cat-right

Estancar

Estancar « arrêter l’écoulement de l’eau, du sang, ; rendre imperméable etc. » voir tancar

Tanca-buòu

Tanca-buòu « bugrane », voir tancar

Tancar

Tancar v.n., v.r. « fermer avec une barre, boucher, arrêter » (A). En français régional tanqué « ressassié » (Lhubac); tanquer « se fixer, se placer, se caler » (And, qui ajoute « dans le milieu des boulistes une attitude de pieds joints, pieds fixés). En Camargue il y a des biou qui se tanquent, c’est-à-dire qui ont tendance à se tanquer dans les « angles » de la piste (suivez ce lien). A Sète « entrer en collision » tanquer contre un platane. (Covès).

Etymologie : Le latin connaissait l’expression aqua stans à l’accusatif aquam stantem « eau stagnante ». On suppose qu’un verbe *stanticare a été formé à partir de cette expression, avec le sens « arrêter l’écoulement de l’eau, du sang, etc. »qui a donné en ‘ancien occitan estancar « idem; rendre imperméable » (1300) et l’adjectif dérivé estanc « qui s’arrête » en parlant d’un écoulement de sang » (Béziers, 1300) . Ancien occitan estanca « écluse », provençal restanco « id; digue; morceau de bois qu’on place au travers du pétrin pour empêcher la pâte de s’étendre ». Un estanc est de l’eau stagnante, un étang. Anglais tank « réservoir, cuve, citerne; char (depuis 1915) a probablement la même origine.

Au XIIIe siècle le sens est devenu plus général (s’)estancar « (s’) arrêter ». Les attestations viennent surtout de l’occitan et du wallon. Comme celles du composé languedocien tanca-buòu « bugrane », également appelée « arrête-bœuf » (voir ci-dessous), qui se retrouve à 1000 km vers le nord, à Liège : stantche-boû et en italien stancabue.
Pour arrêter une branche pleine de fruits de s’incliner on utilise un estanc « étai, poteau » (aoc), dans l’Aveyron une estanco pour l’estonquà . Et quand on va destancà la porte, on va enlever la barre (Alès).
La notion « barre en bois  » prend le dessus dans ancien occitan tanc « chicot, écharde » (1220) « souche d’un arbre abattu » plus tard tanco « barre d’une porte » (S) ainsi que le verbe tancar « fermer la porte avec une barre » (XIIIe s.), « arrêter une roue avec une cale; enfoncer » et au figuré « attendre de pied ferme ». Nous voilà de retour chez les gros mangeurs qui sont tanqués  et les boulistes qui ont les pieds  tanqués!

En ce qui concerne la pétanque le  TLF écrit :

Mot d’orig. prov. Il vient de l’expr. pétanco «pied qui a la fonction d’une tanco, d’un pieu» (composé de «pied» et de tanco «étançon, pieu planté pour fixer quelque chose», du même radical que étancher*) d’où jouer à pétanque au sens propre «lancer sa boule le pied fixé au sol, sans prendre d’élan» (cf. BL.-W.4 et 5; FEW t.12, p.234a et 236b, note 11), déformé en jouer à la pétanque, peut-être à cause du bruit des boules de métal qui en se choquant «pètent» (DUPRÉ 1972). Le jeu passe pour avoir été créé à la Ciotat à Marseille en 1910, cf. l’inscription qui figure sur la plaque de la Ciotat: «C’est en l’an 1910 sur ce terrain que fut créé le Jeu de Pied-Tanqué». » (L ‘explication de Dupré, 1972, cité par le TLF  est de l’étymologie populaire ).

Il s’agit d’une interprétation « française ». Le panneau ci-dessus  prouve que le jeu s’appelle pied-tanqué.  Son nom vient du provençal « pèd tanco« , c’est-à-dire «  »pieds joints et fichés au sol », » au pluriel!

Cette miniature trouvée dans un site du CNRS montre que la pétanque  est bien plus ancienne!. Ou s’agit -t-il d’un autre  jeu de boules?

 
Il y en a un qui tanca.
Miniature trouvée dans un site du CNRS, magnifique!!. Cliquez ici ou sur l’image pour y aller!

