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Alandà

Alandá v.tr et r. « ouvrir en grand » est attesté des Cévennes gardoises jusqu’aux Pyrénées Orientales. (Thesoc). Avec le sens « brûler’ seulement dans les Cévennes gardoises. Le témoin de St-Hypolite du Fort a ajouté la remarque « brûler rapidement ». L’abbé de Sauvages (S1) donne alandà « étendu ». Dans la deuxième édition, il ajoute l’infinitif  alanda « ouvrir tout à fait une porte, une fenêtre, ouvrir les deux battants. Etaler une marchandise. Lâcher le troupeau. »  Alanda lou fio est « faire brûler le feu ». Ces dernières significations  ont échappé au FEW.

D’après le FEW il faut rattacher ce groupe de mots à un gotique *landa « gros bâton, barre ». A Ossau (Pyr.Atl.) est attesté lande « barre de fer servant à fixer un battant de porte » et dans le Val d’Azun (Htes-Pyr.) landèra « bâton recourbé pour tourner le lait du fromage ». Le sens « ouvrir en grand » s’explique facilement comme « enlever la barre des deux battants ». Pour « lâcher le troupeau » (S2) on le fait également.

« Etaler la marchandise »(S2) est imaginable, mais je ne comprenais pas par quelle évolution sémantique le verbe alanda a pu prendre le sens « brûler » dans les Cévennes.  C’est chez l’abbé de Sauvages que je trouve qu’ alanda lou fio signifie  « faire brûler le feu »  C’est une action que l’on fait avec un bâton ou une barre de fer.

C’est la même barre qu’on enlève pour ouvrir en grand une porte ou faire brûler le feu.

alanda loi fio

Alanda lou fio.                                             La lande tient une porte de garage.

 

Aissada

Aissada s.f. »bèche, houe » d’un latin asciata participe passé du verbe asciare « travailler avec la houe », est attestée en ancien occitan depuis le XIIe siècle, et très répandue dans tout le domaine occitan, en catalan aixada, espagnol azada et portugais enxada, mais ne se trouve pas dans le domaine d’oïl. Les deux mots aissou et aissado cohabitent à Valleraugue et désignent le même outil.
A Trèves (Gard)  aousado a été donné pour « houe triangulaire », comme celui  dans le Musée Cévenol cité sous aissou

Aissou, aissada

Aissou « houe à lame triangulaire » (Taleyrac, commune de Valleraugue, octobre 2004). Le mot le plus répandu est aissada, (ou aissadou à Taleyrac où les deux formes sont utilisées) par exemple dans le site du Musée Cévenol : « Le labourage emploie essentiellement les houes. Celle à lame triangulaire ou aissada est un des outils les plus répandus en pays cévenol, elle permet de retourner la terre, de l’égaliser, d’en briser les mottes, de tracer des raies et former des buttes. » Nîmes eïssade « sarcloir ».

aissada
A droite l’aissou de ma fille à Taleyrac à gauche  celui du musée de St.Jean du Gard.

Les deux mots appartiennent bien sûr à la même famille, dérivés du latin ascia « hache des charpentiers, erminette » et aussi « binette » et « truelle de maçon ».

(On en a trouvé une à Faverges près d’Annecy :

mais les suffixes et les répartitions géographiques de ces deux types ne sont pas identiques. Le type ascia qui a abouti en occitan à aisso « hache des charpentiers, herminette » aisse en ancien français, esse « marteau de couvreur » en français moderne (absent du TLF), et ses dérivés (par exemple ancien occitan aisset « petite hache » et aisela « herminette de tonnelier ») se trouvent dans une aire allant de l’occitan jusque dans le nord-est du domaine d’oïl.
Le FEW suppose que la forme aissou est issue de la forme ascia + one. Elle est limitée à l’occitan et avec le sens « pioche » au provençal et au languedocien. Le mot aissoun est attesté en languedocien avec le sens « pic, pioche, hoyau, houe ». La forme sans -n n’est attestée que dans la région du Mont Aigoual : Valleraugue oysou « outil pour faire des sillons », Camprieux oisou « outil de jardin qui a un tranchant d’un côté pour couper la motte, et de l’autre côté un fer pour arracher », St Hippolyte aïssou « meigle, marre , maille, chèvre » (dans un texte de 1798 avec le verbe aîssounà « labourer avec la meigle » ) et aisou « houe à lame triangulaire ». Dans cette région le chute du -n final est régulière: matin > moti , plein > plé. (Atger).

