  -v-  se trouve dans d’autres mots.

Dans la deuxième éd. de son Dictionnaire l’abbé de Sauvages donne en plus le sens « arrête-bœuf » pour avôoussës, mais il est le seul. D’après l’ ALF  abàou  signifie « houx » à Les Matelles dans l’Hérault, une confusion qui s’explique parce que les feuilles du houx sont également piquants.

Le nom Kermès a une origine arabe qirmizī « de la couleur de la cochenille »; il était utilisé pour désigner un ver, une larve, ou un insecte.  ; pour l’étymologie le TLF .

Le parasite était récolté dans le sud de la France (Languedoc et Provence) sur le chêne-kermès; on recueillait la cochenille qui était immobile, de forme sphérique et de taille minuscule (6 à 8 mm). L’espèce était ramassée, desséchée et broyée pour tirer une teinture rouge écarlate. La récolte, par matinée, était d’environ 1 kg de “graines”, de quoi produire 10 à 15 g de pigment pur. Cette couleur, magnifique, resta inchangée pendant des siècles. C’est l’écarlate qui servi à teindre les étoffes des tissus royaux, la laine et la soie. Sa présence a été décelée dans des peintures néolithiques, en France et sur les momies égyptiennes.Voir Wikipedia

Dans la 2e édition de son Dictionnaire l’abbé de Sauvages site également le mot  grâoubio  avec le sens avaousses, également d »origine inconnue.

Michel Wienin  complète cet article avec la note suivante:

Je connais ce mot abau(s) autour d’Alès, avau(s) vers Uzès et en Provence au sens de chêne kermès, arbuste épineux qui héberge la cochenille à teinture (insecte devenu assez rare actuellement).
Sec et enflammé, il brule comme les résineux avec de grandes flammes claires mais plus chaudes que celle des pins et faisant peu de noir de suie. Dans la zone des garrigues, il servait aux fourniers à donner un « coup de feu » pour dorer un tian ou un dessert. Le passage du nom de l’arbuste à celui du fagot me semble facile à admettre ; même chose que pour le hêtre et le fagot.

S’abaussir / s’abaussejar, c’est s’égratigner les mollet en bartassant.

Amistosament

 

  1.   FEW XXI, 64a

Espelir

Espelir « éclore »; espelido « naissance »  Gni aghet uno bel ëspelido  « un nombreuse naissance lorsqu’on parle des poussins ou des vers à soie  » (Sauvages).  Une visiteuse m’écrit « si on met l’énergie à faire des projets ils espeliront « .

L’étymon, latin expellere « pousser dehors, chasser, bannir »  est devenu  espelir  en ancien occitan avec le même sens. Mais  déjà à cette époque est attesté le sens  » faire éclore » spécialement en parlant des oeufs .   Les attestations dans les parlers modernes viennent surtout du domaine occitan et franco-provençal.   Là où on faisait la sériciculture le verbe et les dérivés  s’appliquaient surtout aux vers à soie.   L’espelidouiro  est le « cabinet où l’on les fait éclore ».

Un peu partout  espelir  prend aussi le sens  « s’ouvrir, germer » en parlant des boutons de fleurs , « poindre » (le jour) , « s’épanouir ».

     

A partir du part.passé d’ expellere : expulsum   a été formé le verbe expulsare emprunté par le français au XIVe siècle :  expulser, ce qui empêche certains de s’épanouir….

  

Roumegá "rouspeter"

Roumegá « rouspéter, râler », romega « maugréer » (Alibert), en français régional rouméguer  (Manduel) continuent un latin rumigare « ruminer ». Homonyme de romegà « couper des ronces ».

Latin rumigare a donné dans le Gard roumiá (S), raoumya, roumya « ruminer », la forme roumegá est plutôt propre à la Gascogne: béarnais arroumegá « ruminer; répéter, rabâcher, marmotter entre ses dents ».

Languedocien roumegá « râler » me semble un emprunt au catalan remugar « ruminer, au fig. « râler » (DE): en tout cas le Languedoc et la Catalogne n’ont pas seulement le verbe en commun.


          
ils roumèguent

Un dictionnaire catalan explique  la différence:

REMUGAR / RUMIAR El verb remugar fa referència a l’acció de mastegar els aliments dos vegades típica de la ingestió i digestió d’aliments dels mamífers remugants: Els mamífers que remuguen tenen un estómac diferent del de la resta de mamífers. També designa l’acció de parlar entre dents, generalment en senyal d’enuig o desaprovació: Deixa de remugar i fes el que t’he manat. En canvi, el verb rumiar indica l’acció de pensar una qüestió una vegada i una altra: No he parat de rumiar el que em vas dir ahir. Hem rumiatentre tots un pla d’acció.