Une autre attestation du jeu de boules: Au XVIe siècle, le 14 juillet 1592 le Consistoire protestant de Ganges a remonté les bretelles Jehan Olivié : Cest présenté Jehan Olivié. A esté censuré de avoir esté treuvé en jouant aux boules durant que le prêche se dicoict.

Tanca-buou « arrête-bœuf ». Bugrane (l’article en allemand est b

s’appelle ainsi parce que leurs racines traçantes font obstacle à la charrue, d’après Wiktionnaire. D’après Wikipedia allemand, les épines peuvent blesser le bétail aux pieds . Qui a raison?? Wikipedia italien donne: I nomi comuni tipo Arrestabue o Stancabue è inteso in quanto le spine di questa pianta non sono gradite da questi animali. Un altra versione ci dice invece che a causa del suo voluminoso ceppo radicale i buoi sotto l’aratro non poco faticavano quando il campo ne era infestato.

Autres langues

Catalan estancar « étancher », espagnol estancar « retenir, étancher; monopoliser un commerce (estanca « bureau de tabac) et portugais estancar « arrêter, fermer ». Le catalan connaît aussi les formes sans es- : tancar « fermer », tanca, tancada « se dit d’une personne inaccessible » etc. En italien stanco signifie « fatigué », un développement sémantique de effet > cause. Le même sens a existé en ancien occitan estanc (XIIIe) et en ancien français estanchier « tomber de fatigue ». Anglais to staunch « arrêter l’écoulement du sang » (1300) et breton stancguaff idem, ont été empruntés au français.
Pour les toponymes qui font partie de cette famille de mots voir Pegorier, s.v. Estan- (Oc), et Stang, Stankell (Breton)

Talos

Talos « imbécile, sot, maladroit » (Lhubac). J’ai retrouvé ce mot dans le Trésor de Mistral:

Voilà une évolution sémantique bien languedocienne. Le sens « imbécile, sot, maladroit » est pratiquement limité à notre région, à quelques exceptions béarnaises près. On perd un peu le Nord avec toutes ces significations données par Mistral. Même le FEW en a laissé traîner quelques-unes dans les volumes des Incognita.

Les Romains ont emprunté le mot thallus « tige verte; peut-être une tige de myrthe » au grec thallos. Il est resté en italien et espagnol tallo, en portugais talo « tige » et français talle « branche etc. » Nous le retrouvons dispersé dans tout le domaine gallo-roman.

     
tige de myrthe    el tallo

Dans le sud du domaine de la langue d’oïl et en occitan existe un dérivé talos avec le sens « morceau de bois qu’on attache au cou des bêtes pour les empêcher de vaguer ». Ensuite on fait la même chose avec les clefs actuellement surtout dans des hôtels. Les deux sens sont attestés e.a. à Castres. Je propose donc le mot talos pour français porte-clefs.


talos
et un talos usb

L’évolution sémantique dans notre région a dû être:

tige de bois > morceau de bois > bâton > bâton attaché au cou d’un animal > démarche maladroite d’un animal avec un bâton au cou > personne maladroite > imbécile. 

Les autres significations données par Mistral s’expliquent toutes à partir de ces différents stades. Pour Covès (Sète) talos est un adj. avec le sens « peu soigneux; qui a tendance à tout casser ce qu’il touche ».L’abbé de Sauvages donne en plus le dérivé taloussarié s.f. « bêtise, balourdise » et dans l’Aveyron la talouósso est un « vieux sabot ».

Beaucoup de renseignements complémentaires pour ceux qui comprennent le gascon, dans Lo blog deu Joan, trois pages, intitulées: faus-amics: talòs e talòs, talòssa e talòssa / talossa, pal e pau

Talh, tal

Talh s.m. »tranchant d’une lame » est dérivé du verbe talhar « tailler » qui  peut être un verbe réfléchi comme dans  se talhar lo det « se couper le doigt ». (cf.Lhubac). L’étymologie est probablement le verbe taliare « couper » qui n’est attesté qu’au VIe siècle, mais a dû exister bien avant, puisque le verbe se retrouve dans toutes les langues romanes. Le substantif talea « branche, scion, bâton, pieu » par contre se trouve bien dans le latin classique.