Commentaires

Bonjour,
mon père, Raymond Jourdan, a travaillé en 1941-42 dans le quartier des Lônes à Carpentras, dans une ferme disposant d’un système d’arrosage connecté avec le canal de Carpentras. Pour ouvrir et fermer les rigoles d’arrosage des parcelles il écrit dans ses cahiers qu’il se servait d’un « issadou », ce qui correspond à « aissadou » de votre article.Chez Mistral, on trouve ce terme issadou dans l’article « eissado », page 851 du trésor du félibrige, avec l’indication (rh) qui signifie expression des bords du rhône.
Cordialement
Gérard Jourdan

J’ai répondu:

L’issado est une houe d’après Mistral. La bonde pour fermer ou ouvrir les rigoles s’appelait esclafidou d’après l’abbé de Sauvages.

Suite ci-dessous.

Aire,airiel

Aire, airiel

‘avec plusieurs membres quarantes deux cannes cinq pans aire airiels trelhatz et pollallier du coté du couchant trente quatre cannes’. (compoix Valleraugue 1625 tome 2 page 26)

Etymologie : latin area « espace libre, sol uni ». Eira ou aira en ancien occitan signifie « lieu vide et libre autour de la maison »        ( XIe siècle) mais déjà à la fin du XIIe aussi « aire à battre le blé ».

Plus tard a été créé le dérivé airée ou ayrie « quantité de gerbes qu’on met en une fois sur l’aire pour la battre », yerado ou eyrado dans le Gard, et naturellement on s’en est servi pour désigner cet espace et le verbe enairá « mettre le blé sur l’aire ».

Dans beaucoup de villages occitans nous trouvons une Rue des Aires ».

La forme airiel, airiel du Compoix n’a été attestée nulle part ailleurs à ce que je sache, mais je pense que le destrador local a voulu bien distinguer la place libre autour de la maison et l’aire à battre le blé.


le cercle est l’aire à battre le blé

Aigavers

Aigavers, aigovers « ligne de partage des eaux ; arête d’une montagne » déja attesté en ancien occitan, qui avait crée aussi le verbe aigaversar « faire le partage des eaux ». Il y a quelques attestations du XIXe siècle et 146 sites (Google) en occitan moderne!

Dans le Compoix de Valleraugue (1625) la forme a été orthographié aiguevers, ce qui me semble une francisation. Etymologie aqua + versare ‘eau’ + ‘retourner’. En ancien béarnais: « l’augabes a la part d’Ossau et deu port d’Anolhaas » Voir le Dictionnaire de l’ occitan médiéval.


avec l aiguevers du Serre del col de Lunda

Aigo-saou

Aigo-saou « de la saumure et non pas de l’eau-sel... » corrige l ‘abbé de Sauvages.  Du latin aqua et sal « sel ».

Saou

Saou s.f. et français sel ont la même étymologie, latin sal qui est masculin ou parfois neutre. La différence entre saou et sel est que sel est masculin, tandis que saou est féminin L’occitan fait partie d’une grande zone qui comprend d’un côté le piémontais et le lombard ainsi que le roumain et de l’autre le catalan et l’espagnol. Le masculin se retrouve en portugais, italien et sarde. En latin sal était neutre ou masculin. La même racine indo-européenne sal- est à l’origine des formes germaniques, allemand Salz, anglais salt,néerlandais zout, grec halos etc. Saou trissa « sel fin » voir tris, trissa

Un tableau cubiste? non une saline de la Camargue !