Les sons du  verbe rouméguer expriment bien les sentiments du râleur; dans un  site canadien  je trouve: T’es tout seul a roumeguer comme ca ? ou y en a d’autre des « amer » a ce sujet ? Où ont-ils pêché ce mot?

Panteno pantiero

Panteno s.f. « filet en forme de manche qu’on place à l’extrémité des bordigues; nasse ou verveux; poche qu’on met à l’entrée des terrier des lapins ».   Pour Raymond Jourdan ( voir Sources s.v. Montagnac)  c’ést « la bourse (panténo) que le chasseur a placée au biradou« .  La forme pantiero  vient de Marseille, Montpellier et du Béarn. D’après Wikipedia  la forme gasconne est pandéla / pandèle  et désigne  un grand filet vertical.

En grec existait le  πανθηρος « chasse-tout » dont les Romains avaient fait panther  « filet servant à capturer certains animaux ». Les Grecs avaient créé aussi la πανθηρα  un « grand filet pour attraper les oiseaux » de παν « tout’ et θηρα « chasse », dérivé de θήρ «bête sauvage»; devenue panthera  en latin. C’est ce dernier qui est à l’origine des formes occitanes  et françaises.

Panthera  est devenue  pantena  « sorte de nasse » en ancien occitan (1336)La fin du mot : –era  a été sentie comme un suffixe et remplacée par  -ena  qui était mieux adapté au sens du mot « grand filet ».  Il y a une description de l’utilisation de la pantière ici.

panteno

Chacun des chasseurs suivants en fait autant, à mesure que le vol avance, et pousse de grands cris qui retentissent jusque dans la ville [Campan – NDLR]. Effrayées par la vue de ces ennemis et par les cris qu’elles entendent, les palombes abaissent continuellement leur vol, et finissent par se précipiter au fond du défilé. Là les attend la pantière qui, au moment donné, glisse sur les poulies et les recouvre de son ampleur.Cette chasse est très productive ; aussi, est-ce la spéculation, et non un but d’agrément qui la fait entreprendre.

Comme toujours le mot s’adapte au terrain.  Filet pour la chasse, la pêche, les courses, etc; suivant les emplois, les régions etc.

 

Embonilh, emboriga "nombril"

Embonilh « nombril » est la forme la plus répandue d’après le Thesoc; emboniga  se trouve dans l’Ardèche, le Gard et l’Hérault, et devient emborigo  à Fourques et  Villeneuve d’Avignon, comme  en provençal  de l’autre côté du Rhône.

On a bien le sentiment que les formes occitanes ont quelque chose en commun avec le nombril  du français , sans qu’on sache exactement quoi. Eh bien c’est l’étymologie,  le latin umbiliculus  « nombril ». Il faut dire que la forme du français serait bien méconnaissable pour un Romain. L’extrême variété des formes issues de  umbiliculus provient  à mon avis du fait  qu’il s’agit d’un mot qu’on n’utilise qu’avec des proches ou des enfants. Le nombril  ne joue aucun rôle social ou « sociétal »  pour parler XXIe siècle. D’autres exemples de ce phénomène, comme  les noms du sureau se trouvent avec le mot clé phonétique.

Le problème pour les étymologistes dans des cas analogues est qu’il faut trouver une explication pour chaque forme. Je ne vais pas faire cela, ce serait trop long, mais je vous donne  les formes occitanes. Vous comprendrez aussi pourquoi mon Index Oc  est incomplet!

  • Ancien occitan : ombrilh,  Haute-Garonne  oumbrih
  • Gers, Landes  lumbrilh, lumbrik, lumbris
  • Ancien occitan emborigol, Aix embourigou, Gard  embounigo
  • Ancien occitan  embounilh  (Quercy), embounil   la forme la plus répandue.
  • Aveyron  demounil
  • Hérault, Aude etc.  mounil
  • Provençal  embourilh, embouriou

Le nom de certaines plantes  est plus facile à expliquer, surtout si on peut présenter des images:

ambourgueto dans le Var     ambourgueto à Nice

Umbilicus pendulinus ambourgueto  dans le Var.      Une morille comestible  ambourgueto  (?) à Nice.

 

La forme  bedije  « nombril » est surtout attesté dans l’Aude