Lo talh « tranchant » est limité à l’occitan et quelques parlers franco-provcençaux dans l’Ain, l’Isère, l’Oisans et la Vallée d’Aoste. Lhubac donne la forme tal pour le fr.rég. de Gignac, une forme que nous retrouvons dans d’autres dictionnaires comme ceux d’Alès , de Toulouse, de Cahors, etc. Dans le Cantal tal est passé à tar, toujours avec le sens « tranchant ».

Déjà en ancien occitan lo talh, tal a aussi pris le sens « action de tailler, la coupe; coupure, blessure » et notamment en languedocien « morceau, partie ». Dans tout le domaine occitan on se taille des talhons et des talhous de fruits, de tarte ou de viande (cf.Lhubac et Champsaur).

Claude Achard m’envoie le commentaire suivant:

à propos du mot talh me revient l’expression qu’employait Albert Alliès, le fils de l’;érudit piscénois Albert-Paul Alliès. à propos d’un bon morceau, à table, il disait: èra al talh de galavard, qu’il traduisait: « était un morceau digne d’un gourmand » j’aurais plutôt dit « un talhon per galavard » mais alors ce serait peut-être interprété »un morceau pour goinfre » .
Amicalement

Parmi les nombreux autres dérivés de taliare j’ai choisi le tailhoro qui désigne dans les Alpes Maritimes « l’écharpe du maire »

Talan, talent

Talent, talan. L’expression occitane avé talen n’a pas du tout le même sens que le français« avoir du talent ».  Occitan talan; talen et français talent ont la même origine mais ils sont le résultat d’une  évolution différente. Le talent français est récent et littéraire, il date du XVIe siècle, alors que le ou la talen(t) occitan(e) est beaucoup plus ancien et signifie « désir, envie, faim », par exemple dans passa talent « souffrir de faim » (ancien et populaire). Lou pan à la dènt fa veni la talènt. (Le pain à la dent fait venir l’envie de manger). Mistral nous fournit une autre belle expression qui se dit d’un bon couple: quand l’un a talènt, l’autre dèu avé set. (l).

L’influence des Textes Sacrés, notamment de l’Evangile, dans l’évolution des langues occidentales a été très importante. L’histoire du mot talentum en est un bon exemple. Il a le sens « une somme d’argent » dans la Parabole des talents  » (Matthieu 25, 14-30). Très tôt ce sens concret a donné lieu à l’emploi au figuré « dons confiés par Dieu » dans les commentaires et les sermons. Ensuite, dans la vie quotidienne, en dehors de la religion, s’est développé le sens « état d’esprit » qu’on trouve déjà en ancien occitan dans la Chanson de Sainte Foy : talan, talantz « état d’esprit, intention, humeur », et dans le Testament de la reine de Navarre (1038, DuCange), en latin : …si venerit ad aliquam de meas filias in talentum Deo servire… (si une de mes filles aurait envie de servir Dieu).

En galloroman et ailleurs dans la Romania, en particulier dans les zones où les langues littéraires ont eu moins d’influence, le sens « état d’esprit, intention » a abouti à « désir, envie » qui existe encore par-ci par-là en Provence. Dans l’évolution ce sens abstrait devenait de plus en plus concret et aboutit à « désir de manger, faim » en Languedoc, en Gascogne et en Wallonie (voir à propos de cette répartition géographique la page Tablier). Il n’est pas impossible que ce  sens « appétit » a été emprunté au catalan où il est attesté dès le XIIIe siècle.

Le sens «  »pièce de monnaie » (voir ci-dessus à propos de l’Evangile) a abouti à « commerce, industrie, exploitation, par exemple dans le Tarn es en talant de bòrio « il exploite une ferme ».

La traduction de la Bible en français au XVIe siècle et l’étude du texte dans les milieux protestants rendent la Parabole des talents généralement connue, et à partir du début du XVIIe siècle, talent prend le sens de « capacité, habilité, supériorité dans un art, métier, etc. » ce qui fait disparaître les autres significations.

Dire que l’étymon est le grec talenton « plateau de balance, balance, poids; pièce de monnaie », emprunté par les Romains talentum > talantum « poids grec; une somme d’argent » n’explique pas grand chose. Pour comprendre le sens « désir; envie, faim » il faut suivre son évolution sémantique et savoir dans quels contextes il a été utilisé.

un talent  grec

Vous pouvez lire tous les commentaires notamment sur le toponyme Picotalen(t). de cet article ici :

Tais, taison

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Tais, taison « blaireau ». En Occitanie nous trouvons d’après le Thesoc deux types lexicologiques pour désigner le blaireau : 1) tais et son dérivé taison et 2) le type rabas (Aveyron et Lozère).