Trissa; tris

Trissar « piler, broyer, fouler aux pieds » voir tris ci-dessous.

Trisson, trissou(n), trissadou (S) « pilon du mortier »; estrissar « broyer, écraser les mottes de terre ». Composé : trisso-moutos « maillet pour émotter », ancien occitan atruissar « opprimer moralement ». Il y a quelques attestations du dérivé trissouiro, trissadouiro(s) avec le sens « dents ».

Tris, trissa adj. « pilé, broyé », saou trisso « sel fin », est un dérivé du verbe trissa « piler, broyer » issu du latin *tritiare « frotter, piler, broyer ». Les représentants de *tritiare se trouvent en espagnol triza, hacer trizas « casser en mille morceaux », catalan estrijolar
« broyer »,  en occitan et dans l’Est de la Galloromania jusqu’en Champagne et les Ardennes. Le -ss- dans beaucoup de formes galloromanes doivent s’expliquer par une assimilation à l’adjectif tris.
D’autres mots qui ont la même origine : trissou(n), trissado, (etc. cf. Thesoc) « pilon, mortier », trissadouiros « les dents » à Marseille, trissagi « action de piler »; un composé en Dauphiné: trisso-krousto « un gros mangeur ».

Voir aussi le verbe triar « trier, choisir » et trida adj. « arable, meuble ».

Français triturer < latin triturare est un emprunt du XVIe s. au latin classique.

Aigo boulido

Aigo boulido « potage à l’ail » SeguierIDu latin aqua « eau »  + le participe passé de l’occitan bolir du latin bullire « bouillir ». Il ne m’est pas clair pourquoi l’aigo boulido désigne uniquement le potage à l’ail. Dans l’Aveyron lo boulido étaient des « aliments grossiers, fruits etc. qu’on fait cuire pour les pourceaux ».

Ailleurs  c’est une « Soupe préventive et curative contre la gueule de bois, les lendemains de fêtes. », c’est-à-dire après avoir négligé le conseil de Maître Dufour, voir ci-dessus aigarden!
En Provence il y a un  dicton : « L’aigo-boulido sauvo la vido »

Cartagène

Cartagène «mélange de moût de raisin et d’alcool ». Etymologie: du nom de la ville Cartgena dans la province Murcia en Espagne. Il remplace le mot calabre, qui n’existe plus, mais qui d’après Mistral avait exactement ce sens. Un vigneron du coin  m’a appris que la cartagène est faite  comme on faisait le calabre.

Comme il y a des controverses sur l’orthographe du mot : cartagène ou carthagène, l’origine  du  nom  du  produit peut nous éclairer.

Mistral

Entre 1860 et 1870 il y a eu beaucoup de contacts entre le Félibrige et la  Catalogne. En 1867 Victor Balaguer trouve refuge politique en Provence. Pour remercier les félibres provençaux, les
félibres Catalans leur offrent la Coupo Santo qui représente deux sœurs,  la Catalogne et la Provence.  Frédéric Mistral chantera en leur honneur la Cansoun de la Coupo (= ) lors d’un banquet en Avignon le 30 juillet 1867. La Coupo Santo est  devenu l’hymne régional du pays d’oc,.

Prouvençau, veici la Coupo
Que nous vèn di Catalan

En catalan existe le verbe calabriar « couper le vin ». Calabriar a dû être un mot péjoratif car déjà au 17e siècle, il y avait en Espagne  la croyance populaire que Judas, le traître, était un  Calabrese. Un calabrese était un traître ou un bandit.  Le mot calabre avait le sens «vin coupé ».   Déjà à l’époque les lois du marketing s’imposaient.  Vin coupé n’est pas très vendeur. Le nom du produit a été changé à la fin du 19e siècle en  cartagène d’après le nom de la ville de Cartagena dans la province Murcia. Le mot cartagène s’écrit donc sans –h- parce que son origine est Cartagena.