Tais représente le latin taxus « blaireau » , un emprunt aux langues germaniques: allemand Dachs, néerlandais das « blaireau ». Un Dachshund (anglais et allemand) est un teckel, deux mots de la même famille. Une taisnière devenue  tanière est le terrier d’un blaireau. Nous retrouvons le type taxus en Italie tasso et en rheto roman. Les Romains avaient un autre nom pour le blaireau, à savoir meles qui désignait aussi le « martre ». Comme ils importaient la graisse de blaireau de la Germania le mot germanique a remplacé meles. Pour les Romains la véritable « adeps taxonina » venait des pays germaniques, où on la trouve encore de nos jours (Dachsfett), comme en Kirghiztan. Utilisée contre les rhumatismes.

       
Ici un extrait des Elements de pharmacie.. de A. Baumé. Paris 1799.

La première attestation en occitan date de 1240. Aux départements donnés par le Thesoc, il faudra ajouter les Bouche-du-Rhône, le Gard, l’Hérault et la Creuse.

Le type taison qui vient du germanique *taxone, est répandu dans toute la Galloromania : ancien français taisson (1170) , ancien occitan taisson. Il est présent en franco-provençal, dans l’occitan de Die : teissou, teisson (Schook) jusqu’en Ariège et en gascon.

Du machisme dans le monde animal ? Dans beaucoup d’endroits on distingue deux type de  tais  ou taison : tais nas de can, taisson can,  tais cap de pòrc,  tais porquenc, tais nas de pòrc. Cela provient du fait que le museau du blaireau ressemble au museau d’un porc ou de certaines races de chien. En allemand on fait la même distinction entre Schweinedachs et Hundedachs. Cette distinction repose sur une opinion populaire qui veut que la viande du tais nas de pòrc est bonne à manger, mais la viande du tais nas de can a un mauvais goût. Cette opinion est encore vivante dans le Diois, où Han Schook a noté : « teisson; n’i a doàs menas : au nas de chin e au nas de caion que son melhor a minjar ». Cela provient du fait que le blaireau mâle vit en solitaire et est très propre, tandis que les femelles qui doivent s’occuper des petits ont beaucoup de mal à tenir leurs terriers propres et elles manquent cruellement d’aide au domicile.
(plus sur les blaireaux dans Wikipedia).

Tafanari, Fanny

Tafanari « fesse(s), cul  spécialement de Fanny (voir les règles de la pétanque)». Probablement emprunté à l’italien ou à l’espagnol. A Mâcon le tafanari  s’appelle tout court le fanny. A Lyon la forme prend un s- : stafanari. ce qui indique un emprunt récent.

     pour les collectionneurs : tafanari ou Fanny

J’ai surfé un peu en cherchant l’origine des mots Tafanari et Fanny et j’ai été surpris que tafanari se retrouve non seulement dans le sud de l’Italie à Cilento (note1) , mais aussi dans le Nord, à Milan et à Venise ainsi qu’en espagnol. L’auteur d’une liste des arabismes à Cilento écrit: « tafanario – s.m. deretano (= la parte posteriore del corpo; il sedere ) N460 ; sp. tafanario. » Comme étymologie il propose : arabe tafar + tafran  » qui n’a pas le sou » ; B.56 (note2) : tafran « homme malpropre. » Vedi S.(= voir S. =??) : tafnar ». Une autre source dit que tafanariu signifie « anus ».
Nous avons plusieurs propositions étymologiques pour tafanari :

  • 1) arabe tafar « croupière ».  Un visiteur m’écrit : « le mot arabe est thafar (th = th anglais dans thin) ». Leo Spitzer dans la Z 51(1931) p.296 émet des doutes pour deux raisons. D’abord pour une raison de principe. de recherche généralement admis. Il faut dans la mesure du possible expliquer l’histoire d’un mot en « interne », c’est-à-dire dans la langue de la région.  Secondo, dans le cas de tafario , cela suppose une dissimilation -r- / -r- > n- / -r- et en plus une dérivation avec un suffixe –ariu qui est plutôt savante.
  • 2) arabe tafar + tafran « qui n’a pas le sou ». Embrasser Fanny ou baiser Fanny n’est pas une récompense. Cela veut dire perdre une partie sans avoir marqué un seul point! un grand 0.
  • 3) D’après un dictionnaire italien, le Garzanti, tafanario est un dérivé de tafano « taon » à cause de l’habitude de ces insectes de piquer les postérieurs des quadrupèdes ». Alors tafano serait comme notre tavan et français taon. du latin tabanus. Spitzer penche pour cette étymologie donnée par Giuseppe Boerio dans son“ Dizionario del Dialetto Veneziano ” (Venise, 1856), s.v. tafanario. Celui-ci avait trouvé dans un vocabulaire sicilien le texte suivant : « Eo quod ibi confluant muscae tabani translate de hominis sede » . Le mot serait alors d’origine italienne pour des raisons d’ordre phonétique, parce que la forme tafano < latin tabanus ne s’est développé qu’en Italie.
  • 4)Dans le Diccionario de la Real academia española le mot tafanario est défini comme « nalgas« . Comme mon espagnol ne va pas jusque là, j’ai cherché la définition : « Chacune des parties charnues et rondes qui se trouvent entre le bout de la colonne vertébrale et le début des cuisses. » D’après le même vénérable dictionnaire l’étymologie de tafanario est antifonario (un dérivé de antífona) qui signifie : 1.livre des antiphones.      2. cul ou fesses, c’est-à-dire que antifonario c’est un synonyme de tafanario.
  • 5) Dans un autre site quelqu’un affirme que le mot arabe tafar signifie « fabricante y vendedor de lozas » (fabricant et vendeur de faïence) et non pas « croupière ». Difficile à vérifier pour moi.
  • 6) En catalan existe le verbe tafanejar  « fouiner, fureter dans des affaires de quelqu’un » et l’adjectif tafaner : d’origen incert, probablement alteració de tofoner, der. de tòfona, aplicat inicialment a persones o gossos cercadors de tòfones que furguen i ho remenen tot]. Et le tofona qui vient d’un « cat. ant. tòfera,1507; ll. dial. *tufara, ll.latin cl. tubera, pl. de tuber c’est notre truffe.

    

tafanario ………………………. et ………………………….. antifonarios (espagnol)

Etymologie. Je suis le plus séduit par la proposition du Diccionario de la Real academia española. Je vois bien un Espagnol dire à un copain: « siéntate en tu antifonario »,  pas seulement parce qu’un antifonario est un gros recueil des chants liturgiques ennuyeux et répétitifs mais parce que les antiphones sont chantés par deux choeurs, alternativement. Dans le TLF antiphone est défini comme : Psaume ou chant d’église exécuté en alternance par deux chœurs, l’un disant les versets, l’autre répondant par une antienne.

Amando de Miguel dans une rubrique Frases y palabras du 26 mai 2006 soutient cette  explication: « África Marteache quiere saber el significado de tafanario. Como ella misma indica, es una variante jocosa de lo que por otros nombres es el culo, las asentaderas, las nalgas, el trasero, el pompis, el culete. Tafanario es una corrupción de « antifonario« , un libro de regulares dimensiones que figura en el coro de las catedrales, donde se recogen los textos de las antífonas o cantos rituales. Quizá sea la magnitud del objeto y sobre todo su índole ( caractère solennel) solemne y sagrada lo que determina que, por antífrasis, se pueda aplicar al culo. Recuérdese una expresión que recoge ese mismo juego de la antífrasis: « confundir el culo con las témporas ».(confondre le cul et les quatre-temps = chacune des quatre périodes (au début de chaque saison) qui dans l’année liturgique comporte trois jours de jeune et de prière).

Quelle histoire est la plus probable?  la proposition de Giuseppe Boerio, suivi du dictionnaire Garzanti, qui le rattache à tabanus ?. Mais il faudra mieux connaître l’histoire du mot et surtout les dates des attestations dans les parlers italiens. Une origine sicilienne n’exclut pas l’étymon arabe thafar « croupière ». En ce qui concerne le mot espagnol antifonario il faudrait également savoir depuis quand il est utilisé pour désigner las nalgas.

Michel Wienin ajoute une attestation de l’Algérie:

TAFANARI           :              Ouï du Gard, c’est du provençal/marseillais même si le mot est connu un peu partout. C’est aussi du « pied noir », au moins de l’est de l’Algérie d’où la famille de ma femme est originaire (donc probablement d’origine italienne). Pourquoi ne pas relier ce mot au corse tafonu (trou)… ? etc. Le popotin, c’est bien l’emballage du trou du cul.

1) NIGRO, M., Dizionario Etimologico del Dialetto Cilentano. Centro Grafico Meridionale, Agropoli, 1990.

2) BELOT, J.B., Dictionnaire Al-Fared Arabe-Francais. Librarie Orientale, Beyreuth, 1964. tafar est suivi de la réf. B. 452; tafran de B56.

Dejuna

Dejuna « prendre le repas du matin ».  Voir l’article  sopar

L’abbé de Sauvages orthographie dejhuna et il ajoute : signifie dans quelques endroits du haut Languedoc « jeûner » comme en italien digiunare. J’ajoute comme le catalan dejù, dejuna « à jeun » et le verbe dejunar « jeûner ». Dans la deuxième édition il ajoute le mot dejhu « à jeun » et deux formes qu’il qualifie de « vieux languedocien » deiuns « à jeun » et deiunar « jeûner ».

Le FEW explique la forme dejhuna du latin jejunare par une évolution phonétique spéciale : la dissimulation où le premier j- est devenu d-. Le maintien de ce mot dans le haut Languedoc s’explique par l’éloignement de cette région de l’influence de la langue nationale.

Sopar, dinar, dejunar

Sopar verbe »prendre le repas du soir »; subst. « le repas du soir ». dinar, dinnar « prendre le repas principal de la journée, à midi ». dejuna (prononcez dédžuna) « prendre le repas du matin, en français ‘le petit déjeuner’. Pour l’étymologie voir le TLF soupe,du germanique *suppa « pain trempé », déjeuner et dîner  tous les deux du latin *disjejunare « rompre le jeun ».

Les formes occitanes et françaises sont presque identiques , mais les sens sont différents. Ce qu’on appelle des faux amis. Leurs histoires sont liées, ce qui m’incite à les traiter ensemble et de jeter un coup d’oeil chez nos voisins européens, pour voir ce qui est arrivé chez eux.

En surfant sur le web, vous trouverez de nombreux sites( 1 ; 2 ; 3 ; 4 ) qui décrivent et expliquent les changements de sens en français de l’étymon disjejunare « rompre le jeûne » qui évolue du repas du matin vers le repas principal de la journée pris à midi, puis le soir. En 1993 a paru un article de J.L.Flandrin Les heures du repas dans : Le Temps de manger : Alimentation, emploi du temps et rythmes sociaux de Maurice Aymard , Claude Grignon et , Françoise Sabban dont vous pouvez consulter des extraits (Google, livres), notamment les p.221 ss.

Les noms et les heures des repas en occitan ou en français régional n’ont pas subi le même décalage qu’en français. Au Canada également les trois repas sont le dejeuner, le diner et le souper. En 1756, l’abbé de Sauvages dit qu’en français je ne déjeune jamais le matin est un pléonasme comme dire je ne soupe jamais le soir , puisque le soir on mange la sopa.

Sopa est un mot  d’origine germanique : *suppa « pain trempé » déja attesté en ancien occitan:  sopa « tranche de pain sur lequel on verse le bouillon », sens conservé en catalan sopa « morceau de pain dans du bouillon ». Le mot existe également en néerlandais soppen « tremper », sop « jus, liquide; sauce »; sopbrood « trempette »; zeepsop « lessive », etc. En anglais sop « trempette » et le verbe to sop « tremper » l’adverbe soppy « très mouillé; > sentimental » milksop « une personne faible et inefficace » littéralement « trempé dans le lait » et le verbe to sup , a sup « une gorgée » font partie de la même famille de mots. En italien  zuppa  et zuppare « verser le bouillon sur des morceaux de pain » et inzuppare « tremper le pain dans la zuppa. !

La différence entre la soupe et le potage est justement que dans la soupe on trempe le pain. et de nos jours plein de bonnes choses. Une bonne soupe est un repas complet, tandisqu’un potage est un plat d’introduction. Sopa donne par conséquent le verbe sopar.

   
soupe                             potage

Autrefois tremper le pain était une nécessité! Quand je faisais mes enquêtes dialectales en Vallée d’Aoste dans les années ’60, mes informateurs m’offraient régulièrement du pain typique de la région, du Pan Ner c’est-à-dire du pain noir cuit dans le four communal, une ou deux fois par an et qui se conservait pendant des mois sur des rateliers. Il était dur comme un caillou. Il fallait bien le tremper.

Suivez le lien: Le pain du Val d’Aoste – Un pain noir original, parfumé, savoureux et bon pour la santé.

Les noms des repas dans les langues européennes

(Eine Übersetzung finden Sie hier)

 

 Langues
Repas du matin
Repas de midi
Repas du soir
Repas tard le soir
Autres repas
Occitan dejunar dinna(r) sopa cena saqueta; tuga-vèrme etc.
Catalan desdejuni dinar sopar cena
Français petit déjeuner déjeuner dîner souper casse-croûte; goûter; collation
Italien prima colazione pranzo; colazione cena cena spuntino; zuppa
Espagnol desayuno almuerzo; comida cena; comida cena tentempié
Portugais pequeno almoço almoço jantar cena refeição ligeira
Allemand Frühstück Mittagessen; Imbiss Abendessen; Abendbrot Abendessen Imbiss
Néerlandais ontbijt middagmaal; noenmaal (Flamand) avondeten; diner (chique) souper (chique) hapje
Anglais breakfast lunch dinner supper snack

Ci-dessous j’ai groupé les différents types étymologiques  des noms.

  • Le type « rompre le jeûne » : occitan et français déjeuner , dîner; anglais breakfast (break « casser », fast « jeûne »), dinner; espagnol desayuno; portugais jantar (étymologie du latin jantare, jentare « prendre le petit déjeuner », de la famille jejunus « jeun »). Un peu éloigné sémantiquement: portugais refeição littéralement « réfection », comme français restaurant.
  • Le type qui fait référence au contenu du repas : sopa, souper, supper (« tremper »); allemand Abendbrot (Brot « pain »); anglais lunch (voir ci-dessous); français casse croûte.
  • Le type qui fait référence à la quantité : petit déjeuner; pequeno almoço
  • Le type qui fait référence au moment de la journée: italien prima (colazione); allemand Früstück (früh « tôt) Abendessen ; néerl. avondeten (Abend, avond « soir »), allemand Mittagessen (Mittag « la moitié de la journée) ; anglais lunch une abréviation de luncheon attesté en 1580, nonechenche composé de none + le mot espagnol lonja « une tranche(de pain) ». None est la neuvième heure de la journée; comme en flamand noenmaal (maal « moment »); italien pranzo du latin prandium « premier repas ». Cena fait allusion au dernier repas du Christ, le soir, mais il semble que le mot latin cena dérive d’une racine dont le sens principal est « couper ».
  • Le type qui fait référence à l’activité « manger« : espagnol comida ( com + edere); allemand -essen; néerlandais -eten et italien pranzo du latin prandium qui semble être composé avec le verbe edere « manger ».
  • Le type qui fait référence à une activité faite pendant le repas: italien colazione, français collation Emprunt au latin chrétien collatio « conférence, entretien, discussion », « réunion de moines, conférence faite aux moines » , spécialement la lecture faite aux moines pendant le repas.
  • Le type qui m’a étonné le plus et qu’on trouve dans les deux familles de langues, fait référence à la manière de manger : 1) « mordre »: espagnol almuerzo, portugais almoço (du latin morsus) mais aussi néerlandais ontbijt et allemand Imbiss (bijten, bissen = « mordre) qu’on peut traduire maintenant par snack, casse croûte. ; casse croûte; anglais snack dérivé du verbe to snack « mordre; casser », un emprunt au moyen néerlandais snacken ‘mordre gouluement’ ; (> snakken « aspirer bryamment »); néerlandais hapje du verbe happen « mordre »; Italien spuntino « snack », littéralement « taille d’un pointe ». 2) « déguster » : Français goûter, espagnol tentempie « déguster debout, littéralement « tenter à pied ».
  • Très original est le témoin de St. André de Valborgne (Gard) qui a traduit : « prendre le petit déjeuner » > tuar lo vèrm.… »tuer le ver », .si on boit un coup de gnole (ALLOr-1171)